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Full text of "Bulletin de l'Acadmie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique."

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BULLETINS 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


DES 


LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


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BULLETINS 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE 


SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS 


DE BELGIQUE. 


TOME XXHII. — Ilre PARTIE. —1856. 


BRUXELLES, 


M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 


1856. 


BULLETIN 
DE 
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1856 2 No 7. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 5 juillet 1856. 


M. GLUGE, vice-directeur. 
M. À. QueTeLET, secrélaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Wes- 
mael, Martens, Kickx, Stas, De Koninck, Ad. De Vaux, de 
Selys- Longchamps, le vicomte Du Bus, Nerenburger, 
Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, membres; Schwann, 
Lacordaire, associés ; Ern. Quetelet, d'Udekem, corres- 
pondants. 

M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste 
à la séance. 

Tone xx, — 1Ï part, Î 


(2) 


CORRESPONDANCE. 


M. le Secrétaire perpétuel fait connaître qu'il a reçu la 
lettre suivante de M. le Ministre de l’intérieur : 

« Les jurys qui ont été instilués depuis 1850 pour dé- 
cerner les prix quinquennaux, ont sans doute consigné 
dans des procès-verbaux les résultats de leurs délibéra- 
tions. Je pense que ces documents, auxquels les jurys fu- 
turs voudraient pouvoir recourir, devraient être déposés 
dans les archives de l’Académie. 

» Je vous prie, en conséquence, Monsieur, de prendre 
les mesures nécessaires pour que ce vœu soit rempli. 
Comme les présidents et les secrétaires des divers jurys 
qui se sont succédé depuis 4850, appartiennent à l’Aca- 
démie, 1l vous sera facile d'obtenir les procès-verbaux 
dont vous ne seriez pas encore dépositaire. » 


— L'Académie palermitaine et la Société littéraire et 
philosophique de Manchester remereient l’Académie pour 
l'envoi de ses publications. 

L'Académie Léopoldo-Caroline des Curieux de la Nature 
de Bonn fait parvenir dix-sept volumes de ses mémoires. 

La Société de l’histoire et des beaux-arts de la Flandre 
maritime de France, établie à Bergues, département du 
Nord, donne connaissance de sa fondation et du désir 
qu'elle aurait d'entrer en relation avec l’Académie. 

Il sera répondu que ces offres sont acceptées avec plaisir. 


— M. De Hoon fait parvenir les observations météoro- 


(3) 
logiques qu'il a faites à Furnes, pendant les mois d'avril, 
mai et Juin. | 


— M. d'Udekem, correspondant de l'Académie, pré- 
sente des recherches sur le développement des infusoires. 
(Commissaires : MM. Schwann et Gluge.) 


es 


RAPPORTS. 


Sur des vers recueillis a la suite d’une pluie; par M. Van 
Beneden, membre de la classe. 


Ne pouvant me rendre à la séance prochaine de l’Aca- 
démie, j'ai l'honneur de faire parvenir à la classe les ob- 
servations suivantes au sujet des vers qui lui ont été 
adressés de la part de M. de Robiano, et sur lesquels elle 
a désiré avoir mon avis. 

Ces vers n’ont rien de commun avec des Cestoides ou des 
Tenia ; mais, tout en vivant librement dans les jardins , 
sur les plates-bandes, et quelquefois sur des feuilles d’ar- 
bustes, ils ne sont pas moins parasites pendant la pre- 
mière phase de leur développement. 

Ils sont connus sous le nom de Mermis nigrescens et for- 
ment une sous-division des dragonneaux (Gordius). 

Ce sont des Nématoïdes à tube digestif incomplet. Ils 
établissent le passage entre les Nématoïdes franchement 
parasites, à toutes les époques de la vie, comme les Asca- 
rides et les Nématoïdes libres (fluviatiles ou marins), qui 
ne vivent jamais aux dépens d'un patron. 


C4) 

Les Mermis habitent, comme les Gordius, la cavité du 
corps d’un insecte ou quelquefois d’un mollusque, et, 
quand ils approchent de leur développement complet, ils 
quittent leur patron et vivent quelque temps dans la terre 
humide ou dans une flaque d’eau, pour répandre à la fin 
leurs œufs. 

M. von Sieboldt a vu pénétrer ces jeunes vers dans le 
corps des insectes. Ils portent un dard à la tête dans le 
jeune âge pour perforer un tissu. 

Ce sont les mêmes vers dont il a été question, il y a trois 
ans, au sujet d’une pluie de vers qui avait eu lieu à Louvain 
et dont 1l est fait mention dans le tome XX de nos Bulletins. 

Tous ces vers étaient femelles. 

Le mâle est encore inconnu. 


— M. Schaar présente quelques observations sur deux . 
mémoires de M. Meyer qu'il a encore entre les mains, et 
sur le mémoire du même auteur dont 1l a parlé dans la 
séance précédente; il désire ne présenter ses conclusions 
que dans la prochaine réunion de la classe. 

Cette demande est admise. 


| 


Note sur les tremblements de terre ressentis en 1855, avec 
les Suppléments pour les années antérieures ; par M. Alexis 
Perrey, professeur à la Faculté des sciences de Dijon. 

HBapport de M. Quetelet. 


« L'Académie, depuis plusieurs années, publie, pério- 
diquement les dates des tremblements de terre qui se 


(a) 

font ressentir à la surface du globe. Ces indications pré- 
cieuses par les relations qu’elles ont avec celles d’autres 
phénomènes de même nature, sont dues à un savant qui 
s’est uniquement occupé de leur étude; on conçoit facile- 
ment qu'elles conduisent à une appréciation plus appro- 
fondie des grands phénomènes de la nature, appréciation 
qui nous manquait encore, à cause de l'isolement dans 
lequel on laissait chaque branche des connaissances hu- 
maines. Notre Académie, par sa tendance, aura puissam- 
ment contribué à produire ce travail de généralisation 
dans la science; elle doit done présenter tout son appui 
aux physiciens qui l’aideront à atteindre le but qu’elle se 
propose. 

On conçoit qu'il m'est impossible de présenter ici une 
analyse des documents que M. Alexis Perrey soumet à 
notre appréciation. J'avais à parler principalement de 
l'esprit dans lequel est composé cette espèce de catalo- 
gue, dont on appréciera chaque jour davantage l’utilité; je 
demsnderai done à l’Académie d'insérer, dans son pro- 
chain Bulletin, l'écrit du savant français, comme elle y a 
inséré les catalogues des tremblements de terre pendant 
les années précédentes. » 


Ces conclusions, adoptées par M. Duprez, second com- 
missaire, sont admises par la classe. 


(6) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


re 


Additions à la Récapitulation des hybrides observés dans la 
famille des Anatidées (voy.t. XIT, n°10, p. 555, des Bul- 
letins de l’Académie, 1845); par M. de Selys-Longchamps, 
membre de l’Académie. 


En 1845, j'ai signalé vingt-cinq croisements différents 
dans la famille des Anatidées, la plupart complétement 
authentiques, mais quatre ou cinq douteux. 

J'ai continué depuis de recueillir des renseignements 
sur ces hybrides; le nombre des croisements se trouve 
porté à une quarantaine, par suite de addition d’une quin- 
zaine de nouveaux cas. 

Je profite de l’occasion, pour produire des additions ou 
des rectifications aux faits que j'ai publiés en 1845. 

Parmi les quinze nouveaux hybrides, 1l y en à dix que 
j'ai observés moi-même en Belgique; ou pendant mes ex- 
cursions en Hollande, en France et en Angleterre. Les 
autres sont mentionnés d'après différents auteurs. 

Je suis de plus en plus porté à crñire que la plupart des 
espèces d’Anatidées sont propres à produire des hybrides 
entre elles, lorsqu'elles sont confinées en domesticité, et 
qu'il n’y a pas, entre le couple, une trop grande dispro- 
portion de taille. 

Aux notes théoriques de ma première notice, j'aurais pu 
joindre la conclusion des recherches de M. Is. Geoffroy 
S'-Hilaire, relativement aux hybrides parmi les mammifères 
(1826), conclusion qui se rapporte très-bien, comme il la 


(3 
dit plus tard, aux hybrides entre les espèces différentes de 
Faisans et aux mélanges (métis) entre de simples varietés 
de Poules : 

« 4° Le produit de deux individus d'espèces différentes, 
présente généralement des caractères constants, fixes, et 
qui sont en partie ceux du père, en partie ceux de la 
mère; » (J’ajoute : ils sont presque toujours stériles.) 

« 2 Au contraire, le produit du croisement de deux 
variétés de la même espèce, tient souvent de l’une ou de 
l’autre, mais souvent aussi ressemble entièrement à l’un 
des individus qui lui ont donné naissance; » (Ajoutons 
qu’ils sont féconds.) 

Ces principes sont Justes, en effet, pour les croisements 
de la famille des Anatidées, pourvu que l'on n’attache pas 
un sens trop absolu aux mots caractères constants, fixes, 
sur lesquels je me suis expliqué dans la notice citée. 

L'étude des hybrides éclaire la question de l’espèce en 
zoologie; les résultats que j'ai eu à noter concordent avec 
les principes généraux admis par les naturalistes qui aflir- 
ment l’existence des espèces. Si quelques hybrides se sont 
montrés exceptionnellement féconds, soit entre eux, soit 
avec l’une des espèces qui les avait procréés, ces produits 
ont tendu à s’éteindre; mais quelques-uns d’entre eux ont 
donné le curieux spectacle d’un croisement avec une troi- 
sième espèce, de sorte que nous avons vu un produit de 
second croisement qui s'analysait ainsi : 


re es nat Anas boschas. : . . . 1) 
ë Et Anas strepera . . . |, | 
| nas boschas he, 1) 
Er Anas:Strepéra il eutlss 1. 
| 


Et Anas penelope . . . 


res 


(8) 


PREMIÈRE PARTIE. 


Je commencerai par signaler les croisements qui ne 
sont pas mentionnés dans la Récapitulalion, puis je don- 
nerai les additions et corrections pour ceux qui s'y trou- 
vent déjà enregistrés : j'en étais resté au n° 25. 


26. Cyenus aTRATUS (0") el Cyenus oLor (0). 


Cygne noir et Cygne olor. 


Je trouve une note précieuse sur cet hybride, dans les 
Proceedings de la Société zoologique de Londres, du 22 juin 
4847, par M. Maurice Glencon, directeur du pare du 
comte de Shannon; en voici la traduction : 

« À Castle Martyr, comté de Cork, sur les eaux du 
domaine du comte de Shannon, en 1845, un mâle de 
cygne noir s’accoupla avec une femelle de cygne blanc 
ordinaire, qui pondit six œufs dont quatre réussirent. 

> Avant que les petits eussent atteint l’âge de six mois, 
trois d'entre eux moururent; celui qui subsista est presque 
comme Îe cygne noir, son père, quant à la tête, mais il 
ressemble au cygne blanc par le eorps. Il vit en société 
avec les autres cygnes de ces deux espèces. 

» L'observation a été constatée avec exactitude dès 
l'origine. 

» Cet hybride S'accoupla ensuite avec son père, et pon- 
dit quatre œufs, qui ne produisirent rien. » 

Je remarquerai ici, comme pour le croisement de 
l’Anser cinereus avec la femelle du canadensis, que la mère 
a donné la presque totalité de son plumage au produit 
hybride. 


(5) 


27. Csenus o1or (o°) ef ANSER CINEREUS (©). 


Cygne olor et Ote cendrée. 


M. Samuel Morton (1) le cite d’après Frédéric Cuvier. 
N'y aurait-il pas ici double emploi avec l’hybride du Cygnus 
musicus et de l'Anser cinereus, dont j'ai parlé (n° 2) et qui 
a été observé au Jardin des plantes de Paris? J'ai lieu de le 
supposer. Reste à savoir quelle est la version exacte, et si 
même il y a eu réellement produit entre un cygne et une 
oie grise. Je serais, pour mon compte, beaucoup plus 
porté à croire à un croisement entre les cygnes et l’Anser 
canadensis, qui participe notablement des cygnes par ses 
lormes comme par ses mœurs, et que j'ai vu fréquem- 
ment chez moi quitter les associations d'oies domesti- 
ques, pour suivre, sur nos étangs, soit le cygne chan- 
teur, soit l'olor. 


28. BERNICLA BRENTA (o"?) et BerNicLa LEUcorsIs (0 ?). 


Bernache cravant et Bernache à face blanche. 


Taille de la leucopsis. Il en diffère surtout, en ce que le 
devant de la tête n’est pas blane. Celle-ci et le cou sont 
noirs , excepté une tache blanche oblongue de chaque côté 
sur les joues. Cette tache commence après la mandibule 
inférieure du bec, sans la toucher; elle joint le dessous de 
l'œil et atteint la région des oreilles. L'oiseau diffère encore 


(1) Zybridity in Animals ; considered in reference to the question of 
the unity of the human species ; by Samuel Morton M. D. (The american 
Journal of science and arts. Silliman. Mars 1847. — Pars II, Birds. Contin. 
from. p. 50., of the same volume. J'aurai plusieurs fois à citer ce mémoire 
important. 


(10 ) 

de la leucopsis par les cuisses, qui sont noirâtres ainsi que la 
partie postérieure des flancs. Le dos est un peu plus obscur, 
mais on y voit encore des ondulations d’un cendré pur, et 
non couleur de suie, comme chez l’hybride de la leucopsis 
et de l’albifrons. Il va sans dire que les pieds sont noirs. 

Je n’ai jamais entendu dire que la Bernicla se fût repro- 
duite en domesticité; d’après cela, je pense que ces métis 
sont nés d’une leucopsis femelle, cette dernière couvant 
facilement dans les parcs. 

J'ai décrit cet oiseau d’après un exemplaire empaillé au 
Jardin zoologique d'Amsterdam. 11 provenait de Groe- 
ningue (Pays-Bas). 


20, ANSER CYGNOÏDES ef ANSER PALLIPES. 
Oie cygne et Oie à pieds pâles. 


Avant de parler de cet hybride, il est nécessaire de pré- 
venir que j'ai déerit, en 4855, dans la Naumannia, une 
espèce nouvelle sous le nom d’Anser pallipes. 

Cette oïe est domestique en Hollande, d'où les mar- 
chands la portent souvent en Belgique; elle ressemble 
beaucoup à l’Anser albifrons (erythropus pars L.). Voici en 
quoi elle en diffère : 

4° Les pieds sont d’un rose pâle (jaune safrané chez 
l’albifrons) ; 

2 Le dessous du corps est blanc (poitrine et ventre 
barrés de noir chez l’albifrons adulte) ; 

5° Le blanc du front descend plus largement à l'origine 
de la mandibule inférieure, et se retrouve au-dessous de 
celle-ci; 

4° Le cri ressemble à un long éclat de rire (celui de 
l'albifrons rappelle, au contraire, le cri d'appel de PAnser 
segelum). 


(11) 

M. Schlegel a nommé cette oie Anser albifrons, race 
roseipes , aussi dans le même numéro de la Naumannia. Je 
ne sais lequel des deux noms a la priorité. 

Quant aux hybrides avec la cygnoïdes, je les connais 
par des exemplaires que je dois à l’obligeance de M. le 
vicomte Félix de Spoelbergh , de Lovenjoul. Leur plumage 
ressemble plutôt à celui du cygnoïdes par la bande brune 
du dessus du cou et par la nuance gris assez clair d’une 
partie des grandes couvertures des ailes. Le bec varie, mais 
rappelle plutôt celui du pallipes par la couleur de chair 
qui y domine (excepté une tache jaune à l’arête), l'onglet 
blanc ou à moitié blanc, l’absence de tubercule frontal, 
le front et une tache sous le bec blancs. 

L’un des exemplaires, qui est un mâle de forte taille, 
a les bords du bec et les narines finement noirs, et l’onglet 
noir traversé de blanc. 

Les autres ont une sorte de ceinturon blanc sur le gris 
du bas de la poitrine, comme cela se voit souvent chez le 
cygnoides. Le bec n’a pas de noir. Les pieds sont jaune 
safrané, comme le cygnoïdes, dont ces oiseaux ont la sta- 
ture, la manière de nager avec le croupion relevé, un 
cri d'appel très-analogue. 

Cet hybride est fécond, tout au moins en se croisant de 
nouveau avec l'Anser pallipes pur. Parmi les petits que j'ai 
obtenus ainsi, les uns ressemblaient tout à fait au père 
hybride que J'ai déerit d’abord; les autres étaient sembla- 
bles au pallipes par le bec sans noir, et les pieds roses. [ls 
ven différaient alors que par une taille un peu plus forte et 
le plumage un peu plus clair, la moitié externe des grandes 
couvertures des ailes étant d’un gris brun plus clair, ainsi 
que les grandes bordures des scapulaires, du dos et des 
flancs. Ces exemplaires avaient donc °/: du pallipes et ‘la 
du cygnoïdes. 


(12) 


50. ANSER CINEREUS 6f ÂNSER SEGETUM. 
Oîie cendrée et Oie des moissons. 


J'ai indiqué (n° 12 de ma Récapitulation) le produit de 
l’oie cendrée sauvage avec les individus domestiques, en 
faisant remarquer que nos races de basse-cour diffèrent 
généralement du type sauvage par leurs pieds presque tou- 
jours jaune orangé, ce qui porte à présumer que l’Anser 
albifrons ou le segetum ont concouru à la formation des 
races domestiques. 

Depuis ce temps, le Jardin zoologique de Londres à 
obtenu un second croisement de ces métis, qui ont produit 
un hybride en s'accouplant avec l’Anser segetum ou l'ar- 
vensis. Le bec de ces oiseaux est moins élevé que celui du 
cinereus, et il est plus ou moins marqué de noir, surtout 
à l'onglet. 

Il est bon de faire remarquer qu’en 1851 je ne connais- 
sais pas encore la distinction des deux races ou espèces 
Anser arvensis et segelum de Naumann, de sorte que je ne 
sais pas au juste laquelle des deux se trouvait au Jardin 
zoologique de Londres. 


31. ANSER ARVENSIS ۃ ANSER PALLIPES. 
Oie des champs et Oie à pieds pûles. 
M. de Spoelbergh me communique qu'on a obtenu ce 
produit à Lovenjoul. Je ne l'ai pas vu. 
02. ANAS BOSCHAS €{ ANAS OBSCURA. 


Canard sauvage et Canard obscur. 


Mentionné par M. Morton (I. c.). Cet hybride a été ob- 
servé aux Etats-Unis, où l’Anas obscura vit à l'état sauvage. 


(15) 
D3. ANAS BOSCHAS ۃ ANAS STREPERA. 


Canard sauvage et Canard chipeau. 


J'ai vu ce produit au zoological Garden en 1851. 


54. Le même que le n° 55, mais croisé de nouveau avec 
l’'ANAS PENELOPE (Canard siffleur). 


Un des hybrides (n° 33) s'étant accouplé avec un Canard 
siffleur, l'union a été féconde; il en est résulté un oiseau 
dans la formation duquel l’Anas penelope entre pour moitié, 
et les Anas boschas et strepera chacun pour un quart. Ce 
mélange de trois espèces si distinctes qu’on a voulu en faire 
trois genres, est un fail unique, à ma connaissance du 
moins, la fécondité des hybrides étant déjà très-exception- 
nelle. 


39. ANAS BOSCHAS (o*) eé FULIGULA RUFITORQUES (9). 
Canard sauvage et Plongeur à collier roux. 

Observé aux États-Unis par M. Morton (1. c.). On sait 
que le F. rufitorques y remplace, en quelque sorte, Île 
F, cristata d'Europe. 

96, ANAS PENELOPE @{ ANAS ACUTA. 

Canard siffleur et Canard pilet. 
Hybride signalé par Selby et rappelé par M. Morton 
(1. c.). 

97. ANAS BOSCIIAS € ANAS CRECCA. 

Canard sauvage et Canard crèque. 


Un sujet mâle se voit au Muséum de Paris. La lête est 
verte, le vertex, l'occiput roux; la poitrine marron; Îles 


(RE) 
flancs et le dos gris vermiculés de noir; le miroir des ailes 
vert, grand; la queue comme le Boschas, mais sans rec- 
trices médianes recourbées. 


38. ANAS BOSCHAS @É ÂNAS SPONSA. 


Canard sauvage et Canard fiancée. 


Ressemble au n° 57, mais il n’y a pas de roux au vertex 
ni de blanc au croupion. Le bec est plus court. 
Il est également conservé au Muséum de Paris. 


59. RayxcHASPIS CLYPEATA 6 ANAS ACUTA ? 


Souchei spatule et Canard pilet. 


Mâle : Bec dans le genre du clypeata, mais moins large. 
Tête de même, mais le dessus entre les yeux sans reflet 
vert; les joues, la gorge et les côtés du cou blancs, un peu 
pointillés de noir, région des oreilles et nuque vert foncé; 
bas du cou et poitrine marron vermiculé de noir; ventre 
et flancs comme l’acuta , ainsi que les ailes; les scapulaires 
moins allongées en pointe, ne formant pas à leur base la 
grande tache noir de l’acuta; dos, queue et ceroupion 
comme le clypeata. Pieds jaunètres. 

C'est avec beaucoup de doute que Je présente cet oiseau 
comme un hybride. Je me fonde sur la circonstance que, 
dans la collection où je l'ai aequis, à Ems, 1] était indiqué 
comme tué en Allemagne, sur la forme intermédiaire du 
bec, même pour les lamelles, et sur le système de colora- 
ton, où la tête, la queue et les pieds rappellent si hien le 
clypeata, alors que les ailes, le ventre et les flancs sont pres- 
que comme chez l’'acuta. Je me fonde encore sur le motif, 
que je n'ai vu cet oiseau dans aucun Musée, bien qu'un 
ornithologiste 1llustre pense que c'est une espèce connue, 
sans pouvoir toutefois se souvenir du nom. 


(15) 


40, FuLIGULA CRISTATA ef ÂNAS QUERQUEDULA. 


Plongeur huppé et Canard sarcelle. 


Mentionné par M. Morton d’après Pritchard (|. c.). 


A1. Furicuca NyrOCA et F'ULIGULA CRISTATA. 


Plongeur nyroca et Plongeur huppé. 


M. Mitchill m'a fait voir ce produit obtenu au Jardin 
zoologique de Londres, dont il est directeur. 

Un de ces hybrides s’est apparié de nouveau avec un 
nyroca, et 1l en est résulté un second croisement fort in- 
téressant, qui se rapproche beaucoup du nyroca type, et 
qui est formé du nyroca pour trois quaris et du cristata 
pour un quart. 


42. Fuuicua rERINA Cf F'ULIGULA NYROCA. 


Plongeur milouin et Plongeur nyroca. 


Ces hybrides, pris à l’état sauvage, à l’époque du pas- 
sage en Belgique, en Allemagne et en Provence, ont été 
décrits, comme espèce, sous le nom d’Anas Homeyeri, par 
M. Baedecker, dans la Naumannia (1852, page 19, avec 
une figure). M. Jaubert, qui le nomme F. intermedia, 
en a vu quatre en Provence et les a considérés comme 
hybrides. Le mien, un jeune mâle, a été pris à Liége en 
1852, au mois d'avril. 

Il se rapproche beaucoup du ferina par le bec, la tête, 
les yeux, les pieds. Il en diffère principalement par la 
coloration des ailes et surtout de leur miroir, qui est d’un 
blanc sale terminé de noir avec une bordure extrême 
blanche; l’intérieur du miroir est formé par quelques 


(16 ) 
plumes d’un noir à rellet métallique verdàtre, mais moins 
prononcé que chez le nyroca. 

Notre oiseau se rapproche done du nyroca par la cou- 
leur des ailes et de leur miroir, ainsi que par le roux de 
la tête et du cou, qui descend plus bas et se mélange insen- 
siblement avec le brun de la poitrine (laquelle est noire 
chez le ferina). Le dos est aussi presque comme celui du 
nyroca chez mon exemplaire, mais dans celui de la Nau- 
mannia, le dos est gris vermiculé de noir comme le ferina. 

M. Baedecker à figuré une femelle, qui ne diffère guère 
de celle du ferina que par le miroir blane des ailes. 

On ne peut affirmer avec certitude que ce plongeur soit 
vraiment un hybride, mais c’est très-probable. 


45. FULIGULA SPECTABILIS El F'ULIGULA MOLLISSIMA. 


Plongeur élégant et Plongeur eider. 


M. le docteur Degiand rapporte que trois où quatre 
eiders de Terre-Neuve avaient sous la gorge deux traits 
noirs en forme de V, comme le spectabilis, mais d'une 
teinte moins foncée. M. Hardy (de Dieppe), qui les a reçus, 
les considère comme des métis du spectabilis avec le mol- 
lissima femelle. 

Mais le prince Bonaparte et sir W. Jardine, qui en oni 
examiné d’autres, reçus de l'Amérique polaire, pensent, 
au contraire, que c’est une espèce distincte et la décrivent 
sous le nom de Somateria V-nigrum. Il y a lieu d'attendre 
de nouvelles observations. 


44. FuLIGULA CLANGULA el MERGUS ALBELLUS. 


Plongeur garrot et Harle blanchätre. 


Décril sous le nom de Clangula mergoïdes, par M. Kjar- 


(ET ) | 
bolling et de Clangula angustirostris, par Île pasteur 
Brehm. 
Il paraît que cet hybride est différent de celui nommé 
Mergus anatarius par M. Eimbeck. (Voir plus bas la note 
sur le n° 24.) 


DEUXIÈME PARTIE. 


Additions et corrections aux hybrides déjà signalés dans la 
Récapitulation, en 1845. 


Les notes sont faites en suivant les mêmes numéros. 


N° 2. Cvenus musicus et ANSER CINEREUS. 


(Voir les observations au n° 27 plus haut.) 


N°3. BERNICLA LEucoprsis el BERNICLA CANADENSIS, 


Les exemplaires que le Jardin d'Anvers m'a cédés, ont 
niché et produit chez moi, en 1849 et en 1850, sur une 
petite ile du jardin. La première année, le petit qui était 
éclos est mort, mais la seconde, six œufs ont produit quatre 
pelits, qui ont parfaitement réussi. Tant qu'ils ont été cou- 
verts de duvet, il a existé entre eux une grande différence 
quant à la couleur de ce duvet, les uns étant blanchâtres, 
les autres jaunâtres. Une différence analogue s'est montrée 
lorsque leur plumage est devenu parfait. Chez les uns 
(les plus grands), le noir du cou ne descend güère plus bas 
que chez le canadensis, auquel ils ressemblent encore par 
les ondes claires du dos, qui ont une nuauce brun rous- 
satre. 

Tome xx, — [[" part. 2 


(18) 

Chez un autre exemplaire (plus petit), le noir descend 
sur la poitrine, presque comme chez le leucopsis, et les 
ondes du dos sont cendrées. 

Chez quelques exemplaires, les vestiges de taches blan- 
ches du front manquent. 

Les deux mâles ayant été tués par un cygne sauvage, 
je n'ai pu pousser plus loin l'expérience sur la fécondité 
de ces hybrides (4). 

Je suppose, d'après la description donnée par M. Mor- 
ton, d'un hybride d’Anser canadensis et d’Anser bernicla , 
qu'il s’agit du croisement dont je viens de parler, et que 
l'erreur de nom provient de ce que le leucopsis s'appelle 
en anglais bernacle, que l’on aura traduit par Anser ber- 
nicla (Cravant). Cet hybride a été observé par M. Ch. Wa- 
terton, à Walton-Hall, en Angleterre. 


N° 4. BERNICLA CANADENSIS ef ANSER CINEREUS. 
Cité par M. Morton, qui le considère comme stérile, ce 
que J'avais déjà observé. 
N° 6. ANSER CYGNOÏDES 64 BERNICLA CANADENSIS. 


Il s’est produit dans plusieurs parcs de Belgique, et varie 
beaucoup d’individu à individu ; sous le rapport de la colo- 
ration du bec, des pieds et du cou. 


N° 8. Anser ALBIFRONS (erythropus, Récap.) ef BERNICLA LEUCOPSIS. 


J'ai vu au Jardin d'Amsterdam des exemplaires à peu 


(1) Les deux femelles restantes se sont successivement accouplées avec un 
Cygnus immutabilis ; elles ont construit un nid, pondu et couvé; le cygne 
mâle gardait les abords du nid avec assiduité, comme il l’eüt fait pour sa 
femelle; mais les deux années où ce fait s'est passé, aucun œuf n’est éclos. 


(49 ) ‘ 
près semblables à ceux de Londres, que j'ai signalés. En 
voici une diagnose un peu plus circonstanciée : 

Bec noirâtre ; un cercle blane étroit à sa base, plus pur 
que le front, la joue et le haut de la gorge, qui sont blan- 
châtres. Le cou d'un brun noir, ainsi qu’une tache entre 
l'œil et Le bec. Le reste du corps comme la leucopsis, mais 
le milieu de la poitrine, les flancs et les cuisses d’un brun 
noirâtre, à bordure de couleur de suie. Le dos participe 
aussi de cette nuance avec les ondes ordinaires de la leu- 
copsis. Pieds d’un jaunûtre pâle, livide. Taille de la leu- 
COpsis. 

On voit que l'influence de l’Albifrons ne se fait guère 
sentir que par le cercle blanc étroit de la base du bec et 
la nuance fuligineuse du dos et de la poitrine. 


N° 9. ANSER CYGNOÏDES et ÂNSER CINEREUS. 


M. Morton constate que ce produit est fécond, ce que 
nous observons aussi en Belgique, où dans presque tous 
les grands troupeaux d’oies domestiques, on rencontre 
des individus qui portent le sceau de l'hybridité avec l'oie- 
cygne. Les uns ont du noir à l'onglet et à la base du bec; 
d’autres un cercle basal blanc au front; d’autres enfin, la 
bande dorsale brune du cou. 

À cette occasion, je ne puis que confirmer ce que J'ai 
avancé; savoir, que notre race de cygnoïides, par son bec 
noir et le fanon de la gorge nul ou rudimentaire, diffère 
beaucoup de la race de la Chine, réimportée nouvellement 
en Angleterre, à bec fort, orangé et à fanon guttural. 


N° 45. CairiNa MoscHaTA et TADORNA ÆGYPTIACA. 


Îl y en à un exemplaire au Muséum de Paris. 


(20) 
N° 49. AnNAs Boscrnas el CAIRINA MOSCHATA. 


Ces hybrides ont aussi laspect du prétendu Anas pur- 
pureo-viridis, qui ordinairement est le produit du mos- 
chata mâle avec le boschas. 

Je trouve dans le Catalogue raisonné des oiseaux du 
Caucase, de M. Ménétriés, un renseignement précieux qui 
n'avait échappé : 

« L’Anas boschas, en domesticité, s’accouple avec le 
moschata, d'où il résulte un grand nombre de variétés; 
une des plus remarquables, et qui propage absolument 
semblable, s'est rendue sauvage; elle est un peu plus grande 
que son type, et ressemble assez au boschas femelle, avec le 
dessous du bec, un large collier, un miroir à Paile et les 
grandes pennes de celle-ci d’un blanc éclatant. » 

Je ne sais si M. Ménétriés s’est bien assuré que cet 
hybride se propage; il est assez curieux qu’en parlant de 
l'autre hydride (purpurcoviridis), J'avais déjà soupçonné 
que c'était lui qu’on avait indiqué comme étant le moschata 
redevenu sauvage dans les contrées de la mer Caspienne. 


N° 21. ANaAS ACUTA et ANAS BOSCHAS. 


Voici le signalement d’un exemplaire mâle adulte qui 
fait partie de ma collection, et qui a été pris, dit-on, à 
l'état sauvage : 

Bec de forme intermédiaire, ainsi que la queue, dont les 
deux rectrices médianes sont un peu plus longues que les 
autres et recourbées en haut. Plumage voisin de l'acuta par 
le dos, le ventre et les ailes, mais le miroir plusgrand, plus 
brillant. Couleur de la tête comme le boschas, mais moins 
verte, ayant au bas et en avant du cou un demi-collier 


(A) | 
blanc plus large, remontant en s’amincissant sur les eôlés 
vers la nuque, comme chez l’acuta; haut de la poitrine, 
sous le collier, rappelant le boschas par des ondes brun 
roussâtre. 


N° 93. Anas sponsa et FULIGULA CRISTATA. 


Un exemplaire existe, en effet, dans les galeries de 
Paris et ressemble assez pour les couleurs à la femelle du 
Fuligula ferina. 


N° 24. Furicura cLancuLa et MERGUS ALBELLUS. 


À la réunion de la Société ornithologique allemande à 
Halberstadt, en 1855, une discussion intéressante a eu 
lieu sur cet oiseau, à propos d'un mémoire de M. Kjarbol- 
ling , qui croit posséder le jeune mâle, et donne à l'espèce 
le nom d’Anas (clangula) mergoïdes. Se sont prononcés 
dans le sens de l’hybridité : MM. Hartlaub, Kirchkoff, Pan- 
nier, Naumann, Heine, Baldamus, Von Homeyer, Blasius ; 
pour l'opinion d'une espèce distincte MM. Kjarbolling, 
Cabanis, Reichenbach, Hennecke. 

M. Von Homevyer croit que le Mergus anatarius, vieux 
mâle de Eimbeck, est certainement un hybride, et que le 
jeune mâle, Anas mergoides de M. Kjarbolling l’est proba- 
blement. M. Hleine est du même avis quant à l’anatarius, 
mais trouve que l’autre est tout différent. On a fait obser- 
ver que le mergoides serait un clangula, avec un bec très- 
étroit, autrement conformé que celui de l’anatarius, qui se 
rapproche plus de Palbellus. 

La notice de M. Kjarbolling est insérée dans la Nau- 
mannia de 1855, p. 327. Elle a pour sujet le jeune mâle 
en plumage d'hiver pris en février 14845, à Iseford, en 
Secland. Il y rapporte la femelle nommée Clangula angusti- 


(2) 
rostris, par le pasteur Brehm. M. Baldamus est du même 
avis, mais 1] regarde avec M. Heine l’anatarius de M. Eim- 
beck comme différent. 

N'ayant pas vu ces oiseaux, je ne puis me prononcer sur 
l'identité entre les deux hybrides; je hasarderai cependant 
une hypothèse pour expliquer leur diversité. 

L’anatarius ne serait-il pas le produit du Mergus albellus 
mâle et du Fuliqula clangula femelle, et le mergoïdes 
(ou angustirostris Brehm) le produit du clangula mâle et 
de l’albellus femelle, ou bien l'inverse? Pour le plumage, il 
paraît que l’exemplaire mergoïdes ressemble assez au jeune 
albellus et l'angustirostris à la femelle du clangula. 

M. Baldamus a parlé aussi de l’accouplement de la fe- 
melle de l'anas clangula avec le Mergus merganser mâle. 

Les hybrides dont nous avons parlé, au nombre d’une 
quarantaine, se répartissent ainsi qu'il suit par grands 
genres : 

Cygnus et Cygnus. 

"et 'ADSEr 
Bernicla et Bernicla 

— et Anser . 
Anser et Anser . 

— et Cairina : . . 

— et Chenalopex . 
Chenalopex et Plectropterus. 

— et Anas 

— et Cairina. 
Anas et Anas 

— et Tadorna . 

— et Cairina. 

— et Fuligula . 


Fuligula et Fuligula . 
— et Mergus . 


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(26 ) 


— M. Quetelet rend compte d’une excursion qu'il a 
faite à Ostende avec MM. Becquerel pour vérifier quelques 
points de la physique du globe. I n'entrera pas dans le 
détail de lexpérience principale; elle appartient à son 
savant collègue qui en instruira sans doute l’Institut de 
France dont il est membre. M. Quetelet ne parlera que de 
l’électrieité de l'air à la surface de la mer, qui, dans son 
élat normal , est positive comme à la surface de la terre; 
la couche d’air resterait donc dans un état positif uni- 
forme; tandis que, d’après MM. Becquerel, la terre serait 
positive et la mer négative à des degrés très-prononcés. 

L’uniformité de l'électricité dans l'air continue à être 
constatée depuis plusieurs années par des expériences ré- 
gulières qui se font comparativemeut avec l'Observatoire 
de Bruxelles, à Gand par M. Duprez, et à Ostende par 
M. le docteur Verhaeghe. 

M. Stas rappelle qu'il a constaté le même fait, il y a 
quelques années, au moyen des expériences comparalives 
avec le directeur de l'Observatoire de Bruxelles. 


Note sur les tremblements de terre, en 1855, avec supplé- 
ments pour les années antérieures ; par M. Alexis Perrey, 
professeur à Dijon. 


Depuis plusieurs années , l’Académie royale de Belgique 
m'a fait l'honneur d'insérer dans le Bulletin de ses séances, 
mes catalogues annuels que je reproduisais ensuite avec 
suppléments dans les mémoires de l’Académie de Dijon. 


Roersee—— 


(24) 

Encounragé par l’accueil de l'Académie qui , l'année der- 
nière, a bien voulu faire imprimer ma Note pour 1854 
avec les suppléments, je lui adresse de nouveaux et nom- 
breux documents sur les tremblements de terre. J'espère 
qu'elle voudra bien me continuer son bienveillant appui. 

Lorsque, en 4847, je m'occupais , dans un premier tra- 
vail, de l’Influence de la lune sur les tremblements de terre, 
mon savant ami M. Bravais, membre de l'Institut de 
France, m'encouragea puissamment; il me dit qu'il croyait 
à cette influence et que c'était aussi l'opinion de M. Quete- 
let. M. Quetelet que j'eus le plaisir de rencontrer à Paris, 
en 4850, me communiqua alors son opinion personnelle. 
Depuis, en 4854, l’Académie des sciences de Paris a en- 
couragé mes travaux dans cette voie par l'approbation d'un 
rapport d'une commission composée de MM. Liouville, 
Lamé et Élie de Beaumont, rapporteur, et par une allo- 
cation de deux mille francs. L'Académie comprendra que 
Je saisisse avec empressement l'occasion de lui rappeler 
ces faits. 


PREMIÈRE PARTIE. 


SUPPLÉMENTS. 


1843. — Avril. — Le 18 (n. st.), 8 h. 50 m. du matin, à 
Tébriz (Caucase), tremblement assez fort. 

— Le 95, 1 h. 2 m. du matin, tremblement semblable, et à 
5 h. 1 m. du soir, tremblement faible. 

— Le 26,0 h. 29 m. du matin, tremblement faible, et à 5 h. 
du matin , tremblement assez fort. 

— Le 28,9 h. 57 m. du matin, tremblement assez fort. 

— Le 99, { h. 5 m. du soir, id. 

— Le 50, 9 h. du soir, tremblement faible, 


(2%) 
Mai. — Le 12,9 h. 2 m. du soir, trembleinent faible, 
Décembre. — Le 5, 5 h. du soir, tremblement fort. 


4844. — Mai. — Le 19,7 h. 4 m. du soir, à Tébriz, trem- 
blement très-fort. 

Septembre. — Le 12, 2 h. du matin, à Constantinople, faible 
secousse de 4 à 2 secondes de durée. Elle fut ressentie dans toute 
la longueur du Bosphore, dans les villages voisins, ainsi qu'à 
Nicomédie et plus loin encore. 


1845. — Juillet. — Le 9, minuit et demi, à Tébriz, tremble- 
ment assez fort et prolongé. 

Septembre. — Le 17, vers 2 h. 1/2 du soir, à Nangasaki (Japon), 
faible tremblement. : 

— Le 27, 4 h. du matin, encore une secousse. 

Décembre. — Le 21, 4 h. 15 m. du matin, à Nangasaki, trem- 
blement du NE. au SO. d'environ une minute de durée. 


1846. — Février. — Nuit du 8 au 9, vers minuit, à Nanga- 
saki, une légère secousse. 

— Le 28,8 h. 30 m. du matin, à Cincinnati (Ohio), tremble- 
ment. | | 

Mars. — Le 18, dans la matinée, tremblement à Valparaiso 
(Chili). 

— Le 25, minuit 45 m., à Maysville (Kentucky), deux se- 
cousses. 

— Le même jour, 7 h. 30 m. du matin, à Cuba (île de Cuba), 
tremblement. 

Avril. — Le 98, à Santa-Cruz, au sud de Cuba. 

Mai. — Le 8, à Memphis (Tennessee). 

— Le 50, 1 h. 30 m. du matin, à Salem et Newbury-Port, 
dans le Massachusets. 

Juin. — Le 16, à la Martinique et à la Guadeloupe. 

— Le 21, dans la matinée, à Vera-Cruz (Mexique). 


(26 ) 

Juillet. — Le 10, à Deerfield, dans le New-Hampshire. 

Août. — Le 4, 4 h. du matin, à Shanghaï et Ningpo , en Chine. 

— Le 12, entre 1 et 2 h. du soir, à Fineastle { Virginie); en 
même temps on aperçut, dans le S., un météore se mouvant de 
V'E. à l'O; il éclata et descendit à terre sous forme de vapeur. 

— Le 14, dans la mer Rouge, le lieut. Barker, du navire le 
Victoria, observa de la fumée au sommet de l'ile de Saddle 
(lat. N. 15° 7'et long. E. 42° 12’ de Gr.), du groupe appelé Ze- 
bayer, dont toutes les îles sont d’origine voleanique, mais dont 
on ne se rappelle aucune éruption. 

L'île Sibble Seer, par lat. 15° 52’ N. et long. 41° 55’ E. aurait 
aussi lancé de la fumée, il y a quelques années. Elle aurait été 
en feu il y à environ 50 ans, suivant les pilotes arabes qui lui 
donnent le nom de Sibble Dookhan (colline de fumée). L'aspect 
seul prouve une activité ignée postérieure à celle des îles Zebayer. 

— Le 22, vers midi, en Islande. 

— Le 25, 6 h. du matin, dans les ports et les villes situés sur 
la rivière de la Nouvelle-Angleterre. 

Septembre. — Le 2, à Gunony-Merapi (Java). 

— Le 6, à la Trinidad, S'-Vincent et Grenada. 

— Le 10, à la Trinidad. 

— Le 12, au coucher du soleil, à Deerfield (N.-H.). 

— Le 15, 11 h. du soir, au cap Haïtien (S'-Domingue). 

— Le 16, ville de St-Domingue, deux secousses. 

— Le 18, 5h. 1/2 du matin, à Buitenzorg (Java), légère se- 
cousse. 

— Le 18 encore, au cap Haïtien, S'-Domingue. 

— Le 50,1 h. du soir, à Buitenzorg, tremblement léger. 

Octobre. — Le 1%, de nuit, tremblement considérable qui a 
duré 50 secondes. On a appris de Batavia que l’on avait ressenti 
la secousse sur le Gédé jusqu'à la hauteur de 4,000 pieds. 

— Le 18, vers 9 h. du soir, à Boonsboro (Maryland). 

— Le 95,1 h. du soir, à Tallahassee (Floride), 

— Le 29, 9 h. du soir, à Deerfield (New-Hampshire). 


(27) 

Le 51, de nuit, à Deerfield (N.-H.). 

Novembre. — Le 12, 7 h. 40 m. du soir, à Deerfield x. -H.) 

— Le 28, à Porto-Rico (Antilles), tremblement suivi de 2 ou 
3 secousses plus légères. 

Décembre. — Le 2, à Deerfield (N.-H.). 

— Le 17, à la Trinidad. 

— Le 21, à Ternate, trois secousses très-violentes. 


41847. — Janvier. — Le 8, vers 35 h. du soir, à Grafton-Harbor, 
Colburne , etc. (Canada occidental), tremblement accompagné 
d'un flux de marée du lac Ontario. 

— Le 11, vers 4 h. du soir, à Nangasaki (Japon), une légère 
secousse. 

— Le 11, 41 h. 50 m. du soir, à Albany (N.-Y.). 

— 14, Rice-Lake. (Canada oriental), tremblement accompagné 
de la rupture de la glace dont les fragments s'amoncelèrent les 
uns sur les autres. 

— Le 29, 9 h. 30 m. du soir, à Antigonish; environ 3 ou 4 m. 
après la secousse, un splendide météore apparut à l'O. et passa 
du N. au S. en faisant explosion à peu près à mi-chemin du zé- 
nith à l'horizon. 

Suivant le Journal of commerce du 20 janvier, on aurait 
éprouvé une légère secousse, quelques jours auparavant, à Lin- 
colnville et à Cambden (Maine). 

Février. — Le 2, à Deerfield (N.-H.). 

— Le 7, 5h. 30 m. du matin, à Constantinople, très-faible 
secousse accompagnée d'un coup de vent dus. 

— Le 7 encore, à Ternate, tremblement; deux autres se- 
cousses ensuite (date non indiquée). 

— Le 8, à Capioco (Amérique méridionale), la ville fut à peu 
près détruite (la date laisse quelque doute) (1). 


(1) Ne sagit-il pas de Copiapo (Chili), détruite en partie le 19 ? 


(28 ) 

— Le 14,5 h. du soir, à Meredith (N.-FE.), et villes voisines. 

— Le 19, à Belfast (Maine). 

— Le 21, à Deerfield (N.-H.). 

Mars. — Le 9, à Green Bay et Fox River { Wisconsin). 

— Le 20, vers 7 h. 1/2 du soir, à Banjoemas (Java), tremble- 
ment. 

Le 21, à Modjoredjo (Java) tremblement. 

— Le 31, île de Cuba, tremblement accompagné comme de 
eontume (as usual) d'un fort coup de tonnerre. 

Avril. — Le 1%, vers 9 h. du soir, à Lemington (Maine). 

— Le 3, à Modjoredjo (Java), autre tremblement, 

— Le 8, à Ternate, tremblement violent du N. au S.; durée 
quelques secondes. 

— Le11,à Port-Praga (îles du cap Vert), dans la soirée et à 
divers intervalles pendant les six jours suivants. 

— Le même jour, près de Sinope, dans la mer Noire. 

— Le 27, à Mount Morris (New-York). 

Mai. — Le 9,9 h. 45 m.et 10 h. 45 m. du soir, à Antigoa. 

Le 12, midi 25 m. à Antigoa. 

Juin. — Le 9, à Winnepisiogee Lake (N.-H.) ; un flux de marée. 

— Le 114, à l’île de Zoku. 

— Le 28, à Ico, côte du Pérou, beaucoup de dommages et 
de victimes. 

Juillet, — Le 9, à Glen's-Falls, et dans plusieurs villes à 50 
milles de distance, dans la matinée. 

Août. — Le 8, vers 10 h. du matin, à Boston, Cambridge, 
toxbury, Dedham, Nantucket, Harwich (cap Cod) et Vineyard- 
Sound (Massachusets). 

Septembre. — Les 5 et 6, à Dominique, une église et quel- 
ques bâtiments détruits. 

Octobre. — Le 1%, 4h. 45 m. du soir, à S'e-Lucie, tremble- 
ment et quelques secousses plus légères. 

— Le2,entre 7 et 8 h. du matin, à Mexico et Ocotlan; victi- 
mes nombreuses. Au Chili et au Pérou, plusieurs villes détruites. 


(29 ) 

— Le 4, minuit, à Mexico. 

Le 8, 11 h. du matin, à Valparaiso, Santiago, Coquimbo, La 
Ligua et Petorea (Chili); plusieurs secousses encore dans la 
journée et la nuit suivante. Le temps était chaud et extrêmement 
beau; le soleil brillait d'un éclat plus vif qu'à l'ordinaire. Au 
commencement du tremblement, l'horizon était obseur à l'O. 
La Ligua et Petorca ont été complétement détruites, Coquimbo 
a beaucoup souffert; dans la rivière, des pierres ont été arrachées 
du fond du lit et lancées à distance. 

— Le 19, à Chattanooga, sur la rivière Tennessee, tremble- 
ment accompagné d'un météorite. 

Novembre. — Le 15, 11 h. 50 m. du soir, à Richmond (Ken- 
tucky ). 

Décembre. — Le 2, à l'ile d'Owyhee. 

— Le 10, à Santiago. 

Le 12 ou le 14, 8 h. 55 m. du soir, à Santiago, tremblement 
accompagné d'un violent tonnerre. L'atmosphère devint épaisse 
et pesante, les étoiles perdirent leur éclat; mais bientôt après, 
chaque chose revint à son premier état. 

— Le 16, à Lisbonne, cinq secousses. 

Le 19, à Lisbonne, cinq secousses. 

— (Sans date mensuelle) au Kamtschatka, plusieurs secousses. 


1848. — Janvier. — Le 1°, sur plusieurs points de la Nou- 
velle-Écosse. A Port's-Lake et Lawrence-Town, la glace se brisa 
en fragments, et des portes de maisons furent renversées. 

— Le même Jour, à S-Lucie, murs lézardés. 

— Le 10, à Malte, quatre secousses. 

— Le 14, entre 1 h. et 4 h. 1/2 du soir, à Nangasaki (Japon), 
léger tremblement accompagné de pluie, de grêle, de neige et 
de tonnerre. 

— Le 24, 11 h. du matin, à Nangasaki, violente secousse 
suivie bientôt d'une seconde et d'une troisième semblables à la 
première. 


( 50 ) 

Février. — Le 1‘, dans la baie d'Honduras. Le mème jour, à 
Yarmouth et Sherburne, dans la Nouvelle-Écosse. 

— Le 3 (n.s.), 8 h. 8 m. du soir, à Tébriz (Caucase), trem- 
blement faible avec bruit souterrain. 

— Les 16, 17,18, à Batavia, Cheribon, Bonjoemas, Kaddok, 
Samarang, Rambang et à travers l’île de Java; plusieurs bàti- 
ments renversés , beaucoup de personnes de tuées. 

— Le 20, 9 h. 6 m. à Tébriz, tremblement extrêmement 
fort. À 11 h. 14 m., tremblement faible. 

— (Sans date de jour), à Mayaguez (île de Porto-Rico), plu- 
sieurs secousses légères. 

Mars. — Le 7, 5 h. 10 m. du matin, à Tébriz, tremblement 
fort. À 5 h. 50 m. du matin, un autre faible. 

Avril. — Le 4, entre 8 et 9 h. du soir, à Nangasaki, une se- 
cousse. 

— Le6G, dans la matinée, à S'-Thomas (Antilles). 

— Le même jour, dans la soirée, à Zanesville et Norwalk 
(Ohio). 

— Le 10, vers 1 h. du matin, à Nangasaki, forte secousse de 
JE. à l'O. 

— Le 12, de nuit, à Santiago (Chili). 

— Le 17, à S'-Martin et S'e-Lucie (Antilles). 

— Le 21, 6 h. du matin, à Falmouth (Jamaïque). Le même 
jour, à S'-Martin (Antilles). 

Mai. — Le 5,7 h. !/2 du soir, à Nangasaki, légère secousse. 

— Le 11, à Kingston (Jamaïque). 

— Le même jour, à Valparaiso (Chili). 

— Le 13, à Chantibun, Siam (Inde angl.). Voici les détails 
donnés par le Singapore free Press, sur le tremblement à Chan- 
tibun : « D'abord une violentesecousse, accompagnée d'un bruit 
épouvantable et de mugissements souterrains. Les portes et les 
meubles furent ébranlés. Mais, ce qui est plus extraordinaire, on 
vit sortir de terre, pendant la secousse, des matières filamen- 
teuses semblables à des cheveux, presque partout, dans les 


(51) 

bazars, sur les routes, dans les champs et les lieux les plus arides. 
Ces cheveux, qui sont assez longs, se dressent et adhèrent au sol. 
Quand on les bràle, ils se torüllent comme des cheveux humains 
et donnent une odeur qui ferait croire que ce sont des cheveux 
véritables. Ils ont apparu en un clin d'œil pendant le tremble- 
ment. La rivière de Chantibun coulait doucement et il s'en 
dégageait des bulles de gaz, de manière que la surface en était 
toute blanche. On a attribué cette matière chevelue à l'électri- 
cité. Les montagnes de Chantibun courent dans une direction à 
peu près NS, et se réunissent au système qui sépare Cambeja de 
Siam. » 

— Le 16, éruption du Kloed, à Java. 

Les 8 et 9 septembre 1854, M. Arriens a visité cette montagne 
dans le but de constater les changements qui, causés par cette 
éruplion, pourraient subsister encore. Il parle avec enthousiasme 
de ce lac d’un bleu azuré qui occupe le fond du cratère et dont la 
belle description donnée par M. Junghuhn n'a certainement rien 
d'exagéré. 

« Car, ajoute-t-il, malgré tout ce que nous nous attendions à 
voir, nous fimes cependant un pas en arrière à l'aspect de ce 
précipice effroyable sur le bord duquel nous nous trouvions 
tout à coup. Après quelques moments de repos, nous fümes 
effrayés par un fracas aussi subit que violent. 

» Tous les veux se portèrent vers le lac, et le mot de l’énigme 
fut connu. C'était un éboulement causé par le vent à l’un des pics 
qui environnent le cratère, et qui faisait rouler, presque au- 
dessous de nous, comme une avalanche, une masse énorme de 
sable et de pierres. Il fut si considérable qu’une partie forma un 
talus de 45° en dehors du lac. 

» Plusieurs éboulements semblables se succédèrent ensuite. 

» On peut conclure de là combien il doit s’en être fait dans 
le lac depuis 1848, combien plus il doit s’en faire pendant les 
grandes pluies, et, enfin, combien d'éboulements pourront être 
causés par une nouvelle éruption! » 


(52 | 

L'auteur cite à la fin de sa relation quatre légers tremble- 
ments de terre éprouvés dans cette région : le 12 mai, à minuit 
et demi, le 12 juillet, dans la soirée; le 10 septembre, vers mi- 
nuit, et le 12 octobre, au soir (1). 

— Le 18,11 h. du matin, à Kediri (Java), trois secousses. 

— Le 20, 5 h. du matin, à Versoye (Maurienne), forte secousse. 

Le 21,2 h. 30 m. du soir, une seconde secousse moins forte; 

Le 29, 0 h. 15 m. du matin, une troisième; 

Le 25, 4 h. 50 m. du matin, une quatrième; 

— Le 20, 5 h. du soir, à Nangasaki, secousse légère. 

-— Le 25, Montreal (bas Canada). Le lendemain pluie torren- 
telle. 

— Le 26, Mont Aboo à Deesa (péninsule de l'Inde occidentale). 

Juin. — Le 4, vers 1 h. du matin, à Nangasaki, forte secousse. 

Juillet. — Le 9, vers 3 h. du soir, dans toute la Jamaïque. 

— Le 13, après 7 h. du soir, à Nangasaki, légère secousse du 
SE. au NO. 

— Le 20, 2 h. après-midi, secousse lente. 

— Le19,1i h. du soir, à Tébriz, fort tremblement. 

Août. — Le 7, au fort Kearney. 

— Le 9, entre 6 et 7 h. du soir, à Buenos-Avyres et Monte- 
video. Le phénomène y était inconnu. 

Le 15, 8 h. 20 m. du matin, à Montevideo. 

Le 19, 10 m. avant minuit, à Montevideo, tremblement avec 
un bruit semblable au tonnerre dans le lointain. Il se renouvela 
295 ou 30 m. après. 

— Le 17, à S'e-Lucie (Antilles). 

— Le 21, à S'-Kitts, trois secousses pendant un affreux ou- 
ragan. (J das donné la date des 22 et 25). 

— Le 29, minuit 20 m., à Antigoa, l'ouragan était dans toute 
sa force. 


(1) Watuurkundig T'ijdschrift voor nederlandsch Indie, t. VII (IV de 
la uouv, sér.), pp. 455-460, Batavia, 1854. 


(38) | 

Septembre. — Le 9, vers 10 b. du soir, à Rhode-lsland, Con- 
necticut, New-York, New-Jersey et Pensylvanie. 

— Le 16, à Miguclete et Montevideo ( Amérique du Sud), 
deux secousses. 

— Le 24, à l'île de Bonavisto. Le même jour, à Halifax. 

— Le 25, à Portsmouth (Angleterre). 

Octobre. — Les 16 et 17, aux Açores, plus de mille secousses 
simultanées avec celles de la Nouvelle-Zélande. 

— Le 19, dans la matinée, à Sandwich (Angleterre). 

Novembre. — Le 4, aux Acores, succession de secousses pen- 
dant environ deux mois, simultanées avec celles de la Nouvelle- 
Zélande. 

— LeG,5 h. 15 m. du matin, à Grand-fsland { Canada). 

— Les 15 et 19, à Tabago (Indes occidentales). 

Décembre. — Le 11,3 h. du matin, à Montréal (bas Canada). 

— Le 25, à Bois-le-Duc, Jartelrode et Vestenbosch (Hollande). 


1849. — Janvier. — Le 1°, à Campo (Portugal). 

— Le 114, à Panama (Amérique centrale). 

— Le 20, aux Barbades (Indes occidentales), plusieurs se- 
cousses. 

— Le 25, à la Dominique (Indes occidentales). 

Février. — Le 4, à Newport (Rhode-Island ). 

— Le 13, à Potisdam, S'-Laurence ( N.-Y.). 

— Le 15, à Springfield (Massachusets), de nuit; de même 

dans le comté de S'-Laurence (N.-Y.). 
_  — Le 27, à Santebo, Chihuahua (Mexique). 

Mars. — Le 13, 1 h. du matin, à Memphis (Tennessee), cap 
Girardeau (Miss.), Cairo (Illinois) et Kickman ( Kentucky). 

— Le 16, à Washington, trois secousses. 

— (Sans date de jour), au Roseau (Dominique), secousses 
légères; à la Soufrière, elles furent fréquentes et violentes. 

Avril. — Le 13, à la Dominique. Le même jour à Maracaïbo 
(Amérique du Sud). 


TOME xx1x, —— JIM paRT. 5 


(9) 

— Les 14, 15,17, 19 et 20, à la Dominique. 

— Le 24, aux Indes orientales. 

Mai. — Le 3, à Maracaibo, secousses pendant plusieurs 
heures; grands dommages. 

— Les 5 et 6, à la Dominique et S'°-Lucie. 

— Le 8, vers 4 h. du soir, à S'-Andrews et Kingston (Ja- 
maique ). 

— Le21, minuit, à Mexico. 

Juin. — Le 25, le soir, à Santiago (Cuba). 

Août. — Le 1%, à Porto-Rico, tremblement. 

— Le 7, 10 ‘Le h. du matin, à Tébriz, tremblement très-fort. 

— Le 20, 8 h. du matin, entre Gloggnitz et Wiessar; plu- 
sieurs maisons ruinées à Weiss-Passung. 

— Le 50,5 h. du soir et minuit, deux secousses sur plu- 
sieurs points de laJamaïque. 

Le 31, midi, à la Jamaïque. 

Septembre. — Le 25, à Cordova, Mexico. 

— Le 28, à Mexico. 

Octobre. — Le 8, comté de Middlesex (Massach.), dans l'après- 
midi. 

— Le 10, île de la Jamaïque. 

Novembre. — Le 1°, dans la matinée, à Snowhill (Maryland). 

— Le 16, 5 h. 55 m. du matin, à Coquimbo (Chili). 

Le 18, 6 h. 10 m. du matin, à Coquimbo, tremblement qui 
dura 84 secondes; un autre à 7 h. 25 m., une demi-douzaine de 
secousses. Brise de l'O. 

Le 20, encore à Coquimho. 

— Le 25,8 h. du soir, à Kingston (Jamaïque). Ondulation 
de l'E, à l'O. 

— Le 26, à Henderson (Kentucky). 


1850. — Janvier. — Le 12, à Eddyville (Kentueky ). 
— Le 16, entre 11 h. et 2 h. à San-Francisco (Californie), 
Lrois secousses. 


(5) 

Février. — Le 5, à Deux-Rivières (Wisconsin). 

Le 22, vers 3 h. du soir, dans la partie méridionale de la cité 
du Grand Lac salé ( Great salt Lake), légère secousse. 

Mars. — Le 15, 1 h. du matin, à Kingston (Jamaïque). 

— Le 30, entre 10 et 41 h. du matin, dans le comté de 
Wayne (Caroline du Nord ). 

Avril, — Le 5, à Raguse ( Dalmatie). : 

— Le 4, un peu après 8 h. du soir, à Louisville, Maysville, 
Indianapolis, Elizabeth-Town, Nashville, Paducah, Olney, mont 
Carmel, et autres points du Kentucky, de l’Indiana, de Flllinois 
et du Tennessee. 

— Le 8, à Mayaguez (Porto-Rico), les cloches sonnèrent par 
l'effet du choc. Vent violent avant la secousse. 

— Le 13, à Smyrne, les secousses continuèrent toute la jour- 
née, la nuit, le temps S'éclaircit, et le lendemain les secousses 
cessèrent. 

— Le 19, 11 ‘ h. du soir, à Brousse (Anatolie), secousse 
suivie de deux autres dans la nuit. 

Le 21, quatre nouvelles secousses ; peu après les plus fortes, 
il y eut des orages de grêle. 

— Le 19, 41 h. 45 m. du soir, à Constantinople, secousse 
assez forte pour faire osciller les maisons en bois, balancer les 
lits, ouvrir les portes dans la direction du S. au N. Cette se- 
cousse, qui dura 6 à 8 secondes, fut précédée d’un sifflement 
semblable à celui du vent qui souffle à travers les fentes d’une 
porte. Le vent du S. régnait depuis le 44, et ne passa au N. 
que le 20 au soir. 

Le 20, 2 h. 10 m. du matin, nouvelle secousse à peu près de 
la même force, mais moins longue que la précédente. 

Juin. — Le 5, à Massoire ( Inde}. 

— Le 8, à Portiand (Jamaïque). 

— Le 16, vers Tom’s River, comté de l'Océan ( New-Jersey ). 

— Le 20, 6 h. 30 m. du soir, en mer, par 8° lat. N. et 36° long. 
O. La température était de 78° F.; vent NE., accompagné de pluie. 


(56) 

Juillet. — Le 10, 4 h. 45 m. du matin, à Constantinople, 
faible secousse horizontale de 5 ou 4 secondes, accompagnée 
d'un bruit lointain de vent et de détonation. Elle paraît avoir 
été plus sentie à Buyuk-Déré qu'à Péra. Vent du N. régulier. 

— Le 20, de nuit, à Dalton, Géorgie (États-Unis). 

Le 27, dans la matinée, encore à Dalton; l'air était tout à faut 
calme. Le tremblement fut accompagné d’un bruit semblable au 
tonnerre dans le lointain. 

Août. — Le 15, à San-Diego (Californie) sur le Gila. 

Septembre. — (Sans date de jour), à Westmoreland (Jamai- 
que), forte secousse. 

Octobre. — Le 1%, 5 h. 25 m. du matin, à Cleveland (Ohio). 

— Le 17, une demi-heure avant le point du jour, à Farmville 
( Virginie). 

— Le 21, aux îles d’Antigoa et S':-Thomas. 

— Le 25, midi 55 m., à Malte, deux secousses; quelques 
vieux bâtiments furent endommagés. 

— Le 26, île d'Antigoa et île S'-Thomas, tremblement vio- 
lent. 

— Le 29, dans la soirée, à l’île S'-Martin, deux secousses. 

— Le 50, 4 h. du matin, en mer, par lat. 16° 30° N. et long. 
54° 50’ O.; 4 h. 50 m. du matin, par 25° 50’ lat. N. et 8° long. 
O, Le temps était parfaitement clair et l'air calme. 

Novembre. — Le 9, dans la soirée, à Fredericton ( New- 
Brunswick ). 

— Le 6, 6 h. 15 m. du matin, à Valparaiso, Une seconde se- 
cousse à Valparaiso et à Santiago (Chili), une demi-heure plus tard. 

— Le 16, vers 1 h. 50 m. du matin, en mer, par 58° lat. S. et 
76° long. O., trois secousses à des intervalles de 39 ou 40 secon- 
des; pas de changement dans le baromètre ni le thermomètre. 


1891. — Janvier. — Le 5, à Waterville et Troy (Maine). 
— Le 50, 5 h. du soir, à S'-Andrews, Campo Bella, Friars 
head et Milton (Canada oriental). 


(31) 

— Dans les derniers jours du mois, à Milan et à Zurich, 
secousses. 

— Dans le courant du mois, éruption du Kloed à Java. 

— Avant le 4° février, aux îles Sandwich, secousses très- 
fortes. 

Février. — Le 2, 5 h. du matin, à Carthagène (Amérique du 
Sud); nombre de maisons renversées, plusieurs personnes blessées. 

Le 7, 5 ‘2 h. du matin, encore à Carthagène. 

— Le 14, à Grenoble (Isère), tremblement avec détonation 
souterraine. 

— Le 15, de grand matin, à Shanghaï (Chine), tremblement 
accompagné d'un bruit sourd. 

— Le 16,53 h. 7 m. du matin, à Tébriz, tremblement très-fort. 

— Le 20,35 ‘2 h. du matin, à Porto-Ricoet S'°-Marthe ; mai- 
sons endommagées. 

Le 22, à Porto-Rico, trois nouvelles secousses, dont une en- 
dommagea les murs de City-Hall. 

— Le 14, 2 h. 20 m. du soir, à Tébriz, tremblement assez fort 
avec bruit souterrain. | 

Le 25, 9 h. 1 m. du matin, phénomène semblable. 

Mars. — Le 25, à Valparaiso (Chili), tremblement. 

Avril.— Les 3, 4, 5, 6 et 7, à Valparaiso, une secousse à peu 
près toutes les heures; plusieurs furent violentes. Le 4, à midi, 
commença un grand orage qui dura 42 heures. 

Le 9, à Valparaiso, cinq secousses. Depuis le 2, trois secous- 
ses au moins toutes les 24 heures. 

Le 13, nouvelles secousses. 

Le 20, encore; on comptait déjà 75 secousses depuis le 2. 

— Le 8, dans la matinée, à l’île d’Antigoa, trois secousses. 

Mai. — Le 5, à Gorgona ( Amérique du Sud), tremblement 
suivi d'un violent orage. 

Le 26, 4 h. 20 m. du soir, à Copiapo (Chili), tremblement qui 
dura deux minutes. Jusqu'à 8 h., une secousse chaque minute; 
elles se rencuvelèrent pendant plusieurs jours. On les a ressen- 


(58) 
ties à Caldera, Huasco, Mines de Chanariello, Tres Puentas et 
Huasco Bajo. 

Juin. — Le 10, 8 h. du matin, à l'ile S:-Thomas. 

Juillet. — Le 3, près de Sodasprings et le long de Bear River, 
à 200 milles en deçà du Great salt Lake. 

— Le 15, 6 h. du matin, en mer, par 48° 13’ lat. N. et 127° 
12’ long. O., tremblement du SE., accompagné d'un bruit sourd 
semblable au tonnerre. 

— Le 95, les eaux du lac Michigan s’élevèrent de 2 à 4 pieds, 
et retombèrent tout à coup, toutes les heures, pendant tout le 
jour. À la brune, la surface était unie comme un miroir, l’eau 
s'éleva deux fois à 4 pieds sans le moindre vent. 

— Le 27, 5 h. 40 m. du matin, et le 28, 4h. du matin, aux 
Bermudes. 

Août. — Le 5, 6 h. 10 m. du matin, à Alger, trois secousses 
précédées d'une violente explosion souterraine. 

— Le 7, 5 h. du soir, à Edwardsville et Alton (Illinois), et 
à S'-Louis (Missouri). 

— Le 8, à Truxillo et dans l'Honduras. 

— Le 10, 8 h. 55 m. du soir, à Ashville (S. C.), tremblement 
accompagné de bruit, 

— Le 13, éboulement de la montagne de Galeztas, en Tran- 
sylvanie. Il dura jusqu'au 15. 

Le 17, aux Indes occidentales, Castrico, S'-Lucie, mou- 
vement alarmant de la mer, appelé ground swell. 

— Le 18, à Truxillo et dans l'Honduras. 

— Le 25, 9 h. du soir, à Constantinople, faible secousse hori- 
zontale, de 1 à 2 secondes, dans la direction dus, au N., et suivie 
d'un coup de vent d'E. de peu de durée. Vent de NE. régulier. 

— Le 253 encore, tremblement sous-marin. 

Septembre. — Le 1°", dans l'Honduras. 

— Le 8, 41% h. et 5 h. du matin, à Trinidad, port d'Espagne. 

Le 9, encore à Trinidad. 

— Le 18,7 12 h, et 9 h. du soir, à Valparaiso. 


(59 ) 

Octobre. — Le 11,9 1/2 du soir, à Deerfield (New-Hampshire); 
atmosphère parfaitement calme, température 75° F.; pluie le 
lendemain. 

— Le 30, 7 h. 52 m. du soir, à Tébriz, tremblement très- 
fort avec bruit souterrain. 

Le 51, minuit 7 m., tremblement faible. 

Novembre. — Le 9, dans la matinée, à Mexico. 

— Le 12,7 h. du soir, à San Francisco ( Californie). 

Le 15, 7 h. du soir, encore à San Francisco; dans le port, des 
personnes embarquées éprouvèrent un mouvement singulier 
des eaux. 

Le 15, 10 h. du soir, encore à San Francisco, nouveau trem- 
blement suivi d'une pluie violente. 

— Le 25,2 h. ‘/2 du matin, à Trinidad, port d'Espagne. 

Décembre. — Le 1°, à Oaxaca (Mexique ). 

— Le 16, à l’île S'-Thomas (Antilles). 

— Le 25, quelques minutes avant 8 h. du matin, à Brudsort 
(Vermont ), secousse de quelques secondes. 

— Le 30, vers 5 h. du matin, à San-Francisco ( Californie ). 

Le 31, trois nouvelles secousses, la première violente à 3 h. 
du matin, la deuxième à 9 h. 35 m. et la troisième à 11 h. 40 m. 
du matin. 


1852. — Janvier. — Le 7, 5 h. du matin, en mer, par 40° 
lat. N. et 126° long. O. 

Le 8, 2 h. 50 m. du matin, en mer, par 49° 95) lat. N. et 126° 
50’ long. O. 

— Le 9, G h. 9 m. du soir, à Batavia, deux secousses violentes 
et une légère; direction de l'E. à l'O. À Buitenzorg, 6 h. 25 m. 
du soir, trois fortes secousses de l'E. à l'O. À Tjivingin, trois 
fortes et quatre légères secousses, à la même heure et dans la 
même direction. À Serang, une seule très-forte, à la même 
heure. À Telokbetong et Lampongs, violente secousse horizon- 
täle du SO. au NE, à la même heure. 


( 40 ) 

— Le 10, 6 h. 49 m. du matin, New-Bedford (Mass.}, Provi- 
dence et Warwick (Rhode-Island). 

— Le 17,7 h. du matin, à Belize (Honduras); durée une mi- 
nute (on dit même 2 m.); à Galveston (Texas); même heure. 

— Le 25, 2 h. du soir, à Holly Springs (Miss.); à Memphis 
(Tenn.); S'-Louis (Missouri); Laurenuburg (Kentucky) et Bo- 
livar, 2 h. ‘2 du soir. 

Le 24, à Memphis (Tenn.), quelques secousses. 

Le 26, à Louisville (Kentucky). 

— Le 27, 6 h. du matin, à Kediri (Java), quelques secousses 
el bruit souterrain. Direction du SO. (sic). À Madioen, 6 h. 30 m. 
du matin, plusieurs secousses de PE. à l'O. A Patjitan, même 
heure, bruit souterrain. 

Février. — Le 16, dans le comté de Cecil (Md.) 

Mars. — Le 12, à Greenwood (Louisiane); le sol s'ouvrit de 
la largeur d’un doigt. 

— Le 15, à Guanaxuato ( Mexique). 

— Le 20, 5 h. du matin, à Santa-Cruz et dans toute l'île de 
Ténériffe. 

— Le 22, 9 h. du soir, à Tjiamis, dans le Cheribon (Java), 
trois secousses de l'E. à PO. 

— (Sans date de jour), tremblement dans l'Honduras. 

Avril. — Le 12, minuit, à San Diego (Californie). 

— Le 14, à Georgetown (Guyane anglaise). 

— Le même jour, à Hawaï (Sandwich), forte secousse. 

Le 17, sur les bords de la Loire (France), tremblement ac- 
compagné de tonnerre. 

— Le 29, midi 45 m., à Raleigh (Caroline du Nord); Was- 
hington, deux secousses; à Baltimore et Frederictown (Ma- 
ryland); Brooklyn (île de Long-lsland); quatre secousses à 
l'arsenal des Etats-Unis près de Philadelphie; Lynchbourg et 
Stauton (Virginie); Greensborough (N.-C.); et dans la vallée 
des montagnes du Cumberland (Tenn.). 

Mai. — Le 5, 5 h. du matin, à Abingdon (Virginie), du NE, 
au SO. 


QELS 

— Le 6, 2 h. du matin, à l’île de Metelin. 

— Le10, à Apalachicola (Floride). 

Le 41, à Apalachicola (Floride), violent tremblement. 

— Le 15, quelques minutes après 6 h. du matin, à Curacoa 
(Curaçao?), deux secousses. 

— Le 26, à la baie de Chung-Weï, province de Shokingah 
(Chine), tremblement dont les nombreuses secousses se sont re- 
nouvelées pendant quinze jours. Plus de 300 personnes ont péri; et 
400 ont été sérieusement blessées; dégâts et ruines considérables. 

Juin. — Le 30, à Claremont, N.-H. et Windsor (Vermont ). 

Juillet. — Le 2, le matin, à Kediri (Java), quelques secousses 
du SE. (sic). 

— Le 7, 7 h.50 m. du matin, à Kingston, Falmouth, baie 
Montego et dans toute l'île de la Jamaïque; puis à 5 h. 145 m. du 
soir, ondulations du N. au S. 

À 7 h. 20 m. du matin, en mer, à 70 milles de la Jamaïque. 

— Le 17, à Santiago de Cuba, une secousse ressentie en mer 
par le vaisseau le Tropic, à 70 milles de l'O. de la Jamaïque (le 
même peut-être que le précédent ?). 

— Le 21,5 h. 23 m. du soir, à Telokbetong, district de Lam- 
pongs (Java), une faible secousse; temps couvert; pas de vent, 
pluie douce. 

Le 25, 10 h. 37 m. du soir, plusieurs secousses horizontales 
du SO. au NE. pendant deux minutes; ciel couvert tout le jour 
et vent faible du N. 

— Le 50, à Lindau (Bavière) et en Allemagne. 

Août. — Le 1°, à Groton (Connecticut). 

* Le 2, vers 11 h. du soir, à Bathurst (N.-B.) et dans le comté 
de Gloucester (N.-B). 

— Le 3,11 h. 40 m. du matin, à Tébriz, tremblement faible 
avec bruit souterrain. 

— Le 4, vers 4 h. 1} du matin, dans la présidence du Ben- 
gale, tremblement violent. 

— Le 14, de nuit, à Deerfield (New-Hampshire). 


(42) 

— Le15,7 h.'} du matin, à Walkampton ( Angleterre). 

— Le 18, à Port-au-Prince et Gonaïves (S'-Domingue). 

— Le 19, à New-Madrid (Arkansas); à Port-au-Prince, deux 
secousses, À à 3 h. et l’autre 4 h. du matin. 

— Le 20,8h. 38 m. du matin, à Falmouth et Montego-Bay 
(Jamaïque), première secousse; une troisième à 9 h. du matin; 
8 à9 h. du matin, à Kingston , une violente secousse du N. aus. 

Le 21, 5 h. 40 m. du matin, à Falmouth et Montego-Bay (Ja- 
maïque), trois secousses. 

— Le 25, entre 2 et 3 h. matin, à Aïken (S.-C.) et Au- 
gusta (Géorgie). 

— Le 26, au coucher du soleil, à Ramazan et dans les vil- 
lages voisins (Grèce et Turquie), cinq secousses; une vingtaine 
de personnes de tuées. 

— Le928, à Haïti, Gonaïves (S'-Domingue) deux secousses. 

— (Sans date du jour) à Eyersura (?), 300 maisons renver- 
sées, 17 personnes ont péri. 

Septembre. — Le 5,à Santiago de Cuba. 

— Le 12, 10 h. 45 m. du soir à Banjoemas (Java), quelques 
secousses consécutives du NNO. au SSE. 

— Le 18,5 h. du matin, à Abingdon (Virginie). Le même 
jour, aux Antilles. 

— Le 22, 44 h. du matin, à Érié (Pennsylvanie). 

— Du 16 septembre au 6 octobre, M. Lange, ingénieur géo- 
graphe, visita Kakas, résidence de Manado (Célèbes) et les envi- 
rons. Il y eut un tremblement si léger qu'il ne fut indiqué que 
par le cercle vertical de M. Lange. 

Octobre. — Le 2, dans l'après-midi, puis le 7, à Valparaiso 
(Chili), nouveau tremblement. 

— Le 10,7 h. du soir, à Clinion (Géorgie). 

Le 11,8 h. du soir, en Géorgie (États-Unis), puis à minuit. 
Le même jour aux Antilles. 

Le 12, 4 h. du matin, encore en Géorgie. 

— Le 12, 11 h. 50 m. du matin, à Tjilatjap, plusieurs se- 


(45 ) 
cousses. Vers midi, à Poerworedjo et Keboemen, quatre secousses 
de l'E. à l'O. A Galoe (Tjiamis), à la même heure, une violente 
secousse, ondulation du S. au N.; temp. 82 F. Cinq heures 
après la nouvelle lune. 

Le même jour, 7 h. 50 m. du soir, à Tagal, une légère secousse 
du S. au N. À Magelang, vers 8 h. du soir, une légère secousse 
du N. au S. A Keboemen, même heure, légères secousses de l'E. 
à l'O. À Bandjernegara et Tjilatjap (h.?), secousses importantes. 
Direction non indiquée. 6 heures après la nouvelle lune. 

Le 15,8 h. du soir , à Koetoeardjo (Java), quatre secousses de 
VE. à l'O. A Galoe (Tjiamis), 8 h. 15 m. du soir, trois secousses 
du S. au N. Soixante heures après la nouvelle lune. 

— Le 15 encore, de nuit, dans le comté de Neutra (Hongrie), 
deux violentes secousses, ressenties principalement à Sassons et 
à Stephanus. 

Le 16 et 17, à Sagor en Syrie. 

— Le 17,9 h. 7 m. 36 s. du matin, à Buitenzorg, une légère 
secousse du $S. an N. 5 jours avant le premier quartier de la lune. 

— Le 17 encore, aux Antilles. 

— Le 22, minuit, à Clinton (Géorgie), et à l’île S'-Lucie. 

— Le 25, à Axboda et Guerrero (Mexique). 

Le 928, vers 6 h. 5/2: du matin, dans la résidence de Cheribon, 
régence de Galoe, deux fortes secousses, l'une d’un mouvement 
gyratoire et l’autre oscillatoire du SO. au NE. (M. J. Hageman 
les rapporte à 1853 (1)). 

La veille, le temps avait été chaud et couvert; avant et pen- 
dant le tremblement, il était calme et accablant, il tomba quel- 


_ ques gouttes de pluie et il s’éleva presque aussitôt un vent 


violent suivi d'une grande pluie; dans plusieurs endroits ce 
tremblement fut accompagné de coups de tonnerre. 

Novembre. — Le 10, à Amboine, tremblement de terre et 
tremblement sous-marin. 


(1) Voyez p. 50 suivante. 


(41 

— Le 11,7 h. du matin, sur la côte occidentale de Sumatra, à 
Singkel et Sibogha (Nias), tremblement qui a ébranlé un espace 
de 180 milles carrés. La masse entière des eaux a été agitée sur 
toute cette étendue; on a ressenti la secousse en mer à 3 milles 
de Goenong Sitoli (Poeloe Nias). 

— Le 20, en Californie (partie sud), commencement d'une 
série de 32 secousses. 

— Le 23, 6 h. 42 m. du matin à Soerabaja, légère secousse 
du NO. au SE. ressentie aussi à Samarang et à Pasoeroean; elle 
fut accompagnée d'un mouvement des eaux du S. au N. dans la 
mer de Grati, 3 1/2 jours avant la pleine lune. 

Le 26,7 h. ‘2 du matin, dans l'archipel des Moluques, vio- 
lentes secousses, du NO. au SE., précédées d’un bruit souter- 
rain ; elles furent accompagnées et suivies, dans le bassin des 
îles Banda, d'un violent mouvement de la mer qui s'éleva très- 
haut et descendit très-bas, surtout dans les baies dont les embou- 
chures se trouvaient dans la direction du mouvement des eaux. 

Banda a été à peu près dévastée. À 7 h. 40 m., il y eut, à Neira, 
une première secousse verticale, suivie, pendant cinq minutes, 
de secousses horizontales si violentes qu'il était impossible de se 
tenir debout, La plus grande partie des habitations de Banda fut 
renversée ou rendue inhabitable. Le sol s'entr'ouvrit dans plu- 
sieurs endroits, et une partie du Papenberg s'écroula. Désasires 
immenses à la Grande-Banda et à Louthoir. 

Un quart d'heure après ces secousses, l'ean commença à s'éle- 
ver et à descendre dans la baie avec une rapidité étonnante; en 
20 minutes elle atteignit 26 pieds. Le mouvement se renouvela 
quatre fois de suite, après quoi il diminua et finit à 4 heure de 
l'après-midi. 

Dans les premières ascensions, l'eau monta jusque sur le toit 
des magasins et fit sombrer une quantité de petits bâtiments 
(praauwen) qui se trouvaient à l'ancre; soixante hommes envi- 
ron perdivent la vie. 

Après ce tremblement, on ressentit une odeur infecte qui per- 


(49 ) 
sista pendant plusieurs jours, même après qu'on eut nettoyé 
et brûlé tout ce qui avait été rejeté par la mer. 

A la Grande Ceram les vagues s’élevèrent si haut que toutes 
les maisons dans le voisinage de la plage furent inondées; la plu- 
part des praws se perdirent. 

À Amboine, ce tremblement ne causa aucun dommage im- 
portant; le mouvement des eaux ne fut que léger dans la baie; 
mais dans celles de Saporoea et de Tiouw, le mouvement fut si 
considérable que l’eau s’éleva de 10 pieds au-dessus de la marque 
des plus hautes marées et baïssa tellement que des endroits, où 
il y avait ordinairement 5 à 6 brasses, restèrent à sec. 

Suivant des nouvelles du 24 janvier suivant, à Banda, le sol 
n'élait pas encore en repos. 

— Le 26 encore, à la jamaïque, et à Port-au-Prince. 

— Le 27, 7 h. du matin, à Lima (Pérou) et en mer. 

— Le 27 encore, vers 11 h. du soir, à Salem (Massach.), 
Exeter (New-Hampshire), tremblement. 

— Le 27, 11 h. 45 m. explosion et bruit sourd à Newbury- 
Port (Massach.) et le long de fa vallée de Merrimac; secousse à 
Beverley, Woburn, Groton, Wenham, Danvers, Amesbury, 
Tapsfield, Hamilton , Ipswich et Portsmouth. 

Décembre. — Avant le 12, à Guerrero (Mexique), légères se- 
cousses. 

— Avant le 20, à Fayal (Acores), une vingtaine de secousses. 

— Nuit du 20 au 21, vers minuit et demi, à Samarang, une 
légère secousse du SE. au NO.; durée, 45 secondes. 

Le 21, vers 1 h. du matin, à Magelang et à Temangong, 
tremblement oscillatoire de VE. à l'O. pendant une minute. A la 
même heure, secousses oscillatoires avec bruit à Banjoemas; à 
Begaleen, à Tjilatjap et à Poerwokerto, secousses violentes; à 
Poerbolingo , une légère secousse. À Tagal, plusieurs secousses 
du S. au N.; elles furent violentes et durèrent deux minutes; à 
Cheribon et Indramajoe, secousses de l'E. à l'O.; à Tjiandjor, 
bruit de bourdonnement et secousses du S. au N.; à Poerwokerto, 


(46 ) 
secousses verticales et horizontales, direction ONO. (sic). À Bui- 
tenzorg , fort mouvement ondulatoire du SSO. au NNE. pendant 
une minute et demie. 

A Batavia, O h. 45 m. du matin, bruit souterrain et tremble- 
ment oscillatoire du SE. au NO.; à Serang et Tjiringin, même 
heure, secousses du SO. au NE. pendant une minute et demie. 
Age de la lune, 9 jours 23 heures. 

La même nuit, O h., 39 m., dans le district de Lampongs, 
à Telokbetong, tremblement violent qui dura trois minutes. Les 
secousses furent horizontales du SO. au NE. et précédées d'un 
bruit souterrain. Quoique dans la journée du 20, le vent eût été à 
l'O. et au SO., la chaleur avait été extraordinaire: le thermomètre 
s'était élevé à 91°F., à 3 h. de l'après-midi. Déjà, dès le 6 dé- 
cembre, on avait remarqué des irrégularités dans les montres et 
les boussoles; la déclinaison et l’inclinaison avaient augmenté. 

— Le 24, 5 h. 39 m. du soir, à Lampongs, une légère se- 
cousse oscillatoire. L'air était calme et le ciel couvert. 

— Le 28, 7 h. 21 m. du soir, quatre nouvelles secousses hori- 
zontales de l'O. ? S. à l'E. ? N. dans l'intervalle de deux minutes. 

Le tremblement des 20-21 décembre, le plus étendu qu'on 
ait jamais éprouvé à Java, a ébranlé un espace de terre de plus 
de 33,000 palen carrés, principalement dans la partie oceiden- 
tale. Comparativement aux années précédentes, l'année 1852 à 
été très-riche en tremblements de terre à Java : on a constaté 
en 1852, 10 tremblements, suivant M. Hageman, qui les pu- 
blie annuellement en tableau ; en 1851, 5, en 1850, 5, en 1849, 
aucun; en 1848, aucun. 

L'étendue du sol ébranlé a été, dans les trois dernières années : 
en 1850, 18,500, — en 1851, 9,000, — et en 1852, 67,000 
palen carrés, dont environ 8,000 l'ont été deux fois. 

— Dans le courant du mois, les secousses ont continué à la 
Trinidad et à Cuba. M. E. Meriam cite, sans entrer dans des dé- 
tails : Somersetshire (Angleterre); Los Angeles (Californie); 
Galles du Sud (Australie); Hamilton (Bermudes); la Jamaïque 


(47), 
(Antilles), quelques secousses; Annatto Bay, trois secousses : 


Valparaiso (Chili); Malaga (Esp.); le Désert, côte N. du Paci- 
fique; S'-Lucie (Antilles), deux secousses. 


1853. — Janvier. — Le 24, les secousses continuaient en- 
core à Banda. 

— Le 27, vers 2 h. du soir, à Tjilatjap, trois légères se- 
cousses consécutives, de l'E. à l'O. sur une étendue de 1,000 
palen carrés. Deux jours après la pleine lune. 
évrier. — Le 7, à Batsjan (Java), encore un nouveau trem- 
blement qui dura six minutes. Depuis le 26 novembre, les se- 
cousses avaient été très-fréquentes à Banda et dans tout l'ar- 
chipel des Moluques. 

— Le 15, à Belize (Honduras), violent tremblement. 

— Le 28, vers 2 h. et quelques minutes de la nuit, à Ma- 
nado, une secousse verticale. 

Mars. — Le 14, de 7 à 9 h. du matin, le Gedeh a lancé de 
grandes colonnes de fumée et de cendres. 

— Le 19, G h.!/2 du matin, à Manado, deux secousses hori- 
zontales. 

— Le 20, à Smyrne, tremblement. 

Avril. — Le 1%, à 19 h. et le 2, à 1 h., dans la résidence de 
Banda, légères secousses. 

Le 6, 4 ‘2 h. du soir, mouvement horizontal de très-longue 
durée. 

Le 7, 4h, et le 11, 7 h. du soir, une légère secousse. 

Le 21, 5 {a h. et 812 h. du soir, deux secousses légères. Pas 
de dommages. 

— Le 12, 4 h. 10 m. du matin, à Amboine, très-fort trem- 
blement de l'E. à l'O. et d’une demi-minute de durée. 

Le 43, 4 h. du matin, encore un tremblement violent de l'E. 
à l'O. 

Pendant les 3 à 6 jours suivants, il y eut chaque jour, sept 
ou huit secousses de moindre intensité. 


( 48 ) 

Le 16, plusieurs secousses. Ces diverses secousses n'ont causé 
aucun dommage. | 

— Le 12 encore, vers 4 1/2 h. du matin, à Hila et Larieke, 
tremblement du S. au N. Durée, 45 secondes. Dans cette der- 
nière localité, une mosquée éprouva de graves dommages. 

— Le 26, à Weaverville (Californie), deux secousses. 

Mai — Le 8, de nuit, à Probolingo (Java), légère secousse 
sur une étendue de 300 palen carrés. Nouvelle lune. 

— Le20,à Augusta et Waynesville (Comté de Burke, Géorgie). 

— Le 22, en mer, par 5° lat. S. et 107° long. O., deux 
secousses. 

— Le 24, à Bytown (Canada). 

— Le 24, 6 1}2 h. du soir, à Manado, trois nouvelles secousses 
très-légères. 

— Dans le courant du mois, à Banda, plusieurs secousses 
légères. 

Juin. — Le 2, de nuit, en Californie. 

— Le 3, Bridgetown ( Nouvelle-Écosse), deux ou trois se- 
cousses. 

-— Le 8, 5 h. du matin, à Turin, légère secousse. 

— Le 14,2 h. du soir, à Croe, forte tempête du NO., avec 
de violentes secousses de tremblement de terre qui ont causé 
des dommages considérables aux établissements publics et à des 
maisons particulières. 

Le 15, vers 5 h. 5/4 du matin, à Telokbetong, pendant un 
vent violent, quatre secousses consécutives et horizontales du 
NO. au SE. Le thermomètre, au moment des secousses, qui du- 
rèrent environ 50 secondes, se maintint à 76° EF. Depuis quel- 
ques jours, une chaleur accablante alternait avec des averses, 
mais le thermomètre se maintint toujours élevé. 

Le 19, 3 h. 49 m. du matin, à Manado, violentes secousses 
horizontales de l'E. à l'O. pendant trois quarts de minute. La 
veille au soir, le thermomètre n'était pas descendu au-dessous 
de 80° F, ce qui est extraordinaire , attendu que les nuits sont 


(49.5 | 
très-froides à Manado. C'est le quatrième tremblement depuis 
le commencement de l'année. 

— Le 29, en mer, sans autre indication. 

— Dans le courant du mois, à Banda, plusieurs secousses 
légères. 

Juillet. — Le 1%, 4 1/2 h. du matin, à Banda, violente se- 
cousse ondulatoire qui, d'abord légère, s'accrut d’une manière 
étonnante; les personnes qui se trouvaient debout ne résistè- 
rent à une chute qu'avec efforts; les horloges s’arrêtèrent. Vers 
4 1}2 h., on ressentit encore une légère secousse; il n'y eut ce- 
pendant aucun dommage. 

— Le 7, aux îles Sandwich. 

— Le 17, entre 5 et 6 h. du matin, à Portland, Old-Orchard 
Beach, Saco et autres villes (Maine), deux secousses. 

— Le 19, à Ternate, une secousse très-violente. 

— Le 25, dans ja soirée, à Hawaïhae (îles Sandwich}, deux 
secousses, 

— Le 29, dans la soirée, à Hawaïhae (iles Sandwich). 

Août. — Le 5, entre midi et ! h., à Mexico, fort mouvement 
ondulatoire qui mit les meubles en mouvement. 

— Le 21, entre 9 et 40 h. du maun, bruits étranges entendus 
à Dayton, Troy, Cincinnati, et autres villes de l'Ohio. Ils res- 
semblaient à des décharges d'artillerie; maisons ébranlées. 

— Le 21,5 h. 50 m. du soir, à Bezoeki (Java), une secousse 
du S. au N. À 4 h. précises, une deuxième secousse, très-vio- 
lente, de même direction et de quelques secondes de durée, sur 
un espace de 400 palen. 

— Le 24, à Canas et Bagares (Amér. cent.), maisons renversécs. 

— Le 27, à Thèbes (Grèce), tremblement. 

— Le 98, 7 h. 7 m. du matin, à Tébriz, fort tremblement. 

— Le 28 encore, à New-Madrid (Mississipi), tremblement. 

Septembre. — Le 2, dans la partie inférieure de la vallée de 
S'-Joaquin (Californie), plusieurs secousses. — Ne sont-elles pas 
d'octobre? 


TOME xxu1, — Il" part. 4 


(50) 

— Le 5, à Cumana encore. 

— Le 3 encore, dans la résidence de Manado, une légère 
secousse. | 

Le 4, 2 h. du soir, deux nouvelles secousses très-fortes. 

— Le 4 encore, 6 h. du matin, à Banda, légère secousse hori- 
zontale du NO. au SE. 

— Le 7, 11 h. 40 m. du soir, à New-Bedford et Dartmouth 
(Massachusets ). 

— Le 8, à Tanas (Amér. cent.), les secousses continuent avec 
plus ou moins de violence chaque jour. A San-Jose (Amér. cent.), 
violent tremblement de plus d’une minute de durée. 

— Le 13, à Athènes et à Thèbes. 

— Le 19, 6 h. du matin, à l’île de S'-Thomas. 

— Le 30, à Banda, secousse horizontale du NO. au SE. 

Octobre. — Le 1%, à Banda, légère secousse. 

— Le 2,2 h. du soir, à Kingston (Jamaïque). 

— Le 11, 10 5/2 h. du soir, à Padang (côte occidentale de 
Sumatra), tremblement très-violent, mais sans dommages. Les 
secousses continuèrent avec un fort bruit souterrain et durèrent 
57 secondes. 

— Le 12, vers 6 1}2 h. du soir, à Poerworedjo et à Wonosobo, 
une secousse sensible du NE. au SO. 

— Le 14 et le 19, à Banda, légères secousses. Le volcan lan- 
çait plus de fumée qu’à l'ordinaire. 

— Le 25, à Eureka et Baie-Humboldt (Californie), ainsi qu'au 
Pérou. 

Le 25, à la Baie-Humboldt encore. 

— Le 28, vers 6 5/4 h. du matin, dans la résidence de Cheri- 
bon, régence de Galoe, deux fortes secousses, l’une d’un mou- 
vement gyratoire, et l’autre oscillatoire du SO. au NE. La veille, 
le temps avait été chaud et couvert; avant et pendant le tremble- 
ment, 1l était calme et accablant; il tomba quelques gouttes de 
pluie et il s'éleva presque aussitôt un vent violent suivi d’une 
grande pluie. Dans plusieurs endroits, ce tremblement fut ac- 


(1) 
compagné de coups de tonnerre (1). Il a ébranlé un espace de 
200 palen. 

— {Sans date du jour), à Callao et à Lima (Pérou), deux se- 
cousses. 

— À Acapulco (Chili), secousses quotidiennes. 

Novembre. — Nuit du 1° au 2, dans le district de Cheribon 
(Galoe), deux nouvelles secousses verticales de bas en haut et de 
haut en bas dans la direction du SO. au NE. (sic). 

Le 2, vers 4 h. du matin, encore une légère secousse, sur une 
étendue de 200 palen. Ces divers tremblements n’ont causé au- 
cun dommages. 

— Le 5, à Pinea (Amér. cent.), violent tremblement. 

— Le 8, à Banda, deux secousses verticales d'environ G se- 
condes de durée et accompagnées d’un bruit souterrain qu'on 
entendit encore les trois jours suivants et à une grande distance. 

— Le 20, 11 h. du soir, à San-Francisco (Californie). On en 

. avait éprouvé plus de 30 depuis le 4‘ janvier. 

— Le 21, à Antrim (N.-H.), violent, à San-Francisco encore. 
— Le 22, à Banda, encore une légère secousse. Sécheresse 
| continuelle pendant le mois, sauf quelques jours de pluies à la fin. 
:  — Le 23, dans la république Argentine. 

| — Le 28, à Antrim (N.-H.), violent. 

— Le 50, vers 2 h. du matin, dans le district de Galoe (Java), 
| secousses d'abord verticales, puis ondulatoires du SO. au NE. 
| d'environ dix secondes de durée. L’atmosphère était lourde et le 
| temps couvert; il s’éclaireit sous l'influence du vent qui s’éleva. 
| Température de 79° F. Sans autres dommages que quelques 
murs lézardés. 200 palen d'ébranlés. Nouvelle lune. 

| Décembre. — Le 1°, vers midi, à Provo-City, territoire d'Utah. 
— Le, 9 h. du matin, à Durango (Mexique), violent. 

— Dans la première décade, vers 2 h. du soir, à Constantinople, 


(1) Ge même phénomène a été rapporté pour 1852. Voir p. 45 précédente. 


PEN 
Où 


\ 
/ 
une secousse qui fit craquer les murs et les boiseries. Durée, une 
seconde environ; vent d'E. 

— Le 10, à Banda, quelques secousses horizontales de l'E. à 
l'O. et de dix secondes de durée. 

— Le 18, entre 6 et 7 h. (?), à Memphis (Tennessee). 

— Le 25, à Shasta (Californie). 

— Le 27, à Manado, légères secousses. 

— Nuit du 30 au 31, à Amboine, une légère secousse. 

Dans le courant de l’année, on a remarqué de grands change- 
ments aux environs de l’île de Key et des deux îles de Poeloe- 
Pisany (Moluques); on les attribuait aux mouvements du sol et 
de la mer. Le 26 novembre 1859, le terrain de ces îles était encore 
mou et de couleur jaune d'or. Le gouverneur des Moluques avait 
expédié un bateau à vapeur pour en faire un examen approfondi. 

Entre les îles Trando et Kauwer (du groupe des Key-Eïlanden), 
on a découvert trois bancs de sable, dus probablement aux com- 
motions terrestres et marines de 4852. Ils se composent de corail 
et de sable jaune. L'un d'eux aurait disparu, les autres seraient 
déjà couverts de broussailles. 

M. J. Hageman résume ainsi l'étendue des six tremblements 
éprouvés, en 1853, à Java : superficie ébranlée, 2,300 palen, 
beaucoup moindre qu'en 1851, 1852 et 1850. Environ 200 pa- 
len carrés ont élé agités trois fois. 

Dans le courant de 1855, il n'y a pas eu moins de six tremble- 
ments de terre à Tjiamis, et, suivant les communications faites à 
MM. Blecker et Mayer, lors de leur dernier voyage dans le Sud 
des régences de Préanger et de Cheribon, des tremblements de 
terre ont lieu presque chaque semaine, dans la vallée de Garoet 
(entre le Goentoer, Papandajang, Tjikorai, Karadjak, Galoen- 
goeng et Telagabodas). Là et dans les environs, les propriétaires 
se sont entendus pour tenir note de ces secousses fréquentes et 
en envoyer régulièrement le journal à la Société des sciences de 
Batavia. 

— Dans le rapport fait par M. G. Gibbs, sur l'exploration du 


( 5 

pays situé entre les 47 et 49 parallèles pour l'établissement d'un 
chemin de fer de St-Paul à Puget-Sound, il est dit (1) que le mont 
Baker, près de Puget-Sound, a eu une légère éruption pendant 
l'hiver de 1853-1854, qu'il a lancé de légers nuages de fumée. 
La dernière éruption de cette montagne avait eu lieu en 1843, 
en même temps qu'une légère secousse de tremblement de terre à 
Port-Langley. L'auteur observe que le mont S'e- Hélène lançait 
alors de la fumée, et il ajoute : 

« Le mont S'e-Hélène et le mont Baker sont les deux seuls vol- 
cans actuellement en activité dans cette chaîne. La dernière érup- 
tion considérable a eu lieu en 1842; elle couvrit de cendre le 
pays jusqu’à Vancouver et Dallee et parut tout en feu quand la 
fumée se fut dissipée. Les Indiens rapportent qu'il y avait trois 
montagnes qui fumaient toujours, le mont S-Hélène, le mont 
Hood et le mont Adams. Suivant leurs légendes traditionnelles, 
ces deux derniers étaient l'homme et la femme. Ils prirent feu 
dans une querelle où le S'-Hélène fut vainqueur. Le mont Hood 
se montre depuis timide et effrayé, tandis que Île S'°-Hélène, au 
cœur courageux, brûle encore. Suivant quelques versions, ce 
fait se rattacherait à la formation des cascades de la Columbia, 
dont il reste encore des vestiges visibles aujourd'hui, événement 
que Lewis et Clark regardent comme antérieur d'une trentaine 
d'années à leur arrivée dans ce pays. Il est très-probable que ces 
cascades sont un effet des tremblements de terre, qui, quoique 
rares, ne sont cependant pas inconnus sur cette côte. La tradi- 
tion des Indiens ne mentionne aucune éruption de lave, elle ne 
parle que de fumée et de cendre. Les Indiens ajoutent encore 
qu'il s'en dégage une odeur qui fait mourir le poisson. Les cen- 
dres sont si épaisses et si meubles autour du pied du mont 
S'e-Félène qu'on ne peut y voyager à cheval. 


1854. — Janvier. — Les 2, 3, 4 et 5, dans les détroits de 


(1) Æmer. jour., 21 ser., vol. XX, p. 297, sept. 1855. 


(54) 
Saparoea et Haoreko, secousses très-fortes, du SE. au NO. avec 
fort bruit souterrain. 

La mer, pendant la première secousse du 4, était dans une 
agitation violente et débordait sur la plage du détroit. Ces se- 
cousses n’ont pas causé de dommages. On ne les a pas ressenties 
à l’île d'Amboine. 

— Le 8, à Banda, secousses avec bruit souterrain entendu 
sur un grand espace. 

— Le 10,7 h. du soir, à Wilmington (Ohio) deux secousses. 

— Le 14, à Banda (Java). 

— Le 17, en mer, par # lat, S. et 880 long. E. 

— Le 19, à Ternate, une secousse légère. 

— Le 20, à Lima (Pérou), plusieurs secousses. 

— Le24,5h.15 m. du matin, à Constantinople, une secousse 
faible. À 5 h. 45 m. du matin, nouvelle secousse plus forte et 
composée de sept ou huit oscillations du S. au N., qui durèrent 
moins de 3 secondes. Vent du SE. très-faible, du 25 au 27 au soir. 

— Le 26, à Banda, phénomène semblable à celui du 8. 

— Le 29, à Manchester, comté de Klay (Kentucky) et à 
95 milles à la ronde, deux secousses. 

Le 30, 5 h. du matin, à Manchester. 

Février. — Le 2, à Ternate, une secousse légère. 

— Le même jour, à Santiago de Cuba, deux secousses par une 
chaleur remarquable pour la saison. 

— On écrit de Truxillo (Amér. centrale), le 40 : « Depuis 
plusieurs mois, nous éprouvons des secousses continuelles qui 
ont répandu l'alarme parmi les habitants. » 

— Le 12, à Cosenza, tremblement déjà cité; en voici le jour- 
nal d'après M. Scaglione (1). 


(1) Cenno storico filosofico sul Tremuoto, che nello nolte del di 12 ve- 
nendo à 13 febbrajo dell anno 1854 ad una ora meno un quarto scosse 
orrendamente la città di Cosenza e variè paesi vicèni pel Ferd. Scaglione, 
Cosenza , 1855 di p. 69, in-4°, 


TT EP OR ES CIE VO IN PE CE 


(95 ) 

Le 13, dans la matinée, trois fortes secousses et deux autres 
entre 35 et 4 h. de la nuit (de 8 12 h. à 9 12 h. du soir). 

Le 15, une légère secousse. 

Le 17, autre secousse. 

Le 24, 2 54: h., et 5 ‘2h. du matin, deux secousses légères. 

Le 26, vers 1 h. du matin, tremblement. 

Le 27, vers midi 40 m. une secousse; vers 4 h. 50 m. du soir, 
une autre plus forte. 

— Vers minuit du 22 au 25, à Reading (Mass.), secousse avec 
bruit qui, comme le mouvement du sol, a paru de l'O. à VE. 

— Le 98, à Lexington (Kentucky ). 

Mars. — Le 1*, 10 h. 25 m. du soir, à Cosenza, une se- 
cousse. 

Le 5, vers 11 ‘}2 h. du matin, à Cosenza, une légère secousse: 
deux autres semblables la nuit suivante. 

— Le 5, de nuit, à 60 milles à l'E. de Lexington (Kentucky), 
deux secousses. 

— Le 7, au point du jour, à Cosenza, rombi dans l'air. 

Le 12, vers 7 ‘l h. du soir, autre rombo. 

— Le 14, dans l'État de Géorgie. 

— Le 15, vers midi, à Cosenza, tremblement accompagné 
d’une détonation dans l'air. Rombo, vers 9 1/4 h. du soir. 

— Le 19, à Catanzaro et dans les environs, secousse. 

— Relativement au tremblement ressenti ce jour, à S'-Sébas- 
tien, dans les Pyrénées et en France, j'ajouterai la note suivante 
que je dois à M. Casiano de Prado, l'un des fondateurs des 
observatoires météorologiques en Espagne : « Un habitant de 
S'-Sébastien était allé se promener, ce soir-là, du côté du Chofre; 
il éprouva une telle sensation de froid qu'il ne put s'empêcher d'y 
prêter attention. Il continua néanmoins sa promenade sur Îles 
montagnes qui dominent la ville, et, de retour à S'-Sébastien, 
vers l'heure du coucher du soleil, il fut surpris du changement 
de température. Malgré le vent modéré qui soufflait, c'était alors 
la température douce d'une soirée d'été, » 


(56) 

— Le 20, un peu après minuit et demi, à Cosenza, une légère 
secousse encore. 

Le 21, vers 11 h. 55 m. du soir, une légère secousse. 

Le 22, vers 9 h. 54 m. du soir, une forte secousse. 

— Le 24, dans le district de Marlborough (Australie), une 
secousse comme celle d’un tremblement de terre. Il y eut une 
espèce d'éruption, la terre fut lancée en l'air. 

— Le 25, vers 3 %/4 h., à Cosenza, tremblement léger. I fut 
violent à Palerme et dans les environs. 

— Le 26 (heure non indiquée), tremblement à Potenza. 

—— Le 28, de nuit, à Cosenza, une secousse; vers midi un 
quart, une deuxième. 

— Le 30,2 h. du matin, à Manado et Kema (Java), une vio- 
lente secousse. 

— Le même jour, vers 10 1/4 h. du matin, à Cosenza, tremble- 
ment. 

Le 51, vers 9 h. 20 m. du soir, encore une légère secousse. 

— (Sans date de jour), à Coyutepeque (San-Salvador), une se- 
cousse, 

Avril. — Le 4, vers midi et demi, à Cosenza, forte secousse. 

Le 5, vers 6 h. 25 m. du matin, secousse légère. 

Le G, vers 4 h. 25 m. du soir, rombo sans tremblement. 

Le 7, vers 7 1} h. et 9 1} h. du matin, deux rombi dans Pair. 

— Le 9, entre 8 et 9 h. du matin, à l'île St-Thomas. 

— Le 10, { h. du soir, à Cosenza, légère secousse. 

Le 11, 1 ‘2h. du soir; à Monteleone (Cal. citér.), forte se- 
cousse; à Cosenza, on entendit deux forts rombi, mais sans 
tremblement. 

Le 15, entre 5 ‘2 h. et 4 1/2 h. du matin, à Cosenza, deux 
légères secousses. Vers 4 1/2 h. du soir, une légère secousse assez 
sensible à Montalto. 

— Le 14, entre 40 et 41 h. du matin, à San-Francisco (Cali- 
fornie), deux secousses. 

— Le 17, vers 9 1/2 du matin, à Cosenza, secousse médiocre, 


(57) 

— Le 19, vers 8 h. du soir, à San-Giovanni in Fiore, forte 
secousse. 

— Le 19 et dans les premiers jours de mai, à Panda, fortes 
seCOUSSes. 

— Le 20 et le 28, à Manado et Amoerang (Java), très-fortes 
secousses du NO. au SE. et du N. au S. 

— Le 20, 9 h. du soir, à Montezuma, Cayuga, Port-Byron 
et les bords du lac de Cayga (N.-Y.). 

— Le 25, le lac Erié à Dunkirk, Barcelona et autres places, 
fut troublé aussi bien que l'Ontario, par des flux et reflux de 
marée, 

Mai. — Le 2, à Guatemala et San-Salvador, nouvelles se- 
consses. 

— Le 3, vers 9 h. du matin, à Probolingo et Pradjekan (rési- 
dence de Bezoeki, Java), deux secousses du SE. au NO. sans 
dommages. 

— Le même jour, 9 h. 30 m. du matin, dans la résidence de 
Kediri, tremblement d'abord faible et ondulatoire du NE. au SO .; 
il à fini par une secousse très-forie. On a seulement constaté 
quelques dommages à Prigi, 6,700 palen carrés d’ébranlés. 

— Le même jour encore, 8 1/9 h. du matin, près du Bator 
{volcan de Bali), une secousse très-violente du S. au N. Elle a 
duré près d’une minute. Le volcan était en activité; il y a eu 
éruption de lave. 

— Le5,9 h. du matin, à Vera-Cruz, Jalapa, Mexico, Acapul- 
co, Oaxaca et Jamiltepeque. Dans cette dernière ville on compta 
de 50 à 60 secousses : des montagnes s’écroulèrent aux environs. 

— Le 13, à Santa-Barbara (Californie). 

— Le 15, aux ruines de San-Salvador, où elles continuaient 
encore le 20. 

— Le 16, 10 ‘2 h. du matin, à Cosenza, légère secousse ac- 
compagnée du rombo ordinaire. 

Le 17, 7 h. du matin, légère secousse. 

— Le 17, 4 h. du matin, à Tjiamis (résidence de Galoe), 


(58 ) 
un tremblement très-fort, ressenti à Garoet, chef-lieu de dis- 
trict dans la régence de Limbangan ; 1,000 palen carrés d’ébran- 
lés (1). 

— Le 23, 11 h. 20 m. du soir, San-Francisco, Crescent-City 
et autres villes de la Californie. 

— Le 29, vers 11 !/1 du soir, à Cosenza, secousse verticale 
et ondulatoire, de 3 secondes de durée et plus forte que les 
autres. 

— Le 50, 12 h. 10 m. du matin, à Grenade (Espagne), se- 
cousse légère et de courte durée. 

—— Dans les premiers jours du mois, à Banda, violentes se- 
cousses. (Voyez au 19 avril, page précédente.) 

— Dans la dernière semaine du mois, le grand village indien 
de Jamiltepeque, dans l'État d'Oaxaca (Mexique), a été entière- 
ment détruit par une série de secousses. 

— Dans le mois, les secousses ont continué à Guatemala 
(Amér. centrale). 

Juin. — Le 11,92 h. du soir, dans l'Amérique centrale, se- 
cousses violentes, à St-Vincent et à Chinamecça, bâtiments ren- 
versés. 

— Le même jour, 11 ‘2 h. du soir, à Kingston (Jamaïque). 

—- Le 14, 8 h. du soir, dans la résidence de Kediri (Java), une 
assez forte secousse de l'E. à l’O., 1,000 palen carrés d'ébranlés. 

— Le 18, Gh. 40 m. du soir, à Cosenza et S't-Giovanni in 
Fiore, forte secousse ondulaioire. 

— Le 24, dans la soirée, à Cincinnati (Ohio). 

— Le 27, 4 il h. du matin, à bord du brik le Sylph, à l'ancre 
devant Brahoe (île Engano), six secousses accompagnées d'un 
bruit souterrain. Plus tard, à 5 h. du soir, on sentit cinq nou- 
velles secousses dirigées comme les premières du SO. au NE. Des 
arbres desséchés tombèrent aux environs et dans la forêt. Tout 


(1) Nous avons constaté la fréquence des secousses à Garoet, dans une 
note à Ja fin de 1853. 


(9 ) 
était en mouvement comme par l'effet d’un coup de vent ou d’un 
tourbillon. 

— Les 27 et 29, dans la résidence de Benkoelen, fortes se- 
cousses de l'E. à l'O. 

— Dans le courant du mois, à Padang (Sumatra), plusieurs 
secousses légères. 

— Les secousses ont continué aux ruines de San-Salvador, à 
de courts intervalles; elles se sont étendues et ont détruit les 
vieilles villes de Coyutepeque, S'-Vicente et Camanca, Les bruits 
continuent sous les ruines de l’ancienne capitale. 

Juillet. — Le 4, 41 h. ‘ du matin, ville de David (Nouvelle- 
Grenade), tremblement avec ouragan furieux. 

— Le 10, minuit, à Aspinwall (Panama), deux secousses avec 
éclairs et tonnerre dans le lointain. Dans la baie de Tabago, trois 
secousses, ressenties aussi dans les provinces septentrionales de 
Venezuela. 

Le 14, 1 h. du matin, à Tabago. — Le même jour, dans la 
Nouvelle-Grenade. 

— Le 14, 9 h. du matin, à Guatemala. 

Le 15, trois nouvelles secousses. 

Le 16, trois secousses encore, du N. au S. Temps calme et 
nuageux, les trois jours. 

— Le 16, dans la matinée, à Mexico. 

Le 17, 5 h. 12 du matin, à Mexico encore. — À Guatemala, 
treize nouvelles secousses désastreuses. L’agitation du sol était 
assez grande pour produire le mal de mer. Temps extraordinai- 
rement clair. Le baromètre montait depuis plusieurs jours. 

Le 18, à Guatemala, huit secousses encore; après deux vio- 
lentes secousses, à 8 h. du soir, le ciel se couvrit de nuages et 
des éclairs brillants l’illuminèrent de toutes parts. 

— Le 18, à Manado (Java). 

— Le 51, 11 h. 40 m. du soir, à Goshen, comté d'Orange 
(N.-Y.), bruit semblable à celui d’un tremblement de terre. 

— Les secousses continuent à Guatemala. Du 15 au 30, on en 


( 60 ) 
a compté plus de cinquante, toutes horizontales et du NE. au 
SO. (1). 

Août. — Le 1%, dans la matinée, à Guatemala encore. On 
comptait déjà 75 secousses. Il y en eut plusieurs aussi à San-Sal- 
vador. 

— Le 4, de nuit, à Rivas (Nicaragua), plusieurs secousses. 

— Le même jour, 11 h. 1} du soir, à Costa-Rica, à Aspinwal, 
dans la Nouvelle-Grenade et le long du nouveau railway, ainsi 
qu'à David, province de Chiriqui. 

— Le 5, à Nicaragua et Costa-Rica. 

Les 6 et 7, à Costa-Rica, les tours de St-Domingo et Barba 
souffrirent beaucoup. Le village de Golfe-Dulce, sur le Pacifique, 
fut envahi par les eaux de la mer et détruit. 

— Le 8,8 h. du soir, à Raguse (Dalmatie), secousse du N. au 
S. et non du S. au N. comme on l'avait dit. 

— Le 20, de 10 h. à 10 h. 34 m. du matin, au fort Erfprins 
(Java), trois légères secousses horizontales du NE. au SO; elles 
mirent l'eau, les vitres et les lustres en mouvement et durèrent 
sept ou huit secondes. Le thermomètre se tint à 84° KF.; 100 palen 
carrés d'ébranlés. 

— Le 21, à Castrovillari, Morano et Cassano (Calabre Cit.), 
plusieurs secousses. 

Le 25, à 2 h. du soir, à Lavello (Pasilicate), légère secousse 
ondulatoire. 

—- Le 29, à Padang (Sumatra), tremblement très-fort qui ce- 


(1) On a remarqué (V. l'American Daguerrian Gallery) un phénomène 
pendant ces secousses. Depuis le commencement des secousses, le mercure du 
bain où se font les épreuves agit avec la plus grande irrégularité. Il paraît 
avoir perdu sa force, il faut parfois quatre et cinq minutes et deux ances 
de mercure pour obtenir des résultats inférieurs à ceux qu'on obtenait ordi- 
nairement en trois minutes avec un quart d’once. Ça été particulièrement le 
cas le jour des secousses les plus violentes ; le mercure à paru sans pouvoir et 
a produit une impression à peine sensible. 


PR 


| 


(61 ) 
pendant ne fit que peu de dommages. On le ressentit aussi au fort 
de Kock. Dela montagne de Merapi s'élevèrent, pendant plusieurs 
jours, d’épaisses colonnes de fumée, accompagnées de fortes et 
fréquentes détonations et de pluies de cendres. Le jour du trem- 
blement, il n’y eut pas d'éruption. 

Septembre. — Le 4°, 10 h. du matin, à Panama et Washing- 
ton (Nouvelle-Grenade). 

— Le 2, à San-Salvador, les secousses continuent. 

— Le 8,7 h. du soir, à Spalatro (Dalmatie), petite secousse 
accompagnée de détonations. 

— Le 9, 1 h. 54 du soir (suivant M. Smith), vers 8 h. du son 
(suivant M. Scaglione), à Cosenza, forte secousse ondulatoire qui 
dura trois secondes. 

— Le 11, à San-Salvador, les secousses continuent. Üne se- 
cousse plus violente que celles d'avril. 

— Le 17, 40 h. 45 m. du soir, à Santa-Magdalena (Autriche), 
secousse avec bruit semblable au tonnerre. 

— Le 23, après minuit, en Perse, plusieurs secousses désas- 
treuses. Villages ruinés. 

A Tébriz, on a compté six secousses, de minuit au lever du 
soleil. 

Cette ville, suivant M. Abich, a été le centre de ce tremble- 
ment, qui n'a pas eu lieu dans le sens d’une ligne longitudinale, 
mais qui appartenait à un cercle de secousses dont Tébriz, ou 
pour mieux dire, le système trachytique du Séhend, occupe le 
centre. 

Le dernier endroit à l’orient de Tébriz où il a été ressenti, 
est le village de Goumbed, de manière qu'il n'a pas passé de 
l'autre côté de [a chaîne des montagnes qui séparent le Kara- 
dagh et la province de Tébriz. A l'O., non-seulement il n’a pas 
été ressenti à Ourmia , ni à Salmaz, ni aux environs de Khoï, ni 
à Khoï même, mais il n’a pas même atteint le littoral oriental du 
lac Ourmia; de manière qu'à la presqu'île de Chahi, éloignée de 
8 milles géographiques en ligne droite de Tébriz, on n’a rien 


(62) 
ressenti de cette forte secousse qui, pendant quelques instants, a 
fait croire à M. Khanykof, que Tébriz tomberait en ruines (1). » 

De même tous les alentours de Savalan, Ardébil, ete., sont 
restés sans secousse. 

M. Abich a déjà publié, dans le Bulletin de l'Académie des 
sciences de Saint-Pétershourg, n° 15 et 16 de 1855, des articles 
sur ce tremblement, d’après M. Khanykof. Il ajoute : 

Le 25, 11 h. 48 m. du soir, à Tébriz, cinq secousses consé- 
cutives. | 

Le 27, 8 h. 15 m. du soir, tremblement avec bruits sou- 
{errains. 

Le 28, minuit 40 m., une secousse faible. 

— Le 27, dans la soirée, à Ternate, tremblement sans dom- 
mage. 

— Le 28, à Hong-Kong et Canton (Chine), tremblement vio- 
lent; plusieurs personnes de tuées. | 

Octobre. — Le 2, 5 h. 50 m. du soir, à Constantinople, faible 
secousse, composée de plusieurs oscillations, de l'E. à l'O. Vent 
du NE. fort dans l'après-midi, suivi de calme le soir. 

Le 5, 5 h. du matin, faible secousse, vent du SE. faible dans 
la journée. Orage le soir. 

— Le 5, à Hong-Kong (Chine), trois secousses qui firent 
sonner les cloches. 

— Le 8, 4 h. du matin, dans la Basilicate, une secousse qui se 
renouvela 5/1 d'heure après. 

— Le 8, 11 h. du matin, à Amocrang (Manado, Célèbes}, 
fortes secousses. 

— Le15,11 h. 48 m. du soir, à Tébriz, secousse faible, 


(1) Extrait d’un mémoire intitulé : Sur les derniers tremblements de terre 
dans la Perse, etc., lu le 16-28 mars 1855, que je dois à l’obligeance de 
l'auteur. 

J'y ai puisé également toutes les citations relatives à Tébriz, où M. Khany- 
kof vient d'établir un observatoire météorologique. 


(65) 

— Le 17,9 h. 45 m. du matin, à Constantinople, faible se- 
cousse consistant en plusieurs oscillations du N. au S. Vent 
du SE. faible. 

— Le 17 encore, à San Salvador et Cojatepeque ( Amér. 
cent.) 

— Le 19, 5 h. 45 m. du matin, à Valparaiso. 

— Le 20, minuit, à Santiago de Cuba, légère secousse. 

— Le 21, 1 h. 30 m. du matin, à Raguse (Dalmatie), secousse 
de 2 à 3 secondes de durée, venant du NE,., pendant un orage 
venant du SE. 

— Le 21 encore, 7 h. 55 m. du soir, à San-Francisco (Cali- 
fornie). Temps étouffant pendant et après le tremblement. 

— Le 22, à Padang (Sumatra), plusieurs secousses légères. 

— Le 235, minuit 7 m., à Tébriz, secousse avec bruit souter- 
rain; 7 minutes plus tard, deuxième secousse faible. 

— Le 24, vers 5 h. du soir, à Valparaiso. 

— Le même jour sept secousses à Guatemala. 

— Le 28, dans l'après-midi, à Buitenzorg (Java), une légère 
secousse. 

— Le 29, vers 6 h. du matin, à Cosenza, légère secousse. 

— Le 30, 6 h. 48 m. du soir, à Raguse (Dalmatie), secousse 
du N. au S. Temps clair. 

— (Sans date du jour), à Keene (N.-H.), une secousse. 

Novembre. — Le 1*, 2 h. 45 m. du soir, à Recht (Ghilan), 
trois secousses très-fortes, dans la direction de l'E. à l'O. 

— Le 3,7 h. 15 m. du matin, à Constantinople, faible se- 
cousse composée de plusieurs oscillations, du S. au N. suivant 
les uns, de VE. à l'O. suivant les autres, de moins de trois 
secondes de durée, sans bruit souterrain. Vent du N. régnant. 

— Le 3 encore, vers 10 h. du soir, à Amoerang et Ratahan 
(Manado), secousse d'environ deux minutes à travers tout le 
Minahassa. 

— Le 4, 4 h. du maun, à Tébriz, une secousse assez forte 
avec bruit souterrain. 


(64 ) 

— Le 6, vers 8 h. du matin, à Padaug, légère secousse suivie 
d'un violent orage du NO. dans l'après-midi. Une pluie dilu- 
vienne dura 2 heures. 

— Le 7,en mer, par 42° 52’ lai. S. et 88° 45’ long. 0. 

— Le 18, à Amboine, une forte secousse du N,. au S. 

— Le 21, à Timor. 

— Le 22, vers 4 h, du soir, sur plusieurs points du comté de 
Tuzewell (Virginie). 

— Le 24, vers 1 h. 50 m. du soir, à l’île de Batchian, trois 
fortes secousses du NE. au SE, Les deux premières ont duré 
de 40 à 50 secondes environ, [a dernière plus longtemps en- 
core. | 

Le 25, vers 4 h. 50 m. du soir, encore une secousse, pareille- 
ment du NE. au SO. Elle a duré 40 secondes. A 7 h. du soir, une 
deuxième secousse plus courte. 

Le même jour, à 2 h. 30 m., 5 h. et 10 h. environ du maun, 
trois légères secousses. S'agit-il de la même localité ? 

— Le 24 encore, à Amboine, secousse semblable à celle 
du 18. 

— Le même jour, à Amoerang et Ratahan, même phénomène 
que le 3. C'est la deuxième et dernière secousse du mois, à 
Manado. 

— Le 24, vers midi et demi, à Ternate, très-fort tremblement, 
d'abord vertical, puis horizontal. Il fut ressenti par les bâtiments 
en rade. Suivant quelques-uns, il aurait duré 3 minutes. On 
l'éprouva aussi à Batchian. 

— Le 24 encore, à San-Vicente (Amér. Cent.}; à San Salva- 
dor , sept secousses. 

— Le 26, 6h. du matin, à San-Vicente. 

— (Sans date de jour), à Constantinople, une secousse. 

Décembre. — Le 4, 10 h. du soir, Huntington (Ganada). 

— Le 8, à Bombay, légère secousse. 

— Le 9, vers 9 h. du soir, à Cosenza, légère secousse, pré- 
cédée du rombo ordinaire. 


| 


DRE NT NOR CO 


(65 ) 

— Le 10, midi et demi, à Newbury-Port et Exeter { Massa.}, 
Portsmouth et Greenland (N. H.). 

— Le 14, vers S h. du soir, au Vésuve, sur le sommet du 
grand cône, formation subite d’une ouverture circulaire d'en- 
viron 80 mètres de diamètre, et un peu moins profonde que 
large. On a regardé ce phénomène comme le prélude de l'érup- 
tion de mai 1855. 

— Le 15, minuit un quart, à St-Damien, près de Coni (Pié- 
mont), une forte secousse; une seconde plus faible quelques 
instants après. 

— Le 25,9 h. du matin, à l'île Peels (groupe des îles Bonin), 
secousse légère; une demi-heure après, la mer monta rapidement 
pendant 10 minutes, et se retira à 36 pieds au-dessous de la 
marque des marées, laissant la baie à sec dans beaucoup d’en- 
droits, et entraînant avec elle les maisons et le bétail. Cette 
marée extraordinaire se renouvela ainsi toutes les 45 minutes 
pendant tout le jour. À Simoda (île Niphon), la secousse dura 
à minutes, et fut suivie d'autres secousses qui se renouvelèrent 
à de courts intervalles pendant 30 minutes. La grande vague, 
de 30 pieds de hauteur, qui balaya tout, maisons, ponts, ani- 
maux, eut lieu à 9 h. 30 m. Elle se renouvela cinq fois dans le 
jour : l'élévation et la chute de l'eau furent d'environ 50 pieds 
dans la baie. On remarqua un grand dégagement de gaz sulf- 
hydrique qui infecta la ville; les détonations souterraines et 
les chocs se répétèrent pendant 5 heures. La ville fut ruinée au 
point qu'on n'en reconnaissait plus les rues. 

Les secousses continuaient à Simoda au 22 février 1855. 

Le 24, 6 h. du soir, 34 heures après la ruine de Simoda, ja 
mer se jeta de la même manière sur la belle ville d'Ohosaca 
(partie sud du Japon) et la renversa ; 4,000 personnes y péri- 
rent. ET 

Le même jour, vers 5 h. du soir, à How-Chow, Keaking et 
Haening (Chine), la mer eut aussi de fortes oscillations. 

Le 25, à l'île Peel's (groupe Bonin), les eaux furent aussi agi- 


ToME xx. — 11° paRT. D 


Eur Lac LL Re Ce ne cm tft ER OM AR RTE : 1 ne NE 


( 66 ) 
tées de nouveau dans la soirée et pendant toute la nuit suivante 
Elles s'élevèrent à 12 pieds de hauteur. | 

À la séance du 5 juin 1855, M. Ritter a donné lecture, à la 
Société géographique de Berlin, d’une communication de M. de 
Humboldt, relative aux ravages que ce tremblement a faits. Elle 
est puisée dans des lettres du D' Macgowan de Macao, et dans 
le The North China Herald, numéros des 8 et 17 mars 1855. 

Sous le titre : Das letze grosse Erdbcben in Japon (1), 
M. Gumprecht paraît avoir reproduit cette communication. 
M. Gumprecht commence par rappeler la vive intensité de cette 
zone volcanique qui commence à l’île S'-Paul ou d'Amsterdam, 
se relie aux îles de la Sonde, aux archipels des Moluques, des 
Mariannes, des Philippines et du Lieu-Kieu, puis au Japon, aux 
Courilles et à la péninsule du Kamtschatka, d’où elle rejoint les 
iles Aléoutiennes. 

Il rappelle ensuite la fréquence et la violence des tremble- 
ments de terre au Japon, d'après Charlevoix, Kæmpfer, Thal- 
berg, Tsitsing et von Sieboid ; il mentionne les soulèvements per- 
manents qui, en 1795 et 1814, ont eu lieu près d'Unalaschka 
qu'il rapproche de celui arrivé, en 1822, au Chili et de celui 
qui vient de se manifester à Simoda. 

— Le 26,5 h. du matin, dans la montagne de Rhiwfrauk, 
près Abersychan, comté de Glamorgan (Galles), secousse qui 
ébranla la montagne du sommet à la base. On a prétendu qu'on 
en avait vu sortir du feu. 

— Le 98, entre 41 h. et 11 !}2 du soir, à Pavie, deux secous- 


ses légères et instantanées, à un quart d'heure d'intervalle; la # 


première fut du N. aus. 


— Le 29, 2 h. 50 m., troisième secousse plus forte ; remar- 


quée aussi à Stradella (prov. de Voghera), et dans la Lomellina. 
Direction du N. au S.; durée, deux secondes. Les fenêtres vibrè= 


(1) Zeitschrift fuer Aligemeine Erdkunde, herauss. von D: T.-E. Gum- 
precht. Berlin, {. V, cah. 4, pag. 511-516, oct. 1855. | 


(67) 
rent. À Milan, 2 h. 45 m., les horloges de l'Observatoire s’arré- 
tèrent. 

— Dans le courant du mois, à Banda, plusieurs secousses 
très-fortes qui ont endommagé quelques bâtiments. 

— Suivant M. J. Hageman, 11,450 palen carrés ont été ébran- 
lés cette année à Java. Quant aux éruptions, ébranlements et 
soulèvements de montagnes, on n’y en a pas constaté en 1854. 
S1 quelques éruptions volcaniques n'ont réellement pas eu lieu, 
cest bien remarquable, et nous pouvons nous attendre prochai- 
nement à plus d'activité dans nos volcans. Les développements 
journaliers des forces du Lamongan, du Bromo, du Kloed, du 
Slamat, du Goentoer et de quelques autres, ne peuvent être rap- 
portés comme phénomènes extraordinaires. 

— (Sans date mensuelle), à l’île d'Angel (Californie), 40 h. du 
matin , sans le moindre vent et la mer étant calme, l’eau s’éleva 
tout à coup de plusieurs pieds, et d'immenses vagues ondulèrent 
pendant plus d’une heure. On ne se rappelait pas avoir remarqué 
jamais rien de semblable sur les côtes de l’île. 


ADDITIONS. 


« Le comité des côtes des États-Unis a établi des appareils 
autographes pour enregistrer la hauteur des marées sur les côtes 
de la Californie. Le lieutenant Trowbridge, chargé de l'obser- 
vation de ces instruments, a remarqué de grandes irrégularités 
dans les courbes de San Diego les 23 et 25 décembre 1854. Ces 
irrégularités ne pouvaient être attribuées à des circonstances mé- 
téorologiques qui n’ont rien présenté d’extraordinaire ces jours- 
là. « Il y a donc toute raison de supposer, écrivait M. Trow- 
| » bridge, qu'elles sont l'effet d’un tremblement sous-marin. » 
} Gependant il n’y a pas eu de tremblement de terre à San Fran- 
cisco, dont les appareils autographes ont présenté les mêmes 
irrégularités. 

» M. Bache a rapproché ces faits des tremblements de terre du 


( 68 ) 
Japon, et, quoique les renseignements soient incomplets, la 
discussion des courbes des marées extraordinaires observées 
en Californie, l'a conduit aux résultats suivants, pour le 23 dé- 
cembre : 

» L’onde soulevée à Simoda, par le tremblement de terre, 
transmise ou propagée jusqu'à San Francisco, a parcouru de 365 
à 570 milles par heure, ou 6 milles à peu près par minute. 

» Les observations de San Diego donnent à peu près la même 
vitesse, 555 milles par heure. 

» M. Bache est allé plus loin; il a cherché à conclure de ces 
résultats la profondeur moyenne de l'océan Pacifique, sur le 
passage de ces ondes seismiques. « Nous avons trouvé, dit-il, 
» une vitesse de 6,0 à 6,2 milles par minute, et la durée d'une 
» oscillation de 55 minutes à San Francisco, et de 31 minutes 
» à San Diego. Ceci donnerait pour la longueur de l'onde à San 
» Francisco 210 à 217 milles, et à San Diego 186 à 192 milles. 

» Une onde de 210 milles de longueur se mouvrait avec une 
» vitesse de 6,0 milles par minute dans une profondeur de 
» 2,230 brasses. (Airy, Tides and Waves, EncycLor. MÉTR., 
» p. 291, tab. Il). Une onde de 217 milles de longueur à la 
» vitesse de 6,2 milles par minute, répond à une profondeur 
» de 2,500 brasses. La profondeur correspondante à la passe de 
» San Diego, est de 2100 brasses (1). » 

Quant aux irrégularités du 25 décembre, elles n'ont pas d'ori- 
gine connue; mais leur foyer doit avoir été plus rapproché de 
San Diego que de San Francisco. C'est l'opinion du savant que 
nous venons de citer. 


(1) Votice of Earthquake Waves on the western coast of the United 
States, an the 231 and 25! of december, 1854; by A. D. Bache. Superin- 
dant U.S. Coast Survey. Æmer. Jour. of sc., vol. XXI, n° 61, January 
1856, pp. 57-45. 


(69) 


GÉOGÉNIE. — Gisement et formation de l’oligiste, de la 
_limonite et de la pyrite; par M. De Vaux, membre de 
J’Académie. 


A 


Appelé par mes fonctions à étudier le gisement, en 
Belgique, de plusieurs substances métalliques, et en par- 
ticulier certains gîtes de minerai de fer, dans leur rapport 
avec la pyrite martale, j'ai eu l’occasion de recueillir à ce 
sujet des données précises, et de constater des faits qui 
ne vous paraîtront peut-être pas sans intérêt au point de 
vue de la science. 

On incline assez généralement aujourd’hui à attribuer 
à la décomposition plus ou moins complète de la pyrite, 
l’origine de tous nos minerais de fer. Cette opinion a pris 
naissance et à grandi au milieu des circonstances obser- 
vées dans l'exploitation des filons proprement dits et des 
amas couchés, gîtes dont la formation se rattache à l’épo- 
que et au fait des soulèvements auxquels semble due Îa 
dislocation des roches stralifiées, et révèle l’action des 
agents volcaniques. 

_ Là, en effet, on a pu remarquer tantôt, comme à Dur- 
buy, un même filon, traversant en ligne droite une longue 
succession de roches du terrain anthraxifère, présenter 
invariablement, au niveau de l'Ourthe, dans le calcaire, de 
la limonite pure, et une grande largeur; dans les schistes 
siliceux jaunâtres de la limonite pyriteuse et une puis- 
Sance moindre; enfin, dans les schistes argileux bleuâtres de 
la pyrite pure et une très-faible puissance. Tantôt, comme 
| à Corphalie, près de Huy, et en plusieurs autres points des 
amas couchés explorés au contact de nos terrains houiller 
et anthraxifère, un même gîte contenant d’abord de la li- 


mean st) ee te RS Se RS D ne DE ÉD ES me ne Gent UT du TR NS EU TT SVT EN ER 


(70 ) 

monite pure, depuis la surface jusqu’à une certaine profon- 
deur, et offrant, plus bas, en association plus ou moins 
intime entre elles et avec cette substance, de la calamine, 
de la blende, de la galène et de la pyrite. Tantôt, comme 
à Sautour et Philippeville, un beau filon de limonite dont 
les produits, après avoir fait longtemps les délices de la 
forgerie, ont été généralement repoussés par les hauts 
fourneaux, à mesure que l'exploitation s’approfondissant 
amenait des minerais de plus en plus pyriteux, filon qui 
aujourd’hui constitue un des plus beaux gîtes de pyrite 
connus et.concédés en Belgique. Un fait qui mérite d'être 
mentionné, en ce qu'il semble donner la clef des modifi- 
cations de la pyrite, c'est qu’en plusieurs points du filon 
de Sautour, dans les étages supérieurs réservés en quelque 
sorte à la limonite pure, on rencontre encore çà et là, an 
milieu de celle-ei, des fragments de pyrite parfaitement 
conservée, mais que toujours ces échantillons sont em- 
pâtés dans une argile compacte, qui, en les enveloppant 
de toutes parts, a pu les soustraire à l’action décompo- 
sante des agents extérieurs (4). 

Or, si cette origine est assez bien établie pour les filons, 
s'il est généralement vrai que le fer y ait été d’abord à 
l’état de sulfure et s’y soit transformé partiellement là en 
carbonate, là en hydrate, selon les circonstances, c’est- 
à-dire sous l'influence variée de l'eau, de Pair, de la cha- 
leur centrale et des réactions des roches encaissantes, ce 


(1) Voir sur la formation des filons métallifères les ouvrages ci-après : 
À. Burat, Description de quelques gîtes métallifères de l Algérie, de lEs- 
pagne, etc. — Géologie appliquée à la recherche des minéraux utiles. — 
Elie de Beaumont, Vote sur les émanations volcaniques et metallifères ; 
Société géologique de France, 2" série, t. IV. — J. Delanoue, Géogénie 
des minerais de zinc, plomb , fer et manganèse, etc. etc. Annales des 
mines , Ame série, t. XVIII, 


(46) 
serait verser dans une grave erreur que d’assigner la même 
génération à l'oligiste ou minerai de fer oolithique dans 
les couches puissantes qu’il constitue en Belgique. 

Ces couches font partie intégrante des dépôts sédimen- 
taires. Elles appartiennent au terrain anthraxifère dont la 
formation est antérieure à celle des filons et des amas cou- 
chés. L’étendue, la régularité de ces couches, l'espèce de 
solidarité qu’elles offrent à l'égard des couches de schiste 
qui en forment le toit et le mur, et dont elles suivent les 
allures et toutes les inflexions, la nature même de ces dé- 
pôts, et notamment la présence des nombreuses coquilles 
qui entrent dans leur composition; enfin, le fait remar- 
quable que la bande schisteuse dont elles font partie à 
généralement interrompu le cours des filons qui traver- 
sent les calcaires au sud et au nord de cetie bande, cet 

- ensemble de circonstances ne laissent aucun doute sur le 
gisement et la formation de nos couches d’oligiste. 

Une de ces couches, exploitée anciennement dans les 
environs de Chimay, appartient à l’étage inférieur des ter- 
rains anthraxifères. 

Une autre plus importante au point de vue industriel, 
et qui s’exploite aujourd'hui sur une grande échelle, règne 
au voisinage de la Meuse et de la Sambre, où elle forme 
dans l'étage supérieur du terrain anthraxifère, excentri- 

… quement un calcaire carbonifère, un bassin d’une immense 
étendue (1). 

… Leur formation doit avoir été analogue à celle des cou- 
ches de limonite que l’on observe dans nos terrains ter- 
aires, et l’on comprend aisément que l’action métamor- 


æ 


(1) Voir la description détaillée de cette couche, par M. l'ingénieur des 
mines Rucloux, t. X, pp. 41 et suivantes des #nnales des travaux publics de 
Belgique. 


(72) 
phique, qui s’est exercée sur le terrain anthraxifère, ait 
pu transformer l'hydrate en oligiste. 

Quant à la pyrite, loin de constituer, comme dans les 
lilons , l'élément primitif de ces riches dépôts ferrifères, 
elle ne s’y rencontre qu’accidentellement, de la même 
manière et avec les mêmes caractères que dans les ardoi- 
ses, dans le terrain houiller, et généralement dans la plu- 
part des roches de nos dépôis sédimentaires anciens. Elle 
y provient des mêmes causes, et n'apparait quelque peu 
abondante qu'au voisinage des filons qui sont venus tour- 
menter ces roches, parfois les traverser, souvent s’y ar- 
rêter, et toujours en altérer plus ou moins la composition. 

C'est ainsi qu'aux environs de Couthuin des veines de 
pyrite, décomposée en grande partie au-dessus du niveau 
des eaux, se rencontrent au contact de la couche d'oligiste 
et du schiste qui en forme le mur; que la présence de ces 
gites coïncide avec l'existence d’un groupe de filons de li- 
monite qui recoupent le terrain anthraxifère au nord et au 
sud, perpendiculairement à la direction, et viennent buter 
contre la couche d'oligiste sans la traverser ; que ces gites 
accidentels et peu étendus n'empêchent pas l'oligiste de 
se prolonger régulièrement dans tous les sens, en conser- 
vant sa puissance et ne subissant d'autre altération que 
celle qui a dû naturellement résulter de la lutte qu'il a eue 
à soutenir contre le filon, et du contact forcé avec une 
matière nuisible qui l’a plus ou moins pénétré. 

Ces gîtes de pyrite présentent, d'ailleurs, tous Îles 
caractères des filons couchés, notamment une puissance 
variable et une étendue limitée en tous sens, à tel point 
qu'ils disparaissent à peu de distance des filons dont ils 
procèdent, et qu'ils n'auraient vraisemblablement point 
existé si la fente des filons s'était propagée sans plus de 
résistance à travers l’oligiste et ses schistes, que dans les 


(75) 


autres membres du terrain anthraxçifère. Cette assertion 


se vérifie pleinement dans les exploitations très-dévelop- 


pées de la couche d’oligiste des communes de Vezin, Hous- 
soy, Ville-en-Waret, Marchovelette, Ben-Ahin, etc., etc, 
où l’on est parvenu à de grandes profondeurs sous le ni- 
veau naturel des eaux, où l’on ne rencontre nulle part de 
la pyrite, si ce n’est au voisinage de quelques filons, et 
où, enfin, on à pu constater que l’oligiste lui-même gagne 
notablement en pureté et en qualité à mesure que les tra- 
vaux s’approfondissent. Quant à l'opinion que la couche 
d'oligiste aurait élé déposée à l’état de pyrite, elle n’est 
plus soutenable en présence des faits signalés ci-dessus, 
el il suffirait, pour la condamner définitivement, de faire 
remarquer que, s'il en était ainsi, premièrement, c'est la 
masse propre de celte couche que l’on retrouverait à l'état 
de sulfure, tandis qu’elle est généralement vierge de sou- 
fre; secondement, on ne saurait comprendre que là où la 
pyrite apparait, soit en grains disséminés, soit dans des 
fissures transversales, soit en amas juxtaposés à ladite 
couche, ces parties isolées n'aient pas subi les premières 
l'influence d’ane action métamorphique capable d’opérer 
la désulfuration complète de la masse principale. : 

Il me reste à déclarer que c’est dans les notices de 
M. l'ingénieur Rucloux sur les dépôts métallifères du nord 
de la province de Namur, et particulièrement dans les 
travaux récents de MM. Joseph et François Sépulchre, de 
Huy, et dans les observations judicieuses de ces habiles 
ingénieurs, que j'ai puisé une partie des éléments de cette 
Courte notice, et les principaux arguments du système 
géogénique qui en fait l’objet. 


CE) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 7 juillet 1856. 


M. le baron DE GERLACHE , président de l’Académie. 
M. À. QueteLer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. le chevalier Marchal, De Smet, de 
Ram, Borgnet, David, Schayes, Snellaert, Carton, Haus, 
Bormans, Leclereq, Polain, Baguet, Arendt, Faider, 
membres : Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Ma- 
thieu, Chalon , Thonissen, Defacqz, Th. Juste, corres- 
pondants. 

MM. Sauveur, De Koninck, Alvin, membres des deux 
autres classes, assistent à la séance. 


a — — 
a ———— 


CORRESPONDANCE. 


MM. Alfred de Reumont et Adrien de Longpérier re- 
mercient la classe pour leur nomination d’associés. 


— Des remerciments sont aussi adressés à l’Académie 
pour lenvoi de ses dernières publications, par l'Académie 


| 
| 
| 


(75 ) 
des sciences de l’Institut de Bologne, et par plusieurs au- 
tres sociétés savantes. 


— L'auteur de la question sur Charlemagne, mise au 
concours par la classe, écrit qu'il est disposé non-seule- 
ment à conserver la question déjà soumise aux concur- 
renis, mais il fait connaître encore qu'il est prêt à fonder 
un prix nouveau pour la question : Exposer l’origine belge 
des Carlovingiens, discuter les faits de leur histoire qui les 
rattachent à la Belgique. 

Le programme de ce concours sera arrêté, après 
quelques éelaircissements nécessaires, dans une prochaine 
séance. 


— M. J. Roulez envoie le projet d'inscription qui suit 
pour la médaille décernée au dernier concours : 


FELICI NEVIO 
PROFESSORI LOVANIENSI 
QUOD 

QUANTUM COLLEGIUM TRIUM 
LINGUARUM LOVANIENSE AD 

PROMOVENDUM ANTIQUARUM 
LITERARUM STUDIUM CONTULERIT 
DOCTE ACCURATE ET | 

ELEGANTER EXPOSUIT. 

MDCCCLVI. 


Ce projet d'inscription est adopté. 


— L'Académie reçoit les ouvrages manuscrits sui- 
vants : 

#° Débris de peintures antiques sur ciment, trouvés à 
Laeken, par M. Galesloot. (Commissaires : MM. Schayes 
et le chanoine de Ram.) 


(76) 
2 Cent proverbes tamouls, traduits et expliqués par 
M. Vander Haeghen. (Commissaire : M. Arendt.) 


— M. Bormans, membre de l’Académie, présente un 
mémoire imprimé de sa composition sur les trois élé- 
ments thiois (flamands) de la langue wallonne. 

M. Chalon fait également hommage d’un.éerit de sa 
composition. — Remerciments. 


RAPPORTS. 


La France au XIV” siècle ; par M. Moke, membre de 
l’Académie. 


Rapport de M. le baron Jules de Saint-Genois. 


« Pendant les vingt-cinq dernières années qui vien- 
nent de s’écouler , le mouvement littéraire des esprits, en 
Belgique, s’est porté de préférence vers les études histori- 
ques, dans le but surtout de faire revivre aux yeux des 
contemporains les glorieux souvenirs du passé et de mon- 
trer que notre présent a des racines profondes dans les 
siècles antérieurs à notre émancipation. Aujourd'hui que 
notre chère patrie a définitivement repris son rang poli- 
tique parmi les peuples de l’Europe, aujourd'hui que nos 
titres nationaux sont mieux connus, partant moins COn- 
testés, ce mouvement que nous signalions tout à l'heure, 
tend à se modifier et prend une autre direction. Les hom- 
mes qui chez nous écrivent ne se préoccupent plus exelu- 


| 


(77) 
sivement de traiter des sujets qui n'intéressent que la 
Belgique; ils franchissent peu à peu le cercle étroit où un 
honorable patriotisme les avait d’abord retenus enfermés, 
pour se livrer à leur tour à l'étude de l’histoire et des in- 
stitutions des autres nations. 

En vous adressant le mémoire que vous avez soumis à 
notre examen, M. Moke est donc sorti de la voie battue 
Jusqu'ici, c’est-à-dire qu'il a abandonné le terrain tout à 
fait belge où se sont placés la plupart des auteurs des 
nolices et des mémoires communiqués depuis un quart de 
siècle à la classe des lettres de l’Académie. 

Entraîné par le désir d'étudier à son tour les grandes 
questions du paupérisme et de l'augmentation de la popu- 
lation qui , de nos jours, passionnent tant d'esprils sérieux , 
M. Moke, en nous présentant l'état de la France au 
XIV siècle, a entrepris un sujet aussi neuf que piquant. 
Son mémoire se rattache à Ja fois à l’histoire et à l’éco- 
nomie politique. Il est divisé en quatre grands chapi- 
tres intitulés : 4. Coup d'œil général sur la population de 
la France au X1V"* siecle. 2. La propriété seigneuriale. 
5. La propriété roturière dans la France centrale. 4. Déve- 
loppement de la richesse dans une partie du Languedoc. Ces 
chapitres sont ensuite subdivisés en un certain nombre de 
paragraphes où l’auteur a méthodiquement groupé les faits 
qu'il s'agissait d'expliquer. 

En approfondissant la question de l’état social de la 
France au XIV"* siècle, notre savant confrère a abouti à 
prouver que sa population et sa prospérité financière ac- 
tuelles étaient , toute proportion gardée, eu égard à l’aug- 
mentation du territoire, les mêmes qu’au moyen âge. 

C’est là, il faut le dire, une thèse hardie, et malgré les 
inductions souvent hasardées de l’auteur, nous devons 


(78) 
reconnaitre qu'elles ne manquent ni de fondement ni de 
vérité dans leur ensemble. 

L'examen de la condition sociale de la France au 
XIV siècle, surtout en ce qui concerne les classes infé- 
rieures, sous le rapport du travail et du taux du salaire, 
a fourni à M. Moke les éléments les plus curieux pour ses 
appréciations économiques. Bien que ces appréciations ne 
portent que sur l’ancienne population d'une partie assez 
restreinte de ce royaume, 1l a obtenu des moyennes qui 
offrent un caractère remarquable de probabilité. Les chif- 
fres de notre honorable confrère sont groupés avec une 
rare habileté; aussi n'ayant pas de documents à la main 
pour les contrôler ou les contredire, sommes-nous un peu 
forcé de les admettre sur sa parole. I] a d’ailleurs puisé les 
renseignements sur lesquels il asseoit ses évalualions ,aux 
sources les plus respectables : les travaux de Dureau de la 
Malle, le Polypiyque de l'abbé Irminon de St-Germain- 
des-Prés, les archives administratives de Reims, les Or- 
donnances des rois de France, l'histoire du Languedoc de 
Dom Vaissette, la Revue des économistes et d’autres pu- 
blications statistiques récentes lui ont servi de guide dans 
cette délicate matière. 

Nous signalons surtout à l’attention du lecteur les ren- 
seignements qui concernent l’état de l’agriculture et la 
condition sociale de la partie de la population qui se li- 
vrait, au moyen âge, à cet art utile auquel la France dut 
toute sa grandeur au XIV®° siècle. La position des paysans 
et celle des bourgeois y offrent un contraste des plus in- 
téressants. Les ingénieuses conjectures de l’auteur y re- 
vêtent tous les caractères de la réalité, et on est tenté de 
s'écrier : Si ce n’est pas là l'état de la société à cette épo- 
que, tout concourt à faire supposer qu'il pouvait être tel. 


SENIORS MURS | URL MERE | GEL MALE ARE DE LÉRRR EVE GES ERREUR VENTES ES GS L 


ne E  —— 


(79 ) 

Nous avouerons cependant qu'en prenant pour prin- 
cipal point d'appui de ses calculs, la terre de Mirepoix en 
Languedoc, vaste et puissante seigneurie qui n'avait pas, 
il est vrai, moins de 410,006 hectares d’étendue, M. Moke 
s'est laissé trop aller à l'infaillibilité d’une base unique 
que des comparaisons faites sur d’autres grands domaines 
féodaux du temps pourraient détruire. 

Du reste, ces études économiques tournent tout à l’avan- 
tage du caractère des classes laborieuses qui, par le tra- 
vail, l'industrie, l’agriculture, le commerce, acquirent 
successivement l’aisance et la liberté et contribuèrent 
presque seules au développement de la richesse de la 
France du XIV”* siècle. 

Les investigations auxquelles M. Moke s’est livré ne 
sont pas moins curieuses, en ce qui concerne l’histoire 
de l'impôt dont il à ingénieusement expliqué l'assiette. Il 
n'hésite pas à déclarer que ces lourdes charges affamèrent 
la France et furent successivement la cause du dépéris- 
sement de la prospérité de ce royaume dans les siècles 
suivants. 

Tel qu'il nous a été présenté et malgré le caractère un 
peu hypothétique, dont les conséquences qu'il tire des 
renseignements recueillis sont empreintes, ce mémoire, 
qui nous offre en quelque sorte le budget économique de 


a France au XIV” siècle, est de nature à exciter bien vive- 


ment l'attention des savants, surtout de ceux que préoc- 
cupe l’histoire de la condition sociale de nos voisins au 
moyen àge. Nous nous empressons donc de vous en pro- 
poser l'impression. » 


( 80 ) 


Rapport de M. Kertyn de Lettenhore. 


« Je m'unis à M. le baron de Saint-Genois pour faire 
remarquer l'importance du vaste travail confié à notre 
examen, tout en nourrissant l'espoir que M. Moke, fidèle 
à la grande tâche qu'il s’est imposée de tracer le tableau 
exact de la situation de la société en France dars la pé- 
riode la plus florissante du moyen âge, complétera un 
jour les documents qu’il à déjà réunis. Narbonne et Car- 
cassonne que Froissart appelle « un des gras pays du 
monde (1), » Beaucaire dont la sénéchanssée fournit 
9,500 sergents à Charles VT, lors de l'expédition de Roo- 
sebeke (2), jouissaient d’une opulence bien supérieure à 
celle des autres provinces, et l’on ne saurait porter un 
soin trop sévère dans les appréciations qui tendent à gé- 
néraliser des faits particuliers. 

J'ai à former un dernier vœu : c'est que le savant au- 
(éur de ce mémoire veuille bien, dans ses recherches ul- 
térieures, déterminer, avec toute l'autorité du jugement de 
l'histoire, quelles furent les lois sages et utiles qui, sous 
le règne des meilleurs princes, dans le domaine des sei- 
gneurs les plus éclairés, ou bien au sein des communes 
les mieux protégées par leurs franchises, portèrent à un si 
haut point la prospérité publique. » 


Conformément aux conelusions de ses commissaires, 


mm a à — — — —— 


(1) Froissart, liv. 1°, partie I, ch. XIX. 

(2) Anciens rôles des bans, p. 99 (à la suite du Traité de la noblesse, 
par La Roque). La comparaison de ces rôles est l'une des bases sur les- 
quelles repose ce que nous savons de la population des diverses provinces. 


ru! 


(81 ) 
MM. le baron de Saint- Genois, Kervyn de Lettenhove 


et de Ram, la classe ordonne l'impression du travail de 
M. Moke. 


Lettres sur l'identité de race des Gaulois et des Ger- 
mains ; par M. le général Renard. 


HBappos't de PE. Arendt. 


« M. le général Renard ayant exposé lui-même, dans 
la lettre qui accompagne l'envoi de ses notices, les mouifs 
qui l’ont porté à nous les adresser, ainsi que le but qu'il 
s'est proposé dans ce travail, et mon intention n'étant pas 
d'intervenir dans le débat, je dois me borner à soumettre 
à la classe les considérations qui me déterminent à lui 
proposer d'accueillir la demande de l'honorable et savant 
général, et de publier dans nos Bulletins les trois aperçus 
qu'il nous a transmis. 

La question des origines gauloïises et germaniques est 
| entrée depuis quelque temps dans une phase nouvelle, 
dont l'importance ne saurait échapper à quiconque a suivi 
les débats auxquels cette question a donné lieu chez nous, 
\ en France et en Allemagne. 

| L'opinion qui voit dans les Celtes et les Germains deux 
| peuples de race différente, après avoir régné longtemps 
sans conteste, a trouvé récemment des contradicteurs qui 
cherchent à faire prévaloir un système diamétralement 
opposé, d’après lequel Celtes et Germains sont deux bran- 
ches d’une même souche dont l’une a précédé l’autre 
dans l'occupation des pays occidentaux de l’Europe. Con- 
sidérée en elle-même, cette opinion n’est pas nouvelle. 

Tome xxu, — IE" PART. 6 


k 


| 


(82) 

Tous ceux qui ont étudié la question savent que déjà dans 
l'antiquité des auteurs d’un grand poids, depuis Strabon 
jusqu’à Suidas et Zonaras, l'ont soutenue; on peut même 
dire que, depuis la renaissance des lettres jusqu’au siècle 
dernier, elle fut la plus généralement adoptée. Niebubr, 
tout en la considérant comme erronée, avoue cependant, 
qu'il y a 70 ans, elle était répandue et acceptée au point 
qu'aucune voix qui aurait essayé de la combattre n'eût été 
écoutée (1). 

Le revirement ne date que de la première moitié du 
X VITE siècle; son point de départ fut la publication des 
Gallicarum et Francicarum rerum scriptores. Dans la pré- 
face de ce célèbre recueil, D. Bouquet soutint l'identité de 
la langue gauloise avec l’idiome du pays de Galles, et jeta 
ainsi les fondements du système qui voit dans les Gaulois 
et les Germains deux races foncièrement distinctes. Une 
occasion S'offrit bientôt d'étudier la question plus complé- 
tement. 

En 1741, l’Académie des inscriptions et belles-lettres 
mit au concours la question suivante : « Quelles étaient les 
» nations gauloises qui s’établirent en Asie Mineure, sous 
» le nom de Galates, en quel temps y passèrent-elles, 
» quelle était l'étendue du pays qu'elles y occupaient : 
» quelles étaient leurs mœurs, leur langue, la forme de 
» leur gouvernement, en quel temps ces Galates cessèrent- 
» 1ls d'avoir des chefs de leur nation et formèrent un 
» État indépendant? » Pelloutier, de Berlin, remporta le 
prix, et, généralisant ses recherches, publia, en 1750, sa 
célèbre histoire des Celtes, qui embrasse presque tous les 


(1) Voy. Niebuhr, Vortraege über alte Laender- und Vœlkerkunde, 
herausgegeben von Isler, s. 650. 


(83 ) 
côtés de la question, traitée imparfaltement par un grand 
nombre d'auteurs antérieurs (1). Pelloutier s'attache à dé- 
montrer. que Celtes et Germains sont deux noms désignant 
la même race, et qu'à l'exception d'un petit nombre de 
contrées, les Celtes ont donné des habitants à l’Europe 
entière. Les témoignages contemporains sont unanimes à 
signaler la sensation produite par l'ouvrage de Pelloutier; 
mais, comme 1l arrive presque toujours, l'exposition d'un 
système absolu provoqua une réaction d’où sortit un sys- 
tème tout aussi exclusif dans le sens opposé. Schoepilin, le 
célèbre auteur de l’Alsatia illustrata, combaitit le premier 
les opinions de Pelloutier, dans ses Vindiciae Celticae qui 
parurent en 4754. Schoepilin distingue soigneusement les 
Celtes des Germains, renferme les premiers dans les limites 
de l’ancienne Gaule, et repousse particulièrement l'opinion 
qui considère ces deux peuples comme étant de même race. 
Pelloutier ne répondit point de son vivant à l'agression 
de Schoepflin, mais à sa mort on trouva parmi ses papiers 
une réfutation des Vindiciae, qui fut reproduite, en 17714, 
par M. de Chiniac, dans la nouvelle édition de l'Histoire 
des Celtes de Pelloutier. Schoepflin refusa toute discussion 
ultérieure « ayant trouvé bon, disait-il, de m’abandonner 
» à la décision de la république des lettres, et de ne jamais 
» répliquer. » Cette décision lui fut favorable : son sys- 
tème n’a fait que se développer et se fortifier, à tel point 
que, de nos jours, il est arrivé à l’état de doctrine reçue 
et à peu près généralement adoptée. Cependant, depuis 
quelque temps, de différents côtés, des tentatives indé- 
pendantes les unes des autres, ont été faites, pour revenir 


(1) Voy. Particle de M. Daunou sur l’histoire des Gaulois, par M. Amédée 
Thierry, Journal des savants , février 1829. 


(84) 

au premier système, celui de l'identité. Des recherches 
approfondies avaient été entreprises en Allemagne sur 
les Celtes, leurs migrations, leur langue, les traces de 
séjour qu'ils ont laissées dans différentes parties du pays. 
Le mouvement général des études historiques s'étant 
porté sur les origines de la nation, beaucoup de faits et 
_ d'éléments nouveaux furent mis au jour, et il était à 
prévoir qu'une question aussi fondamentale que celle 
des rapports entre les races primitives ne tarderait pas 
à être reprise. C'est ce qui a eu lieu, en effet. Après que 
différents travaux d’une moindre importance eurent pré- 
ludé, en quelque sorte, à une nouvelle manifestation de 
l'ancienne doctrine de l'identité, parut, en 4855, le livre 
du professeur Holtzmann, de Heidelberg, intitulé : Kelten 
und Germanen…, dans lequel la thèse de l'identité est 
plaidée avec un talent fort remarquable, avec une très- 
grande érudition et surtout avec une conviction si entière 
que l’auteur, tout en reconnaissant que sa doctrine peut, 
au premier abord, paraître paradoxale, n'hésite cependant 
pas à exprimer le ferme espoir qu'elle finira par être géné- 
ralement adoptée. Le livre de M. Holtzmann a produit de 
la sensation, tout en rencontrant de vives contradictions. 
On peut reconnaître que plusieurs des considérations in- 
voquées par le savant professeur de Heidelberg sont faites 
pour ébranler la foi absolue qu’on avait jusqu'ici dans le 
système de la non-identité, et peut-être est-il permis de 
prévoir que la doctrine régnante devra être modifiée dans 
quelques points. 

L'érudition belge peut revendiquer l'honneur d'avoir 
une des premières reconnu la nécessité d’une révision de 
la question et d’une nouvelle étude des faits. Déjà en 
1817, longlemps avant la publication de M. Holtzmann, 


( 85 ) 


M. le général Renard, dans la première de ses Études 


sur l’histoire politique et militaire de la Belgique, avant pour 


sujet les origines nationales, soutint, comme résultat de 
longues et consciencieuses recherches, l'identité des Celtes 
et des Germains, en s'appuyant d'arguments qui méritent 
la plus sérieuse attention. Quelques années plus tard, une 
série de questions qui se rattachent à celle des origines, 
furent débattues, dans le sein de notre classe, entre deux 
de nos savants et honorables confrères, et nous avons tous 
conservé le souvenir du talent et de l’érudition dont, dans 
cette importante controverse, on fit preuve de part et 


. d'autre. 


Tout récemment, un autre de nos confrères, l’hono- 
rable M. Moke, dans un livre des plus remarquables qu’il 


: vient de publier sous le titre de : La Belgique ancienne et 


: ses origines gauloises, germaines el franques, sans êlre 
: aussi positivement affirmatif que M. le général Renard et 
* M. Holtzmann, admet cependant entre Celtes et Germains 
| une très-proche parenté, qui, à ses yeux, va jusqu’à la fra- 
| ternité. Ce qui doit être remarqué dans ces diverses ten- 


tatives de rétablir la doctrine de l’identité, c’est la parfaite 
indépendance avec laquelle elles ont été faites les unes 
à l'égard des autres. M. Holtzmann ne tient compte, el on 
peut le regretter, ni des travaux antérieurs dus aux soins 
de M. le général Renard, ni de la controverse si instruc- 


| tive entre nos deux savants confrères. M. Moke s’interdit 


également de recourir à ses prédécesseurs dans la même 

voie. ; 
Maintenant, cette reprise d’une question jugée par beau- 

coup de personnes sans résultat possible, sans utilité 


réelle pour la science, est-elle opportune, et la classe doit- 


elle ouvrir ses Bulletins à une nouvelle discussion ? Les 


( 86 ) 
origines, quoi qu'on fasse, resteront nécessairement à 
jamais obscures ; les résultats, en dépit de tous les efforts, 
seront toujours hypothétiques, incertains et peu fructueux 
pour l’avancement de nos connaissances historiques ; dès 
lors, pourquoi lés remuer de nouveau? 

Je ne partage pas cette opinion. [Il en est de la question 
des origines comme de certaines questions des hautes ma- 
thématiques, qui, tout en n'admettant pas de solution 
absolue, sont cependant susceptibles d’une solution ap- 
proximative. Je ne pense pas qu'avec les éléments dont la 
science historique dispose aujourd'hui, on puisse arriver 
à une certitude absolue, soit de l'identité, soit de la non- 
identité des deux nationalités celtes et germaniques; mais 
des recherches nouvelles, l'examen réitéré de toutes les 
questions qui S'y rapportent, peuvent amener dans l'un ou 
l’autre sens, une probabilité de plus en plus grande et 
telle que l'intérêt historique se trouve satisfait. Aussi, 
considérée à ce point de vue, lutilité, je dirai la nécessité 


d’une reprise de la question , me paraît-elle hors de doute. 


Dés recherches nouvelles entreprises avec l’aide de tous 
les moyens que les progrès de la critique historique, la 
découverte de nouveaux monuments, les développements 
récents de certaines sciences auxiliaires, surtout de la 
linguistique comparée, nous fournissent, feront pénétrer, 
J'en ai la conviction, plus avant dans le cœur de la ques- 
tion, feront découvrir des côtés nouveaux et importants, 


et mettront au jour des rapports inaperçus ou négligés 


jusqu’iet. 


En m'appuyant de ces considérations, j'ai l'honneur dem 
proposer à la classe l'insertion dans ses Bulletins des 


notices que M. le général Renard lui à adressées. » 


— 


£ 


| 
| 
| 


(87) 


apport de M, Schayes. 


« Le but de M. le général Renard dans les trois savants 
mémoires qu'il a adressés à la classe en forme de lettres, 
est, comme l’a fait entendre notre honorable confrère 
M. Arendt, de prouver l'identité des Germains et des 
Celtes ou Gaulois. 

La première lettre est intitulée : De l’origine des bas 
Bretons. Les bas Bretons ne sont pas gaulois. 

Jusqu'ici les savants ont été d’un avis presque unanime 
pour considérer les bas Bretons et les habitants du pays 
de Galles, en Angleterre, comme les descendants les plus 
directs et offrant le type le moins altéré des anciens Celtes 
ou Gaulois; les linguistes les plus profonds s'accordent 
également à regarder les idiomes de ces peuples, qui sont 
presque identiques, comme la véritable langue des Celtes, 
mais plus ou moins corrompue par le mélange de mots 
empruntés à des langues étrangères, principalement au 
latin. Pour réfuter cette opinion, qu’il regarde comme 
tout à fait erronée, M. Renard s'appuie sur un passage 
des Commentaires de César et sur un passage de Ja vie 
d'Agricola par Tacite (1). Dans le premier, César dit que 
l’intérieur de la Grande-Bretagne est habité par des peu- 
ples que la tradition représente comme indigènes, et que 
la partie maritime est occupée par des colons venus du 


(1) IL invoque aussi le témoignage de Jornandès, écrivain goth du 
Nil®e siècle, et celui du compilateur Solin. Le premier n’a évidemment fait 
que copier ce que Tacite dit des Silures, dans le passage de la vie d’Agricola, 
et le second, en appelant la Grande-Bretagne Silurum insulam, a commis 
une grosse bévue géographique qui ne mérite pas d’être relevée, 


( 88 ) 

Belgium (1) et dont les mœurs diffèrent peu de celles des 
Gaulois. Dans le second, Tacite n'aurait, suivant M. Re- 
nard, attribué, parmi tous les peuples de la Grande- 
Bretagne, une origine gauloise qu'aux seuls habitants de 
la côte orientale faisant face à la Gaule (2). César est-il 
une autorité bien compétente en cette question ? Le con- 
quérant n'a vu qu'une étroite lisière des côtes; sur l’inté- 
rieur de l'ile, il n’a recueilli que des renseignements 
vagues et fort inexacts, comme le prouve le passage même 
de Tacite allégué par M. Renard. Le conquérant apprit 
quil y avait là des tribus beaucoup plus barbares que 
celles de la côte et qui passaient pour être d'une autre race. 
Ce rapport était véridique en ce qui concerne le nord de 
la Grande-Bretagne ou l'Écosse actuelle; en généralisant 
ces faits, en les appliquant à la majeure partie de l'ile, 
César s'est trompé. 

Jusqu'au règne de Claude, où elle fut soumise à la do- 
miuation des empereurs, la Grande-Bretagne resta, pour 
les Romains, une vraie terre inconnue; mais à l’époque 
où écrivait Tacite, elle avait été explorée dans toute son 
étendue. Or cet historien déclare en termes fort nets qu'il 
partage l'avis de la plupart de ses contemporains, qui 
regardent la généralité des Bretons comme issus des 


Gaulois (5); il n’attribue une autre origine qu'aux seuls 
, À 


(1) Le Belgium de César ne comprenait pas la Belgique entière, mais seu- 
lement les territoires des Bellovaci, des Atrebates, des Ambianti et des F’ero- 
mandui ; il se peut toutefois que Belgium soit pris ici dans un sens plus large. 

(2) Ce passage se trouve aux \\ 10 et 11 de la vie d'Agricola. 

(5) In universum tamen aestimanti, Gallos vicinum solum occupasse, 
credibile est : eorum sacra deprehendas superstitionum persuasione ; 
sermo haud multum diversus ; in deposcendis periculis eadem audacia , 
et, ubi advenere, in detrectandis eadem formido. Plus tamen ferociae 


av 


( 89 ) 
Calédoniens, qu'il croit de race germanique, et aux 
Silures, peuple du pays de Galles qu'il suppose sortis de 
l'Ibérie. En lisant le portrait que Dion Cassius et Hérodien 
tracent des Calédoniens (1), on se convaincra que c’est à 
eux seuls que s'appliquent les traits sous lesquels César 
dépeint ses indigenae de l’intérieur. Ce qui fait supposer à 
Tacite que les Silures étaient d'origine ibérienne, c’est 
qu'ils avaient le teint plus foncé et les cheveux plus crépus 
que les autres insulaires ; c’est, en outre, l’idée erronée 
que la contrée occupée par eux se trouvait en face de l'Es- 
pagne (2). Mais en admettant celle conjecture comme 
fondée, elle ne donne pas le droit d'étendre, ainsi que le 
fait M. Renard, la race ibérienne au pays de Galles tout 
entier, car outre les Silures, il s'y trouvait encore deux 
autres peuples, les Ordovices et les Némètes que Tacite 
ne distingue point des Bretons de race celtique. Ces trois 
peuples parlaient indubitablement la même langue, le 
gallique, et tout donne lieu de croire que cet idiome était 
celui de la pluralité des Bretons, dont toutes les villes por- 
taient anciennement un double nom, un nom romain et 


— EE 


Britanni praeferunt, ut quos nondum longa pax emollierit, nam Gallos 
quoque in bellis floruisse accepimus : mox segnitia cum otio intravit, 
amissa virtute pariter ac libertate : quod PBritannorum olim victis 
evenit; ceteri manent quales Galli fucrunt ( Agrie. vit., Ÿ XI). Il est évi- 
dent que, dans ce passage, Tacite n’entend pas seulement parler des Bretons 
venus du Belgium, comme le prétend M. Renard, mais des Bretons en 
général , et c’est ainsi que l’ont compris les meilleurs traducteurs. 

(1) Dio Cass., LXXIT ; 12, Herodian., III, 14. 

(2) Die Siluren, dit Mannert, waren so gewiss Kelten, als alle übrigen 
bewohner des südlichen PBritanniens, und gerade in dem winkel des 
landes der ihnen und den Ordovices zum sitz diente, fanden die Drui- 
den mit ihren lehren die hôchste Verehrung. Tacit., Annal., XIV, 30. 
(Mannert, Geogr. der Griechen und Rôümer , % Th.,s. 88), 


(90 ) 

un nom gallique (1). Camden et d’autres savants ont prouvé 
que tous ou presque tous les mots gaulois qui nous ont été 
transmis par les auteurs classiques se retrouvent et ont 
conservé leur signification primitive dans le gallique. Le 
nom de Gallia ou Wallia lui-même date de la conquête 
anglo-saxonne; il fut donné par les Germains à la partie 
de l'île qu'ils n'avaient pu soumettre et où avaient cherché 
un asile les Bretons qui s'étaient soustraits à leur domina- 
tion brutale. Ce fait seul n’atteste-t-il pas que les Bretons 
étaient assimilés par les vainqueurs aux Gaulois et consi- 
dérés comme tels (2) ? 

M. Renard attribue aux bas Bretons la même origine 
qu'aux Gallois, et les regarde également comme étant de 
race 1bérienne. Il les fait descendre des soldats bretons 
accompagnant le général romain Maxime, lorsque celui- 
ci, après s'être fait proclamer empereur, vers l'an 385, 
passa dans les Gaules, et qui, après la défaite et la mort 
de leur maître en 588, se seraient retirés dans la partie de 


l'Armorique correspondant à la Bretagne actuelle. Un. 


autre usurpateur du nom de Constantin, élevé à l'empire 
par les armées de la Grande-Bretagne en l'an 406, envahit 
également les Gaules, où 1l fut défait et pris à Arles, en 
411, par l'empereur Honorius; après sa mort, ses soldats 
auraient rejoint leurs compatriotes, émigrés dans l’Armo- 
rique, une vingtaine d'années auparavant, 

Outre que la réalité de l'une et l’autre de ces émigra- 
tions parait assez douteuse (5), il est certainement faux 


(1) Wennius und Gildas ex recens. Stevenson. (Berol. 1844), p. 87. 
(2) Britannia after the Romans. Zntroduct., p. LxxvI. 


(5) Maximus perished at Aquilea. The British soldiers did not long « 
survive the leader they had befriended: but that they wandered into 


(91) 
que les troupes bretonnes qui formaient la majeure partie 
des armées de Maxime et de Constantin, fussent exclu- 
sivement composées de Gallois; elles se composaient, au 
contraire, de toutes les forces de la Grande-Bretagne, 
puisqu'il est dit que leur départ laissa l’île entière sans 
défense contre les irruptions des Pictes. D’un autre côté, 
M. Renard refuse de croire à l’émigration dans l’Armo- 
rique d'une grande partie de la population bretonne à la 
suite de l’invasion des Anglo-Saxons, bien qu’elle soit 
constatée de la manière la plus formelle (1). Si la plupart 
des habitants du sud et de l’est de la Grande-Bretagne ne 
s'élaient pas retirés alors , tant dans le pays de Galles que 
dans PArmorique, à laquelle ils donnèrent le nom de leur 
anciénne patrie, l'élément breton n’y eût certainement 
pas été aussi complétement, aussi rapidement effacé par 
l'élément saxon; car dans le pays de Galles, que ni les 
Saxons ni les Normands ne parvinrent jamais à conquérir, 
il se conserva intact; si, au contraire, comme le prétend 
M. Renard, les Bretons avaient subi avec résignalion le 
joug des barbares, au lieu d’émigrer en masse ou de se 
faire exterminer en combattant, il serait arrivé ici ce qui 
arriva dans les Gaules, en Italie, en Espagne, où les 
conquérants germains, infiniment moins nombreux que 


a ———————_— ——————_——————————_—— © ———— —————— 


Armorica and newnamed id, seems to be unfounded. (Sharon Turner, 
The History of the Anglo-Saxons, t. 1, p. 95, édit. de Baudry). Guillaume 
de Malmesbury, chroniqueur anglais du XIF: siècle, cité par M. Renard, 
parle d'une première émigration sous Constantin le Grand, plus apocryphe 
encore que les deux autres, 

(1) Palgrave, Æistoire des Anglo-Saxons, trad. de l’angl. par Alex. Lic- 
quet (Rouen, 1856), pp. 62 et 65, Sharon Turner, The {istory of the Anglo- 
Saxons (Paris, Baudry, 1840), t. 1, p. 191. Aurel. de Courson, Essai sur 
Phist., la langue et les institut. de la Bretagne armoricaine , pp. 51 , 55. 


(92) 

les nations conquises, furent absorbés par elles et adoptè- 
rent leur langue, leur culte, leurs mœurs et leurs usages. 
Mais nous comprenons que M. Renard n’ait pu admettre 
l'émigration en question : elle renversait complétement 
son système de l'origine ibérienne des bas Bretons, ceux-ci 
ne pouvant plus alors descendre des Gallois. Les bornes 
d’une simple analyse et le défaut de temps nous empêchent 
d'étendre plus loin ces observations. Nous y reviendrons 
peut-être, ainsi que sur d’autres questions, traitées dans 
ces mémoires, et que nous ne ferons qu’effleurer dans ce 
rapport. 

La seconde lettre de M. le général Renard a pour titre : 
Identité des Germains-Teutons et des Celtes. 

« L'Allemagne de nos jours, dit M. Renard, renferme 
trois familles distinctes, savoir : les Scandinaves, les bas 
Allemands et les hauts Allemands. » Dans son opinion, les 
hauts Allemands représentent les anciens Suèves; les bas 
Allemands et les Flamands sont les vrais Germains, les 
Teutons purs; les deux autres familles n'ont pas droit à 
ce titre. L'auteur cherche à constater ces assertions par la 
différence qu'il aperçoit entre les trois races dans la con- 
stitution physique, les mœurs, les usages, la religion et le 
gouvernement (1). Ces appréciations nous paraissent pour 
la plupart fort hasardées ; mais nous nous abstiendrons 
d'entrer dans des détails à cet égard, au moins pour le 
moment; 1! nous faudrait, par exemple, examiner ce que 
les auteurs anciens entendent par Suêves, et cel examen 
seul nous entrainerait à de longues discussions; ear il 


(1) Tacite ne connaît, lui, d'autre différence entre les Suèves et le reste des 
Germains que la manière dont les premiers portaient leur chevelure. (Ger- 
mania , ©. 58.) 


(95 ) | 

règne à ce sujet chez ces écrivains une si grande confu- 
sion , ils diffèrent tellement sur la position qu'ils assignent 
aux Suèves et sur les peuplades qui ont fait partie de cette 
confédération , que c’est là pour ainsi dire un dédale inex- 
tricable. Suivant M. Renard, les bas Allemands ou Teutons 
purs auraient été subjugués ou refoulés par les Suèves ; la 
plupart auraient passé dans les Gaules et auraient été la 
souche des Gaulois. « De cette race germanique du Nord, 
ajoute M. Renard, si brave et si éprouvée, jadis si nom- 
breuse , il ne reste plus que des débris dans l'Allemagne 
qu’elle illustra et qui fut son berceau (1). » 

L'auteur cherche à prouver l'identité des Gaulois et de 
leurs pères les Teutons par la comparaison de leurs qua- 
lités physiques et morales, de leur vie domestique (la 
famille, l’esclavage), de leur organisation politique et 
militaire et de leur religion. Thor et Odin n'auraient pas 
élé l’objet du culte des Teutons; le Dis des Gaulois était 
leur dieu principal et serait le même que le Tuiscon de 
Tacite. Il n’y avait pas de différence non plus entre les 
druides et les prêtres teutons, etc. 

Dans sa troisième lettre, qui a pour titre : Considérations 
sur le vieux langage des Celtes, M. Renard entreprend de 
prouver que le teuton ou le flamand fut la vraie langue 
des Gaulois. Voici les principaux arguments qu’il avance 
à l'appui de cette hypothèse: « Lors de l'invasion des Teu- 
» tons et des Cimbres, les Romains voulant connaître ce 
» qu'ils faisaient dans leur camp, envoyèrent, pour les 


: » espionner, Sertorius, qui put tout voir et tout entendre 


——— 


(1) Si tous les Gaulois, à l'exception des bas Bretons, appartiennent à la 


.| race teutonne, comment se fait-il que du temps de Tacite encore les Nerviens 
et les Tréviriens étaient si fiers de leur origine germanique? 


(94) 

» à la faveur de l’habit gaulois qu'il portait et de la langue 
» gauloise qu'il parlait, » Comme à l'époque de l’inva- 
sion des Cimbres, les Grecs et les Romains ne possédaient 
sur la Germanie que des notions nulles ou superficielles, 
et, qu'à l'exemple des Grees, 1ls qualifiaient de Celtes et de 
Gaulois tous les peuples qui habitaient au nord de Mar- 
selle, le fait ici rapporté est, me semble-t-il, d’une mi- 
nime imporlance dans cette question. Il en est de même 
du passage où saint Jérôme affirme que les Galates par- 
laient un idiome peu différent de celui des Tréviriens. 

Les Celtes-Ombriens étant maîtres du nord de l'Italie 
près de six siècles avant la fondation de Rome, et ayant 
étendu leurs possessions jusqu’au Tibre, M. Renard en 
conclut que le celtique a dû concourir à la formation du 
latin; aussi trouve-t-on, suivant lui, entre le latin et le 
tcuton, non-seulement des analogies linguistiques comme 
il en existe entre toutes les langues indo-européennes, 
mais encore une foule de mots similaires. « C’est, en effet, 
» ce qui se manifeste, dit-il, dès que l’on ouvre un die- 
>» tionnaire teuto-latin. Le vieux glossaire de Kilianus 
» m'en a fourni près de sept cents. » M. Renard donne en 
note un certain nombre de ces mots qui, dans son opinion, 
appartiennent au fond de la langue et n’ont pu y avoir été 
introduits par le contact des Teutons avec les Romains. 
Il resterait toutefois à démontrer que ces mots existaient 
réellement dans le teuton dès l’antiquité la plus reculée (1). 


(1) Adelung dit, de son côté, du bas breton qu'il considère comme le véri- 
table celtique : Zch habe mir von dem Celtischen und Gallischen zu mei- 
ner eigenen Ueberzeugung mit nicht geringem Zeitaufwande zalreiche- 
Sammlungen gemacht, und künnte sie auch zur Ueberzeugung anderer 
mittheilen, wenn es nôthig wäre. (Adelung, 4eltere Geschichte der Deut- 
schen, s. 540.) 


(95 ) 

Le bas breton, dit M. Renard, ne peut pas avoir été le 
celtique, sinon on en apercevrait des traces dans tous les 
pays occupés jadis par les Celtes, Landis qu'il existe par- 
tout dans les langues qui y sont aujourd’hui parlées des 
éléments téutoniques. Il avoue néanmoins qu'il se trouve 
encore sur le sol de la Gaule des dénominations de lieux, 
de cours d’eau et de montagnes dont l’étymologie s’ex- 
plique plus facilement par le bas breton que par le teu- 
tou, mais il attribue ces dénominations soit à une race 
primitive, celle des Ibères et des Ligures qui, avant les 
Teutons, auraient parcouru en maîtres toute la Gaule, soit 
aux colonies grecques et phéniciennes de la Gaule méri- 
dionale et à l'influence de leur civilisation sur les Teutons 
de ces contrées. « D'ailleurs, ajoute-t-il, durant tout l’em- 
» pire, les vétérans légionnaires répandus sur le sol de la 
» Gaule, y ont implanté une foule de noms de localités 
>» puisés dans tous les idiomes de l'Orient. » 

M. Renard démontre fort bien que la conquête franque, 
bien moins violente qu’on ne le prétend communément, n’a 
pu modifier la langue des Gaulois, et notamment des Bel- 
ges; mais la conséquence qu'il en tire, par rapport à ces 
derniers, me paraît plus hypothétique, moins rationnelle. 
Aucun auteur ancien, dit-1}, n’a attribué une origine ger- 
manique aux Ménapiens, dont la langue était cependant 
positivement le teuton, puisque cette langue est encore 
parlée de nos jours par leurs descendants. Mais de ce 
qu'aucun des auteurs classiques n’a dit positivement d'eux, 
comme d’autres peuples de la Belgique, qu'ils apparte- 
naient à la race germanique, on ne saurait conclure contre 
celle origine, et d’autres faits la constatent suffisamment, 
à notre idée. « Si l’on met en question l’origine celtique 
» des Ménapiens, au moins, continue M. Renard, ne 


( 96 ) 

conteste-t-on pas celle des Morins, qui sont reconnus 
universellement pour Celtes, et cependant là aussi on 
trouve, dans le nord du pays, sur l’Aa, une population 
parlant le flamand. On a cherché à tort, dit-il, d’ex- 
pliquer ce fait par l'établissement sur nos côtes, au 
INT" siècle, de colonies saxonnes (1). D'ailleurs, les 
Saxons ne parlaient pas la langue qui règne sur nos 
côtes; ils appartenaient aux peuples scandinaves, et s'il 
était vrai qu'ils eussent chassé le celtique, ils y eussent 
substitué le danois ou un idiome similaire et non pas 
» le flamand. » J'ai toujours cru et je crois encore que le 
saxon appartient au bas allemand comme le flamand. Le 
scandinave y appartient aussi, et 11 y a certainement plus 
d’analogie entre cet idiome et le flamand qu'entre le fla- 
mand et le haut allemand. Quant à une population fla- 
mande, il n’en reste plus de traces aujourd'hui sur le terri- 
toire des anciens Morins ; 1l s’y trouve toutefois un assez 
grand nombre de localités dont les noms flamands prou- 
vent à l'évidence qu’elle y a existé jadis. Mais on peut attri- 
buer l’origine de cette population germanique sur le sol 
d’un peuple celtique à d'autres causes qu'à la colonisation 
saxonne du II” siècle ou aux Morins parlant le teutou. 

M. Renard trouve dans l'anglais moderne une preuve 
linguistique vivante de ce qu'il a dit de la formation du 
français. Comme ce dernier s’est formé de l’adjonction du 
teuton au latin, le premier l’a été par celle du roman de 
la langue d’oil à l'anglo-saxon. Il y voit aussi la confirma- 
tion de la théorie qu’il soutient que les Gaulois parlaient 
le teuton. La première contrée de la Grande-Bretagne qui 


HO SG SO VV Y VV Y ŸY & 


(1) Voir Lappenberg, Geschichte von England, I“ Band, s. 45. 


2. 
À on dl ts Sie 4 


(97) 

tomba sous la domination des pirates saxons est, dit-il, 
précisément celle que César et Tacite ont peuplée de Celtes. 
Si, comme c’est l'opinion générale, l’anglo-saxon y avait 
remplacé radicalement la langue des vaincus, c’est le scan- 
dinave que l’on devrait trouver au fond de l'anglais, tandis 
que cest le teuton ou bas allemand que l’on y retrouve 
dans toute sa pureté; preuve que le teuton était la langue 
des Celto-Bretons et que les tentatives des Anglo-Saxons 
pour extrper la langue populaire, n’ont pas eu plus de 
succès dans la Grande-Bretagne que celles des Romains 
dans les Gaules. Cet argument est le dernier que M. le 
général Renard produit à l'appui de son hypothèse sur 
lPidentité de la langue des Gaulois et celle des bas Alle- 
mands. 

Il y a, à mon avis, dans les Commentaires de César ct 
la Germania de Tacite deux passages qui, quelle que soit 
Popinion que l’on se forme de la langue des Celtes, prou- 
vent d'une manière péremptoire qu’elle différait totalement 
de celle des Germains ou du teuton. Le premier, c’est celui 
où César avance que, par une longue habitude, Arioviste 
avait acquis une connaissance familière du gaulois (1). 
Dans le second passage, Tacite dit des Gothins que, par- 
lant le gaulois, ils ne pouvaient être considérés comme 
Germains (2). 

M. Renard termine sa troisième lettre par une courte 
rélutation des Celtica de Dieffenbach. 


CR pee ———— —————————————————————_—_—_—— 


(1) … Propter linguae gallicae scientiam, qua multa jam Ariovistus 
longinqua consuetudine utebatur. (Caes., 1. I.) 

M. Renard va au-devant de cette objection en disant qu’Arioviste était suêve 
et non teuton, Nous n’admettons pas cette distinction arbitraire et hypothé- 
tique. 

(2) Gothinos gallica lingua coarguit non cesse Germanos. (Germ.c., 45.) 

TOME xx111, — [IT PART. 7 


— dant 


(98 } | 
Différant radicalement d'opinion avec M. le général Re- 
nard sur la question qu'il traite dans ses savants mémoires, 
je ne puis et je ne veux formuler ici sur son système d’autre 
jugement que celui qui résulte nécessairement des objec- 
tions et des doutes que j'ai émis contre les arguments 
énoncés par lui. Mais si ses convictions n'ont pu ébranler 
les miennes, je n’en reconnais pas moins avec plaisir qu’il 
a défendu sa théorie avec une rare habileté et avec l’érudi- 
tion profonde et consciencieuse qu'on lui connaît. J'adhère 
done volontiers aux conclusions de mon honorable con- 
frère M. Arendi. » 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


a 


Lettres sur l'identité de race des Gaulois et des Germains ; 
par M. le général Renard, aide de camp du Roi, chef 
du corps d'état-major, à Messieurs les Membres de l'Aca- 
démie royale de Belgique, classe des lettres. 


Vous avez accueilli avec tant de bienveillance mes con- 
sidérations sur le cours de l'Escaut, que je me suis en-… 
hardi à solliciter de nouveau l'hospitalité de votre Bulletin. 

Depuis longtemps déjà, je désirais vous soumettre une 
communication au sujet de nos origines nationales; mais, … 
partisan de l'identité de race des Gaulois et des Germains, 
et me trouvant isolé en présence de l’opinion contraire, 
qui semblait seule admise dans vos rangs, je ne me sen- 
tais pas une autorité assez puissante pour oser attaquer 
une théorie si solidement appuyée. 


(99 ) 

Aujourd'hui, deux faits se sont produits qui me don- 
nent la hardiesse de m'adresser à vous. Le premier est 
Vapparition simultanée, à Stuttgard et à Gand, de deux 
ouvrages où MM. les professeurs Holzmann et Moke, dis- 
cutant la thèse que Je soutenais déjà, en 1847, dans ma 
Première étude sur l'histoire de Belgique, déduisent de 
leur argumentation la conclusion à laquelle j'étais moi- 
même arrivé. MM. Moke et Holzmann ne se sont certai- 
nement pas concertés, et ils ignoraient que mon œuvre 
existät, car 1ls ne la citent nulle part. Il y à donc quelque 
chose de sérieux et de digne d'attention dans ces invesli- 
gations parties de trois points différents, el convergeant, 
par une argumentation presque identique, vers une théorie 
commune. | 

Le second fait est une note insérée dans le travail du 
savant M. Schayes sur les Cimmériens (4). La voici : « Les 
» guerres des Romains avaient répandu un jour tout nou- 
» veau sur la Germanie, et il ne pouvait plus y avoir le 
» moindre doute ni sur les limites véritables de la Cel- 
» tique, ni sur la différence radicale des races gauloise et 
» teulonique, et, chose étrange..., dans les temps moder- 
» nes, des savants et des historiens ont cherché à faire 
» revivre celle erreur qui ne saurail plus étre qu'un incon- 
» cevable paradoxe, en s'appuyant des textes sans autre 
» valeur que le témoignage de l'ignorance de leurs auteurs. 
» Cette thèse étrange vient d'être défendue encore par un 
» savant Allemand, le D' Holzmann, dans un livre intitulé 
» Kelten und Germanen. » 

Je sais que l’école française tout entière, et les innom- 


mr en 


(1) Bulletin de l Académie, t. XXII, n° 9, p. 455. 


( 100 ) 

brables travaux eflectués depuis près d’un siècle par les 
savants de l'Allemagne, ajoutent un poids immense aux 
convictions du savant académicien déjà si puissantes par 
elles-mêmes. Il me paraît, cependant, qu'il pouvait parler 
avec moins de dédain d’une opinion qu’il n’a pas et qu'on 
n’a pas encore réfutée, dans la forme que lui ont donnée 
MM. Holzmann et Moke. 

Je consentirais même à m'humilier devant cet ana- 
thème, si l'hypothèse qu’on nous oppose était complète 
et bien définie. Il s’en faut qu’il en soit ainsi. Les Cel- 
tistes (comme M. Moke les appelle) sont d'accord pour 
nier l'identité des Germains et des Celtes; mais dès qu'il 
faut donner des limites à ces races, dès qu'il faut séparer 
les tribus germaniques des tribus gauloises, ils ne sy 
retrouvent plus; il leur est pour ainsi dire impossible de 
les distinguer les unes des autres. Je n’ai pas besoin de 
montrer ces divergences chez les historiens allemands et 
français; 1] me suffit de rappeler à l’Académie que, à propos 
de l'incident soulevé par M. Imbert de Mottelettes , trois 
systèmes divers ont été développés devant elle. Les Cel- 
tistes prétendent encore que le bas breton est l'idiome an- 
tique de la Gaule, et ils ne sont pas parvenus, malgré des 
efforts inouis d'érudition et de patience, à expliquer les 
origines de la langue française, mélange de latin et de 
gaulois. | 

À mon sens, la question ne me parait pas si carrément 
résolue que toute objection puisse être considérée comme 
vaine et oiseuse. C’est pourquoi, Messieurs, je viens solli- 
citer de vous l'autorisation de prouver que la manière dont 
j'envisage ce problème historique n’est pas fondée sur des 
paradoxes étranges et inconcevables, mais sur une argu- 
mentation solide. I appartient à l'Académie de Belgique 


( 401 ) 
de prendre sous son égide la question que je viens agiter 
devant elle. Cette question n’est pas pour nous, comme 
pour la France et l'Allemagne, un simple sujet de curio- 
sité ; elle possède, au point de vue de notre nationalité, 
un caractère dont il n’est pas possible de nier l'impor- 
tance. 

Je n’ai pas mission de parler ni pour M. Moke ni pour 
M. Holzmann. J'examine les faits en mon nom seul, et je 
les exposerai tels que je les ai conçus. Un bon nombre 
des preuves et des arguments que j'invoque se trouvent 
déjà répandus incidemment dans les deux Études que j'ai 
publiées sur l’histoire de la patrie; mais ici ils sont réunis 
et coordonnés de façon à former un faisceau digne de vous 
être présenté. J'y ai ajouté beaucoup de considérations 
que m'ont suggérées les études nouvelles auxquelles je me 
suis livré sur ce sujet, et qui n’ont fait que m'affermir da- 
vantage encore dans mes convictions. 

Mon travail est divisé en trois lettres ou parties : la pre- 
mière traite de l'origine des bas Bretons, que je prétends 
ne pas être Gaulois; la deuxième à pour objet de prouver 
d'une manière directe l'identité de race des Gaulois et des 
Germains; la troisième, qui est un appendice des deux 
premières, renferme différentes considérations sur la lan- 
gue parlée par les vieux Celtes. 

J'ai l'honneur d'être, Messieurs, avec respect, ete. 


(102) 


PREMIÈRE LETTRE. 


DE L'ORIGINE DES BAS BRETONS. 


\ 1. Objet de la premiére lettre. — \ 2. De l’origine des bas Bretons déduite 
des textes de César et de Tacite. — \ 5. Suppositions des savants pour 
expliquer l’origine celtique des bas Bretons : première hypothèse. — \ 4. 
Deuxième hypothèse. — ( 5. Réfutation de la deuxième hypothèse. — \ 6. 
Réfutation de la première hypothèse. — \ 7. L'origine celtique des Bre- 
tons condamnée par les chroniqueurs. — \ 8. L'origine celtique des Bretons 
repoussée par les bas Bretons eux-mêmes. 


$ 4. — Les adversaires de l'identité des Gaulois et des 
Germains ont accepté, comme vraies, deux hypothèses 
historiques que je considère, au contraire, comme erro- 
nées, Selon moi, c’est de là que proviennent toutes les 
divergences qu’on rencontre dans leurs écrits. Aussi long- 
temps que ces théories hasardées demeureront debout, 
aussi longtemps la question restera insoluble, parce qu'elle 
restera éternellement mal posée. 

La première hypothèse consiste à considérer les Bretons 
armoricains comme les descendants, les représentants des 
anciens Gaulois qui, selon César et Taeite, ont peuplé 
Pest de l'Angleterre. La seconde hypothèse consiste à con- 
sidérer comme de même sang, de même condition, de 
mêmes mœurs et de même race, toutes les nations que 
César à appelées germaniques, et qui habitaient la rive 
droite du Rhin; de sorte qu'on applique au même peuple, 
qu'on prend indistinetement comme point de comparaison 
avec les Gaulois, tout ce que les auteurs anciens ont dit 
de ces tribus diverses. 

Je compte aborder la réfutation de ces deux points. Je W 
chercherai à prouver, dans cette première lettre, que les 1 


FN) 2 € 


( 405 ) 


Bretons armoricains ne sont pas des Celtes ou Gaulois, et 
que ceux-ci, par conséquent, n'ont Jamais parlé la langue 
bas bretonne, 

$ 2. — Les Romains, dans leurs invasions de la Grande- 
Bretagne, ont trouvé dans l’île d'Albion deux races d’hom- 
mes entièrement distinctes. On me permettra de citer à 
ce sujet les passages de César et de Tacite, quoique par- 
faitement connus, parce qu’ils éclaircissent toute la ques- 
tion. | 
Voici ce que dit César : « L'intérieur de la Bretagne 
est habité par des peuples que la tradition représente 
comme indigènes. La partie maritime est occupée par 
des peuplades belges que la guerre et l’appât du butin 
ont fait sortir de ieurs demeures. Les plus civilisés de 
ces peuples sont, sans contredit, ceux qui habitent le 
» pays de Kent, contrée toute maritime (par conséquent 
» les Belges) et dont les mœurs différent peu de celles des 
» Gaulois. Les peuples de l’intérieur (par conséquent les 
» indigènes) n'ont aucune culture; ils vivent de chair, de 
» Jait et se couvrent de peaux. Tous les Bretons se tei- 
» gnent le corps avec du pastel, ce qui leur donne une 
» couleur azurée, et rend leur aspect terrible dans les 
» combats, Ils laissent croître leurs cheveux et se rasent 
» tout le corps, excepté la tête et la lèvre supérieure : les 
» femmes y sont en commun entre dix ou douze, surtout 
» entre les frères, les pères et les fils (4). » 

Voici maintenant le texte de Tacite. Il faut remarquer 
qu’à l’époque où ce grand historien écrivait, l’île d'Albion, 
conquise par Agricola, lui était parfaitement connue. Il 


(1) Gésar. 2. G. V. 12-14. 


( 104 ) 

désire même que l’on tienne compte de lexactitude de ses 
descriptions (quae priores nondum comperta, eloquentia 
percoluere rerum fide tradentur). Puis il s'exprime ainsi (1) : 
« Îl est difficile de connaitre positivement par les Bar- 
> bares, si les premiers mortels qui peuplèrent l’ile de 
» Bretagne étaient indigènes ou étrangers (ceci est évi- 
» demment à l'adresse de César). On doit tirer ces induc- 
tions de la variété de leur physionomie. Les cheveux 
d'un blond ardent et la haute taille des habitants de la 
Calédonie dévoilent assez qu'ils sortent de la Germanie. 
Le visage coloré des Silures, les cheveux crépus de la 
plupart d'entre eux et la position du pays qu’ils habitent, 
tourné vers l'Espagne, font foi que Les Ibères ont passé 
la mer el occupé ces rivages. Ceux qui sont tournés vers 
la Gaule ressemblent aux Gaulois, soit qu'ils aient con- 
servé leur type originaire, soit que les deux pays s'avan- 
çant l’un vers l’autre, le même climat ait produit la même 
conformation. Cependant, à bien considérer les choses, 
tout porte à croire que les Gaulois sont venus s'établir 
sur une côte si voisine de la leur : en effet, on y voit 
régner le même culte, les mêmes superstitions et à peu 
près le même langage : Eorum sacra deprehendes , super- 
» Stitionum persuasione; sermo haud multum diversus. » 

Les peuplades de l’intérieur, les indigènes de César, 
sont ici appelés Silures par Tacite. Jornandès les désigne 
sous le même nom, et dit en parlant d'eux : « Sylorum 
colorati vulltus torto plerique crine et nigro nascuntur (2). 
Solinus donne à la Bretagne le nom de Siluram insulam 
(cap. 22). Dans un autre passage de la vie d'Agricola, 


Et BODY COST NCA ENT À, Ib ve 


LA 
— 


(1) Tacite, Agric. vit., \\ 10 et 11. 
(2) His. Goth., e. 11. 


(105 ) 

Tacite oppose également les Bretons aux Gaulois, pour 
constater l'infériorité de leur civilisation : « Ce que les 
» Bretons ont appris sous ce rapport , ils le doivent aux 
» efforts des Gaulois. » Il est donc prouvé à l'évidence 
quil y avait dans l’île d’Albion deux races d'hommes par- 
faitement distinctes, que des Belges, c'est-à-dire des hom- 
mes de la race blonde (1), occupaient les côtes de l’est 
voisins de la Gaule; tandis que vers l’ouest se trouvait 
une race brune. L'existence en ces lieux de cette dernière 
population n’a rien que de fort naturel. Les Phéniciens de 
toute antiquité fréquentaient ces parages pour en relirer 
Pétain si abondant dans le pays de Cornouailles et dans 
les îles Sorlingues (les OEstrymnides ou Cassitérides des 
anciens). Évidemment des colons ont dû s’y établir et s’y 
multiplier. Du reste, s’il faut en croire Fesius Avienus, les 
Phéniciens et les Ibères ne seraient pas les seuls hommes 
qui eussent peuplé ces contrées. Cet auteur cite encore les 
Ligures, autre race brune. « Si, dit-il, des îles OEstrym- 
» nides on dirige son vaisseau vers l’Ourse (axe qua Lycao- 
» nis rigescit OEthra), on aborde au pays désolé d’une 
» peuplade de Ligures qui, chassés de leur patrie par les 
Celtes, se réfugièrent dans ces lieux presque partout 
hérissés de ronces (2). » 


SO T 


(1) Ceci est une conséquence de leur origine gauloise. Tous les auteurs an- 
ciens sans exception donnent aux Gaulois la peau blanche et les cheveux blonds. 

(2) F. A. Orae marilimae, vers 111-117, 151-146. 

I s’agit évidemment ici de la côte de Cornouailles ou du pays de Galles, 
ou plutôt de l'Irlande, où l’on aborde en cinglant des îles Sorlingues vers le 
pôle arctique. Ailleurs, Avienus peuple d'Hiberniens l'Irlande, qu'il appelle 
ile sacrée, eam late gens Hibernorum colit. Il est bon de rappeler que cet 
auteur ne parle pas par oui-dire, mais d’après les annales carthaginoises qu’il 
dit avoir consultées. 


( 406 ) 

Maintenant, de ces deux populations si différentes d'as- 
pect, de mœurs, d'institutions, quelle est celle qui, vers 
la chute de l'empire romain, a donné des habitants à la 
basse Bretagne? Pour résoudre cette question, il suffisait 
de rechercher de quelles contrées d’Albion les exilés sont 
sortis. Or, l'histoire répond, par des témoignages irrécusa- 
bles, qu'ils ont quitté les côtes de Cornouailles. Comme 
conséquence logique de ce fait, il fallait admettre que les 
bas Bretons n'appartenaient pas aux Gallo-Belges de l’est, 
mais à celte race si différente que César réputait comme 
indigène, et que les auteurs latins venus après lui faisaient 
venir de la Lygurie et de l’ibérie. Néanmoins, c’est la solu- 
tion contraire qui a prévalu. Les savants considèrent les 
bas Bretons venus de Cornouailles comme les descendants 
des Belges de l'Angleterre, et leur langage est représenté 
comme le vieil idiome des Celtes. Je vais examiner la 
valeur de leurs assertions. 

$ 5. — Voici par quelles suppositions on cherche à jus- 
üfier cette véritable permutation de races. On rappelle que 
vers le milieu du V”* siècle, le roi des Bretons, Vortigerr , . 
appela à son aide, contre les Pictes, les pirates Jutes et 
saxons qui depuis longtemps désolaient la mer du Nord. 
Il leur donna, pour récompenser leurs services, la posses- 
sion de l’île de Thanet. Mais bientôt d'amis qu'ils étaient, 
les Jutes devinrent ennemis acharnés. On avance que, sur 
leur appel, des flots d'Anglo-Saxons passèrent la mer pour 
servir sous leurs étendards, et que, sous leurs efforts et 
leurs attaques réitérées, tous les peuples de la partie orien- 
tale de l'île (par conséquent les Belges de César ou les 
Gaulois de Tacite) furent ancantis ou rejetés en masse vers 
l'Occident. Une partie des fugitifs occupa le pays de Cor- 
nouailles, tandis qu'une autre, passant la mer, chercha 


( 107 ) 
un refuge dans l’Armorique , où ils trouvèrent des hommes 
de leur race. 

Quant aux peuplades primitives de l’ouest (aux Silures 
par conséquent), on dit qu’elles se réfugièrent en frlande 
d'où leurs clans passèrent plus tard en Écosse et peuplè- 
vent les Highlands. Telle est la théorie que l’on professe 
pour expliquer l’origine celtique des bas Bretons (1). 

Je ne sais vraiment sur quels textes on se base pour Jus- 
üfier un pareil récit : ces peuples exterminés, ou forcés 
decéder leurs champs et leurs vitles à une population nou- 
velle; ces nations de l’ouest refoulées à leur tour el en 
masse vers d’autres rivages (et cela, notez-le bien, par des 
vaincus); ces migrations entières de tribus, je les cherche 
vainement dans l’histoire. Les peuples du pays de Kent ne 
paraissent pas avoir fait une résistance désespérée à l’in- 
vasion des hordes scandinaves, lesquelles, du reste, dans 
l'origine, n'étaient pas plus nombreuses que les bandes 
normandes dont la Gaule, trois siècles plus tard, eut tant 
àsoufirir. Certes, les chroniqueurs nous parlent de popu- 
lations de villes massacrées, de pillages, de meurtres sans 
nombre, mais non pas d’extermination et de déplace- 
ments de populations en masse. Les autres peuples de 


{1} Lœbell, Gregor von Tours, p. 465 et suiv. Courson, Origines, etc., 
pag. 264 et 283. Niebubr, l’orträge , 1, p. 647, s'exprime ainsi au sujet du 
dépeuplement de l'ouest de l'Angleterre : Zn keinem Theil von Europa ist 
die alte Bevolkerung so gänzlich vertilgt worden wie dstlichen England 
durh die Eroberung der Sachsen. Je le répète, je ne trouve rien de pareil 
dans aucun chroniqueur. Les chroniques indiquent que les combats ont eu 
lieu en dehors du pays de Kent. L'homélie de Gildas s'applique au pays de 
Galles et non à l'ouest de Angleterre. La preuve c’est que l’auteur, au À %5, 
fait allusion à la délivrance du pays de ses oppresseurs et à la cessation des 
massacres : Tempore igitur aliquanto cum recicissent domum crudelissèimi 
praedones , ete. Dans la collect. de Gale, HT, p. 16. 


(108 ) 


l'est n’opposèrent pas une résistance plus vigoureuse aux 
Saxons et aux Angles, qui succédèrent aux Jutes de Hen- 
gist et de Horsa. Mais où la guerre devint acharnée, c’est 
lorsque les Scandinaves voulurent pénétrer dans les con- 
trées de l’ouest. Ils y trouvèrent une résistance ibérienne, 
el ce qui prouve que cette résistance, que celte défense à 
outrance n'était ni belge, ni gauloise, c’est que le roi 
Arthur, en qui on la personnifie, est appelé par les chro- 
niqueurs le Roi des Silures. 

$ 4. — Dans l'intention sans doute de lever les diffi- 
cultés que fait naître l'hypothèse que je viens de narrer, 
des savants allemands et l'école historique française mo- 
derne ont imaginé un autre expédient (1). Ils adoptent, 
dès l’abord, comme prouvé ce qui est en question. Ils 
considèrent le bas breton comme le vieil idiome des Gau- 
lois; tous les peuples qui le parlent sont donc des Gaulois. 
Cela posé, ils partagent la race celtique en deux familles : 
les Galls et les Kymris. Les tribus du midi de la Gaule, 
les frlandais, les clans des hautes terres de l'Écosse sont 
des Galls; les peuples du centre de la Gaule, parmi lesquels 
les Armoricains, et tous les Bretons, sont des Kymris; 
les Belges eux-mêmes sont Kymris. La conséquence de ce 
système est que les Belges de l'Angleterre et les Bretons 
sont de même famille et de même race (2). M. Amédée 
Thierry le dit en termes exprès : 


(1) On trouve peut-être l'origine de cette théorie dans Adelung, Æithri- 
date, t. XI,5s. 78. 4elleste Geschichte der Deutschen , pp. 240 et suiv. Mais 
Adelung suppose que les Belges d'Angleterre étaient Teutons ; donc les bas 
Bretons seraient Teutons, d’où les Gaulois et les Germains seraient de même 
race. 

(2) Ce qui prouve encore, outre les textes de César et de Tacite, que les 
Bretons et les Gaulois n'étaient pas de même race, c'est que, chez les Gaulois, 


( 109 ) 

& 5. — « Ni César, ni Tacite, dit-il, n’ont remarqué 
» aucune différence d’origine entre ces Bretons et les Bel- 
» ges; les noms personnels et locaux, dans les cantons ha- 
» bités par les uns et par les autres, appartiennent d'ail- 
» leurs à la même langue, qui est le kymric (4). » Or César 
et Tacite qu’on invoque, condamnent, au contraire, ce sys- 
tème de la manière la plus formelle, comme le prouve la 
lecture des textes que j'ai cités plus haut. Et sur quoi se 
fondent les auteurs d’une semblable fable pour étayer une 
Supposition qui renverse des données historiques aussi 
dignes de foi? Sur quelques étymologies plus ou moins 
heureuses, c’est-à-dire sur la plus chancelante de toutes 
les preuves dont on puisse appuyer un raisonnement. 
Voici un exemple de cette argumentation (A. Thierry, 
Introduction xvin) : 
« Le mot Gall (de Gaëlie, Gallic) n'est rien moins qu’in- 
connu dans l'antiquité; sous la forme latine Gallus, sous 
la forme grecque Galatés, 1ls désignent génériquement 
les habitants de la Gaule... D'après ces rapproche- 
ments, il serait difficile de ne pas reconnaître l'identité 
de deux noms, et par conséquent la race des Galls par- 
lant aujourd’hui la langue gallique (irlandais, écossais) 
comme un reste de l’une des races dont se composait 
l’ancienne population gauloise. » 
Ainsi voilà une grande question historique résolue par 


MS ei EE EC MN. à 


——— 


comme dans la Germanie, les femmes sont soumises à une condition de dé- 
pendance et d’infériorité; dans les tribus bretonnes, au contraire, la femme 
gouverne, règne , commande les armées : solitum quidem Britannis femi- 
narum ductu bellare. (Tacite, Ænn. XIV, 55. Hist., III, 45, 4g. 16). Rien 
de pareil ne s’est jamais vu chez les Celtes. 

| (1) Æistoire des Gaulois ( Introduction, xxx). 


| 


(M0). 


la consonnance de deux mots, voilà où conduit la fausse. 
science de l'étymologie. Les Romains nommaïient, il est 
vrai, la Celtique Gallia; mais ils appelaient l'Écosse Cale- 
donia, ce qui est bien différent. Depuis lors le dernier mot 
a été altéré; on a dit Kaeldoch, Kaelie, Gaelie; mais les 
modifications qu'a subies le nom d’un pays ne peuvent en 
changer les habitants. Un pareil système conduirait à l’ab- 
surde. Ainsi une partie de l'ancienne Russie rouge se 
nommait Halicz ; on en a fait Gallitzie, puis Gallicie: serai- 
je admis à prétendre pour cela que les Slaves-Russes sont 
de même race que les Français ou les Écossais? 

D'ailleurs on peut prouver directement que les Irlan- 
dais, et par suite les Gaëls de l'Écosse, qui en descendent, 
ne sont pas des Celtes, et qu'ils n’en ont ni les mœurs, 
ni les usages, ni l'aspect. Diodore de Sicile, Strabon et 
Tacite parient des habitants de l'Irlande, qu'ils nomment 
respectivement /ris, lerne et Hibernie. Les deux premiers 
ne pouvaient avoir que des notions vagues sur cette terre 
qui n'avait pas encore été visitée par les Romains. Strabon 
donne néanmoins un détail de mœurs bon à noter, parce 
qu'il concorde assez avec ce que César dit des Bretons : 
« Les unions condamnées par les lois du sang, dit-1l, 
» celles du frère et de la sœur, celles du fils et de la mère 
» n’y étaient pas frappées de réprobation.» Tacite, mieux 
informé, résout la question par une seule phrase : « Le 
» sol, le génie et les usages de l'Hybernie diffèrent peu, 
» dit-il, de ceux de la Bretagne. (1). » Les vieilles chroni- 
ques et les traditions 1rlandaises sont d'accord avec ces 
faits. Elles avancent que les premiers habitants de l'Hy- 


(1) Solum, cœlumque et ingenia cultusque hominum haud multum @ 
Britannia differunt. (Agric. 24). 


( MA ) 
bernie venaient de l'Espagne ; ei quoique ces écrits soient 
mélangés de fables, Niebuhr pense qu'on ne peut entière- 
ment les révoquer en doute (1). 

La deuxième hypothèse dont M. A. Thierry est, en 
France, le plus grand promoteur, ne s'appuie donc sur 
aucun texte sérieux, et il m'est permis de la négliger. 
Quant à la première, celle qui suppose le refoulement des 
populations gailo-belges dans le pays de Galles et de 
Cornouailles, tandis que les Bretons-Silures étaient re- 
foulés à leur tour dans l'Irlande et l'Écosse , je vais mon- 
irer à quelles étranges contradictions elle entraine. 

$ 6. — Est-il possible de croire que les Gallo-Belges 
d'Angleterre, la moindre partie de la population du pays, 
vaincus, décimés, écrasés, chassés par les Saxons, soient 
parvenus à expulser les vieux Bretons, si braves, si tenaces, 
et à les rejeter en Irlande et de là en Écosse? Mais, en 
admettant pour un instant celte hypothèse comme vraie, 
quel spectacle aurions-nous devant les yeux? Nous devrions 
trouver chez les habitants de l’frlande et des Highlands 
une race offrant avec les habitants du pays de Galles les 
mêmes différences que César signale entre les Belges et 
les Bretons insulaires. Or c'est le contraire qui est la 
vérité. Les Scots de l'Irlande et de l'Écosse ont la même 
physionomie que les Gallois: ce sont les rameaux d’une 
même souche, comme leurs idiomes sont les dialectes 
d'une même langue. La supposition de la transmission 
complète de ces peuples est donc fausse. Elle est fausse 
pour un molif tout aussi péremptoire; c'est que, de nos 


(1) So kann die Uberlieferung irländischer Chroniken, thre Forfah- 
ren seien aus Spanien gekommen, obgleich in ein Gemisch von Fabeln 
verwebt, doch einige Wahrheit für sich haben. — Vorträge, I. 647. 


( 142 ) 
Jours encore, les peuples de l’ouest de l'Angleterre ont 
conservé les traces ineffaçables de l’origine ibérienne dont 
parle Tacite, et non pas la peau blanche et la chevelure 
blonde des nations gauloises et germaniques. De plus, il 
n'est pas vrai que la Calédonie ait attendu le temps des in- 
vasions saxonnes pour voir peupler ses montagnes par les 
clans des Highlanders. Ammien Marcellin nous y signale 
déja leur présence au temps de Théodose et de Julien (1). 

Si, de la Grande-Bretagne, nous nous reportons dans 
l’Armorique, une autre contradiction nous attend. Les 
exilés, à leur arrivée, donnèrent un nom à leur nouvelle 
patrie ; 1ls l'appelèrent Domnonée. Or cenom de Domnonée 
est la dénomination de la presqu'ile britannique comprise 
entre le canal de Bristol et la Manche, renfermant les pro- 
vinces de Cornouailles et de Devon (2). Ce nom de Domno- 
née était connu dès la plus haute antiquité. Il est cité par 
Ptolémée et Solinus (5), trois siècles avant les invasions 
saxonnes. Si donc, de ces noms de lieux, on voulait inférer 
la solution de la question des races, on serait forcé d’ad- & 
mettre que les émigrés appartenaient aux Bretons-Silures 
et non aux Gallo-Belges; car ceux-ci eussent appelé leur 
nouvelle patrie Thanet ou Kent, et non pas assurément 
Domnonée, qui rappelait à leur esprit une terre étrangère 
et presque toujours ennemie. 

$ 7. — Entrons dans un autre ordre d'idées. 

Les partisans des deux systèmes invoquent un autre ar- 
gument qu'ils considèrent comme très-solide. M. Amédée 


(1) Ammien Marcellin, XXVII, 8. 
(2) Camden, Prit., col. 185. 

(5) Siluram quoque insulam ab ora quam gens Britannia Dumnonit 
tenent , turbidum fretum distinguit (cap. 22). 


( 115 ) 

Thierry l'énonce en ces termes (1) : « Les insulaires réfu- 
» giés dans l’Armorique, pour échapper à l'invasion des 
» Angles , y trouvèrent, disent les contemporains, des 
» peuples de leur langue. » Les déductions que l’on pré- 
tend tirer de cette citation sont faciles à saisir. Les Armo- 
ricains étaient des Gaulois; si Les Bretons exilés ont trouvé 
dans l’Armorique des peuples de leur langue, c'est évi- 
démment parce qu'eux-mêmes étaient Gaulois. 

Je n'ai rencontré nulle part la citation contemporaine à 
laquelle M. Thierry fait allusion, mais alors même qu’un 
chroniqueur eût émis une semblable allégation, on ne 
pourrait encore en tirer la conclusion que J'indique. Je 
vais, pour le prouver, narrer succinciement les traditions 
des chroniqueurs au sujet des migrations des Bretons dans 
la presqu'île armoricaine. [l en ressortira de nouveau cette 
conséquence, que les bas Bretons et les Gaulois sont de 
races diverses. 

Le premier que j'invoquerai est Guillaume de Malmes- 
bury. Il cite, dans un seul passage de ses œuvres, trois mi- 
gvations de Bretons vers la Gaule. La première remonte à 
506, sous Constantin le Grand, la deuxième à 585, sous 
Maxime, la troisième à 407, sous Constantin le Tyran. Voici 
ce passage (2) : « Constantin le Grand emmena avec lui de 
» Bretagne une grande troupe de soldats bretons, et comme 


(1) Æist. des Gaul. Introduction, x1x. 

(2) Voyez tout le passage, que j'abrége, dans l’ÆZistoire de Bretagne, 
par Dom Morice, I, col. 165 : Fos …. in quadam parte Galliae ad Occi- 
dentem super litus Oceani collocavit , ubi hodieque posteri eorum manen- 
Les immane quantum coaluere, moribus linguaque non nihil a nostris 
Britonibus degeneres …. copiarum quae illos (Maximum et Constantinum) 
ad bellum secutae fucrant pars occisa, pars post fugam ad superiores 
Brilones concessit. 


Tome xxur. — 11" part. 8 


( 114 ) 
» il avait triomphé par leur courage, il leur donna pour 
» les récompenser une contrée dans l’occident des Gaules, 
» au bord de la mer, où leurs descendants se trouvent … 
» encore aujourd'hui, ayant conservé à peu de chose 
» près les mœurs et la langue de nos Bretons. » (Il 
est à remarquer que Guillaume écrivait au Xi” siècle 
et qu'il habitait l'antique patrie des Silures.) « Plus tard, 
» Maxime, parvenu à l'empire... fit passer dans la Gaule 
» presque toute la jeunesse guerrière des Bretons. Peu 
» d'années après, le tyran Constantin entraîna aussi avec 
» Jui ce qui restait de soldats dans la Grande-Bretagne : 
» ces deux tyrans furent tués, lun par l’empereur Théo- 
» dose, l’autre par Honorius. Des soldats qui les avaient 
» Sulvis, une partie fut exterminée, l’autre partie prit la 
» fuite et se réfugia chez les Bretons dont il est parlé 
» plus haut. » 

Cette migration de la jeunesse bretonne est attestée par 
tous les chroniqueurs. Gildas le Sage en parle et dit qu’elle 
ne revit jamais sa patrie, domum usquam ultra redüt. Bede 
l'aflirme à peu près dans les mêmes termes : numquam 
ultra domum rediere. Ninius est plus explicite : « Maxime, 
» dit-il, ne voulut pas que les Bretons qui l'avaient aecom- 
» pagné revissent les foyers où les attendaient leurs épouses 
» et leurs fils, mais il leur concéda plusieurs contrées... 
» Ce sont les bas Bretons de l'Armorique, et jamais jus- 
qu'aujourd'hui ils n’ont revu leur patrie (4). » 
L’archidiacre Henri de Huntinden s'exprime à peu près 
comme Ninius : « Les Bretons qui avaient accompagné 
» Maxime sont restés jusqu'aujourd'hui dans la Gaule ar- 


Ÿ 


(1) Dom Morice, 1, col. 164. Zi sunt Britones Armorici. $ 


CEST 
» moricaine, c'est pourquoi on les appelle Bretons armo- 
» ricains (1). » 

D'après tout ce qui précède, je suis fondé à dire, en me 
servant des propres expressions d'un Silvestre Gérard de 
Cambridge, autre chroniqueur, que « la translation des 
» Bretons dans l'Armorique n'a pas eu lieu au temps des 
» Invasions saxonnes, mais bien avant sous Maxime (2). » 
Ainsi donc, lorsque les partisans de l'identité des Bretons 
et des Gaulois invoquent, comme argument, ce fait : que 
les victimes de linvasion saxonne trouvèrent en Armo- 
rique des peuples de leur langue, ils n’annoncent rien qui 
puisse ébranler la conviction des hommes d'une opinion 
contraire, puisque déjà depuis plus de cent années des 
Bretons occupaient ces parages. 

L’atutude que prirent les peuples de l’Armorique, à dater 
du règne de Maxime, confirme les récits des chroniqueurs. 
Jusqu'alors cette province n’avait rien montré de particu- 
lier. Comme toutes celles de la Gaule, elle était soumise, 
silencieuse, inerte. 

À parur de cette époque, cette contrée, dont personne 
ne parlait auparavant, révèle une existence propre. En 409, 
elle secoue le joug des magistrats romains, et ce n’est 
qu'au prix de grandes concessions qu'Exupérance parvient 
à la conserver à l’empire (419). C’est avec la même peine 
qu'Aëtius lui-même la maintient dans le devoir (436-449). 
Lorsque l'Occident marche contre Attila, les Armoricains 


———— 


(1) Britones vero, quos Maximus secum abduæxerat in Gallia, armo- 
Mca usque hodie remanserunt, unde et Britones Armorici vocantur. 
Dom Morice. (7b.) 


(2) Non post Britanniae excidium sed longe antea a Maximo tyranno 
translata. (Ib.) 


( 116 ) 
sont compris parmi les nations qui le combattent (452). 
Enfin, lorsqu’en 497, les cités des Gaules secouent défini- 
üvement le joug de Rome, les Armoricains sont à la tête 
du mouvement et font alliance avec Clovis (1). 

Les chroniques établissent, en outre, que les Bretons 
insulaires, en descendant dans l’Armorique, ne venaient 
pas trouver un peuple de frères, mais qu'ils se condui- 
sirent en ennemis et {raitèrent les habitants comme des 
étrangers. 

La chronique de S'-Brieuc donne le nom de Conan de 
Meriadee au chef des Bretons de Maxime. L’empereur, 
après avoir vaincu les Gaulois rassemblés en ce lien, tient 
à Conan le langage suivant : « Voilà! nous avons subjugué 
» un des meilleurs pays de la Gaule. Je te fais roi de cette 
» contrée; elle sera pour toi une autre patrie; une Bretagne 
» que nous peuplerons de notre race aprés en avoir chassé 
» les indigènes.—Et dans la suite, lorsqu'ils eurent expulsé 
» tous les habitants de la province, ils remplirent de sol- 
» dats bretons les cités et les forts (2). » 

Un témoin oculaire des guerres de Louis le Débonnaire, 
Ermold le Noir, raconte aussi, au livre ITI"* de son poème 


(1) Un passage de Grégoire de Tours nous apprend qu’à la mort de Clovis, 
les Bretons-Armoricains avaient déjà été subjugués par ce roi, qu'ils payent 
tribu et qu’ils ont perdu leurs rois avec leur indépendance. Semper Britanni 
sub Francorum potestate, post obitum regis Chlodovechi fuerunt, et co- 
mites non reges appelati sunt. Certes, l'évêque de Tours ne se serait pas ex | 
primé de cette façon si, avant la mort de ce prince, ils n'avaient eu ni rois; 
ni indépendance. 

(2) Dom. Morice, Zist. de Bretagne, I, col. 9. 

Ecce unum est potioribus Galliac regnis subjugavimus.... Promoveb® | 
{e èn regem hujus regni, et ecrit haec patria altera Britannia quam e& | 
genere nostro expulsis indigenis replebimus.... Postremo cum universos | 


lens 


dé fatéisetes 
entierement 4 en 


L' FPT } | 

sur la vie de ce prince, l’arrivée des Bretons dans l’Armo- 
rique. Ce poëme est bien antérieur aux chroniques que 
j'ai citées, puisqu'il date du IX" siècle. Ce n’est plus un 
moine obscur, écrivant du fond d’un cloître, qui a dicté ce 
qui va suivre, mais un homme qui a parcouru le territoire 
des Bretons, le bouclier sur l'épaule, dans les rangs de 
l'armée du fils de Charlemagne. 

Voici le récit d'Ermold le Noir : 

« Le comte Lambert, issu de la race des Francs, est 
» préposé à la garde des frontières de ce pays, qu’autre- 
» fois une nation ennemie, fendant la mer sur de frêles 
» esquifs, envahit par la ruse. Ce peuple, venu des extré- 
» mités de l'univers, était les Britanniens, que nous nom- 
» mons Britons en langue franque. Manquant de terres, 
» battu par les vents et les tempêtes, il usurpe des 
» champs, mais il offre de payer tribut. A cette époque, le 
» Gaulois possédait cette contrée, lorsque parut ce peuple 
» vomi par les flots. Mais, comme les Bretons avaient 
» reçu l'huile du baptême, on leur permit aussitôt de se 
» répandre dans le pays et de cultiver la terre. Dès que le 


provinciae incolas delevissent munierunt civilates et oppida militibus 
PBritannis. 

Cela ressemble assez aux Arborichi milites de Procope. 

Les triades galloises confirment en ces termes le récit du moine de S'-Brieuc : 
La troisième expédition combinée, sortie de l’île de Bretagne, fut conduite 
par Ellen, puissant dans les combats, et Cynan son frère, seigneur de 
Meriadog , en Armorique, où ils obtinrent des terres, pouvoir et souve- 
rainelé de l'empereur Maxime, pour le soutenir contre les Romains. Aucun 
d'eux ne revint, mais ils restèrent là et dans Ystre-Gyvaelwy où ils for- 
mèrent une communauté. » 

Du reste, toutes les vieilles légendes populaires des saints appuient le sys- 
tème de la non-identité de race des Bretons et des Gaulois. Tout le monde 
connait la légende de sainte Ursule et des 11,000 vierges. 


= 


LA 


LL 


= 


à 


( 118 ) 3 
» repos leur est acquis, ils allament aussitôt une horrible 
» guerre et ils se disposent à remplir la campagne de . 
» nouveaux soldats; ils offrent la pointe de la lance pour -— 
» tribut, le combat pour récompense et l’orgueil au lieu … 
» de reconnaissance (1). » 

Dans tout le reste du récit d'Ermold, c’est le même 
système. Les Bretons sont pour lui une race étrangère au 
sol de la Gaule. Un siècle après sa mort, la basse Bretagne 
élait encore considérée comme située hors des limites de 
la Gaule et soumise seulement au service militaire (2). 

Telle est la version des chroniqueurs. Il n’y a qu'une 
seule déduction à tirer de leurs écrits, c'est que les bas 
Bretons ne sont pas des Gaulois. 

Je m'attends à ce qu’on rejeitera tous ces témoignages 
accablants, On en fera holocauste comme des historiens et 
géographes grecs. Ce n'est pas la première fois, du reste, 
qu’on leur déciarera une guerre à outrance, et l'origine de 
cette querelle est trop significative pour que je ne la rap- 
pelle pas ici en quelques mots. 

Après les chroniqueurs, les historiens modernes de la. 
Bretagne n’avaient oublié ni l'origine étrangère de leurs 
aieux, ni leurs chefs nationaux, ni l'indépendance pour 
laquelle le pays avait lutté si longtemps. Aussi Alain Bou-" 

(1) Ermold. Nigell. Chant Ime (inétio) : 

Fines quos olim gens innimica 


Trans mare lintre volans ceperat incidiis 


Arva capit prorsus atque tributa parat 
Tempore nempe illo hoc rus quoque Gallus habebat 
Quando idem populus fluctibus actus adest. 


(2) Richer., Zist., 1, 4 Britanniam minorem quae est Galliae contiqua 
atque militans. 


( 119 ) 

chard, Pierre Lebaud, Bertrand d’Argentré ne se firent 
point faute de rappeler aux Bretons de l’Armorique ces 
vieilles légendes souvenirs précieux du passé. If y avait là 
un levain dangereux de patriotisme que les souverains de 
France voulurent étoufier dans son germe. Le Parlement 
s'en mêla et déclara fausses les doctrines de d’Argentré. [ 
chargea même Vigier de les réfuter. On se doute bien que 
Vécrivain du Parlement fit un carnage ofliciel des Bretons 
de Constantin et de Maxime. Mais il eut beau faire, il n’en 
reste pas moins avéré qu'aux IX", XI et XIL”* siècles, à 
la cour de l’empereur france, dans le pays des vieux Silures 
comme dans la presqu'île armoricaine, les seules tradi- 
tions qui existassent s’opposalent à ce qu'on püt considérer 
les Bretons et les Gaulois comme appartenant à une même 
race (4). J'ajoute qu’on ne trouve pas, dans l'antiquité ni 
dans le moyen âge, un texte, un seul, sur lequel on puisse 
fonder cette identité (2). 


(1) Les habitants de la basse Bretagne repoussent d'eux-mêmes cette ori- 
gine commune, car ils appellent les hommes qui ne parlent pas leur langue 
des Gallots. 

(2) Les écrivains de la Bretagne, successeurs de d’Argentré, se soumirent 
humblement à la décision du Parlement. Dom Lobineau, surtout, rejeta comme 
fables tout ce qui tendait à montrer les bas Bretons comme une nation jadis 
indépendante. Il crut donc ne devoir admettre qu’une seule migration : celle 
des invasions saxonnes. S'appuyant à cet effet sur quelques légendes de saints, 
il fixa le passage dans l’Armorique à l'année 458, c’est-à-dire avant les Francs. 
Dom Lobineau manqua son but. Soutenir que les Bretons étaient arrivés 
avant les Francs dans la Gaule, c'était encourager encore les prétentions de 
la Bretagne, que les rois de France s’étaient constamment appliqués à dé- 
tuire. L'abbé Vertot se chargea de donner sur les ongles à Dom Lobineau. Il 
lui apprit que tous ses textes extraits de la vie des saints devaient suivre le 
sort des antiques traditions du pays. L'abbé Vertot n’admet qu'un seul et 
unique texte officiel au sujet de la venue des bas Bretons, à savoir ce texte de 


( 120 } 

& 8. — D'ailleurs, c'est en vain qu'on rejetterait tous les … 
témoignages de l'antiquité et du moyen âge, il en restera 
toujours un qu’on ne peut récuser, el qui s’élèvera éternel- 
lement, comme un argument sass réplique, entre celte 
supposition de l'identité des Gaulois et des Bretons : c'est 
le peuple bas Breton lui-même. 

Je lisais, l’année dernière, dans la Revue des deux mondes 
da mois de février (1854), un article fort attachant et fort 
bien fait de M. Ernest Renan sur les poésies du pays de 
Galles et de l’'Armorique. L'auteur décrit avec beaucoup 
de vérité la physionomie particulière de ces populations. fl 
parle du contraste qui frappe les yeux du voyageur lors- 
que, sortant de la Normandie, il pénètre dans la véritable 
Bretagne. J'ai noté le passage suivant : « A la vulgarité 
» normande, à une population grasse et plantureuse, con- 
» tente ce vivre, pleine de ses intérêts, égoiste comme 
» tous ceux dont l'habitude est de jouir, succède une race 
» timide, réservée, vivant tout en dedans, pesante en appa- 


Grégoire de Tours : Semper Britanni sub Francorum potestate , post obi- 
tum regis Chlodovechi fuerunt , et comites non reges appelati sunt, ce 
qui, suivant l'abbé Vertot, signilie : qu’il n’y avait point de Bretons dans PAr- 
morique avant Clovis, et qu'ils n’y arrivèrent qu'au temps de Childebert et 
de Clotaire. » Alors méme qu’on ne posséderait sur les Bretons que cette seule 
phrase de Grégoire de Tours, elle battrait encore en brèche le système de 
l'abbé Vertot. En effet, dire que toujours, après la mort de Clovis, les Bretons 
furent soumis, c’est dire qu'avant cette mort, il y avait autre chose. 

Quoi qu'il en soit, Dom Lobineau aurait dû être moins mal traité, caril 
venait soutenir l'identité de race des Gaulois et des bas Bretons. Voici son ar- 
gumentation : « On conviendra que les Bretons étaient Celtes, quand on fera 
» réflexion à ce que dit César, que ceux d’entre les Gaulois qui voulaient s’in- 
 struire dans la religion des druides passaient dans l’île de Bretagne. Il suit 
» de là que les Gaulois et les Bretons avaient la même langue et la même 
» religion, et par conséquent la même origine, » César et Tacite disent, au 


( 42€ 

» rence, mais sentant profondément, et portant dans ses 
» instincts religieux une adorable délicatesse. 

» Le même contraste frappe, dit-on, quand on passe 
» de l'Angleterre au pays de Galles, de la basse Écosse, 
» anglaise de langage et de mœurs, au pays des Gaëls du 
» nord, et aussi, mais avec une nuance sensiblement dif- 
» férente, quand on s'enfonce dans les parties de l'Irlande 
» où la race est restée pure de tout mélange de l'étranger. 
» On ne réfléchit pas assez à ce qu'a d'étrange ce fait d'une 
» antique race continuant jusqu’à nos jours et presque 
» SOUS nos yeux, Sa vie propre dans quelques îles et pres- 
» qu'iles perdues de l'Occident, de plus en plus distraite, 
» il est vrai, par la vie du dehors, mais fidèle encore à sa 
» langue, à ses souvenirs, à ses mœurs et à son génie. » 

La description de M. Renan est d’une vérité parfaite. 
Maintenant, je dirai qu'il suffit d'avoir tenu en mains un 
seul classique parlant des Celtes ou des Gaulois, pour pro- 
elamer que cette description ne leur est aucunement appli- 


contraire, que les Bretons et les Gaulois de la côte étaient de race différente; 
cesont les Gaulois de la côte qui avaient le même culte, la même langue et les 
mêmes superstilions que les Gaulois du continent. Ce qui revient à dire que 
les Gaulois de la Bretagne sont semblables aux Gaulois du continent, Les Bre- 
tons n'ont rien à faire ici. 

Dom Morice résout cette question des races avec moins de peine encore : 
s La proximité des lieux, l’uniformité de langage et de religion, la ressem- 
» blance des mœurs des Gaulois et des Bretons, prouvent incontestablement 
» Pidentité de nation. » Ce, prouvent incontestablement , paraît une assez 
mauvaise plaisanterie, car c’est cette uniformité de langage, de religion, de 
mœurs entre les Bretons et les Gaulois qu'il s’agit au contraire de prouver. 
Du reste, les savants Bénédictins ne citent aucun texte à l’appui de leur sys- 
tème , et ils auraient été fort embarrassés de le faire. A moins que de les tron- 
quer (ce dont ils étaient incapables), ils y auraient trouvé leur propre con- 
damnation. 


(122 ) | 
cable. 11 n’y a rien de moins réservé et de moins timide 
que le Celte, de moins concentré que lui : « Son génie, « 
dit M. Michelet, n’est autre chose que mouvement, « 
attaque et conquête; peuple de guerre et de bruit, ils 
courent le monde l'épée à la main, moins ce semble, 
par avidité que par un vague et vain désir de voir, de 
savoir et d'agir : ce sont les enfants du monde nais- … 
sant. » 
Polybe, César, Strabon, Pline, Diodore de Sicile, Dion 
Cassius, tous les auteurs grecs et latins parlent comme : 
M. Michelet. Sous leur plume, le Gaulois, au lieu d’être - 
timide et réservé, est au contraire vantard, orgueilleux, 
aussi prompt à se jeter tête baïssée dans le danger qu'à se” 
décourager. Il est, de plus, curieux, étourdi, inconstant. 
En présence de cette unanimité des historiens anciens, il 
en résulterait donc que le temps a produit chez les bas 
Bretons, les Gallois, les Highlanders, un étrange phéno- 
mène. Ils auraient répudié les mœurs et le génie de leurs 
ancêtres. De Gaulois, ils seraient devenus fbères; car les 
qualités que M. Ernest Renan leur donne sont exactement 
celles que Justin prête aux ibères, qu'il appelle les hommes 
les plus constants et les plus tenaces qu'il y ait au monde. 
Cette hypothèse de l’action du temps sur la race gauloiseM 
ne devrait pas s'arrêter au génie et aux mœurs, il faudrait 
l’étendre jusqu'à la physionomie; car, d'après ce que nous 4 
avons sous les veux, la race aurait passé du blond au brun. 
Les anciens, en effet, nous parlent de la peau blanche, 
des yeux bleus, du teint clair et coloré, des grands corps, 
souvent épais el mous, des Gaulois : Que trouvons-nous,- 
au contraire, dans la basse Bretagne? Des hommes res- 
semblant aux Silures que Tacite fait sortir de l'Ibérien 
L'historien Henri Martin en est frappé : « Probablement 


Ci 


YO YO VY VV vw 


ne ant ra 
sf ras 


(125 ) 

» avance-t-il, le type gaulois à été altéré dans des temps 
» inconnus par quelque mélange d’Aquitains et de Méri- 
» dionaux; » La Tour d'Auvergne emploie tout un cha- 
pitre de son livre pour établir l'analogie des Bretons- 
Armoricains et des Catalans; M. de Chateaubriand, dans 
ses Mémoires d'outre tombe, avoue que ses compatriotes 
ont quelque chose d’étranger qui rappelle l'Espagne. 

Mais de pareilles suppositions ne sont pas admissibles ; 
la nature n'effectue pas de pareils prodiges. Non, les bas 
Bretons ne sont pas infidèles au génie de leurs ancêtres, 
et l'influence des siècles n’a pas fait passer le caractère de 
leur physionomie du blond au brun. Que l’on envisage 
celte question sous le point de vue que l’on voudra choi- 
sir; que l’on consulte les classiques, les chroniqueurs ou 
les témoignages que le temps a conservés; la solution esi 
toujours ia même. Les bas Bretons ne sont pas des Gaulois ; 
ils descendent des vieux Silures que Tacite rattachaït à la 
race des Ibères (1). 


(1) Je ne veux pas fatiguer l’Académie en prolongeant cette partie de la 
discussion ; mais je la prie de croire que je ne suis pas à bout de preuves. Par- 
tout en creusant le sujet on trouve des objections contre l'identité de races : 

19 Malgré le droit écrit, les lois civiles et ecclésiastiques, l'Irlande, la haute 
Écosse, le pays de Galles et la Bretagne armoricaine ont perpélué à travers 
les temps le système des clans. Il n’a rien de commun avec les clientèles gau- 
loises dont parle César; créations accidentelles qui pouvaient même dispa- 
raître du vivant du chef, avec la fortune ou l'influence qui les avaient fait 
naître; 

2 Le chef de famille gaulois n’a rien de commun avec le chef de commu- 
nauté des lois d'Hoël ; 

5% Avec le catholicisme, les bas Bretons répudiérent peu à peu les vieilles 
mœurs du paganisme; néanmoins ils conservérent longtemps des habitudes 
contre lesquelles s'élèvent des écrivains du moyen âge et qui sont en désac- 
cond complet avec les mœurs gauloises. César et Strabon accusaient les Bre- 


(12%) 


Recherches sur les origines de la ville de Gand. — 2" étude; 
par M. le chanoine De Smet, membre de l'Académie. 


Si Gand avait fini par être la capitale 
d’un grand empire, son histoire ne 
serait pas moins intéressante que 
celle de Rome. 

(DE REIFFENPERG.) 


L'abbé Baudemond nous apprend le premier, dans la 
vie de saint Amand, qu'au commencement du VIF” siècle, 
il existait dans la Menapie un canton peu connu qui per- 
tait le nom de Gand : Pagum esse quemdam praeter fluenta 


tons et les Hyberniens d’avoir les femmes en commun, surtout entre pères, 
frères et fils, ou de contracter des unions incestueuses. Les écrivains du moyen 
âge accusent les bas Bretons de s'affranchir en fait d'amour des lois de la na- 
ture et de la religion. On ne trouve rien de pareil dans le reste de la Gaule 
(M. Michelet cite les textes au chap. IV du livre I de son Æistoire de France); 

4 Il n’est pas jusqu’au sol qui ne fournisse des arguments à mon sujet. Ces 
monuments extraordinaires dont il n’est pas encore possible d’assigner la des- 
tination, les monuments de pierres qu’on admire à Carnac et à Ardeven n'ont 
de similaires, en Angleterre, que là où ont vécu les Silures; nulle part on ne 
les rencontre dans les lieux habités par les Celtes, dans le pays de Kent, dans 
tout le restant de la Gaule, où régnait le druidisme. Les quelques pierres iso- 
lées qu’on trouve dans cet immense espace et auxquelles, suivant leur position 
droite, penchée ou couchée, on a donné les noms de Menhir, Peulvan, Dol- 
men, Cromlech, n'ont aucun rapport avec les créations monumentales de la 
basse Bretagne et du Wiltshire; 

5° Je consacrerai un chapitre tout spécial à la question de la langue gau- 
loise. Ici je me contenterai d'observer que les prodigieux efforts des savants 
pour reconstruire , au moyen du bas breton, la langue francaise, composée de 
latin et de gaulois, ont été stériles. M. Chevalet n’a pu nous citer que 227 
mots, dont j'en revendique 82 pour le flamand : 145 mots bas bretons, voilà 
le résultat. Il n'existe peut-être pas de langue au monde qui, fouillée aussi 
minutieusement, n’en recèle davantage. 


( 125 ) | 

Scaldi fluvii, cui vocabulum est Gandavum (1). Un autre 
biographe du Saint indique le même canton de manière à 
nous faire entendre qu’il n'avait pas une grande étendue : 
Unum pagellum, dit-1l, cujus vocabulum est Gandens (2). 
Le pagus Gandensis, appelé aussi, à cause de sa situation 
sur la Lys, Listrigandensis (5), était, en elfet, resserré en 
des bornes assez étroites, puisqu'un diplôme de 967 n’y 
place que le mont Blandin et le portus Gandavus, avec les 
villages de Heckengem (4), Gondelgem (5), Slola (6), Slou- 
deriga (7), Desseldonck (8), Tonensela (9), Spengedonck (10) 
et Metmedonck (11). 

Le savant Kluit cite même une charte de 977, qui donne 


 Pabbaye de S'-Pierre au mont Blandin au pagus curtra- 


ciencis ; mais c’est la probablement une erreur de copiste, 
puisqu'un bon nombre de diplômes des IX°°, X"° et X["° 
siècles s'accordent pour assigner cette abbaye au pagus 
gandensis. Meyer cite des historiens qui ajoutent encore 
Pronchiennes à ce dernier territoire (12). 

On aura remarqué, sans doute, qu'aucun des lieux in- 
diqués ne se trouve sur la rive droite de l'Escaut. | 

Comme chef-lieu d’un district, si borné qu'il fût, Gand 


sn 


( 
(5) Wondelgem. 
(6) Slootendriesch, sous Oostakker ? 
(7) Sleydinge ? 
(8) Desteldonck. 
(9) Dooreseele, dép. d'Evergem. 
(10) Sprendonck, dépend. de Mendonck. 
(11) Mendonck. 
(12) Annal. Flandr., ad an. DCXXXIIL 


126 ) 
devait avoir assurément quelque importance; mais peut- 
on en inférer, avec M. Lesbroussart (4), que c'était « au 
» moins dès lors une cité déjà remarquable » ? Plus de 
deux siècles après, on ne l'appelle encore que locus, vicus 
ou villa, noms qui jamais n'ont désigné, que nous sachions, 
une ville considérable. 

Vers l’an 650 de l'ère chrétienne, josé l'Austrasie et 
la Neustrie étaient unies sous le sceptre de Dagobert LE”, 
saint Amand, né à Herbauges, dans les environs de Nantes, 
et disciple de saint Anstregisile, vint de Rome dans la 
Gaule belgique. Après avoir été sacré évêque régionnaire 
el obtenu des pouvoirs de saint Achaire, évêque de Noyon 
et de Tournai, 1} se voua tont entier à la conversion des 
Menapiens encore idolâtres. C’est dans le cours de ses tra- 
vaux apostoliques qu'il apprit que d’autres missionnaires 
n’avaient pas osé pénétrer dans le canton de Gand, effrayés 
qu'ils étaient par la férocité des habitants ou par la stéri- 
lité de leurs terres : propter ferocitatem gentis vel terrae 
infoecunditatem (2). Ainsi parlent Baudemond et Harigère; 
mais le biographe anonyme du Saint n’admet point l’alter- 
native, et ajoute que ces lieux n'étaient qu’un repaire de 
brigands, praedonibus derelictus est (5). 

L'âme du pieux apôtre ne connaissait point la crainte, 
et son zèle n’en devint que plus ardent. Accompagné des 
abbés d'Elnon et de Marchiennes, de deux moines de 
Broile et de Florbert et Jean, qui devinrent plus tard 
abbés de S'-Pierre et de S'-Bavon, 1l se hâta de partir pour 
celte terre inhospitalière, où il éprouva bientôt que la pein- 


(1) Nouv. mém. de l'Acad., t. I, p. 184. 
(2) Acta S. S. Belgii, t. IV, p. 249. 
(5) Zb., p. 259. 


(127) 


| ture qu’on en avait faite était bien au-dessous de la réalité; 


aussi, à l’excepuion de Florbert et Jean, ses coopérateurs 
labandonnèrent l'un après l’autre. Roué de coups, plus 
d'une fois jeté dans l'Escaut et maltraité même par les 
femmes etiles enfants, il se vit obligé de travailler de ses 
mains pour se procurer le couvert et les aliments les plus 
indispensables. Rien, cependant, ne pouvait ébranler sa 
pieuse résolution. Bien que muni de lettres royales (1) qui 
l’autorisaient , conformément au code théodosien, à con- 
traindre les infidèles au baptême, il ne voulut recourir 
qu'à la prière et à la persuasion. Le chevalier Dieriex, 
qui avance le contraire, n'a consulté encore là que son 
esprit caustique et ses passions irréligieuses. En atten- 
dant des jours meilleurs, saint Amand priait et rachetait 
des eselaves auxquels il conférait le baptême. 

Enfin, sa douceur, sa charité inépuisable, et surtout 
un miracle quil obtint du Fout-Puissant, changèrent 
complétement les dispositions des idolâtres à son égard. 
Eux-mêmes l’aidèrent à renverser leurs autels et à dé- 
truire les statues de leurs sauvages divinités, tandis qu'ils 
se préparaient en foule à devenir membres de l’Église de 
Jésus - Christ. Pour consolider son œuvre et assurer en 
même temps à ses néophytes les avantages matériels de la 
civilisation, le saint missionnaire institua une commu- 
naulé religieuse et l’établit, avec le consentement du roi 
Dagobert, dans le Castrum, que les diplômes traitent à 
celle occasion de fameux, et qui présentait un lieu de 
sûreté contre les peuplades encore barbares des cantons 


(1) Le P. Ghesquiere pense que ce n'étaient que de simples lettres de 
recommandation ; nous ne partageons pas cette opinion. 


( 428 } 
voisins. Des clercs réguliers ou chanoines occupérent le 
nouveau monastère. 

Comme la population chrétienne croissait tous les jours 
à vue d'œil, saint Amand se vit bientôt obligé à construire 
une autre maison religieuse, et choisit pour son emplace- 
ment la colline qui s'élève entre l'Escaut et la Lys, au midi 
de la ville. Sans dénomination connue auparavant, elle 
reçut de lui celle de Blandinium (1), peut-être en souvenir 
de la hauteur du même nom près de Tournai, où se réfu- 
gia saint Éleuthère avec sa famille, peut-être aussi à cause 
de son site riant et pittoresque (2). Le second monastère 
fut cousacré sous l’invocation des saints apôtres Pierre et 
Paul; mais on ne l'appela plus tard que l'abbaye de Saint- 
Pierre. 

Les deux couvents furent habités, pendant un petit 
nombre d'années, par des cleres et des laïques pieux; 
mais, comme l’absence de règle y donnait lieu à des désor- 
dres, saint Amand les soumit aux observances monasti- 
ques, et leur donna pour abbé le vertueux Florbert, en 659. 

Le pays commençait à peine à sentir l'heureuse influence 
de ces établissements, quand une horde considérable de 
pirates scandinaves parut inopinément sur le littoral de 
la Flandre, pénélra dans l’intérieur du pays et saccagea 
tout ce qui se rencontrait sur son passage. Ces barbares 
détruisirent de fond en comble les deux monastères, et à 


(1) C’est ce qu'a parfaitement prouvé M. V. L., dans le AZess. des sciences 


hist. 
(2) Un vieux poëte l'explique autrement en ces vers : 


Ac a blanditiis quibus rebellem 
Demulsit populum , loco reirensit 
Nomen Elandiniun. 


—. NOTE TT 


La bc 


(8) j 
son retour de Rome, où il s'était rendu pour obtenir la 
dissolution des liens qui l’attachaient à l’Église de Ton- 
gres (1), saint Amand ne trouva que ruine et désolation 
là où il avait laissé des établissements déjà prospères. Il 
conduisait avec lui un seigneur de la Hesbaye, issu de la 
famille royale des Francs (2), et renommé par ses exploits 
militaires. Allouin, surnommé Bavon, c'est ainsi qu'on 
l'appelait, s'était conduit longtemps en homme du monde 
et guerrier peu timoré (3); mais la piété de sa fille Agle- 
trude, et surtout la sainte parole d’Amand l'avaient en- 


 tièrement changé. Abandonnant ses grands biens pour les 


faire servir à la propagation de la foi, il en consacra une 
partie considérable à relever de ses ruines le monastère 
de Gand, et en devint réellement le second fondateur, 
comme saint Liévin l’atteste dans l’épitaphe qu'il com- 
posa en son honneur : 


Quam tu fundasti, quae te tenet, inclyte Bavo, 
Ecclesiam meritis protege, sancte, tuis (4). 


Bavon avait pris, paraît-il, l’habit monastique dans 
l'abbaye restaurée, et s’il en sortait quelquefois, c'était 
uniquement pour se livrer, dans une entière solitude, aux 
exercices de la pénitence, ou pour s’édifier et s’instruire 
par les pieux entretiens d’autres solitaires. C’est pour ces 


(1} I occupa le siége de Tongres ou de Maestricht pendant peu d'années. 
(2) Un écrivain contemporain, saint Liévin, le nomme : 

Qui patriae rector, spes gentis, gloria regni, 

Magnorum primus qui modo magnus eras, 
(5) Les Bollandistes croient qu’on a beaucoup exagéré les désordres de 
saint Bavon. 
(4) Acta SS. Belgii, t. LI, p. 116. 
TOME xx111. — 1% parr. 9 


( 130 ) 
motufs qu'il passa quarante jours dans la sombre forêt de 
Metmedunck et qu'il visita un saint personnage nommé 
Domlinus, à Thorholt. Il revint dans l’abbaye en 951, et 
s'y fit renfermer dans une cellule étroite (1) qui devint son 
tombeau, quand il mourut saintement le 4% octobre 954. 

Une mort si précieuse et le nombre des miracles, qui 
rendirent son tombeau glorieux, firent oublier le nom 
primitif de l’abbaye, qui porta désormais et jusqu’à sa sup- 
pression, au XVF"* siècle, celui de S'-Bavon. On vit aussi 
en peu de temps une multitude d'habitants des contrées 
voisines et même d'étrangers se grouper autour du mo- 
nastère comme autour d'un centre de réunion , et se placer 
avec une confiance religieuse sous la protection de S'-Ba- 
von. L'abbaye devint ainsi, l'on ne saurait en douter, le 
berceau réel de la grande et belle capitale des Flandres, 
et dans ces premiers temps, l’histoire de la ville est toute 
dans celle de ses deux monastères. 

Peu de temps après la mort du bienheureux pénitent, 
arriva dans labbaye saint Liévin, évêque régionnaire, 
né en Irlande (2) de parents illustres (5), mais beaucoup 
plus distingué par son savoir et par ses vertus que par sa 
haute naissance. Plein de confiance dans les mérites de 
saint Bavon , il célébra, pendant trente jours consécutifs, 
le saint sacrifice sur l’autel qui couvrait ses restes vénérés, 


(1) Bâtie dans le monastère, mais non dans l’église, comme on l’a sup- 
posé. 

(2) Plus d’un écrivain fait à tort saint Liévin Écossais : l’erreur vient de ce 
que sa famille appartenait aux Scots d'Irlande. 

(3) Son biographe les nomme; mais cet auteur, qui n’est pas saint Boni- 
face de Mayence et n’écrivait qu'au commencement du XI": siecle, a mêlé 
Je faux et le vrai. 


© © SE 


2 


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| 


( 131 ) 
pour obtenir les bénédictions du ciel sur la rude mission 
qu'il allait entreprendre dans le Brabant (1). Au milieu 
même de ses travaux apostoliques et à la prière de l'abbé 
Plorbert, il composa l’épitaphe du saint religieux dont 
nous avons cité des passages , et fit de la lettre d'envoi une 
élégie qui n’est pas sans mérite. 

Cette pièce de vers nous fait voir que le monastère de 
Gand n'était plus dans une contrée inhospitalière de la 
forêt sans miséricorde, mais que le christianisme, en ap- 
prenant aux habitants ces vertus, filles de la charité, leur 
avait fait comprendre aussi le bonheur de pourvoir aux 
besoins de la vie, non par le meurtre et le pillage, mais 
par les ressources de l’agriculture ‘et de lélève des trou- 
peaux. Écoutons ses chants : 


Ganda parat gremium, quo me fovet ubere lacto, 
Invitat, mulcet, nutrit, amat, refovet. 


Haec quoque dum scribo, properans agitator aselli 
Munere nos solito, pondere lassus adit. 


Ruris delitias affert, cum lacte butyrum, 
Ovaque caseoli plena canistra premuni (2). 


Après trois années d’un pénible apostolat, saint Liévin 
cuerllit la palme du martyre, en 657, au village d'Es- 
sche (3). On a écrit qu'il composa aussi l’épitaphe de 
labbé Florbert (4), mais ce n’est là évidemment qu'une 
distraction, car l’auteur même qui l'avance place, avec rai- 
son, le décès de saint Florbert au 25 octobre 661, c’est-à- 


(1) Le pays d’Alost d’aujourd’hui. 

(2) Acta S. S. België, t. I, p. 115. 

(5) Aujourd’hui , Sinte-Lievens-Essche. 
(4) Æist. de l’abbaye de S'-Bavon, p.8. 


( 132 ) 
dire près de quatre ans après celui de l'apôtre du Brabant (1). 

On sait que saint Liévin devint patron de Gand et que 
la procession annuelie, qui se faisait à son tombeau, 
donna quelquefois occasion à de graves événements dans 
l’histoire de cette ville. 

Saint Florbert gouvernait depuis peu les deux abbayes 
fondées par saint Amand, quand un prélat, non moins 
célèbre par son zèle et par ses vertus, vint affermir dans 
la foi les habitants du Pagus gandensis. Saint Éloi, évêque 
de Noyon et de Tournai, et comme tel, premier pasteur 
de ce district, ne pouvait négliger une partie de son trou- 
peau qui avait tant souflert par l'absence de saint Amand 
et l'invasion des pirates du Nord. Peut-être n’y demeura- 
t-il pas longtemps, puisqu'il s'était dévoué en même temps 
à la conversion des Suèves, des Anversois et des Frisops, 
parmi lesquels l'Évangile était à peine connu; mais il 
revint à Gand peu avant sa mort, arrivée vers 659, pour 
procéder à l'élévation des reliques de saint Bavon (2), après 
s'être assuré de la réalité des miracles qui S'opéraient tous 
les Jours à son tombeau. M. V. L. dit avec raison (5) que 
Jean de Thielrode (4) a eu tort de fixer cette élévation 
en 680, puisque saint Éloi mourut en 660 (5); mais lui- 
même n’a-t-il pas eu quelque tort d'en parler sous Wil- 


(1) Avant l'an 1049, il s’éleva une discussion sur l’endroit de la sépuliure 
de saint Florbert entre les deux abbayes de Gand. La découverte de la pierre 
sépulcrale à décidé la question, en faveur de S'-Bavon. V. Raepsaet, OEu- 
vres compl., t. I, pp. 565 et suiv. 

(2) On célèbre cette élévation et la translation, faite sous l'abbé Érembold, 
le 5 août. 

(5) Æist. de l’abbaye de S,- Bavon, p. 10. 

(4) Qui a été suivi sans examen par plusieurs écrivains plus modernes. 

(5) Les Bollandistes croient que k date de 959 est mieux fondée, 


( 153 ) 
frid, quatrième abbé de S'-Bavon, quand elle eut en effet 
lieu du vivant de saint Florbert ? 

Cette auguste cérémonie, rehaussée encore par la sain- 
teté éminente du prélat qui l’avait accomplie, augmenta 
singulièrement la population de la ville naissante, et en 
particulier dans le voisinage de l'abbaye de S'-Bavon. 
Nous ne savons d’après quels annalistes M. le comte de 
Bylandt avance que, « sous Charlemagne, il n’y avait que 
le mont Blandin (mons Blandinium) qui fût bâti et ha- 
bité (1). » I est difficile de croire à une pareille assertion 
sans preuves, quand on sait, par des documents authen- 
tiques, que l’empereur accorda une protection spéciale et 
une charte d'immunité au monastère de S'-Bavon : mais, 
le fait füt-1l avéré, il n'en était pas de même à coup sûr 
au milieu du VIF”* siècle et plusieurs années après; les 
miracles fréquents qui se faisaient au tombeau du saint 
altiraient bien autrement la population que la position 
heureuse du mont Biandin. 

L'espace compris entre les deux abbayes était-il égale- 
ment peuplé? Marc van Vaernewyek assure qu'on l’appe- 
lait Boerhem, ce qui nous semble un peu hasardé, mais on 
le nomme Herhem ou Fereheim dans les chroniques, qui 
méritent plus de confiance. Quelques auteurs l’expliquent 
par demeure des gens de querre, de Her, armée; mais peut- 
on S'imaginer aisément qu'on ait placé le séjour des mili- 
laires dans la plaine, quand les hauteurs voisines leur 
présentaient une si belle position? Hereheim pourrait 
aussi bien signifier demeure du maître ou commandant, 
de Hern, seigneur. Il est probable, en effet, que le chef, en- 


(1} Archives pour l'hist. des P.-B , t. UT, p. 77. 


(134 ) 

voyé de temps à autre par le roi pour rendre la justice, 
tel que ce comte Dotto qui figure dans la vie de saint 
Amand (1), avait une résidence dans le chef-lieu du 
Pagus. Quoi qu'il en soit, le mot Heim, comme nous 
l'avons déjà fait remarquer, a le même sens que hameau 
et prouve que le lieu n’était pas entièrement inhabité. En 
vain objecterait-on que, dans cette hypothèse, il aurait dû. 
s'y trouver un édifice consacré au culte et qu'on ne trouve 
aucune mention d'une chapelle construite en cet endroit 
avant le X”* siècle; car une chapelle bâtie en bois et cou- 
verte de chaume, comme il s’en construisait alors, aurait : 
bien pu s'élever et disparaître sans laisser quelque trace 
dans les chroniques. D'une autre part, la distance de Here- 
heim à l'église claustrale de l’une ou l’autre abbaye était 
bien moins grande que le trajet qu'ont à faire les habitants 
des hameaux de nos campagnes, pour se rendre à l'église 
paroissiale. 

La population s’augmenta peu sans doute pendant le 
reste du VI®*° siècle, où régnait une profonde misère, 
causée par lineptie et la rapaeité des eomtes et des officiers 
royaux. Ils n'osèrent pas cependant molester des abbayes 
que le roi lui-même avait dotées : les religieux augmen- 
tèrent leurs revenus tant par les dons qu'ils recevaient que 
par la culture de leurs terres. À une époque peu amie de 
l'instruction, ils ne négligèrent pas entièrement les sciences 
et les lettres. La vie de saint Amand par l'abbé Baude- 
mond laisse beaucoup à désirer assurément pour la pureté 
des formes, mais elle réunit à l'exactitude des faits un 
talent remarquable d'exposition. Il en est de même de la 


(1) 4cta S. S. Belqii. t. IV, p. 950. 


( 435 ) 
vie de saint Bavon par un anonyme, qui écrivail peu de 
temps après Baudemond. On voit aussi, par sa préface, 
qu'il m'était pas tout à fait étranger aux Suns écrivains 
d'Athènes et de Rome. 

Quelques années après, des missionnaires saxons vin- 
rent prêcher l'Évangile dans les îles de Zélande. Un his- 
torien moderne conteste l'exactitude de ce fait, parce qu’on 
leur avait enjoint, dit-il, de parler en teuton et que les 
Jélandais étaient de race germanique. Ce motif de doute 
doit paraître singulier à ceux qui n’ignorent pas que teu- 
ton, tudesque et germanique sont réellement synonymes. 

La pieuse reine sainte Bathilde favorisait de tout son 
pouvoir la propagation de la foi et la fondation de couvents, 
qu'elle regardait comme un puissant moyen de civilisa- 
tion. En même temps elle supprima Îa capitation et fit 
d'autres réformes dans l'intérêt du peuple, mais par là 
même odieuses aux grands, qui le pressuraient à leur gré. 
Pa vertueuse princesse se retira joyeusement au monastère 
de Celles et y vécut dans une sainteté parfaite Jusqu'à la 
mort. Par sa retraite, le désordre et l'ignorance réprirent 
entièrement le dessus, bien que les historiens modernes 
aient encore exagéré l'un et l’autre. Ainsi, de ce qu’un 
prétre avait baptisé 1n nomine patria et filia ei spiritua 
sancla, ce qui fut déféré au pape saint Zacharie, M. V. L. 
conclut que le clergé se servait de cette formule (4) : ce qui 
n'est certes ni juste, ni logique. 

La chute imminente de la dynastie mérovingienne et la 
lutte, quoique bien inégale, qu’elle soutenait encore contre 
la puissance des maires du palais, étaient en partie cause 


(1) Zist. de saint Bavon, p. 11. 


( 136 ) 

de ces maux. L'abbaye da mont Blandin leur dut sa 
ruine. Un seigneur du nom de Ragenfrède (4) ayant pris 
les armes pour conserver la couronne aux héritiers de 
Mérovée, des hommes jaloux de la prospérité du monas- 
tère de Saint-Pierre accusèrent l'abbé Célestin (2), Écossais 
d'origine, d'entretenir avec ce chef une correspondance 
nuisible à Charles Martel. N'ignorant pas combien les rois 
Dagobert et Sigebert avaient enrichi l’abbaye, le puissant 
maire du palais crut aisément que, tout dévoué au sang de 
ces princes, l’abbé s'était rendu réellement coupable envers 
lui. Emporté par son ressentiment, il exila l’abbé, chassa 
les moines du couvent qu'il détruisit et partagea les biens 
de l'abbaye à ses compagnons d'armes. L’abbé Célestin se 
retira au couvent de Renaix, selon les uns (5), et à Rome, 
selon les autres. L'abbaye de S'-Pierre ne se releva de ses 
ruines que sous Louis le Débonnaire (4). 

L'abbaye de Saint-Bavon eut-elle le même sort que celle 
du mont Blandin? C'est ce qu'on ne lit nulle part : la suite 
non interrompue des abbés et les actions connues de quel- 
ques-uns d'entre eux permettent de supposer le contraire, 
mais les réclamations fréquentes qu'ils adressent au sou- | 
verain pour recouvrer les biens dont on les avait dépouil- k 
lés, prouvent qu'eux aussi s'étaient vus persécutés. 

L'événement le plus mémorable da VIIF** siècle, entre 
la Lys et l'Escaut, fut assurément Le martyre de l'abbé saint 
Hildebert. L’hérésie des iconoclastes, soutenue en Orient 
par les sanglants édits des empereurs Léon l'Isaurien et 


mr ms — a —_——_——_—_——— 


(1) Meyer le nomme Ramenfrede. 

(2) Æist. de saint Bavon, p. 11. 

(5) Meyeri 4nnal. Flandr., ad an. DCCEXY. 

(4) Annales Sancti Petri Bland., Ed. F. Vandeputte, p. 58. 


A — 


( 157 ) 

Constantin Copronyme , avait pénétré jusqu'au pagus Gan- 
davum et y avait fait un grand nombre de dupes, en ca- 
lomniant la doctrine de l’Église sur le culte des images. 
Pour les ramener à la foi, le zélé prélat exposa avec cha- 
rité à ces hommes égarés quels étaicnt les véritables sen- 
liments des catholiques à cet égard, et leur démontra, par 
les raisonnements les plus persuasifs, combien ils étaient 
conformes à la saine orthodoxie. Les esprits commen- 
çaient à s'ébranler ; mais, comme les meneurs ne trou- 
vaient pas là leur compte, ils ne répondirent que par des 
vociférations et des menaces de mort; de là un violent 
tumulte, dont ils profitèrent pour se précipiter dans lab- 
baye et y massacrer le pieux vieillard (1). 

Ce fut seulement deux années plus tard que le pape 


| Étienne II lui donna pour successeur Égilfride ou Agil- 


| fride, qui se trouvait momentanément à Rome (754), d’où 


il apporta un grand nombre de reliques. La pureté de ses 


mœurs, son savoir et l’aménité de son caractère rendirent 


ce prélat cher à Charlemagne, qui le nomma évêque de 


 liége et l’appela souvent à sa cour. Foulon (2) et d’autres 
| historiens liégeois marquent sa mort en 784 (5), tandis 
| que les Annales sancti Bavonis la placent en 762. Peunt- 


être donna-t-il, à cette dernière date, sa démission de la 
dignité abbatiale. Ceux qui l’obtinrent après lui, jusqu’en 
809, ne nous sont connus que de nom. 

Ce siècle, au reste, fut presque entièrement stérile pour 


(1) Saint Hildebert fut martyrisé le 1*7 décembre. Voy. Corpus chron. 
Fland., 1. 1, p. 442. 


(2) Æist. Leod., t. I, p. 158. 
(5) Charlemagne avait confié à ses soins le roi détrôné des Lombards et sa 


| famille. 


( 138 ) 

l'histoire de la ville de Gand, et ne lui donna point l’im- 
portance que le précédent avait semblé promettre : des 
deux abbayes qui lui avaient donné naissance, l’une étant 
totalement ruinée et l’autre fort appauvrie, il n’en pouvait 
être autrement. L’avénement à l'empire du puissant mo- 
narque dont le nom même est inséparable de la grandeur, 
laissait entrevoir cependant des temps plus prespères. 

Charlemagne vint lui-même à Gand, qualifié simple- 
ment de lieu (1) en 811, et reçut probablement l’hospita- 
lité au monastère de S'-Bavon. Ayant fait équiper à Boulo= 
gne-sur-mer une flolte destinée à combattre les forbans du 
Nord, ce prince avait pour but d’inspecter dans l'Escaut 
des vaisseaux qu'on y avait construits pour faire partie de 
cette flotte. 

En présence de ce fait qui n’a point été contesté (2), 
quelques écrivains de mérite, comme OI. de Wree (5), Des- 
roches (4) et Lesbroussart (5) ont cru que Gand était un 
port de mer au IX"*° siècle; d'autant plus que plusieurs 
documents du même siècle et du suivant l'appelaient Por- 
tus Gandensis où Portus Gandavus. Cette opinon à été exa= 
minée, dans une dissertation assez étendue, par le jeune 
comte F. de Bylandi (6), qui ne savait pas apparemment 
que le chevalier Dieriex avait traité longuement déjà la 


(1) 4d Scaldim fluvium veniens, in loco qui vocatur Gant. Axxaz: 
Fnranc., apud Duchesne, Script. rer. Franc. 

(2) D'Oudegherst dit que Charlemagne était venu pour vénérer des res 
liques. 

(5) Flandr. Ethn., p. 55. 

(4) Recherches sur l’ancienne Belgique, liv. Ie, ch. HIT. 

(5) Annal. d’'Oudegh., t. T, p. 89, note. 

(6) Ærchives pour l’hist. civile et littér. des P.-B, t. II, pp. 4 et suiv.s 
G9 et suiv. 


(139 ) 


. même question (1), avec la verve satirique qui lui est 


propre. Tous deux réfutent l'opinion des auteurs cités, et 
le premier avec une abondance de citations peu commune, 
mais aussi en général peu nécessaire. Exposons succinc- 
tement iei la discussion. 

OI. de Wree et les auteurs qui partagent son opi- 
mon s'appuient d’abord sur la construction de vaisseaux 
à Gand, par les ordres de Charlemagne, et ensuite sur le 
nom de Portus, que d'anciens diplômes et martyrologes 
donnent au même endroit. Le premier argument soutient 
peu l'examen. En effet, de ce qu'on a construit à Gand des 
vaisseaux , de ceux-là sans doute qu'on nommait Koggen 
où cogones (2), et qui devaient rejoindre la flotte de Bou- 
logne, y avait-il nécessairement un port de mer ? Quis cre- 
dat? s'éerie de Wree, et il a raison; mais il a tort d'ajouter : 
Patet id ex vita Caroli Magni : car personne ne Île croit, 
sans doute, aujourd'hui qu'on à vu construire à Gand, 


_ sous l'empire, des prames d'une plus grande dimension 


qu'en 811, et destinées pour une autre flotte de Boulogne; 
ebplus récemment encore, qu'on a vu lancer dans l’Escaui, 
à Baesrode (5), un navire de fort Llonnage; d'où l’on n’a 
pas conclu que ce village était un port de mer. 

Il est vrai que de nombreux documents du IX°° et da 
N° siècle donnent à Gand le nom de Portus Ganda, 
Portus Gantus, Portus Gandavus ou Gandensis (4); mais 
lemot portus n'avait pas toujours le même sens au moyen 
âge. Depuis le XH"* siècle, une ville de Belgique, dont 


—————_———— 


(1) Topogr. de l’anc. ville de Gand, 1"° partie. 
(2) V. Du Cange, Glossar., v. Cogo. 
(5) Village de l'arrondissement de Termonde. 

) 


( 440 ) 

les habitants en corps jouissaient, à certaines conditions, 
de priviléges communs, se nommait portus ou poort, d'où 
sont venus les noms de poortery ou poorters donnés à 
la bourgeoisie et aux bourgeois. Ce n’est pas celte signi- 
lication qu’on peut trouver dans les diplômes cités; mais 
au IX"° siècle, on donnait aussi le nom de portus aux 
villes et bourgades situées sur un fleuve et aux endroits 
défendus par un fossé ou par une rivière, où les habi- 
tants étaient censés à l'abri des coups de main des bri- 
gands. Dans l’une et l’autre de ces acceptions, le nom 
de portus convenait à Gand, et l’on n’avait aucun besoin 
pour l'expliquer de recourir « au bras de mer comblé par 
les sables (1), » fruit de l'imagination de Desroches (2). 
Le chevalier Diericx prétend (5) qu’on n’a jamais placé le 
monastère de S'-Bavon dans le port de Gand; mais 1l est 
évident que cette fois il a tort, puisqu'on lit dans les do- 
cuments déja cités : In Portu Ganto natalis S Bavonis….; 
in Portu Gandensi depositio St Livini.….; in Portu Ganda 
St Vincianae, où l’abbaye de S'-Bavon est bien spéciale- 
ment désignée. 

L'ancien pensionnaire de la ville de Gand remarque, 
d’ailleurs, lui-même (4) que « l’on fait usage du mot portus, 
pour désigner un couvent, un hospice, ou toute autre mai- 
son religieuse, munie de fortifications quelconques; » ce 
qui convient à coup sûr parfaitement au monastère de 
S'-Bavon construit dans le Castrum. Nous pensons même 
que, par une métaphore très-aisée à comprendre, on 


) Æist. anc. des P.-B. autrich., t. 1, pp. 155 et suiv. 
) Et du P. Malbrancq. 

) Topographie de l’anc. ville de Gand, p. 40. 

) 


| 
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| 
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| 


( 144 ) 

donnait aussi le nom de port à des maisons religieuses 
qui étaient aucunement fortifiées. Diericx songeait peut- 
être à l’abbaye gantoise de la Byloke, connue aussi sous 
le nom de Portus Monialium ou B. Mariae Virginis, et 
qui avait effectivement quelques fortifications; mais elle 
les devait à sa posilion exceptionnelle : complétement 
isolée de la ville, d’une part, et de l'autre contigué aux 
remparts forufiés pour d’autres motifs. 

Les religieux de S'-Bavon avaient sans doute fondé de 
brillantes espérances sur la protection d’un hôte aussi 
puissant que Charlemagne; mais une grande calamité les 
menaçait. Deux années après son séjour à Gand, un in- 
cendie éclata fortuitement dans l’intérieur du couvent, et 
réduisit entièrement en cendres des édifices qui, selon un 
chroniqueur, étaient bâtis avec une rare élégance (1), de 
manière que les établissements monastiques, que l'endroit 
devait au zèle de saint Amand, ne présentaient l’un el 
l'autre que des ruines; mais celui de S'-Bavon avait con- 
servé son personnel et une partie de ses biens, tandis que 
l'abbaye du mont Blandin ne comptait plus qu'un petit 
nombre de religieux et de faibles débris des libéralités 
que lui avaient faites les rois Dagobert et Sigebert. 

Un avenir plus heureux semblait cependant promis aux 
deux monastères. Avant la fin de son règne, Charlemagne 
avait coufié la prélature de l’un et de l’autre au célèbre 
Éginbard (2), son secrétaire et plus tard son biographe, 
qui ne prit, toutefois, possession de la dignité abbatiale 
que sous Louis le Débonnaire. La reconstruction des mai- 


(1) Quod in magna elegantia constructum fuerat. Corrus cun. FL. 
t. I, p. 489, 
(2) Appelé aussi Aynardus et Eynaert dans les diplômes. 


slt 


( 142 ) 

sons claustrales fut achevée par ses soins, et une charte 
d'immunité obtenue pour elles de l'empereur, et qui en 
confirmait une autre donnée aux mêmes fins par Charle- 
magne (1). Le diplôme de Louis, daté d’Aix-la-Chapelle le 
12 avril 819 (2), défend aux comtes et autres officiers de 
l'empereur de se rendre dans les églises, sur les champs 
ou autres domaines, que les abbayes possèdent ou obtien- 
dront légalement dans la suite, pour y tenir des plaids, 
exiger des prestations en nature ou en numéraire, lever 
des cautions ou vexer les hommes, soit libres, soit serfs, 
des monastères. Les abbés et leurs successeurs resteront 
paisibles possesseurs de leurs biens, et l’empereur leur 
fait concession de tout ce qui pourrait en revenir au fise 
pour les besoins des pauvres et des serviteurs de Dieu 
qu'ils gouvernent. 

C'était là confirmer pleinement l'origine allodiale des 
propriétés des deux abbayes. 

Malheureusement Louis n'avait ni le bras n1 le génie de 
son père, et l'empire se vit bientôt déchiré par la guerre 
civile, tandis que les plus belles parties de la Neustrie 
étatent laissées sans défense contre les incursions des Nor- 
mands et le soulèvement des esclaves. L'intérieur du pays 
resta quelque temps tranquille, ce qui permit à l’évêque 
de Cambrai, Thierri, de procéder en paix, le 28 juin 
842 (5), à l'élévation des reliques de saint Liévin et à leur 
translation dans une nouvelle tombe. Mais la tranquillité 
dura peu. Si l’on parvint à arrêter la révolte des esclaves, 


(1) Cette charte s’est perdue. 

(2) Imprimée défectueusement dans Miraeus, 1. L, p 151, cette charte 
se trouve correctement rendue dans les Ænnal. Si Petri, p. 69. 

(5) On en célébre la mémoire le 27 juin. 


( 145 ) 
| il n’en fut pas de même, quand on voulut s'opposer à 
l'invasion des Normands : les moines de S'-Bavon aban- 
donnèrent leur abbaye et se réfugièrent d’abord à S'-Omer 
et ensuite à Laon, avec les reliques des saints qu'ils possé- 
daïent et toutes les choses de prix qu’il leur fut possible 
d'emporter. L'abbaye fut saccagée et livrée aux flammes, 
+ ainsi que celles du mont Blandin et de Fronchiennes. 
| Même, si l'on en eroit l’auteur anonyme des miracles de 
} saint Bavon (1), les Normands dévastèrent tous les envi- 
rons par le fer et le feu, au point de les changer en un 
| vaste désert, et ne s’en éloignèrent que lorsqu'ils furent 
| bien convaincus qu’il n’y restait rien: qui pût exciter leur 
| cupidité. Un petit nombre d'habitants, qui osèrent revenir 
dans leur malheureux pays, après le départ de ces bar- 
b 
| 
| 


bares, purent s’y rétablir peu à peu à la faveur de quel- 
ques années de paix que leur assura la vigilance active 
d'Engelramne, à oœui l’empereur Charles le Chauve avait 


, confié l'administration des comtés de Noyon, de Verman- 
| dois’, d'Artois, de Courtrai et de Flandre (2). 

| Les annalistes qui nous racontent, apparemment sur la 
| parole de Lucius de Tongres, qu'au milieu du VI siècle, 
Lidérie de Bue construisit à Gand une écluse et un palais, 


a l'endroit où fut bâtie plus tard la Tour rouge (5), nous 
| apprennent aussi qu'Audacer ou Odoacre, fils et succes- 


| Seur d'Engelrarnne, fit entourer Gand de murs vers 854. 
} Cette prétention, comme j'a fait remarquer M. Lesbrous- 


(1) Acta SS. Belgii, tom. II, pag. 616. 

(2) Zn Noviomiso, Vermendiso, Adertiso, Curtriciso, Flandra, co- 
Mmilatibus Engilramni. Capit. de Charles le Chauve , en 853. 

(5) Tour bâtie en briques rouges non loin du confluent de la Lys et de 
| PEscaut , que Charles-Quint fit démolir en 1540. 


(144 ) 

sart (1), n'est appuyée sur aucun utré. Odoacre lui- 
même est un personnage quelque peu problématique, 
au point que des auteurs qui ne s’effarouchent pas d'éty- 
mologies plus ou moins forcées, y ont va un surnom de 
Baudouin Bras de Fer (2). Si nous faisons mention ici de 
ce qu'Odoacre aurait construit à Gand, c’est que la chose 
est devenue une sorte de tradition pour les athlètes de 
nos chambres de rhétorique, qui se plaisent à nommer 
Gand la ville d'Odoacre. 

Nos vieilles chroniques qui comptent Audacer parmi 
les forestiers de Flandre, ne rapportent aucun fait de son 
administration. Elles se contentent de nous apprendre (3) 
que de son temps la Flandre comptait les villes (4) de Gand, 
de Harlebeke, de Tourhout , d’Audenarde, de Bruges, de 
Cassel, de Courtrai, de Rodenburg, @Aire et de Sithiu. 

Baudouin, à qui sa bravoure et ses exploits valurent le 
glorieux surnom de Bras de Fer (5), était, selon les uns, 
fils d'Audacer et, selon les autres, du comte Engelramne. 
Ce qui est moins douteux, c’est qu'il fut d'abord le vicaire 
ou lieutenant et ensuite le successeur de ce dernier dans 
l’administration de ces pays. Quelques écrivains lui attri- 
buent la construction d’une forteresse non loin du con- 
fluent de la Lys et de la Lieve, qu'on appela Castrum 
novuin, en opposition avec l’ancien Castrwm , devenu l'ab- 
baye de S'-Bavon, et connue encore aujourd’hui sous le 


(1) Nouv. Mem., tom. I, pag. 185. 

(2) Ils y ont trouvé ÆZoud uw wakker , ne dors pas. OL Vred., Flandr., 
Ethn., 509. 

(5) Corpus chron. Flandriae, t. 1, pp. 12 et 54. 

(4) Parva oppida scilicet castro, villae, disent-elles. 

(5) Cui ex occasione fortissimi animi cognomen accessit Ferreus. Ma- 
billon, Acta S. 5. ord. S Bened., saec. LIL. 


(145) 


nom de ‘s Graven steen. Mais l'historien Mevyere (1) paraît 
croire que ce château, célèbre à plus d’un titre, n’a été 
bâti que vers 912, sous le comte Baudouin le Chauve. On 
peut, ce semble, concilier les deux opinions en suppo- 
sant, ce qui n’est que trop vraisemblable, que les Nor- 
mands démolirent la forteresse, après la mort de Bau- 
douin LE”, et que son successeur la rebâtit plus tard. La 
vigilance et la valeur du comie Baudouin Bras de Fer 
étaient, d'ailleurs, plus redoutables pour les Normands 
que des places fortes et leur inspirèrent assez de terreur 
pour les éloigner de l’ancienne patrie des Morins et des 
Menapiens, pendant son administration. Les religieux de 
S-Pierre, moins pusillanimes que ceux de S'-Bavon, pro- 
fitèrent de l’ordre qu'il avait rétabli dans le gouvernement, 
pour restaurer leur monastère, où ils reçurent, à cette 
époque, de Tamise les reliques de sainte Amelberge. 

Par suite de son mariage avec Judith, fille de Charles 
le Chauve, Baudouin Bras de Fer devint premier comte 
et marquis héréditaire de Flandre, en 877, et commença 
pour notre histoire une ère nouvelle qui nous permet de 
terminer ei ces recherches sur l’origine de Gand. 


(1) 4nnal. Flandr., ad an. DCCCCXII. 


ToME xxx. — [I parT. 10 


(146) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 3 juillet 1856. 


M. DE Keyser, directeur. 
M. A. QueTELEr, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Alvin, Braemt, Navez, Roelandt, 
Van Hasselt, Verboeckhoven, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, 
Partoes, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, membres : Demanet, 
correspondant. 


CORRESPONDANCE. 


— 


M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition 
de l’arrêté qui confère au sieur Gustave Biot, de Bruxelles, 
lauréat du grand concours de gravure de 1855, la pension 
de 2,500 francs à laquelle il a droit pendant quatre ans, = 
pour un voyage à faire dans le but de se perfectionner 
dans son art. ù 


— M. Trappeniers, architecte, envoie un projet d'em- 
bellissement tendant à diminuer la pente de la place 
Royale vers le bas de la rue de la Madeleine. 


(AT ) 
d'un exemplaire de son rapport sur la situation et les tra- 
vaux de l’Académie royale de dessin, de sculpture et d’archi- 
tecture de Gand, années 1853 à 1856. — Remerciments. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


M. Van Hasselt, secrétaire de la commission pour l'his- 
toire de l’art, fait connaître que ses coilègues se sont 
réunis avant la séance, pour déterminer leurs occupations 
ultérieures et pour arrêter les bases du travail qui doit 
leur servir de règle. Voici les principales considérations 
contenues dans le procès-verbal soumis par lui à l’appro- 
bation de la classe, et qui sera communiqué à M. le Minis- 
tre de l’intérieur. | 

« M. Fétis donne connaissance d’un travail entrepris 
par la classe des beaux-arts de l’Institut de France, sous le 
titre de Dictionnaire des beaux-arts, et insiste sur la néces- 
sité de donner suite au projet d’une histoire de l’art en 
Belgique, projet admis en principe par la classe des beaux- 
arts de l’Académie, il y a dix ans. Selon l’honorable mem- 
bre, et la commission tout entière partage cet avis, il est 
de l'honneur de la classe de reprendre ce travail qui se 
rattachera par plus d’un côté à celui dont l'Institut de 
France s'occupe en ce moment, mais qui aura un Carac- 
tère plus particulièrement national et qui, en outre, pré- 
sentera d’une manière plus suivie qu’on ne peut le faire 
dans la forme d’un dictionnaire, le développement succes- 
sif des différentes branches de l’art en Belgique. 

» M. Alvin rend compte de tout ce qui a été fait jus- 


( 148 ) 
qu’à présent par la commission; il rappelle que, dans Ja 
séance du 6 février 1846, M. Quetelet proposa à la classe 
l’idée d'entreprendre la rédaction d’une histoire de l’art en 
Belgique , que cette proposition fut prise en considération, 
et que, dans la séance du 5 avril suivant, elle fut adoptée 
en principe ; que, dans la même séance, M. Quetelet fut 
chargé de rédiger la proposition en articles; que, le 14 
mai de la même année, M. Quetelet proposa la nomination 
d’une commission destinée à élaborer un plan de travail 
et à exécuter l’œuvre projetée; que ceite commission fut 
nommée en effet, et formée comme suit : M. Quetelet, 
président; MM. Alvin, Bock, Fétis, Schayes et Van Has- 
selt, membres; mais qu'après la production de quelques 
notes, elle dut cesser ses travaux en 1847, faute de 
moyens d'exécution. 

» L'appel fait à la classe par M. Fétis père, dans la 
séance du 28 mai, à l'effet de reprendre le travail momen- 
tanément abandonné, à eu pour objet la présente réunion 
de la commission, qui, à l'unanimité de ses membres , se 
déclare prête à répondre au vœu de la classe. 

» Elle agite d’abord la question de savoir sur quel plan 
le travail sera conçu. Après discussion, elle décide que 
l'ouvrage sera divisé en cinq parties différentes, et que 
chacune de ces divisions aura pour objet l’une des branches 
spéciales de l’art, à savoir : l'architecture, la sculpture, la 
peinture, la gravure et la musique; que chacune de ces 
parties sera confiée à celui d’entre les membres de la com- 
mission qui à fait de telle ou telle spécialité l’objet de ses 
études particulières; que l'architecture sera traitée par 
M. Schayes, la sculpture par M. Édouard Fétis (si la classe 
désigne cet honorable membre pour faire partie de la 
commission, comme celle-ci le propose), la peinture par 


(149 ) 
M. Van Hasselt, la gravure par M. Alvin, et la musique 
par M. Fétis père; et que tous ces travaux partiels seront 
coordonnés par le président de la commission, auquel 
sera confiée, en outre, la rédaction d’une introduction 
générale. 

» La commission croit pouvoir insister d'autant plus 
sur la nécessité de donner suite à cette entreprise, que le 
moment lui semble prochain où 1l pourra être procédé à 
un travail d'ensemble sur l’histoire des différentes branches 
de l’art dans notre pays. En effet, depuis quelques années, 
il a paru une foule de documents nouveaux qui comblent 
une grande partie des lacunes ouvertes encore dans notre 
histoire artistique, ou qui modifient des idées erronées, 
mais admises depuis longtemps par une sorte de droit de 
prescription; une quantité de dates ont été rectifiées, une 
quantité de faits inconnus ont été produits. Ces documents, 
ces dates et ces faits, il s’agit de les recueillir et de les 
coordonner, puis de les mettre en œuvre, lorsque ce tra- 
vail préparatoire sera terminé. En outre, le rôle des re- 
cherches prend chaque jour plus de développements, et il 
faut, en lui imprimant une certaine direction, en tirer 
parti pour obtenir des résultats nouveaux que le dépouille- 
ment des archives et des comptes de nos établissements 
civils et religieux ne peut manquer d'amener. 

» Mais ul ne faut pas se le dissimuler, ce travail prépa- 
ratoire sera long, souvent difficile, et nécessairement dis- 
pendieux; car non-seulement il obligera à de fréquents 
déplacements pour permettre aux membres de la com- 
mission d'aller examiner sur les lieux les monuments 
d'architecture, de sculpture et de peinture que l’art belge 
a produits en Belgique ou dans les pays étrangers; d'aller 
étudier dans les collections étrangères les œuvres de nos 


( 150 ) 

graveurs dont les collections qui existent en Belgique ne 
possèdent pas d’échantillon; d'aller prendre connaissance 
dans les bibliothèques publiques ou dans les dépôts par- 
ticuliers des compositions imprimées ou manuscrites des 
anciens musiciens belges, qui y sont enfouies et oubliées 
peut-être, par suite de la transformation que le goût mu- 
sical à subie; mais encore il obligera à faire faire des 
transcriptions complètes ou partielles de ces productions. 

» D’après l'opinion de M. Fétis, une somme annuelle 
de 5,000 francs suffirait pour faire face aux dépenses que 
ces travaux préparatoires pourraient entrainer. La com- 
mission adopte ce chiffre, et estime qu'il y a lieu de 
demander qu'une allocation semblable soit accordée à 
la classe pour lui permettre de donner suite à une œuvre 
que l'intérêt de l’histoire du pays réclame, et qu'il est de 
l’honneur de l'Académie d'entreprendre. » 


— M. Ed. Fétis fait connaître ensuite que le comité 
directeur de la Caisse centrale des artistes s’est réuni avant 
la séance, et qu'il a arrêté différentes propositions dont 
il est rendu compte à la compagnie. L’avoir de la Caisse 
s'élève actuellement à plus de 43,000 francs. 


— La classe s'occupe, en dernier lieu, de la question de 
savoir si la prochaine séance publique aura lieu dans le 
temple des Augustins ou dans la salle académique. Après 
quelques explications échangées à ce sujet, les membres 
se prononcent en faveur du premier mode de réunion. 


oo 7 © À 2 Se 


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OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Rapport sur la situation et les travaux de l'Académie royale 
de dessin, de sculpture et d'architecture de Gand; par M. Edm. 
De Busscher. Années 1853 à 1856. Gand, 1856; 1 broch. in-8°. 

Samenspraek tusschen Martens van Aelst en Erasmus van 
Rotterdam op den 6° Juiy 1856; door M. Prudèns Van Duyse. 
Gand, 1856; 1 broch. in-8°. 

La Cinéide ou la vache reconquise. Poëme national héroï-co- 
mique en vingt-quatre chants; par de Weyer de Streel. Bruxelles, 
1854; 1 vol. in-8°. 

Essai historique et descriptif sur des monuments du Hainaui: 
par L. Devillers. Mons, 4856; 1 broch. in-8°. 

Jan Des Roches. Zyne verhandeling over de oude en midden- 
cewwsche tael der Belgen; door K. Stallaert. Bruxelles, 1856; 
4 broch. in-8°. 

L'art poétique d'Horace considéré dans son ordonnance; avec 
des notes explicatives, par J.-M.-E. Feys. Bruxelles, 1856; 1 broch. 
in-8°. 

Notice sur un denier inédit d'argent de Tetricus ZI; par M. A. 
Namur. Bruxelles, 4856; 1 broch. in-8°. 

Bibliographie d'un ouvrage du D' Daremberg, intitulé : 
OEuvres anatomiques, physiologiques et médicales de Galien; 
par C. Broeckx. Anvers, 1856; 1 broch. in-8°. 

Introduction de la vaccine à Malines; par le même. Anvers, 
1856 ; 1 broch. in-8°. 

Rapport annuel de l'exercice 1855 de la caisse de prévoyance 
en faveur des ouvriers mineurs de la province de Liége. Liége, 
186; 1 broch. in-8°. 

Rapport de la commission administrative sur les opérations 


( 152) 
de l'exercice 1855 de la caisse de prévoyance élablie à Charleroy, 
en faveur des ouvriers mineurs. — Extrait du compte rendu des 
opérations pour 1855. Mons, 1856; 2 broch. in-8°. 

Rapport annuel de 1855 de la commission administrative de la 
caisse de prévoyance élablie à Mons, en faveur des ouvriers 
mineurs. Mons, 1856; 1 broch. in-24°. 

Caisse de prévoyance des ouvriers mineurs de la province de 
Namur. — Rapport présenté aux exploitants associés par la 
commission administrative pour l'exercice 1855. — Compte 
rendu de 1855. Bruxelles, 1856; 2 broch. in-&°. 

Rapport de la commission administrative sur les opérations 
de l'exercice 1855 de la caisse de prévoyance établie en faveur des 
ouvriers mineurs des houillères du Centre. Houdeng, 1856; 
4 broch. in-8&. 

Revue de la numismatique belge. 2"e série. Tome VI, 2° liv. 
Bruxelles, 1856 ; 1 broch. in-8&. 

Bulletin de l'Institut archéologique liégeois. Tome Il. Liége, 
1856; in-8°. 

Journal belge de l'imprimerie et de la librairie en Belgique. 
5€ année. N° 2 à 8 et table de la 2° année. Bruxelles, 1856; 
8 broch. in-8°. 

Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, ete., pu- 
blié par M. Ch. Morren. 8° année, 11" et 12e liv. 9" année, 
4re à 4me liv. Liége, 1856; 6 broch. in-8°. 

Annales de la Société historique et archéologique à Maestricht. 
Tome I, 4€ fascicule; tome IE, 4° fascicule. Maestricht, 1854- 
1856; 2 broch. in-8°. 

Aegyptische monumenten van het Nederlandsche Museum van 
oudheden te Leyden; uitgegeven op last der hooge regering door 
C. Leemans. 17° aflevering. Leyde, 1856 ; in-plano. 

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des 
sciences ; par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XLIF, n° 24 
à 26; tome XLILIL, n° 4 à 4; tables du 2% semestre 1859, 
tome XLE. Paris, 1856; 7 broch, in-4°. 


( 153 ) 

Histoire littéraire de la France. Tome XXII. Paris, 14856: 
4 vol. in-4°. 

Observations sur les tempêtes, les coups de vent et les orages, 
dans la partie de la mer Méditerranée comprise entre les côtes 
de France et celles de l'Algérie; par M. Lartigue. Paris, 1856; 
1 broch. in-8°. 

La rotation souterraine de la masse ignée, ses causes et ses 
conséquences ; par K. Schroeder. Paris, 1856; 1 broch. in-8°. 

Sur la constitution et la suspension des nuages ; par M. Dele- 
zenne. Lille, 1856; 1 broch. in-8°. 

Extraits originaux d'un manuscrit de Quentin de la Fons, 
iniitulé Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin; pu- 
bliés, pour la première fois, par Ch. Gomart. Tome II, 1"° partie; 
tome JE, 2% partie. Saint-Quentin , 1856; 2 vol. in-8°. 

Esquisse sur l'hôtel de ville de Saint-Quentin ; par le même. 
Saint-Quentin, 4856; 1 broch. in-8°. 

Recherches sur l'histoire des temps héroïques de la Grèce; par 
M. le baron Behr. Paris, 1856; 1 vol. in-&°. 

Discours d'ouverture prononcé à la séance publique d'hiver de 
la Société linnéenne de Bordeaux; par M. Ch. Desmoulins. Bor- 
deaux, 1856; 4 broch. in-8°. 

Traité théorique et pratique sur l'épuisement pur et simple de 
l'économie humaine et sur les maladies chroniques les plus répan- 
dues qui ont celte origine; par le docteur Sallenave. Bordeaux, 
1856; 1 vol. in-8°. 

Beyträge zur theorie der Sehnenwinkel ; von J. Riedl. Vienne, 


4827; 1 broch. in-8°. 


Zur Lehre der kôrperwinkel; von Riedl von Leuenstern. 
Vienne, 1856; 1} feuille in-4°. l 

Das Normalverhäliniss der chemischen und morphologischen 
Proportionen ; von A. Zeising. Leipzig, 1856; 4 broch. in-&°. 

Verhandlungen des zoologisch-botanischen Vereins in Wien. 
Band V. Vienne, 1856; 1 vol. in-S&. 

Bericht über die üsterreichische Literatur der Zoologie, Bo- 


(154) | 

tanik und Palaeontologie aus den Jahren 1850, 1851, 1859, 
1853. Vienne, 1835; 1 vol. in-8°. Ç 
Entomologische Zeitung; herausgegeben von dem entomolo- « 
gischen Vereine zu Stettin. 13-16" Jahrgang. Stettin, 1852 à & 
1855; 5 vol. in-8°. , L 
Linnaea entomologica. X'* Band. Berlin, 1855; 1 vol. in-8°. 


Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in \\ 


Würzburg. VU Band, 15 Heft. Wurtzhbourg, 1856; 1 broch. « 
in-8°. 4 
Notizblatt des Vereins für Erdkunde und verwandie Wis- 
senschafien zu Darmstadt. 2° Jahrgang. N° 21-40. Darmstadt, È 
4856; 1 broch. in-2°. | 

Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der 
vier Facultäten. XLIX Jahr. 2-6 Heft. Heidelberg, 4856; 5 broch. « 
in-80. ; 

Archiv der Mathematik und Physik; herausgegeben von 
“J.-A. Grunert. XXVIte Theil; 2-3 Heft. Greifswald, 1856: 
2 broch. in-8°. : 


Neue näherungsweise Auflôsung der Kepler'schen Aufqabe; | 


von prof. Grunert. Greifswald, 1856; 1 broch. in-8°. 


Schrifien der Universität zu Kiel aus dem Jahre 1855. Fe 


Band If. Kiel, 4856; 1 vol. in-4°. 

The annals and magazine of natural history, including z00- 
logy, botany, and geology. I series, vol. 17, n° 97 à 102. 
Londres, 1856; 6 broch. in-8°. 


Astronomical and meteorological observations made at the «\ 


Radcliffe observatory, Oxford, in the year 1854; under the 
Superintendance of Manuel J. Johnson. Vol. XV. Oxford, 1836; 
4 vol. in-8°. + 

Rendiconto della Società reale Borbonica. Accademia delle 
Scienze. Anno IV. Naples, 1855; 1 vol. in-4. E ! 
Eruzioni del Vesuviane del 1850 e 1833. Naples, 1833; 1 vol. 
in-4°. 1 | 
Alcune osservazioni sopra taluni rimedi proposti contro alla = 


( 195 ) 

malattia della vite; di G. Gasparrini. Naples, 1856; 1 broch. 
in-4°. | 

Discurso inaugural leido el dia 4° de octubre de 1855 en la 
solemne apertura del instituto de sequnda enseñanza de primera 
clase de Lerida; por D. Fr. Bonet y Bonfill. Lérida, 1855, 
1 broch. in-8°. 

El metodo de Pouillet. Memoria por D. Fr. Bonet y Bonfill. 
Barcelone, 1848 ; 1 broch. in-8°. 

Untersuchung eines am . _ 1855 auf Oesel niedergefallenen 
Meteorsteins; von Ad. Goebel. Dorpat, 1856; 1 broch. in-8°. 

Ofversigt af finska vetenskaps-societatens fôrhandlingar. Y, 
1838-1853; Il, 1853-1855. Helsingfors, 1853-1856; 3 broch. 
in-4°. 

Acta Societatis scientiarum fennicae. Tom. IV et Tom. V, 
fasc. 1. Helsingfors, 4856 ; 1 vol. et un cahier in-4°. 

Observations faites à l'Observatoire magnétique et météorolo- 
gique de Helsingfors, sous la direction de J.-J. Nervander. Vol. 
1 à IV. Helsingfors, 1850 ; 8 cahiers in-4°. 


BULLETIN 


DE 


| L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


DES 
LETTRES ET DES BEAUX=ARTS DE BELGIQUE. 


1856. — N°8. 


CLASSE DES SCIENCES. 
Séance du 2 août 1856. 


M. Dumonr, directeur. 
M. À. Quereer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Timmermans, 


Wesmael, Martens, Kickx, Stas, De Koninck, Ad. De Vaux, 
de Selys-Longchamps, Du Bus, Nyst, Liagre, Duprez, 
Brasseur, membres : Schwann, Blume, associés : Houzeau, 
Ern. Quetelet, d'Udekem, correspondants. 


TOME xx. — IL" part. 11 


( 158 ) 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre des affaires étrangères fait parvenir diffé- 
rents ouvrages destinés à la bibliothèque de l'Académie. 


— La Société des Sciences de Finlande envoie les 
tomes IV et V, 1"° partie, de ses Mémoires, ainsi que plu- 
sieurs autres ouvrages. 


— La Société des Naturalistes et des Médecins, qui doit 
se réunir à Vienne, vers le milieu de septembre, fait con- 
naître le but de cette 52°° réunion annuelle. 


— M. de Rote, consul général de Belgique au Chili et 
au Pérou, envoie, de la part de M. A.-C. Kudig, les obser- 
valions des variations météorologiques faites à Valparaiso, 
pendant les mois de juillet à décembre 1855. 


— MM. Rogier, président, et Ducpetiaux, secrétaire, 
font connaître qu'un congrès international de bienfaisance 
doit s'ouvrir à Bruxelles, le 22 septembre prochain, et 
ils invitent les membres de l’Académie à en faire partie. 


— M. A. Timmermans, membre de l’Académie, fait 
hommage d’un ouvrage de sa composition intitulé : Traité 
de mécanique rationnelle. — Remerciments. 


RAPPORTS. 


Recherches sur le développement des Infusoires ; 
par M. J. d'Udekem. 


Happort de M. Schivann. 


« Les recherches de M. Stein sur le développement 
des Infusoires (Die Infusions Thiere auf ihre Entwick- 
lungsgeschichte untersucht) tendent à prouver que tous les 
Norticelliens, outre la fissiparité découverte par M, Ehren- 
berg, et la multiplication par bourgeons, présentent un 
troisième mode de génération, qui consiste dans un en- 
kystement et dans la transformation en un nouvel animal 
identique avec les Acinètes de M. Ehrenberg. Ces animaux 
produisent alors dans leurs corps, d'après M. Stein, des 
bourgeons qui, étant devenus libres, se transforment de 
nouveau en Vorticelles. 

Ces observations de M. Stein ont été contestées par 
M. Ehrenberg, qui nie toute relation entre les Acinètes et 
les Vorticelliens, et qui considère l’enkystement comme 
une mue. 

En présence d'une contestation de la part d’une auto- 
rité aussi grande que celle de M. Ehrenberg, M. J. d'Ude- 
kem à entrepris une nouvelle série d'observations sur le 
développement des Infusoires; elle a été faite sur l’Epi- 
slylis plicatilis. 

Voici les résultats de ces nouvelles recherches : l’Epi- 
stylis plicatilis s'entoure d’un kyste qui apparaît d’abord 
sous forme de granules. Ceux-ci deviennent une mem- 


{ 460 ) 
brane molle au commencement, qui se durcit après. L’ani- 
mal fait cette opération ordinairement en restant sur place, 
et ce n’est que par exception qu'il se détache de son style 
avant son enkystement, comme le décrit M. Stein (1). 

L’enkystement peut avoir lieu à tout âge, et embrasse 
quelquefois deux individus rapprochés, ainsi que M. Stein 
l'a également observé. 

S'étant ainsi enkysté, l’animal tout entier, à la seule 
exception du noyau, se transforme, dans l’intérieur du 
kyste, en un liquide sarcodique, qui se durcit à la surface 
sous forme d’une membrane et se couvre ensuite de cils. 
Cest sous cette forme, que M. d'Udekem compare à une 
Opaline, que l'animal rompt le kyste et nage librement. 

L’Opaline se fixe, soit tout de suite, soit après des jours, 
et se mélamorphose en Acinète. 

M. Stein a déjà décrit différentes sortes d’Acinètes qui 
sont garnies de styles. M. d'Udekem a trouvé aussi des 
Acinètes sessiles. L'Opaline se transforme, par suite de 
circonstances inconnues, en l’une ou l’autre espèce. 

Voici, d'après M. d'Udekem, le mode de transformation 
dans l'espèce sessile : l'Opaline s’accole à un corps étran- 
ger, S'aplatit, perd ses cils, pousse sur son pourtour des 
mammelons (4-8) qui se couvrent de tentacules. 

M. d’Udekem a observé aussi des Acinètes soudées (con- 
Jugaison), mais il n’attache pas d'importance à ce phéno- 


(1) J'ai vu aussi plusieurs fois des Æpistylis se détacher de leur style. 
après s'être entourés d’une couronne de cils autour de leur base, confor- 
mément aux observations de M. Stein; mais, après avoir nagé librement 
pendant plusieurs minutes, ces animaux se fixaient sur un autre objet, et 
reprenaient peu à peu leurs mouvements et leurs formes premiéres sans en- 
kystement. 


( 161 ) 
mène, vu qu'il n’a aucune influence sur le développement 
ultérieur. 

Le nucléus de l'Acinête prend la forme d’un disque, se 
couvre de cils et s'approche des téguments de l'animal. 
Ceux-ci se déchirent ensuite, et le nucléus sort en formant 
un bourgeon cilié, bombé d’un côté. Après la sortie du 


- premier bourgeon, un nouveau se forme dans l’intérieur 


«le l'Acinète et sort à son tour, et ainsi de suite. M. Stein a 
déjà observé cette formation des bourgeons ciliés chez 
plusieurs Vorticelliens, seulement ce n’est pas, d’après lui, 


. le nucléus tout entier de l’Acinète qui donne lieu à la for- 


mation du bourgeon, mais une fraction du nucléus. 

M. Stein admet, d'après des observations incomplètes, 
que ces bourgeons, en se développant, produisent le même 
animal qui a servi de point de départ, c’est-à-dire une 
Vaginicola, Opercularia, etc. M. d'Udekem a suivi tout le 
développement de ces bourgeons chez l’Epistylis. Ils ne de- 
wiennent pas des Epistylis, mais des Acinètes. 

Voiei comment : les bourgeons nagent vivement, s’atta- 
chent à un corps étranger, un style se forme rapidement; 
puis ils perdent la forme discoïde pour devenir pyriforme, 
les cils disparaissent, et quatre faisceaux de tentacules se 
développent. L’Acinète à style est ainsi complète; quel- 


| quefois elle reste sessile. Ces Acinètes peuvent former de 


nouveau des bourgeons ciliés. 

La question se présente dès lors : De quelle manière les 
Acinètes reviennent-elles à la forme des Epistylis? Cette 
question ne peut être résolue que par des observations 
ultérieures, que M. d'Udekem n’a pas encore eu occasion 
de faire. | 

Il résulte donc de ces nouvelles recherches de M. d'Ude- 
kem que la théorie de M. Stein sur le développement des 


(162) 

Vorticelliens se vérifie pour l'Epistylis plicatilis; en effet, 
ces êtres s’enkystent et se transforment en Acinèles. 
M. d'Udekem a suivi en détail le mode d’enkystement et 
la transformation, que lanimal subit dans l’intérieur et 
en dehors du kyste, et qui finit par la forme d'une Acinète. 
Il a observé aussi, comme M. Stein, la production de bour- 
geons ciliés, et il a suivi tout le développement de ces. 
bourgeons, qui deviennent non pas des Epistylis, mais des 
Acinètes. Le retour à la forme primilive reste encore à 
chercher. 

Le mémoire de M. d’Udekem contient ainsi des obser- 
vations intéressantes et en partie nouvelles qui confirment 
et complètent les belles découvertes de M. Stein. En con- 
séquence, J'ai l'honneur de proposer à l’Académie l’inser- 
tion du travail de M. d’'Udekem dans les Mémoires de la 
Compagnie. » 


Rapport de M. Gluge. 


« [1 y a peu de temps, un seul groupe d'animaux parais- 
sait faire exception au célèbre mot de Harvey, omne vivum 
ex 0v0, C'était celui des Infusoires. On ne semblait leur 
reconnaître d'autre mode de génération que celui par divi- 
sion et par bourgeons. Depuis, des observations curieuses 
ont fait ajouter les Infusoires aux animaux dont le déve- 
loppement diffère entièrement de celui des vertébrés et de 
la plupart des invertébrés. En effet, chez ces derniers, le 
germe, tout en subissant des transformations très-variées, 
conserve son individualité. Chez un certain nombre d’ani- 
maux, au contraire (tels que les Biphores (Salpa), les 


(463) 


Pucerons, certains Helminthes, etc.), le germe, devenu 
individu, produit une ou plusieurs générations successives 
d'individus tout à fait dissemblables. Ce sont ces transfor- 
mations , désignées sous le nom de génération alternante 
par M. Stcenstrup, qu'on a également trouvées chez les 
Infusoires et que M. d'Udekem a de nouveau étudiées chez 
les Vorticelliens. Il ne s’est pas occupé de la question, 
encore controversée, s’il existe des corps analogues aux 
œufs chez les Infusoires. 

Déjà, en 4845 et 1849, M. Pineau (1), que nous regret- 
tons de ne pas voir mentionné par M. d'Udekem, avait 
reconnu la métamorphose d’une Actinophrys en Acinète et 
de celle-ci en Vorticelle, M. Arlidge (2) et Cohn (5) avaient 
étudié, l'un le développement du Trichodina , l’autre celui 
du Loxodes bursaria. En 1852, un élève d'Ehrenberg, 
M. Stein, publia des recherches plus étendues sur les mé- 
tamorphoses des Vorticelles, auxquelles M. Haime (4) a 
ajouté, en 1855, des faits très-curieux sur les métamor- 
phoses et sur l’organisation du Trichoda lynceus. 

M. d'Udekem s’est surtout attaché à compléter et à con- 
firmer les observations de M. Stein , et je pense, comme 
mon honorable collègue, M. Schwann, que son travail 
ligurera avec avantage dans nos Mémoires. » 


Conformément à la proposition de ses commissaires, la 
classe ordonne l'impression du mémoire de M. d'Udekem. 


) Annales des sciences naturelles. 
) Aanal. of natural history. 1849. 
) Journal de Siebold et de Koelliker. 
) Annales des sciences naturelles. 


( 
(2 
( 
( 


| 
3 
î 


(164) 


« 


. — L'Académie renvoie à une prochaine séance son . 
jugement sur différents mémoires manuserits qui lui ont . 
été communiqués par M. Meyer, en invitant M. Brasseur 
à prendre cohnaissance des écrits antérieurement adressés | 
par le même savant. 1 


TE) À te ——— 


| (165) 


CLASSE DES LETTRES. 


| ee 


Séance du À août 1856. 


M. M.-N.-J. Lecrerco occupe le fauteuil. 
M. À. QuETELET , secrétaire perpétuel. 


| Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Schayes, 
| Snellaert, Bormans, Polain, de Witte, Ch. Faider, Arendt, 
| membres; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ma- 
| thieu, Chalon, correspondants. 

M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste 
à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


L'Académie royale des sciences d'Amsterdam et la So- 
| ciété Danquerquoise pour l’encouragement des sciences, 
des lettres et des arts, font parvenir les programmes de 
} leurs prochains concours. 


— M. Leemans, directeur du musée d’antiquités de 


(166 ) 


Leyde et associé de l’Académie, envoie la 16”° livraison . 
de l'ouvrage intitulé : Monuments égyptiens. ; 

M. Victor Leclerc, associé de l’Académie, fait égale. 
ment hommage du tome XXIIF de l'Histoire littéraire de w 
France (Académie des inscriptions et belles-lettres). 


A ——— 


LL 


RAPPORTS. 


Î 


Sur le concours relatif au lieu de naissance de Charlemagne 


apport de Æ. Arendt. 


« Le rapport que notre savant et honorable confrère, 
M. Polain, a lu, dans la séance du 26 mai, comprend. 
deux parties distinctes, dont l’une est consacrée à l’exa-" 
men des mémoires présentés à la classe sur la question : 
Charlemagne est-il né dans la provinee de Liége? tandis 
que l’autre renferme un exposé des raisons qui portent 
M. Polain à placer en Neustrie le lieu de naissance du 
grand empereur. Dans la discussion à laquelle ont donné 
lieu les questions soulevées à la suite de ce rapport, il 
a été entendu que l'examen des commissaires, nommés 
pour rendre compte du travail de notre savant confrère, 
ne porterait que sur la seconde partie de ce travail, cette 
partie se rattachant seule à la question principale, celle 
de savoir s'il y a lieu d'ouvrir un second concours sur la” 
question qui a fait le sujet du premier. À 

Je commencerai par donner un résumé succinct des” 
considérations qui ont conduit M. Polain à la conviction. 


( 167 ) 


que Charlemagne est né en Neustrie. L'idée fondamentale 
| de son argumentation est celle-ci : d’après l'opinion com- 
| mune, la date à assigner à la naissance de Charlemagne 
| est celle du 2 avril 742; pour savoir où 1l est né, il faut 


rechercher en quel lieu se trouvaient ses parents à cette 
époque. A cet effet, M. Polain reprend le récit des événe- 
ments qui précédèrent la naissance du fils de Pepin; c’est, 
d'après lui, le seul moyen de connaître la vérité. 

Notre honorable confrère constate d’abord que, depuis 


Charles Martel, le siége des Carlovingiens , le pays où ils 


résident le plus habituellement, n’est plus l’Austrasie, mais 
bien la Neustrie, les bords de l'Oise, les environs de Paris. 
C’est là qu’on retrouve Charles Martel après ses longues 
guerres, c’est de là que sont datés ses derniers actes, c’est 
à Kiersy qu'il meurt. Après la mort de leur père, les fils 
partagent son héritage. L’Austrasie échoit à Karloman, la 
Neustrie à Pepin. M. Polain établit, à mon avis, de façon 
à exclure le doute, que Karloman obtint l’Austrasie, en 
sappuyant de preuves anciennes et d’autres plus récem- 
ment acquises par la publication des traditions et posses- 
sions du monastère de Weissemburg, faite avec un soin 
et une érudition si remarquables par M. le professeur 
Zeus, de Spire (1). 

Presque immédiatement après la mort de Charles Martel, 
M. Polain rencontre un fait qui, à ses yeux, a une haute 
importance pour la question qui l'occupe. C'est la tenta- 
tive de Griffon et sa prompte répression par Pepin et 
Karloman , qui s'emparent de leur frère et de sa mère, 


(1) Les principales chartes à consulter dans le cartulaire de Weissemburg 
sont celles qui portent les n°5 1,11, vir, GCxxxv. 


(168 ) 


enferment Griffon dans un château fort des Ardennes, et 
confinent Swanhilde dans le couvent de Chelles. D'autres 
circonstances viennent se Joindre à cet événement pour 
nécessiter impérieusement, d’après M. Polain, le séjour 
de Pepin dans ses États, les préparatifs d’une nouvelle 
guerre et les précautions à prendre envers Childérie FE. 
En outre, le silence des historiens sur tout autre événe- 
ment qui eût appelé Pepin en Allemagne, l'impossibilité 
où se serait trouvée la reine Berthe de suivre son époux, 
les diplômes du règne de Pepin qui, à l’exception d’un 
seul, sont tous datés des villes et des palais des bords de 
l'Oise, sont autant d'indices que les parents de Charle- 
magne ont dû se trouver au moment de sa naissance, en 
Neustrie, dans les environs de Paris. 

L'idée principale sur laquelle repose ce système n’est 
pas nouvelle, ce que, du reste, notre honorable confrère 
reconnaît lui-même. Je la trouve exposée d'une manière 
très-concise, mais fort complète, dans les Annales Fran- 
corum de Dufour, au troisième volume du recueil de 
D. Bouquet : Praeterea Carolum , dit Dufour, ir occiden- 
tali Gallia natum, non in Germania , uli contendunt Ger- 
mani, certissimum est, nam a fine anni T41 ad auctumnum 
anni 742, Pippinus et Bertha, Carol magni parentes, in 
Neustria sive Aquitania manserunt…. Mais mon savant ami 
a l’incontestable mérite d'avoir développé cette idée avec 
une grande lucidité, et de lavoir étayée de faits et de 
considérations qui, du moment où l’on admet son point 
de départ, acquièrent un degré de probabilité très-peu 
éloigné de l'évidence. Quand je regarde l’ensemble des 
arguments de M. Polain, la manière dont les faits sur 
lesquels 1l se fonde se lient entre eux, le soin qu'il apporte 
presque toujours à ne puiser qu'à des sources qui inspi- 


| 
Î 
| 
| 
| 
: 
| 
: 


in me ne ee eee ment enireneinentnentmntrnnnninettepnéténitnbtennemitréninen 


(169) 


rent confiance, Je dois reconnaitre que notre savant con- 
frère a donné à son opinion la vraisemblance à laquelle 
il est possible d'atteindre dans l’absence de texte positif 
ct de documents contemporains explicites; aussi n’hésite- 
rais-je pas de me ranger de son avis, et de proclamer avec 
jui que Charlemagne est né en Neustrie, si son point de 
départ, le fait sur lequel tout son système est édifié, pré- 
sentait à mes yeux une entière certitude. Je pense avec 
M. Polain que Pepin a dû séjourner en Neustrie pendant 
une grande partie de l’année 742; mais je n'en conclus 
pas que Charlemagne y est né, car je ne crois pas qu'il 
soit né en 742, 

La classe comprend que, pour m'écarter de l'opinion 
commune, 1{ faut que j'aie des raisons d’une certaine gra- 
vité. Je lui demande la permission de lui exposer celles 
qui me portent à fixer la naissance de Charlemagne à 
l'an 745. 

Il y a dans la date à assigner à ce fait deux choses à 
distinguer, le jour et l'année. Je n'ai aucun motif de 
contester, quant au jour, l'exactitude de la notice trouvée 
par Mabillon dans un ancien calendrier du couvent de 
Lorsch, qui indique le 2 avril. Je sais qu'on a voulu 
révoquer en doute que cette mention s’appliquât à Char- 
lemagne ; mais je n’attache aucune importance à la re- 
marque de Bredow, qui prétend qu’elle pourrait fort bien 
se rapporter à la naissance de Charles le Gros plutôt qu'à 
celle de Charlemagne. Les recherches de M. Pertz sur 
les annales d'Einhard ont constaté que les moines de 
Lorsch avaient des rapports suivis avec la cour de l’em- 
pereur franc. [ls pouvaient très-bien avoir connaissance 
du jour où sa naissance s’y célébrait, et cela d'autant 
plus facilement que Charlemagne a séjourné lui-même 


( 470 }) 
à Lorsch et dans le voisinage de Lorsch, à Ingelheim, 
où il est resté, entre autres, depuis le 25 décembre 787 
jusqu'en juin 788. Il existe encore d’autres traditions sur 
ce jour; mais toutes le placent dans les premiers mois de 
l'année. 

Quant à l’année de la naissance, depuis Mabillon , on 
peut considérer l'opinion commune comme acquise à l’an 
742. Mabillon , en se décidant pour cette date (1), se fonde 
sur le témoignage de Lambert d’Aschaffenburg, comme 
plus conforme à ceux d'Einhard et de Degan. Je crois que, 
dans les recherches à faire sur des questions de cette 
nature, les lois de la critique historique font un devoir 
rigoureux de n’admettre comme probants que des témoi- 
gnages contemporains dont l’authenticité ne puisse être 
sérieusement contestée; aussi aurais-je soin de n'invoquer, 
à l’appui de l'opinion que je développerai moi-même tout 
à l'heure, que des témoignages répondant à cette double 
condition. Je dois écarter celui de Lambert d'Aschaffen- 
burg comme postérieur de trois siècles au fait dont il | 
s’agit, restent ceux d'Einhard et de Degan. Quant au pre- 


(1) Voici le passage de Mabillon sur lequel se fonde l'opinion commune ; on 
verra qu'il n’est rien moins qu'aflirmatif dans un sens absolu : Tanti prin- 
cipis natales investigare conatus sum, quod an assecultus sim penes 
lectorem judicium erit. In primis Lambertus Scafnaburgensis asserit 
Carolum natum fuisse anno DCCXLIT , qui auctor , etsi Annalibus 
Petavianis posterior , in hoc tamen praeferendus videtur, quod Egin- 
hardo et Thegano in assignanda Caroli actate apprime conveniat. Ad 
haec nativitatis ejus dies a nemine hactenus observatus, in veterrima 
seculi noni kalendario quondam Laureshamensi nunce Ludovici Magni 
collegii Soc. Jesu Parisiensis, diserte notatur his verbis, aureis litteris 
signandus : IF nonas apriles nativitas Domini et gloriosissimi Karolë 
imperatoris et semper augusti. (DE RE pipromatica, Supplementum; 
cap. IX, p. 58.) 


(CHF) 

mier, 1l dit, dans le 51° chapitre de la vie de Charle- 
magne, que l’empereur mourut dans sa 72° année, ce 
qui reporterait sa naissance à l'an 742. Je dirai tout à 
Pheure ce qu'il faut penser de ce premier chiffre d'Ein- 
hard. Degan dit la même chose et à peu près dans les 
mêmes termes, et s'il n’a pas emprunté sa version à 
Einhard, ce qui est infiniment probable, je ne puis lui 
reconnaître de valeur propre autre que celle de représen- 
ter une tradition locale. Degan, selon Walafrid Strabo, 
était chorévêque à Trèves. Dans sa biographie de Louis le 
Pieux, achevée vers 835, 1l se conforme, pour tout ce 
qui est antérieur à l'an 859, aux écrits d'Einhard, en les 
abrégeant. Je ne connais aucun fait qui nous autorise à 
lui attribuer une connaissance particulière des circon- 
Stances se rattachant à la vie de Charlemagne, et je ne 
puis voir dans ce qu'il dit de l’âge qu'avait l’empereur en 
mourant, qu'une reproduction du premier chiffre d'Ein- 
hard. Un fait particulier m'empêche de considérer ce 
chiffre comme exprimant la tradilion locale de Trèves. 
Les Annales S. Maximini Trevirenses, où cette tradition 
doit se trouver, si elle existe quelque part, ne mention- 
nent, à l’année 742, absolument rien concernant la naïs- 
sance de l'empereur. 

À côté de ces premières sources, il en est d’autres que 
Mabillon ne cite pas, et que notre honorable confrère in- 
Voque:: ce sont les annales du temps. Entendons - nous 
d'abord sur le degré de valeur probante qu’on doit leur 
attribuer. On connaît l’origine de la plupart de ces docu- 
ments que M. Pertz a édités avec des soins nouveaux et 
en plus grand nombre que ses devanciers. Ce sont presque, 
sans exceplion, des annotations chronologiques recueil- 
lies dans les manuscrits de certains ouvrages de Beda, 


( 172 

ou dans des tables de chronologie ecclésiastique. Elles 
prouvent bien la tradition du lieu où elles furent consi- 
gnées, sur la date du fait ou de l’événement qu’elles men- 
ionnent, mais aucun historien sérieux ne saurait leur 
reconnaître la valeur, l’importance d’un titre, d’un doeu- 
ment authentique. J’admets encore que leurs indications 
ont du prix quand elles s'accordent entre elles, et que, 
dans le cas où elles sont unanimes sur une date, elles 
peuvent jusqu’à un certain point remplacer le titre absent; 
mais les lois d’une saine critique ne me permettent pas 
d'aller plus loin. J'ajouterai encore que, pour apprécier 
avec précision la valeur d’une date donnée par elles et 
appartenant aux temps carlovingiens , il est de toute né- 
cessité de connaître l’époque à laquelle, dans les couvents 
ou dans le pays de leur rédaction, on plaçait le commen- 
cement de l’année. 

Après ces observations préalables, je passe à lexamen 
des données de ces annales, que M. Polain cite pour 
moliver son opinion que Charlemagne est né en 742. Je 
remarque d’abord qu'un très-grand nombre de ces me: 
numenis, parmi lesquels se trouvent les groupes les plus 
anciens et les plus importants, tels que les grandes an- 
nales de St-Amand, les Annales Laubacenses, Petaviani, 
Laurishamenses, Alamannici, Guelferbytani, Naxariant, 
ne renferment aucune indication relativement à la date 
de la naissance de l'empereur, ou donnent, comme les 
Pelaviani, un chiffre autre que celui de 742. J'en conclus 
qu'il n'existait point de tradition universellement reçue 
sur cette date, et qu'on ne doit y voir qu'une tradilion 
restreinte et locale. M. Polain cite comme renfermant la 
date de 742, les Annales S. Amandi breves, les Ful- 
denses antiqui (au volume troisième des Monumenta de 


(173 ) 

Pertz}), les Juvavenses et les Sahisburgenses. Il invoque 
accessoirement le témoignage de la chronique saxonne, 
un passage de la vie de saint Goar et la chronique de 
Lambert d'Aschaffenburg. Comme ce ne sont pas des 
sources contemporaines , 11 n’y a pas lieu de s’en occuper. 

J'ai apporté un soin particulier à examiner les annales 
citées et voici ce que j'ai reconnu. Mon honorable con- 
frère voudra d’abord se convainere que le texte des an- 
pales Breves S. Amandi ne porte à l'année 742 que le mot: 
Karolus, les mots de natus est proviennent d'une conjec- 
ture de M. Pertz, qui, dans la préface précédant le texte, 
dit expressément : Quae in eis (annalibus) litiera obliqua 
exprimuntur, ea quoniam evanuerant, ex conjectura res- 
tivui (4). 

Il en est presque de même des Fuldenses antiqui. Ces 
annales que j'apprécie beaucoup parce qu’elles sont incon- 


 testablement contemporaines, montrent à l’année 742 


uniquement le mot Karolus rex Francorum; c’est encore 
M: Pertz qui, dans les notes, supplée natus est. Ce qui 
est fort remarquable, c’est qu’il existe trois manuscrits de 
ces annales, celui de Kassel, celui de Munich et celui de 
Vienne, chacun des trois ne donne absolument que les 
mots Xarolus ou Karlus rex Francorum. Mais il y a plus, 
à l'année 772 de ces mêmes annales est marqué le nom 
de Karlomannus. M. Pertz (2) en conclut que l’auteur a 
voulu exprimer par là que Karloman est mort en 772. La 
simple mention d'un nom dans ces monuments signifie- 
rail donc tantôt la naissance de celui qui le porte, tantôt 


(1) Voir Pertz, Honumenta, II, 184. 
(2) Id. id. I, 116. 
Tome xx, — LL" PART, 12 


( 178 
sa mort. Est-ce là une indication sur laquelle on puisse 
bâtir quoi que ce soit? 

Il n’en est pas du tout ainsi des annales Juvavenses 
minores et du Supplementum des Juvavenses majores, 
que l’honorable M. Polain ne cite pas. Le texte de ces 
deux documents désigne explicitement l’année 742 comme 
celle de la naissance de Charlemagne. A cause de la date 
certaine qu'ont les annales Juvavenses minores (elles ont 
été rédigées en 816, deux ans après la mort de l’empereur), 
Je tiens leur témoignage pour fort important. Le Sup- 
plementum des Juvavenses majores est, d’après M. Pertz, 
du commencement du IX" siècle; les annales Salisbur- 
genses qui renferment la même indication , sont du même 
temps. Voilà donc trois témoignages contemporains qui 
s'accordent sur le même chiffre, 742. Je reconnais sans 
hésitation que c’est là une autorité respectable. Mais avant 
de l’accepter comme décisive, je me permettrai une ques- 
tion. Que faut-il comprendre par l’année 742? est-ce 
l’année 742 qui commence au 41* janvier, ou est-ce 
l’année 742 qui commence à Pâques? Si c’est l’année 742 
qui commence au 1“ janvier, je n’ai rien à dire, si c'est 
l’année 742 qui commence à Pâques, je ferai observer 
qu'en transcrivant cette date en termes de date vulgaire, 
on trouve qu’elle signifie 745. En effet, si J'ai bien cal- 
culé, Pâques tombait, en 745, au 15 avril. Charlemagne 
étant né le 2 avril, c'est-à-dire avant le commencement 
de 745, dans le système qui fait commencer l’année à 
Pâques, les annalistes qui marquaient la naissance d'après 
ce système devaient nécessairement la placer en 742, qui 
pour eux ne finissait que 15 Jours plus tard (1). 


(1) Qu'on me permette de citer, à l'appui de ce que je dis dans le texte; 


( 115 ) 

Récapitulons. Le chiffre de 742 repose sur les témoi- 
gpages indirects d'Einhard et de Degan, qui, probable- 
ment à copié la Vita du premier, et sur trois textes 
d’annales contemporaines, dont il faut avant tout déter- 
miner le système de notation chronologique. Pour qui- 
conque a fait une étude tant soit peu critique des sources 
de l’histoire de l’époque carlovingienne, il ne peut y avoir 
de doute que parmi ces divers témoignages c’est celui 
dEinhard qui à, je dirai presque seul, une valeur propre. 

Eh bien, ce témoignage, Einhard lui-même l’a en quel- 
que sorte révoqué, en substituant, dans ses annales, au 
premier chiffre de l’âge que Charlemagne avait en mou- 
rant, un autre destiné à corriger celui qui est donné dans 
la Vita. Dans la biographie, il avait dit : Decessit anno ae- 
tatis suae septuagesimo secundo; dans les Annales, il dit, à 
Pannée 814; Domnus Karolus imperator, dum Aquisgrani 
hiemaret, anno aetalis circiter septuagesimo primo, elc., 
rebus humanis excessit. Quand on considère que ces an- 
nales ont été écrites au moins dix ans après la biographie, 
il faut admettre que l'intention de l’auteur de revenir sur 


un passage important de lA4rt de vérifier les dates : « Pour les temps anté- 
» rieurs (à l’année 1565, où le commencement de l’année fut fixé au 1°" jan- 
» Mier), rien n’est plus nécessaire que de bien se souvenir de ces divers 
» commencements de l’année. Sans cette attention il n’est pas possible d’ac- 
» corder une infinité de dates qui sont bien exactes et bien vraies, et l’on 
»est continuellement exposé à trouver de la contradiction où il n’y en a 
» point, Il faut avoir la même attention en lisant les chroniques. On croit 
y apercevoir des contradictions sans nombre. Une chronique rapporte, 
» par exemple, un fait à l’an 999, une autre rapporte lé même fait à 
Pan 1000. On décide sans hésiter que c’est une faute dans l’une ou l’autre 
de ces deux chroniques. Cette faute cependant n’est pas toujours réelle, 
quelquefois elle n’est qu'apparente; elle disparaîtrait si l’on était attentif 
» aux divers commencements (le l’année. » 


( 416 ) 

la première date ne saurait faire l’objet d'un doute. L’ex- 
pression dont se sert Einhard prouve qu'au moment desa 
mort, Charlemagne avait 70 ans accomplis, qu’il achevait 
sa soixante et onzième année; je conclus de cette donnée 
que Charlemagne est né au printemps de l’année 745. 

J'avoue qu’en présence d’une date produite dans ces 
circonstances et en considérant la grande et juste auto- 
rité d'Einhard, j'inclinerais fort à regarder la question 
comme résolue. Mais toute incerutude a disparu pour 


, quand j'ai rapproché la date des-annales d'Einhard 


de celle qu’a fournie un monument tout à fait contempo- 
rain, dont l'authenticité n'a jamais formé le moindre 
doute et qui, par sa nature et sa destination, doit en 
quelque sorte faire foi. Ce monument, c’est l'inscription 
placée sur le premier tombeau de l'Empereur, celui qui 
lui fut érigé peu de temps après sa mort. On ne contestera 
pas que ceux qui firent mettre cette inscription pouvaient 
et devaient connaître son âge, et je ne vois pas quelle 


raison on pourrait alléguer pour nier l’exactitude du chitire| 


qui l’exprime. Le texte de cette inscription qu'Einhard a" 
conservé au XXXF"® chapitre de sa biographie de Charle- | 
magne est ainsi conçu : Sub hoc conditorio silum est, CON 
pus Karoli magni atque orthodoxi imperatoris qui regnum 
Francorum nobiliter ampliavit et per annos XL VII feliciter 
rexit. Decessit septuagenarius , anno Domini DCCC° XLHP 
inditione VII, V. kal. febr. 

Il résulte du terme de septuagenarius qu’au moment 
de sa mort, le28 janvier 814, Charlemagne avait soixante 
et dix ans accomplis. Comme il était né au printemps et 
qu'il mourut à la fin de janvier, il n’avait point tout à fait 
achevé sa soixante et onzième année. Les termes dont se 
sert Einhard dans ses Annales sont donc rigoureusement 


us 


RE EEE ne ns 


(PT) 
exacts, anno aelalis circiter septuagesimo primo, rebus 
humanis excessit. 

Charles est donc né en 745. Et qu'on ne croie pas que 
cette date n'ait point été conservée par la tradition; elle 
se trouve dans des annales aussi contemporaines et aussi 
authentiques que celles citées par M. Polain. Les Annales 
S" Emerani Ratisponenses et les Annales Quedlinburgenses 
la donnent (1). A: la tradition de Salzburg on peut opposer 
ainsi la tradition de Ratisbonne et celle de la Saxe. 

On peut se demander comment il se fait que, malgré 


ces données si positives, la question ait pu paraitre in- 


certaine, et comment les auteurs du moyen âge posté- 
rieurs aux temps earlovingiens, ont pu produire des dates 
différentes de celle de l'inscription; en raison même du 
lieu où elle se trouvait, cetie inscription devant être 
connue d'un grand nombre de personnes. Les annales du 


. temps expliquent parfaitement l'oubli dans lequel ce docu- 


ment parait être tombé au moyen âge. En 882 eut lieu 
une invasion des Normands plus terrible que les précé- 
dentes. Tout Le pays jusqu’à Cologne et au delà fut envahi, 
les églises et les établissements religieux furent saccagés 
de fond en comble, le palais d’Aix-la-Chapelle et l’église 
yattenante qui renfermait le tombeau de Charlemagne, 
furent brûlés (2). Il paraît que la destruction fut complète 
au point que la connaissance de l'endroit où ce tombeau 


ge — = se 


(1) Les Annales S. Emerani minores portent : 743. Karolus imperator 
natus est; les Annales Quedlinburgenses (Pertz, IL, 41) mentionnent à 
l'année 814 : Carolus imperator magnus et Saxonum apostolus 5 Calend. 
Pebruarii obéit, aetatis suae anno 71, etc. 

(2) Voir Chronicon de Normannorum geslis, dans Pertz, HMonu- 
mentæ, 1, p. 554. — Hincmar Annal. ad. an. 882, Pertz, I, p.514. — 


| Annales Fedastini ad. an. 882, Pertz, L, p. 520. 


( 178 ) 
s'était trouvé, vint à se perdre. Les auteurs qui racontent 
la découverte et l’ouverture du tombeau par l'empereur 
Othon, en l’an mille, s'expriment de façon à ne laisser 
aucun doute à ce sujet (1). 

Si, comme je le crois fermement, Charlemagne est né 
en 745, on conçoit que la question où il est né se pré- 
sente dans des conditions nouvelles. Au lieu de recher- 
cher où furent les parents de l’empereur en 742, il faut 
se préoccuper de leur séjour pendant l'année 745. Le 
temps m'a manqué pour examiner la question ainsi posée 
d'une manière approfondie; une première et rapide in- 
spection des sources m'a cependant montré que l'opi- 
nion qui fait naître Charlemagne en Austrasie regagne 
toutes les probabilités que le remarquable travail de 
M. Polain lui avait fait perdre. En effet, l’année 745 fut 
remplie par deux expéditions qui ramenèrent les fils de 
Charles Martel en Allemagne, l’une, la plus importante, 
contre Odilon, duc des Bavarois, fut entreprise par les 
forces réunies de Pepin et Carloman; de l’autre contre les 
Saxons, Carloman seul se chargea. Les détails assez cir- 
constanciés que le Chronicon Mettense donne sur la guerre 
de Bavière prouvent que Pepin et Carloman, durent y 
séjourner plusieurs mois. Les traditions qui désignent 
une série d’endroits situés dans la partie orientale de 
l'empire franc, comme le lieu de naissance de Charle- 
magne, en reçoivent un jour nouveau et gagnent en vrai- 


(1) Voir Lamberti Ænnales ad. an. 1000 : Imperator ossa Karoli Magni 
Aquisgrant, a pluribus eo usque ignorata, invenit. — Thietmar Chronic., 
IV, 29 : Aaroli caesaris ossa, ubi requiescerent, cum dubitaret, rupto 
clam pavimento, ubi ea esse pulavit, fodere quousque haec in solio in= 
venta sunt regio, Jussit. 


(179) 


semblance. En effet, Liége, Aix-la-Chapelle, les environs 
de Mayence, Carlsberg, se trouvent tous sur l'itinéraire que 
devait suivre naturellement une armée partie des bords 
de la Meuse et du Rhin et marchant contre la Bavière. 

Les considérations que je viens de développer font, à 
mes yeux, de la question qui nous occupe une question 
encore ouverte, et les conclusions que j'ai à poser décou- 
lent en quelque sorte naturellement de cette circonstance. 
J'ai l'honneur de proposer à la classe d'accepter les offres 
de l'honorable et généreux fondateur du premier concours 
et d'en ouvrir un second sur la question : Charlemagne 
est-il né dans la province de Liége? 


MM. de Ram et Schayes, nommés commissaires pour la 
même question, émettent le même avis. 

M. de Ram, que des occupations particulières ont em- 
pêché d'assister à la séance, demande, dans une lettre 
adressée à M. le secrétaire perpétuel, que la question rela- 
live au lieu de naissance de Charlemagne soit remise au 
CONCOurs. À 

M. Leclercq, chargé par l’Académie de vouloir bien 
s'entendre avec le fondateur du prix, fait connaître que 
celui-c1 approuve entièrement la marche suivie, se réser- 
vant toutefois, si la classe jugeait que la question a été 
résolue autant que possible, de retirer la somme destinée 
au prix du concours sur celte question ou de la laisser à 
la disposition de l’Académie, pour un concours à ouvrir 
sur toute autre question d'utilité publique et nationale 
qu'elle lui indiquerait et qu'il approuverait. Cette réserve 


(180 ) 


est motivée sur ce que le don de la somme de 2,000 franes 
m'avait d'autre but que l'utilité attachée par lur à la solu- 
tion de la question, et qu’en conséquence, 1l ne veut pas 
d'avance l’engager dans un autre intérêt. 

Le petit nombre de membres présents à la séance fait 
ajourner la décision à prendre : cependant, on décide 
unanimement de mettre dès à présent au concours, pour 
l'année 4858, la seconde question proposée par le même 
donateur anonyme, et conçue en ces-termes : 

Exposer l'origine belge des Carlovingiens; discuter les 
faits de leur histoire qui se rattachent à la Belgique. 

Le prix est un capital de 6,600 francs, inscrit au nom. 
de l’Académie, au grand-livre de la dette publique de Bel- 
gique, à 2 Î/ p. %o, avec jouissance d'intérêt du 4° juillet 
1856. 


Débris de peintures antiques sur ciment, trouvés à Laeken ; 
restes d’un établissement romain à Melsbroeck, près de 
Vilvorde. — Notice par M. Galesloot. 


Æapport de M. Schayes: 


« En 1851, M. Galesloot adressa à l’Académie une 
notice sur les restes de deux habitations gallo-romaines, 
découvertes à Laeken. La nouvelle communication sou- 
mise à mon examen est un complément à ce travail. 
M. Galesloot y décrit des antiquités récemment déterrées 
sur l'emplacement d'une de ces maisons et consistant en 
fragments de peintures murales, de poteries, de vases en 
verre et en une petite culler d'argent. 


(181) 


Une autre découverte d’'antiquités romaines et franques 


vient d'avoir lieu près de Vilvorde, à la ferme appelée : 
. + Hof van Assche. Je suis parvenu à en acquérir pour le 


Musée une francisque, un grand coutelas et deux lances 
en fer, une grande plaque, plusieurs fibules et boutons 
en bronze d’une ornementation assez curieuse, des grains 
de collier en ambre et en terre cuite émaillée, une grande 
clef en fer, ainsi qu'’ur strigile romain en bronze. Comme 
je n'avais pas le loisir de me rendre sur les lieux, j'ai prié 
M. Galesloot de vouloir bien faire cette excursion et de 
me communiquer le résultat de ses investigations, Il a eu 
l'obligeance de me remettre la note ci-jointe, qui pourrait 


: être imprimée à la suite du travail qui fait l'objet de mon 


rapport. » 


— Conformément à la proposition de M. Schayes et à 


| . 
| cellede M. De Ram, second commissaire, la classe ordonne 
 limpression du travail de M. Galesloot et celle de la note 


qui s’y trouve jointe. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


— 


Débris de peintures antiques sur ciment, trouvés à Laeken : 
restes d'un établissement romain à Melsbroeck, près de 
Vilvorde. — Notice de M. Galesloot. 


En 1851, j'eus l'honneur d'entretenir l’Académie des 
restes de deux habitations de l’époque romaine, découverts 
sur le territoire de la commune de Laeken. Dans la notice 


( 182 ) 

que je lui remis à cette occasion (4), je ne dis que quel- 
ques mots de la seconde de ces habitations. L'Académie 
voudra bien me permettre d'y revenir aujourd’hui, pour 
lui faire savoir que des travaux entrepris récemment pour 
l'amélioration de {a culture, sur l'emplacement des sub- 
structions antiques, ont produit, en attendant qu’ils ré- 
pondent aux vœux du cultivateur, ure véritable moisson 
pour l'archéologue et pour l'amateur des antiquités de 
notre pays. Il s’agit de débris de toute espèce et notam- 
ment de peintures sur ciment. Ceux-ci, au nombre de” 
vingt-cinq à trente, me permettront, j'espère, d'ajouter 
quelques particularités nouvelles à ma précédente notice. 

D'abord , si l’on songe que l'édifice auquel ces peintures 
ont appartenu, semblait perdu dans les solitudes des fo- 
rêts, à l'extrémité de la Nervie, loin de toute ville ancienne 
qui nous soit restée connue et loin de toute grande voie, 
on ne peut se défendre de quelque étonnement à l'aspect 
de ces vestiges de l’art grec, exhumés pour la seconde fois 
d'un sol réputé, parmi nous, sauvage et barbare en ees 
temps reculés. Il suffit, en effet, des nouveaux échantillons 
que je viens de me procurer, pour y retrouver toute la con- 
naissance des procédés usités par les anciens dans l’em- 
ploi de la peinture à l’ornementation des murs de leurs 
demeures. Quant à la valeur artistique de ces peintures, 
je me hâte de le dire, il serait difficile d’en juger, attendu 
qu’elles n’offrent, en fait de dessin, rien de complet, le 
plus grand fragment n'ayant que quinze centimètres de 
longueur sur dix de largeur. J'étais néanmoins déjà assez 
satisfait lorsque, après avoir ramassé ces restes intéres- 
sants, tout souillés de la terre où ils avaient été ensevelis 


(1) Voy. les Bulletins de l Académie royale, t. XVTIT. 


( 185 ) 
pendant une longue suite de siècles, Je vis qu'il suffisait 
de passer une éponge mouillée sur leur surface, pour voir 
renaître, parfois intactes, les couleurs qui y sont em- 
preintes (1). Dans cet état, J'ai pu les comparer sans trop 
de désavantage à certains fragments de peintures murales 
provenant de Pompéi. On remarque sur ceux trouvés à 
Laeken des teintes variées. Ainsi, quelle que soit la na- 
ture des couleurs, nous y voyons le rouge en diverses 
nuances, depuis le rose jusqu’au rouge foncé, le jaune, 
le bleu, le vert, le noir et différentes sortes de blanc. Ces 
couleurs sont réparties sur le ciment en couches unies; 
quelques-unes le sont par bandes ou raies. Un morceau, 
entre autres, offre trois larges raies d'un ensemble fort 
agréable à l’œil : la première est en rouge, la seconde en 
blanc, la troisième en bleu. Je suppose que ces bandes 
servaient d'encadrement aux murs des chambres, tandis 
que des lignes ou filets simples, plus délicats, qu’on aper- 
çoit sur plusieurs fragments, formaient des ornements in- 
termédiaires. Ces filets, par leur couleur différente, tran- 
chent sur le fond ; ils servent aussi de séparation entre 
deux couches. Nous trouvons, par exemple, des débris 
qui présentent une couche jaune et une couche blanche, 
séparées par une raie noire. Le fond des murs me semble 
avoir été peint en blanc, ou plutôt 1l était formé d'un 
stuc blanc aussi solide que beau (2). Divers ornements 
relevaient évidemment cette couleur uniforme, comme on 


(1) Quelques-unes de ces couleurs se sont ternies depuis qu’elles sont expo- 
sées à l’air. Cette sorte d’évaporation, on le sait, a été remarquée plus d’une 
fois dans les peintures antiques. 

(2) C’est de ce stuc que j'ai réuni le plus grand nombre de morceaux. Il 
est Souvent traversé de traits peints en couleur brune. 


( 184 ) 
vient de le voir. Mais, à part ces traces secondaires, ny 
avait-1l là que des teintes plates, des fonds dépourvus de 
figures ou de sujets quelconques ? C’est ce qu'il m'est im- 
possible de vérifier à l’aide du petit nombre de fragments 
qui me sont parvenus. Tout en espérant que des explora- 
tions ultérieures éclairciront un jour cette intéressante 
question , je ne crains pas de la décider dans le sens aflir- 
matif. Je me fonde en cela sur l’analogie des peintures de 
la maison antique qui était avoisinante à celle-ci (1); sur 
la diversité et l'heureux mélange des teintes que j'ai sous 
les yeux; sur la bonne exécution de louvrage et sur la 
finesse de certaines couches. Je veux parler de quelques 
teintes rouges qui ont gardé, malgré les injures des siècles, 
un vernis mat ou glacé à l'abri duquel la couleur est restée 
inaltérable. L'emploi de la cire est manifeste ici, et sans 
prétendre à des connaissances en matière de peinture an- 
tique, je produirais volontiers ces fragments comme des 
échantillons de la peinture à l’encaustique (2). Or, celui 
qui avait étudié son art au point d’être en état d'employer 
cette méthode compliquée, dont les procédés techniques 
* paraissent avoir échappé aux recherches des modernes, en 
savait assez, sans doute, pour crayonner des figures et les 
mettre en couleurs. Un des fragments pourrait servir, au 
besoin, à constater que le contour des figures, s’il y en 
eut, avait été tracé à l’aide d’un burin dans Île stue encore 


(1) Cette maison nous a laissé un morceau du plâtrage de ses murs offrant 
des feuilles peintes. Je pourrais aussi citer les restes de peintures antiques 
qu'on vient de trouver à Melsbroeck, près de Vilvorde. On y remarque diffé- 
rentes traces d'ornements. (Voir plus loin, à la p. 189.) 

(2) Tandis que sur d’autres morceaux les traces du pinceau on de la brosse 
sont visibles, ici elles n’apparaïssent point. 


( 195 ) 

frais. Ce fragment présente une ligne courbe qui se rat- 
tachaïit à un dessin quelconque et non aux filets dont J'ai 
parlé. La ligne est coloriée partie en jaune, parte en bleu; 
mais le peintre, avant d'appliquer ses couleurs, en avait 
préalablement imprimé le contour dans le ciment mouillé, 
ainsi que je viens de le dire. Je signale cette méthode parce 
qu'elle paraît avoir été observée sur les murs du temple de 
Thésée, à Athènes, et dans les grottes de Tarquinn (1). 
Était-ce une réminiscence de l’art classique qui guidait 
dans cette occasion la main de notre artiste inconnu... ? 
Comme variété nouvelle et comme une preuve de la pro- 
fusion de couleurs qu’on avait employées à la décoration 
de cetie maison, je mentionnerai encore un morceau de 
plâtrage à fond blane, chargé de taches jaunes que relève 
une bordure rouge. On y reconnaît un ornement de fan- 
taisie, fait au hasard, à moins que le décorateur n'ait 
voulu imiter les effets du marbre. Outre ces échantillons 
à teintes riantes, j'en recueillis plusieurs peints en noir. 
Cette lugubre couleur, employée en guise d’ornementa- 
tion, semblerait assez étrange, si nous ne savions qu’elle 
servait souvent de fond aux peintures des anciens. Mais 
telle n’en à pas été la destination à Laeken, car c’est un 
ouvrage grossièrement exécuté, et tout au plus a-t-1l pu 
servir au bas des murs. 

La différence qui existe dans l'exécution matérielle de 
la peinture, je l’ai déjà fait entrevoir, est visible lorsqu'on 
compare les différents morceaux entre eux. Les uns sont 
mieux achevés que les autres et par d’autres procédés. Il 
est donc permis d’en conclure que l'habitation qui nous à 


(1) Letronne, Lettres d’un antiquaire à un artiste. Voy. aussi, quant 
au temple de Thésée, Raoul-Rochette, Peintures antiques inédites, elc. 


( 186 ) 

laissé ces traces de son existence , avait plusieurs chambres 
plus ou moins ornées. Un examen attentif m'a convaincu 
que celles-ci avaient subi des restaurations, puisque des 
débris retouchés laissent apercevoir sous l'enduit nouveau, 
une couche inférieure plus belle. Bien plus, on pourrait 
même supposer à la rigueur, que cette maison fut sac- 
cagée pendant que les possesseurs, ignorant les dangers 
qui les menaçaient, S'occupaient à l'embellir et à en pro- 
longer l'existence. En effet, un des incidents les plus eu- 
rieux des fouilles auxquelles nous devons ces singulières 
révélations, est la découverte d'un petit vase, malheu- 
reusement mis en pièces par le cultivateur, ainsi que Je 
m'en suis aperçu, et qui contenait encore de la couleur 
rouge dont on était probablement en train de se servir. 
Deux éclats que j'en conserve et aux parois desquels la 
matière colorante est visiblement adhérente, pourraient 
servir, je pense, à convaincre l’Académie, dans le cas où 
elle douterait de l'exactitude de ce que j'avance. 

En résumé, quelle qu'ait été la valeur des peintures 
dont il vient d'être question, on ne peut en méconnaitre 
la parfaite analogie avec celles qui ornaient les édifices 
privés de l'Italie ancienne. Sans doute, 1} nous est tout 
aussi impossible de savoir si ce fut dans cette terre clas- 
sique que ceux qui les exécutèrent apprirent leur art, que 
de déterminer dans quel temps et dans quelles conditions 
sociales ils vivaient sur €e coin ignoré de l'empire romain. 
Bornons-nous done à y constater leur existence : c'est là 
un point décisif, puisqu'il implique une révolution com- 
plète dans les mœurs des anciens Belges, et atteste qu'un 
certain goût des arts (1) avait gagné de proche en proche 


(1) Comme objet qui se rattache aux arts, il ne sera pas inutile de signaler 


( 187 ) 

leurs sombres retraites. Je l'ai déjà dit, je me permettrai 
de le répéter, c’est sous ce point de vue, celur des déduc- 
tions qu'on est en droit d’en tirer, qu'il faut, avant tout, 
envisager les découvertes d’antiquités. La voix de l’histoire 
étant silencieuse, 1l ne nous reste que ce moyen de jeter 
quelque lumière sur ces temps mystérieux, qui appar- 
tiennent à une autre société et sur lesquels, il convient 
de l’avouer, nous connaissons bien peu de chose relative- 
ment à la Belgique. 

Il ne sera pas hors de propos, je présume, de dire aussi 
quelques mots du ciment sur lequel sont appliqués les 
restes de peintures signalés plus haut (1). Ce ciment varie 
en épaisseur, depuis 40 jusqu'à 530 millimètres. Quoique 
inférieur sous le rapport de la préparation à celui que j'ai 
vu de Pompéi, de Bavay et de l’autre maison romaine qui 
existait à Laeken (2), il n'est pas moins solide. Cest un 
mélange composé tantôt de chaux et de gravier de silex, 


un petit masque en terre cuite, d’un bon style et jugé antique par M. Schayes, 
membre de l’Académie royale. Ce masque trouvé à Laeken, non loin des 
substructions romaines, sera déposé au Musée royal d’antiquités avec les 
peintures qui font l’objet de cette notice. 

(1) La découverte de ce ciment peut encore nous être utile sous un autre 
point de vue. Ainsi des empreintes de la paille qui s’y était mêlée accidentelle- 
ment prouvent d’une façon matérielle et irrécusable la haute antiquité de 
la culture aux environs de la capitale. Il suffit, du reste, de lire les com- 
mentaires de César sur ses guerres dans les Gaules, pour se convaincre que 
les anciens Belges étaient éminemment agriculteurs, 

(2) Ce n’est pas à deux qu’il faut borner le nombre d'habitations romaines 
qui s’élévaient dans cette localité : il dut y en avoir bien davantage. On trouve 
de leurs vestiges jusqu'aux portes de Bruxelles ; c’est un fait dont je me suis 
assuré. Et rien ne m'étonnerait moins que d'apprendre un jour que cette ville 
doit son origine à une bourgade de l’époque romaine. On ne saurait nier, me 
semble-t-il, qu’il n’y eût dans ces parages une réunion d'habitations où ré- 
gnaient un certain commerce el quelque industrie. 


( 188 ) 

tantôt de chaux, de poussière de briques et de sable. Ces 
matières y sont employées de quatre ou cinq manières dif- 
férentes. De là l'inégalité qu'on remarque dans l'épaisseur 
de l’enduit (4). La surface de celui-ci est enduite d'une fine 
couche de plàtre mêlée de quartz broyé. C'est sur cette 
préparation que les couleurs sont étendues et avec laquelle 
elles ne forment souvent qu'un seul corps. Quelques frag- 
ments bien plus épais que les autres sont dépourvus de 
ce deuxième enduit ; ils sont formés de chaux et de tuiles 
ou briques réduites en petits morceaux. Cet ouvrage, poli 
à force de bras, est de couleur rouge et d'un joli aspect. 
Je présume quil servait au revêtement des murs exté- 
rieurs. 

Tel est le soin que le temps et les générations ont mis 
à faire disparaitre les restes les plus marquants de cet 
édifice, que Je ne puis affirmer si les murs dont je viens 
de parler étaient élevés en pierres ou en clayonnage, 
comme cela se pratiquait souvent. Et si l’enduit qui les 
couvrait a pu nous fournir une faible idée de leur orne- 
mentation intérieure, c’est en vain qu'on chercherait à 
s'approprier le moindre renseignement sur l’ensemble de 
la construction. Je me contenterai de dire que tout dans 
les matériaux que J'ai trouvés sur le sol, annonçait une 
habitation construite avec soin et solidité (2), et bien su- 


(1) Ceci confirme aussi ce que j'ai dit ci-dessus, savoir : que ces restes 
ne proviennent pas d’un seul appartement. 

(2) 11 y avait dans ces décombres de petites tuiles brisées, dont une des 
surfaces est rayée en losange; des carreaux en terre cuite percés d’un trou 
circulaire au centre, d’autres carreaux plus grands et plus massifs, quel- 
ques fragments de briques et différents morceaux de payement en ci- 
ment poli dont je n'avais pas supposé l’existence ici. Quant à la solidité de 
celte demeure, on pourra en juger par le fait suivant. Une de ses tuiles, 


di 


C8 ) 

périeure aux constructions rurales du moyen âge et de 
temps plus récents (1). Une petite cuiller en argent d’une 
forme particulière (2), des débris de vaisselle en verre et 
en faience, surtout de plats et de coupes en terre rouge, 
remarquables encore par leur fraicheur, recteillis parmi 
les décombres, font supposer qu’elle n’était pas moins bien 
pourvue d'objets d'ameublement. Enfin, le luxe de la table 
ne devait pas être étranger aux semi-Romains qui l’occu- 
paient, car des écailles d'huîtres rejetées des excavations 
annoncatent qu'eux aussi, malgré leur éloignement de Ja 
mer, savaient se faire apporter ce mollusque si recherché 
des gourmets de l’ancienne Rome (5). 


Note supplémentaire, 


Averti par M. Schayes qu'une découverte d'armes fran- 
ques venait d'avoir lieu à Melsbroeck, près de Vilvorde, 
je me rendis à l'endroit où elle s’est faite, c’est-à-dire à la 
ferme nommée ’t Hof van Assche. Je croyais d'abord avec 
ce savant archéologue et critique, qu'il ne s'agissait que 
dun dépôt d'armes enfoui accidentellement dans le sein 
de la terre, mais, arrivé aux lieux indiqués, je m'aperçus 
que je me trouvais sur l'emplacement d'un établissement 


bien qu’il y manque une partie, pése encore douze livres. Quelle char- 
pente ne fallait-il pas pour supporter un toit composé de matériaux aussi 
lourds! 

(1) Tous ceux qui connaissent les chaumières de nos paysans reconnai- 
tront qu’il n’y a point d’exagération sur ce point. 

(2} Cet objet a été trouvé il y a quelques années déjà. 

(3) Des ossements humains qui étaient mélés aux décombres ne laissent 
aucun doute sur la fin tragique des derniers habitants de ce lieu. 

Tome xx, — IL" parT, 15 


( 190 ) 
romain (1). Il y a un mois à peine que des vestiges mar- 
quants en existaient encore. Tels étaient, entre autres, 
des pavements de chambres en ciment poli entourés de 
restants de murailles. Ils furent mis à nu et aussitôt dé- 
traits, sauf quelques mètres engagés sous un chemin, par 
des ouvriers qui ouvraient une fosse à pierres calcaires 
dont le terrain abonde à Melsbroeck et aux environs. Cette 
perte archéologique serait moins sensible à nos yeux, si 
en même temps, nous n'avions à déplorer celle d’une 
grande quantité de débris de peintures murales qui étaient 
dispersés sur les pavements en question. La vivacité et 
la variété des couleurs devaient en être remarquables, car 
elles frappèrent les gens grossiers qui les découvrirent. Ils 
prirent même Îa peine d'en laver quelques échantillons; 
mais leur curiosité n'alla pas plus loin, et bientôt les 
restes de pavements et de peintures furent jetés avec des 
terres de remblai dans des fosses déjà exploitées. J'ai pu 
m'assurer que ces décorations murales étaient réellement 
belles par les morceaux que je parvins à réunir, après des 
recherches réitérées; encore sont-ils, à l'avis des paysans, 
très-Insignifiants en comparaison de ceux qui sont per- 


(1) Get établissement était relié à celui d'Elewyt dont il était distant d’une 
couple de lieues, par un large chemin qui se rend de Malines vers Duysbourg, 
près de Tervueren et au delà. Cette ancienne voie, dont j'ai déjà parlé (Bul- 
letins de l’Académie royale, t. XIID), porte le nom significatif de Faelsche 
weg. (Foy. la carte annexée à l’Æistoire des environs de Bruæxelles, par 
M. A. Wauters.) D’après le même ouvrage (t. IE, p. 111), un camp, castrum, 
aurait existé à Melsbroeck. Était-ce une fortification romaine? C'est ce que 
cet excellent auteur n’a pu vérifier; ear, jusqu'ici, des traces de campement 
n'ont pas été découvertes dans cette commune. Mais un rapprochement assez 
singulier est la dénomination d’4ssche, qui apparaît ici et au bourg d’Assche, 
connu par son camp romain et par ses vestiges de constructions antiques. 


( 191 ) 
dus. {ls sont tous d’un rouge vil dit rouge antique, et çà 
et là on aperçoit des traces d’ornements exécutés en cou- 
leur rose, en jaune et en vert : un morceau présente, 
si je ne me trompe, des plis d'une draperie; d’autres 
sont rayés comme les débris nouvellement recueillis à 
Laeken. Une autre catégorie de fragments a cela de par- 
ticulier qu’elle est peinte avec du rouge tirant sur le pour- 
pre et mouchetée de petites taches blanches et noires, 
absolument comme cela se pratique encore aujourd’hui 
sur nos murs (1). Cette profusion de couleurs répartie sur 
un si petit nombre de fragments (une vingtaine) doit 
d'autant plus vivement nous faire regretter la disparition 
de ceux qui sont enfouis désormais à plus de dix pieds 
sous le niveau du sol. Il n’est pas douteux, au reste, que 
ces peintures ne proviennent de maisons assez Impor- 
tantes, puisqu'on a démoli dans les fondations de celles-ci 
un appareil d'hypocauste (2), ce qui ferait supposer qu’elles 
étaient pourvues de chambres à bains. Unetrouvaille bien 


(1) Cette peinture est enduite sur un ciment beaucoup plus épais que celui 
des autres échantillons et moins finement exécutée. Il est probable qu’elle 
appartenait au revêtement des murs extérieurs des maisons. En général, 
le ciment trouvé à Melsbroeck parait d'une qualité supérieure à celui prove- 
nant des constructions antiques de Laeken. 

(2) D’aprés les renseignements que j'ai obtenus, il paraît que cet hypo- 
causte était formé de petits murs en briques d’un pied d'épaisseur et distants 
d’un pied entre eux. Il y en avait encore six ou sept en partie debout. Dans 
les intervalles se trouvaient des cendres de bois. On y trouva aussi des bri- 
ques circulaires telles qu’on les employait dans les hypocaustes. Un objet de 
nature à nous donner une idée favorable des constructions romaines de 
Melsbroeck est un grand fragment d’une tablette de marbre blanc qui fut 
trouvé en démolissant un puits, formé de pieux et de planches dans le genre 
des puits découverts sur l'emplacement du forum Adriani en Hollande. Cette 
tablette était unie et sans inscription. J'ignore à quoi elle a pu servir. 


( 1929 

propre à lever toute incertitude à cet égard, est celle d’un 
strigile en bronze recueilli non loin de 1à (1). Pendant 
que J'étais sur les lieux, on déterra une clef qui paraît 
avoir appartenu à une porte. On a aussi détruit à Mels- 
broeck, depuis une quinzaine d'années, plusieurs caves et 
puits appartenant à l'antique établissement qui nous oc- 
cupe. Il est presque inutile d'ajouter que celui-ci, comme 
tout ce qu'il y avait de villes et d’édifices dans les Gaules, 
vers la fin de l'empire romain, eut à subir de tristes vicis- 
situdes. Sans parler de traces d'incendie et d’autres mar- 
ques de destruction, nous y surprenons, en quelque sorte, 
les Francs, soit que des hordes de ce peuple redoutable 
aient habité ce lieu au détriment des vaincus, comme le 
ferait supposer un bon nombre de leurs squelettes qu’on 
a exhumés en déblayant les fondations; leurs objets de 
parure et leurs armes ensevelis avec eux; soit que nous 
devions les accuser eux-mêmes d’avoir ravagé cette bour- 
gade, après un combat qu'ils auraient eu à soutenir. Quoi 
qu'il en soit, le point essentiel pour nous est de pouvoir 
enrichir la carte archéologique des environs de la capitale 
d’une nouvelle localité remontant à l’époque romaine de 
notre histoire, et où les indices de la civilisation de l’an- 
cienne Italie se montrent encore une fois d’une manière 
frappante. 


(1) Ce strigile fut vendu à un marchand d’antiquités à Bruxelles, par 
M. Baruch, horloger à Vilvorde, qui en était devenu le possesseur ainsi que 
d’autres antiquités. 


(195) 


Note sur la seigneurie d'Agimont, à propos d’une monnaie ; 
par M. Chalon, correspondant de l’Académie. 


Un paysan des environs de Cork, en Irlande, découvrit, 
il y a quelques années, un dépôt de monnaies composé en 
grande partie d’esterlins aux types anglais imités par dif- 
férents seigneurs de notre pays, et qu’on appelle en Angle- 
terre Counterfeit sterlings. Parmi ces curieuses monnaies, 
se trouvait un esterlin au type de la tête de face couronnée 
de trois roses, type employé dans les dernières années du 
XIIL®° siècle, et avec les légendes : + 10H. DNS. DE.....oT 
(Johannes de Agimonte) et au revers : MONETA AGIMOT (Mo- 
nela agimontensis). 

M. Bergne, membre de la Société numismatique de 
Londres, qui fit de la découverte de ce dépôt le sujet d’une 
communication à Cette compagnie, après avoir proposé, 
sous toutes réserves, d'attribuer cette pièce à Jean de 
Chalon, seigneur de Gien-sur-Loire, dans la généralité 
d'Orléans, finit par convenir que son origine lui est in- 
connue. Gien ne peut, en effet, avoir aucune prétention 
à une pièce de ce genre, essentiellement belge ou mo- 
sellane, comme toutes ces contrefaçons anglaises. I] nous 
paraît hors de doute qu’elle appartient à Jean de Looz, 
seigneur d'Agimont, de 1280 à 1510. C’est une découverte 
nouvelle pour la numismatique de notre pays, et un nom 
de plus à ajouter à la liste des seigneuries qui Jouissaient 
du droit de frapper monnaie. 

Agimont (1), petit village de la province actuelle de Na- 


(1} Il existait, aux environs de Maestricht, dans la vallée du Jacr, une 


RENE ET PORN 
- 3 


(194) 


mur, près de Givet, était jadis le chef-lieu d’une seigneurie 
assez importante à laquelle il donnait son nom. Cette terre, 
après avoir appartenu aux comtes de Chiny, passa dans la 
famille de Looz par le mariage de Jeanne, héritière de 
Chiny, Givet, Agimont, Embhise, ete., avec ArxozD VIF, 
comte de Looz. Le premier seigneur d'Agimont de la fa- 
mille de Looz mourut. en 1956, laissant de sa femme huit 
enfants. dont l'aîné, JEAN. lui succéda dans le comté de 
Looz et dans la seigneurie d'Agimont. Jean fut marié deux 
fois. Arxozp VIII, le fils ainé de son premier mariage, 
hérita, en 1280. du comté de Looz. L'ainé du second ma- 
riage, JEAN, fut apanagé des terres d'Agimont, Warcq- 
lez-Mézières et Givet. Il mourut en Italie, en 1510, lais- 
sant de sa femme, Marie de Flavy (1), un fils également 
nommé JEAN qui épousa la fille et héritière d'Arnold, sei- 
gneur de Walhain en Brabant, baronnie érigée plus tard 
en comté, par Charles-Quint, en faveur d'Antoine de 
Glimes, marquis de Bergen-op-Zoom. Les annalistes du 
Brabant font une fréquente mention de ce Jean d'Agimont, 
troisième du nom, seigneur de Walhain. En septembre 
1519, il assista, avec les autres nobles du pays, aux états 
tenus à Cortenberg, entre Bruxelles et Louvain. L'époque 
de sa mort n'est pas bien certaine, mais il vivait encore 
en 1541; on le voit figurer, cette année, comme témoin 


petite seigneurie du même nom, qui se composait d'un château et d'un terri- 
toire de 6 bonniers et 4 à 5 verges (ancienne mesure de Liége). Ce fief, rele- 
vant de l'église de Liège, était enclavé dans la terre allodiale de Nedercanne; 
Il fut réuni, par acquisition, à cette dernière seigneurie, le 16 avril 1544. 
M. Franquinet, archiviste de la ville de Maestricht, a donné une curieuse 
notice sur Nedercanne et Agimont, dans le t. I du Bulletin de l Institut ar- 
chéologique liëgeois. 
(1) On Falmi? 


( 195 ) 
dans une commission donnée à Valenciennes par Guil- 
laume If, comte de Hainaut. 

Son fils aîné, Jean de Looz, fV®° du nom, seigneur 
d'Agimont, Walhain , Jauche, etc., lui succéda. Il vivait 
du temps du duc Wenceslas, et il figure parmi les chefs de 
armée dans la guerre malheureuse que ce prince entre- 
prit contre le duc de Juliers, en 1371. « Le beau, le bon 
» el le brave seigneur d'Agimont, qu'on appelle messire 
5 Jean, fut, dit Hemricourt, le plus doté chevalier de ce 
» pays et même des pays circumvoisins ; homme de grande 
» dépense et qui sentoit mieux son grand seigneur que 
» nul autre. Il fit rebastir son château d'Agimont que 
ceux du pays de Liége avoient abatiu; c’est un grand 
édifice, beau et magnifique, qui a cousté beaucoup à 
faire. Chacun s'estonne comment il en à pu venir à 
bout (1). » De sa femme, Jeanne de Gavre, dame de 
Hérimez, Brugelette, ete., 1l ne laissa que deux filles. En 
1563, il se déshérita de la terre d'Éghezée (2), tenue en 
fief du comte de Namur, au profit de son gendre, Thierry 
de Haneffe, seigneur de Seraing et de Presles, qui avait 
épousé Marie, sa fille cadette (3). L'aînée, fsabelle, épouse 
de JEax de Rochefort, avait eu le « vinage de Givay (4), son 
meilleur fief. » Deux ans auparavant, en 1361, une sen- 
tence rendue par le baïlli de Namur lui avait dénié le droit 
de faire, aux criminels, grâce valable dans le pays de 
Namur , droit que les habitants d’Éghezée prétendaient lui 
appartenir. 


CR 


(1) Miroir des nobles de Hesbaye, traduction de Salbray, p. 172. 

(2) Près de Namur. 

(3) Marie eut aussi la terre de Walhaïin « qui rendoit bien alors 1600 flo- 
» rins de Florence par chacun an, » dit Hemricourt. 

(4) De Givet. 


( 196 ) 


ISABELLE fit passer la terre d’Agimont dans la famiHe de 
Walcourt-Rochefort. Son fils, également du nom de JEAN, 
seigneur d'Agimont , fut décapité à Liége, en 1408. Il avait 
épousé Félicité, dame d'Oupeye, fille de Lambert et d’Adèle 
de Lumaing; il n’en eut qu'un fils, Jean le VIF"* du nom, 
seigneur d’Agimont, Rochefort, Oupeye, etc., dont Jac- 
ques de Hemricourt fait ce singulier portrait : « C’est, 
» dit-il, un jeune homme de grand esprit, bien disant et 
» judicieux pour son âge... Il est déjà si gros et si chargé 
» de graisse à l’âge qu'il a, qu’on s'estonne comme il peut 
» monter à cheval; je ne pense pas qu’il y ayt personne 
» dans tout le pays qui ayt les membres si gros ni qui soit 
» si pesant qu'il est dès à présent ; mais en revanche, il a 
» l'esprit le plus dégagé, le plus enjoué et le plus propre 
» à touttes sortes de divertissements que pas une autre, 
» et sans l’incommodité de cette graisse qui l’'embarrasse 
» beaucoup, ce seroit assûürement le premier capitaine de 
» sa race (1). » Marié à la fille de Hugue, sire d’Elteren, 
dit d’Autel, ce dernier Jean, dont la mort est antérieure à 
4417, ne laissa que deux filles, AcNÈs et Marçuerire. Les 


terres de Rochefort et d'Agimont avaient été confisquées  : 


par l’évêque de Liége, Jean de Bavière , qui les avait don- 
nées à son frère, Guillaume IV, comte de Hainaut; mais, 
après la mort de celui-ci, la comtesse Jacqueline, voulant 
exéeuter les intentions de son père, rendit aux deux orphe- 
lines les biens dont l'évêque sans pitié les avait dépouil- 
lées (2). D'après Butkens, Agnès fut mariée à EBERHARD 


(1) Traduction de Salbray. 

(2) Par acte en date du 6 juillet 1417, Agnès et Marguerite s'engagèrent, 
vu cette restitution, à ne jamais faire dommage aux comtes de Hainaut, si ce 
n'est en cas de guerre entre l’évêque de Liége, leur suzerain, et lesdits 
comtes. (Saint-Genois, Monuments anciens, 1, 285.) 


(HOT) 
de la Marck, sire d’Arenberg, et Marguerite ù Guillaume 
d'Argenteau. 

Agnès, héritière de Rochefort et Aa dut trans- 
mettre ses seigneuries à son mari EperHaRp de la Marck, 
puis à son fils Louis. Cependant un inventaire des Archives 
de l'État, à Bruxelles, mentionne des « lettres patentes 
de la vente faite par l’évêque et le chapitre de Liége des 
terres et seigneuries de Rochefort et d'Agimont, au profit 
du seigneur Louis de la Marck, en 1455. » Ces lettres, 
que nous n’avons pas pu consulter, ne font peut-être que 
reconnaitre un droit ou mettre fin, moyennant finance, 
à une contestation entre le vassal et son suzerain. En fait, 
et à quelque titre que ce soit, Louis de la Marck posséda 
la terre d’Agimont (1). 

Il eut de sa femme, Nicole d’Aspremont , un fils qui lui 
succéda, nommé Égernanp. Celui-ci n'ayant laissé d'autre 
héritier qu’un bâtard , les terres de Rochefort et d’Agimont 
passèrent à sa tante, Louise de la Marck, huitième enfant 
d'Agnès de Rochefort, qui avait épousé Philippe, comte 
de Künigstein. 

Leur fils Égernarn (2), comte de Künigstein et d'Ep- 
stein, leur succéda à Rochefort et à Agimont; mais, n'ayant 
pas eu d'enfants, 1! disposa, par testament, de ces deux 
terres en faveur de son neveu, Louis, comte de Stolberg, 
et mourut en 1544 (5). 


1) Il était seigneur d’Agimont, de Neufchâteau et de Rochefort, lorsqu'il 
ü 0 ) ) 1 
prêta serment à l'Eglise de Liége, le 8 mars 1455, en qualité de gouverneur 
de Bouillon. 
(2) Les Délices des Pays-Bas disent que cet Éberhard vendit Agimont en 
1540. C’est une erreur. 
(5) Louis de S(olbers n'ayant laissé que des filles, le domaine de Roche- 


(198) 


Ce fut ce comte Louis de Stolberg-Künigstein, qui vendit 

à Charles-Quint, par acte passé à Anvers, le 6 avril 1555, 
« les château et maison forte, villes, terres et seigneuries 
» d’Agimont, Vireux-le-Wallerand, etc., pour la somme 
» de 145,000 livres de quarante gros (ou florins de Bra- 
bant) (1). » 
A l’époque où Charles-Quint acquit la seigneurie ou 
comté d’Agimont, cette terre se composait de plus de 
trente villages et hameaux, sur les deux rives de la Meuse, 
au-dessus et au-dessous de Givet. Ce fut sur ce territoire 
qu'on construisit la forteresse de Charlemont. Agimont 
relevait de l'Église de Liége, et Charles-Quint, voulant y 
exercer la plénitude des droits de souveraineté, avait pro- 
mis de ce chef une indemnité ou compensation à l’évêque 
Georges d'Autriche, compensation qui ne fut jamais don- 
née (2). 

Le 7 mars 1574, le comte de Meghem, Lancelot de 
Berlaymont , premier mari de la dame de Brimeu, acquit, 
en engagère, le domaine utile d'Agimont. Quelques an- 
nées plus tard, cette dame et son second mari, Charles 


Ÿ 


fort passa, par mariage, à la famille des comtes de Leweinstein, malgré la 
protestation de ses frères, les comtes de Stolberg. Pendant près de deux 
siècles, de 1574 à 1740, la famille de Leweïnstein se maintint, en soutenant 
de nombreux procès, en possession du comté de Rochefort et des terres sou- 
-veraines de Chassepierre et de Cugnon, où elle exerçca, comme l’on sait, le 
droit de battre monnaie. En 1740, un arrêt définitif donna gain de cause 
aux Stolberg et leur restitua la succession du comte Louis. 

(1) Le florin de Brabant représentait, à cette date, une valeur intrinsèque 
de fr. 4 02 c‘; ce serait donc une somme de 597,400 francs. Mais l’argeni 
ayant alors une puissance au moins trois fois plus forte que celle qu’il a ac- 
tuellement, le prix réel de cette vente aurait été d'environ 1,792,200 francs. 

(2) Description de la France, par de Longuerue, t. IF, 


( 199 


de Croy, prince de Chimay, ayant passé du côté des in- 
surgés, la terre d’Agimont fut frappée momentanément 
de confiscation; mais elle ne tarda pas à leur être rendue, 
le prince s'étant peu après réconcilié avec le gouvernement 
de Philippe I. 

En 1680, les Français (c'était assez leur habitude) rui- 
nérent et détruisirent de fond en comble le vieux château 
d'Agimont. La paix de Nimègue leur ayant abandonné 
la forteresse de Charlemont et la ville de Givet, il y eut 
alors de longues contestations pour le partage du reste du 
comté d’Agimont, qu’on appelait « les dépendances de 
Charlemont (1). » A la suite de la paix de Ryswyck, la 
convention de Lille, du 3 décembre 1699, mit fin à ces 
contestations. La France acquit, par ce traité, les villages 
les plus rapprochés de la forteresse sur les deux rives de 
la Meuse, y compris le village et l’ancien château d’Agi- 
mont ; le ruisseau d'Hermeton forma, sur la rive gauche du 
fleuve, la limite entre les deux pays. Les Pays-Bas conser- 
vèrent un territoire encore assez étendu sur la rive droite 
et confinant au duché de Luxembourg (2). 

La cour de justice d’Agimont se tenait auparavant à 
Givet. Elle fut alors transférée au château de Javingue, 
qui devint la résidence du bailli et la capitale de ce petit 
territoire. Une ordonnance de Marie-Thérèse, en date du 
25 octobre 1755, règle l'administration de la justice dans 
le comté d’Agimont. On y voit que cette cour, dont les 
Jugements étaient portés en appel au conseil de Luxem- 
bourg, se composait de sept jurés et d’un greffier, sous la 


(1) On trouve la nomenclature de ces dépendances dans le recueil des 
Traités de Paix de Dumont, 1. VII. 
(2) L’original de ce traité repose aux archives de l’État, à Bruxelles. 


( 200 }) 
présidence du bailli. Les jurés étaient choisis par le gou- 
vernement, sur une liste de quatorze candidats présentés 
par les maïeurs des villages du comté. On y jugeait selon 
la coutume de Chiny (1). 

Nous avons vu que, par suite du traité de Lille de 1699, 
le village et le château ruiné d’Agimont avaient fait partie 
du lot attribué à la France. En 1772 et en 1775, plu- 
sieurs transactions étant intervenues entre cette puis- 
sance et l'évêque de Liége, à l'effet de rectifier les limites 
inextricables des deux pays, une convention, en date du 
9 décembre 1775, fit passer le village et le château d’Agi- 
mont sous la domination du prince-évêque et de l'empire 
germanique (2). L'ancien comté d’Agimont était donc 
alors partagé entre la France, le prince de Liége et les 
Pays-Bas autrichiens. 

La nouvelle organisation territoriale de la Belgique, 
décrétée par le comité de Salut publie, le 14 fructidor 
an HIT, ne fait pas nominativement mention de la com- 
mune d'Agimont, mais elle rentre dans la disposition 
générale qui termine le décret (5). L'arrêté des consuls, 


a ——_—_——_————— 


(1) Archives générales. Conseil prive. C. N. 2675. 

(2) Par une première convention, faite en 1772, le roi de France avait 
cédé au prince-évêque les seigneuries d'Hermeton-sur-Meuse et de Gochenée, 
les villages de Heer et de Heerlette ; les seigneuries de Romerée, de Matisnoul 
et de Senzeilles; deux cents bonniers du territoire de Bossut-lez-Walcourt et 
une langue de terre le long du territoire d’Agimont pour établir un passage 
allant rejoindre la route à Hermeton. Par la convention de 1775, la limite 
se rapprocha de la forteresse de toute l'étendue du village et château d’Agi- 
mont. Cette limite est encore celle qui sépare aujourd’hui la France de la 
Belgique. Le dernier article de cette convention réservait au roi de France 
la faculté de disposer comme il l’entendrait du domaine et de la seigneurie 
foncière d’Agimont, même après la remise de la souveraineté à l’évêque. 

(5) Huygh, Recueil de Loix , série I, t. VIT, p. 20. 


( 201 } 

du 17 frimaire an X , qui organise les justices de paix dans 
le département de Sambre-et-Meuse, place cette commune 
dans le canton de Florennes dont elle fait encore actuelle- 
ment partie (1). Le Dictionnaire géographique d'Oudiette, 
généralement assez exact, ne fait aucune mention d'Agi- 
mont. Celui d'Havart dit, en parlant de ce village, « ancien 
comté de Namur. » C’est une erreur : Agimont , comme 
nous l’avons vu, appartenait, en dernier lieu, au pays de 
Liége (2). 

Pendant tout le cours du XIV"* siècle, la famille de 
Looz-Agimont semble avoir joué un rôle assez important 
dans l'histoire du comté de Namur et des provinces voi- 
sines. Les noms de plusieurs de ses membres reparaissent 
dans une foule d'actes, soit comme parties ou comme 
témoins, soit même comme arbitres entre leurs puissants 
suzerains (5). 

En 1557, 1558 et 1542, nous trouvons un Arnold 
d'Agimont cité avec ses deux frères Jacques, seigneur de 
Château-Thierry-sur-Meuse, et Louis, seigneur de Warcq- 
lez-Mézières et de Neufchâteau en Ardenne. Son nom re- 
parait plusieurs fois: en 1344, avec ses deux frères susdits ; 


(1) Huygh, Recueil de Loix, série IT, €. VII, p. 570. 

(2) Il n’y a plus de comté ni de comtes d’Agimont, mais le titre d’Agi- 
mont, d'Heer et d'Heerlette est aujourd'hui porté par la famille Puissant de 
Charleroi. Il avait été, au siècle dernier, concédé par l’évêque de Liége 
à Jacques d'Heusy, bourgmestre de la ville de Liége et ambassadeur du 
prince-évêque près le roi de France. Catherine d'Heusy, sa fille, qui avait 
épousé André Joseph Puissant, le transmit à son fils Ferdinand Puissant. 
Celui-ci obtint du roi Guillaume le droit de le porter, par lettres patentes 
délivrées en avril 1850. (Goethals, Dictionnaire, etc.) 

(5) Tout ce qui suit est tiré, en grande partie, des inventaires des chartes 
de Mons et de Lille, publiés par le comte de Saint-Genois, dans ses Honu- 
ments anciens. 


( 202 ) 

en 1556, qualifié de sire de Thines; en 1566, qualifié de 
sire de Thines et de Faux, du chef de sa femme, morte 
en 1520. Lorsque Catherine, comtesse de Namur, eut 
vendu, en 1559, le pays de Vaud à Amédée comte de 
Savoie, Arnold d'Âgimont, son fondé de pouvoirs, donna 
quittance, à Genève, le 25 juillet 1559, d'une somme de 
300 florins d’or payée à compte sur le prix total de la 
vente, qui était de 40,000 florins. En 1565, il fut un des 
arbitres entre la duchesse Jeanne et le comte de Namur, 
au sujet d'une partie du chemin allant de Grand-Vaux (?) 
à Fleurus, près de la brasserie de Plumecoq. En 1566, il 
fut également un des arbitres au sujet du testament de 
Marie d'Artois, comtesse douairière de Namur. Ces trois 
frères, Louis, Arnold et Jacques, étaient les fils de Jean 
d'Agimont, à qui nous attribuons notre esterlin, et les 
frères puinés de Jean IIT d’Agimont, seigneur de Walhain. 

En 1540, Jacques d’Agimont avait été reçu à foi et hom- 
mage pour la terre de Château-Thierry-sur-Meuse, par le 
roi Jean de Bohême, duc de Luxembourg. En 1545, ce 
Jacques signe, comme homme de fief du pays de Namur. 
Selon Butkens, il mourut chanoine à Liége en 1548. Un 
autre Jacques, fils de Jean III et neveu du chanoine de 
Liége, fut aussi seigneur de Château-Thierry-sur-Meuse. 
Butkens qui le cite, ne donne à ce sujet ni dates, n1 détails. 

Louis fut avoué de Hesbaye du chef de sa femme, Jolente 
de Wassenberg, dame de Lumaing. En 1545, le 6 août, 
il se porta caution pour l’évêque de Liége dans son accord 
avec le duc de Brabant. 

À l’année 1575, nous trouvons la mention d’un Jean 
d'Agimont, sire de Soigny-le-Petit (1) et de Faux. Sa mère 


(1) Sugny, province de Luxembourg. 


E 


(203) 

était dame de Thines. Il était donc fils d'Arnold, dont 
nous avons parlé ci-dessus, et cousin germain de Jean IV, 
seigneur d’Agimont. Ce Jean fut tué par Gui de Châtillon, 
comte de Blois, seigneur de Beaumont. Marguerite, sa 
sœur, dame de Thines et de Faux composa avec le meur- 
trier, la nuit du grand caresmes 1589, et cette composition 
fut ratifiée l’année suivante par son fils, et neveu de Jean 
d'Agimont, Guillaume Prost de Mielens (1), seigneur de 
Thines et de Faux. Marguerite avait été mariée successi- 
vement avec Sarrazin du Chastelet, Rasse de Celles et 
Guillaume Prost. On ne voit pas qu'elle ait eu des enfants 
des deux premiers mariages. 

Les enfants du second mariage du comte Jean de Looz, 
en recevant en apanage Agimont, Givet et Warcq, avaient 
dù renoncer formellement à tous droits sur le comté de 
Looz (2). Cette renonciation leur fut opposée lorsque après 
l'extinction de la branche directe, le chapitre de Liége se 
mit en possession du comté (5). Le père Mantelius, qui 
regrette si vivement l'indépendance de son cher pays de 
Looz, déplore en ces termes cette renonciation fatale : 
Alque utinam Agimontii majores nunquam abdicassent jus 
successionis in comitatum Lossensem ! Ipse, vel pater ejus 
(Jean [IT ou Jean IV), mortuo 1556 Ludovico, recta suc- 
cessissel linea masculina; sed ad dominatum ecclesiasticum 
nos fata urgebant. 

On trouve dans divers mémoires faits pour prouver les 
droits de la famille actuelle de Looz-Corswarem que les 
différentes branches de Looz-Agimont s’éteignirent, vers 


(1) Mielen-sur-Aelst, province de Limbourg, canton de Looz(?) 
(2) Louvrex, t. IV, p. 26. 
(5) Zdem, t. IV, p. 28. 


( 204 ) 

la fin du XV“ siècle. D’après la table généalogique qu’en 
donne Butkens, ce serait vers la fin du XIV"° siècle. Avec 
eux cessa la première branche de la famille de Looz. Il ne 
restait de cette ancienne famille que les descendants de 
Jean et de Thierry, frères puinés d’Arnold T, ou les bran- 
ches de Looz-Corswarem et de Hornes. Cette dernière s’est 
également éteinte, en 1765, avec Maximilien Emmanuel 
prince de Hornes; de manière que les Looz-Corswarem 
seraient les seuls et légitimes représentants des anciens 
comtes. Leurs prétentions reconnues par plusieurs diplô- 
mes émanés des souverains de notre pays, n’en sont pas 
moins contestées par plusieurs généalogistes. 


Observations sur le nom français du monastère d'Espagne 
qui fut la retraite de l'empereur Charles-Quint; par M. le 
chevalier Marchal, membre de l’Académie. 


Plusieurs historiens ont rendu compte, dans ces der- 
niers temps, en langue française, de la retraite et du 
décès de l'empereur Charles-Quint, dans un monastère 
d'Espagne, auquel ils donnent actuellement le nom de 
Yuste, commençant par un YŸ grec, tandis que, depuis un 
temps immémorial en langue espagnole on écrivait Juste 
par Î voyelle, et qu'on fait usage de l'expression Saint- 
Just dans cette même langue française, qui nous est com- 
mune avec la France moderne, parce que c’est l'ancienne 
langue d’oil (prononcez oual) des états généraux du roi 
Jean ou Wallonne du nord des Gaules. Cette orthographe 
nouvelle s’est principalement introduite depuis Ja publi- 


(205) 
cation espagnole, faite à Madrid en 1850, du Diccionario 
geographico-historico-statistico de M. Madoz. On y trouve 
à la lettre Y (t. XVI, p. 459) le mot Yuste. 

Je ferai observer, avant toute discussion sur ce néolo- 
gisme, introduit en français, que M, Mignet, dans les huit 
articles qu’il a publiés dans ie Journal des savants, depuis 
le mois de novembre 1852 jusqu’au mois de Juillet 1854, 
concernant l’abdication et la retraite de Charles-Quint, 
cile un grand nombre de fois, sans aucun commentaire 
quelconque, le nom de Yuste commençant par un Ÿ grec, 
pour être celui de cette retraite. [l ne recherche point 
si cette expression géographique est un néologisme fran- 
çais. Il ne fait aucune mention de celui de Saint-Just, Ma 
notice n’a donc rien de commun avec son savant travail, 
excepté l'unique différence d'orthographe entre la lettre 
initiale Y grec qu'il adopte et la lettre initiale I ou J de 
nos anciens historiens. Mais comme M. Mignet a rédigé 
son ouvrage principaiement d'après les manuscrits, nous 
démontrerons que ces mêmes manuscrits étaient autorisés 
à écrire le mot Vuste par un © grec, tandis que les livres 
imprimés en Espagne doivent l'écrire grammaticalement 
par un f voyelie. Nous y reviendrons plus loin. 

Que les Espagnols aient modernisé leur orthographe 
dans leur langue, en adoptant le principe de plusieurs 
changements, à savoir l’Y grec au lieu de l'E dans l'espèce 


* qui se présente et le J ou iota guttural espagnol au lieu de 


VX, autre lettre gutturale qui est le % (chi) de l’alphabet 
grec, ils en ont incontestablement le droit, cela ne nous 
Concerne pas; mais que nous soyons dans l'obligation 
d'adopter leurs néologismes, pour les expressions géogra- 
phiques provenant primitivement de leur langue, il me 
semble que cet assujettissement n’est pas admissible, Que 
Dome xx. — 11° pan. 14 


( 206 ) 


l'on juge des conséquences qui en résulteraient. Si l’on 
doit modifier ce mot, il faut étendre la nouvelle rectifica- 
tion espagnole qui nous est étrangère, à un autre nom 
géographique, généralement propagé dans la politique, le 
commerce, l’industrie, la marine, c’est celui d’une vaste 
contrée, d’un ancien empire, le Mexique. En effet, les 
Espagnols de la métropole et ceux de cette nouvelle répu- 
blique ont approuvé l'orthographe moderne Mejico; cepen- 
dant le gouvernement mexicain actuel continue d'écrire 
Mexico, à l'instar de l'administration française antérieure 
à 1790, qui écrivait, malgré l'orthographe de Voltaire 
qui aussi était généralement admise : Louis roi des Fran- 
çOis ; et sur le frontispice du Panthéon, sépulture de ce 
même Voltaire : Aux grands hommes la patrie reconnOis- 
sante. 

Nous serions donc dans l'obligation, comme pour le 
mot Yuste, d'écrire et de prononcer le Méjique. Il en 
serait de même dans le commerce pour le mot nouveau 
Jeres, en remplacement de celui de Xeres, pour désigner 
un des vins de l'Espagne. Il me semble qu'on ne change 
pas arbitrairement les noms géographiques reçus depuis 
trois siècles. 

L'usage linguistique ne nous permettra jamais de dire 
les villes de Tolédo, de Granada; fera-t-on exception pour 
le nom de Yuste ? j'ose répondre négativement. 

Si l’on adopte ce principe de prétendue rectification géo- 
graphique, qui nous assurera que des puristes ne voudront 
pas l’appliquer à des noms provenant d’autres langues? 
Pour en démontrer le mauvais effet, je vais citer la phrase 
que voici : « Je suis parti de Mayence, j'ai été à Louvain, 
Gand, Bruges, Flessingue , Douvres et Londres; ensuite à 
Naples, Venise et Vienne en Autriche. Il faudrait corriger, 


( 207 ) 

selon leur purisnie : » Je suis paru de Mayuz, j'ai été à 
Loven, Gent, Brugge, Vliessingen, Bover et London; 
ensuite à Napoli ; Venezia, Wienen en Oesterreich. Je ne 
puis continuer; je dirai avee le bon Horace, dans son Art 
poétique : Risum teneatis amici. S'il en était ainsi, l’on ne 
pourrait plus écrire en flamand : Roomen, Parys, Vene- 
zien , Napels, etc., en italien Parigi, en espagnol Leon 
de Francia pour désigner la ville de Lyon sur le Rhône 
et la distinguer de leur ville de Léon, Amberes pour 
Anvers, 

Les noms de géographie historique sont immuables 
quoique leurs noms modernes soient bien connus. On 
dira toujours les batailles de Cannes, de Tolbiac; la re- 
traite de Denys à Corinthe, de Cicéron à Tasculum, dé 
Dioclétien à Salonne, le séjour de l’empereur Julien à 
Lutèce, de S'-Augustin à Hippone. Pourquoi substituer 
au nom de Juste ou de S'-Juste (je prouverai plus loin que 
celte expression n’est pas vicieuse), celui de Vuste jusqu’à 
présent inconnu pour être la retraite de notre compa- 
iriote, le Charlemagne du XVF"* siècle. 

C'est assez de prétendues rectifications. Rechérchôns si 
l'innovation du mot Yuste par un Y grec est fondée. Ceux 
qui la soutieunent s’autoriseront de l’Y grec initial de ces 
noms dans les manuscrits espagnols, depais les sa afi- 
térieurs à la retraite de Charles-Quint. Voiei la règle or- 
thographique espagnole, concernant lPemploi des deux 
lettres [ voyelle et Y grec. Je la transeris du traité publié 
à Madrid en 4779, intitulé : Ortografia de la lengua 
castellana compuesta por la real Academia española. On 
hit à l'explication des lettres de l'alphabet (p. 56). Quando 
la I vocal a de ser mayuscula, se usara en lo manuscrite, 
pero no en lo impreso, del caracler de la Y yriega, con- 


( 208 }) 
forme à la practica commun. Ce qui se traduit : « Quand 
VI voyelle doit être majuscule, on fera usage, au ma- 
nuscrit, mais non à l’imprimé, du caractère de l'Y grec, 
conforme à la pratique commune, » Ceite pratique est la 
configuration de l’Y grec, mais non la lettre Y grec elle- 
même. 

En effet, à l'explication de l’Y grec (p. 85), il y à : Res- 
peclo à haberse hecho y à quando se tratà de la E latina. 
C'est-à-dire : Eu égard à ce qui a été fait quand on a traité 
de la lettre Ï latine, c’est-à-dire en caractère romain. 

Il ne nous appartient pas de rechercher pourquoi 
M. Madoz, recevant de toutes les provinces et communes 
de l'Espagne les renseignements manuscrits pour la vaste 
rédaction de son Dictionnaire géographique , historique et 
statistique de l'Espagne, à adopté l'orthographe qui sub- 
stitue Yuste par un Y grec, dans son texte imprimé, 
sans avoir égard au traité intitulé : Ortografia de la len- 
qua castellana, que je viens de citer. Je le réitère, cela ne 
nous concerne pas, et comme nous écrivons en langue 
française, dès lors les principes de l'orthographe espa- 
gnole nous sont étrangers : ils ne sont pas une loi pour 
nous. 

Je viens d'employer le mot caractère, c’est-à-dire la 
configuration de l’Y grec. En effet, la lettre I majuscule 
est précédée en calligraphie, par un trait en forme de 
boucle ou d’entonnoir. Ce luxe de l'écriture a été introduit 
en Espagne dès les temps les plus anciens, à la lettre I 
initiale d’un mot, quand même il ne faudrait pas une 
majuscule, mais, au contraire, une minuscule, dans le 
corps d’une phrase. Cependant, ce luxe qui est ad libi- 
um, n'exclut point la confisuration initiale de l'E, selon 
la forme ordinaire. 


( 209 ) 

Je vais le démontrer par d'anciens manuscrits espagnols 
de la Bibliothèque royale de Belgique. Les deux sections 
de cet établissement étant publiques, la vérification peut 
en être faite par toutes les personnes qui douteraient de 
l'exactitude de mes citations tant des manuscrits que des 
imprimés. 

Je trouve l’Y grec initial au manuscrit 12576, qui est 
un décret concernant les médianates; il y a aux articles 
47 et 47 Yndias, article 40 Ytalia, article 56, dans le corps 
de la phrase, ynformation. 

Je trouve aussi l’Y grec initial au manuscrit 1452, con- 
cernant les déméêlés du pape Paul IV (1555-1559) avec 
l'Espagne. Il y a dans le corps des phrases : page 4", 
yglesia; page 5, yngenio, yniencion; page 4, yncurabile, 
ynposibile; page 5, ynprudente, ynjustamente; page 6, 
yimaginassen; page 7, ynclinaran; page &, ynprudente, 
ynconveniente. 

L'autorité de la Ortografia, publiée en 1779 (voir ci- 
dessus), est confirmée par le passage suivant des Éléments 
de la langue espagnole, par Cormon, 4% éd., Lyon, 4810. 
On y lit à l'explication des leitres 1 et Y, qu'il réunit, 
p. 217 : « Toutes les fois que l'E doit être majuseule, on 
» se servira en écrivant de l’Y; dans les autres cas, on se 
servira de li, lors même que dans son origine le mot 
> aurait EU un y. » 

Je dois citer ici un manuserit dans iequel, selon Cor- 
mon et les principes de l'orthographe castillane cités ci- 
dessus, 1l y a un Ÿ grec : c'est le récit en espagnol de 
la retraite et du décès de Charles-Quint par un anonyme 
contemporain. On y lit, contrairement à son codicille (voir 
ci-après) : El monasterio de San Geronymo de Yuste. Ce 
manuserit à été découvert aux archives de la cour royale 


Ÿ 


(240) 


de Bruxelles, en 1850, traduit en français et imprimé 
avec le mot Yuste, par M. Backhuysen Vanden Brinck. J'en 
a1 fait une copie du texte espagnol pour la Bibliothèque : 
c'est le n° 21581. C'est d'une autre copie que M. Mignet 
aura fait usage et de la traduction imprimée de M. Baek- 
huysen comme 1l le déclare, pour les 8 articles du Journal 
des savants, cités ci-dessus, en écrivant Yuste. 

Dans notre langue française, on a aussi adopté, mais 
seulement pour la lettre finale des noms géographiques, 
l'i voyelle ou l'y grec ad libitum. Par exemple, Cambray, 
Douay, Nancy, le connétable de Montmoreney. Pour 
d'autres mots on employait aussi autrefois l’y grec. Par 
exemple : roy, luy, délay, ete. 

C'est une chose facile à comprendre que la configura- 
tion de l'Y grec remplaçant l'T voyelle pour les manuserits 
par un trait de boucle eu d'entonnoir, n'existe pas dans 
le caractère romain de la typographie. Dès lors, c’est par 
les livres imprimés que l’on aura la certitude de la véri- 
table orthographe du mot fuste par I voyelle. En effet, aux 
deux éditions imprimées de Pampelune, des années 1614 
et 4655, de la vie de Charles-Quint, par Sandowal , on lit 
à la fin du codieille testamentaire de cet empereur : Fecha 
en San Geroniümo de Luste (par I voyelle) ; c'est done lor- 
thographe officielle de ce nom du monastère. On la re- 
trouve aussi au texte de l’année 4681 de la Descripcion del 
real monasterio de S. Lorenzo del Escurial, fondé par le 
roi Philippe IT. On lit au folio 1 de cette édition de Ma- 
drid : Retirose el invictissimo emperador Carlos quinto, 
su padre, al monasterio de San Geronimo de Luste (par 
voyelle). On lit aussi, folio 9 : Murio en el monasterio de 
luste. Si l'édition de Sandoval, imprimée à Anvers, en 
1685, porte l'orthographe Juste par la lettre j, c’est par le 


( 211 ) 
motif que cette lettre, dans nos contrées flamingantes, se 
prononce comme l’I voyelle. Il en est de même dans la 
langue allemande, l’une des sœurs de la langue flamande. 
En effet, au Lexicon diplomaticum syllabarum et vocum, 
par Walter, imprimé à Ulm, en 1756, les mots commen- 
çant par [ et J sont mêlés alphabétiquement. 

. Si le nom de Ïa localité à la date du Codicille, publié 
par Sandoval, ne suffit pas pour constater l'orthographe 
espagnole du mot fuste par [ voyelle, je citerai un autre 
ouvrage encore plus officiel, car il a été imprimé plu- 
sieurs fois à l’usage administratif du clergé d'Espagne, 
c’est le Teatro ecclesiastico de las dos Castillas. J'ai sous 
les yeux l'édition de Madrid de l'année 1645, dédiée au 
roi Philippe IV. On lit à la province de l’Estramadure 
espagnole, qui fait partie de la Nouvelle-Castille, tout ce 
qui concerne l'évêché de Plascencia ayant seus sa juri- 
diction le monastère de Juste. Il y a dans la liste des cou- 
vents (voy. p. 481) : De la orden de San Geronimo, uno 
luste (par [ voyelle). Il y a ensuite : En este convento 
durmio en el Señor, el inclito emperador Carlos quinto. 

Parmi d’autres preuves, je pourrais invoquer le MS. 
7741 de la Bibliothèque royale; c’est un des. volumes de 
la riche collection de l'histoire monastique, recueillie à la 
fin du XVII”° siècle, dans toute la chrétienté, par le père 
De Bar, prieur d'Anchin, en Artois. il y a, page 426, 
concernant l'Espagne : Jnitium ordinis S“ Hieronymi, et 
à la page 556 : Illud celebre hieronymitanorum patrum no- 
mine Justae. La lettre initiale est un F, et la lettre finale 
la diphthongue Æ. Il y a ensuite : /n quo invictissimus 
Carolus imperator…. soli Deo vacaturus, biennio ante mor- 
tem, secessit. [| y a ensuite dans le même texte le mot 
Justos écrit aussi par un J consonne. 


(212) 

Je reprends les imprimés édités en Espagne. Le texte 
de Mariana (Madrid, 1655) porte au tome If, page 748 : 
Escogià el monasterio de Luste, par I voyelle, mais on verra 
plus loin que l'édition de 179% à 1796 de ce même ou- 
vrage, porte Yuste par un Y (voy. tome IX). 

Le texte espagnol d'Antoine de Vera, publié à Bruxelles, 
en 1656, porte : Es Juste (par un J) un convento de San 
Geronimo. Nous reviendrons plus loin sur cette cita- 
tion. 

Au lieu de continuer des citations surabondantes, je me 
bornerai à la plus remarquable des éditions concernant 
Charles-Quint : c'est l'histoire de son règne par Genesius 
Sepulveda, né en 1491, à Cordoue, décédé, en 1574, à S5 
ans. J'en consulte ja réimpression de Madrid, en 1780, 
dédiée au roi Charles HT; elle a été faite à l'imprimerie 
royale de la Gazéla, avec autant de soin que de luxe. On 
voit au commencement du texte, la gravure du magnifique 
tableau du Titien, qui représente Charles-Quint, et qui est 
un des ornements du palais des rois d'Espagne, à Madrid. 
On lit (t. I, p. 525) : Coenobium quod J'usti cognominatur; 
il y a aussi (p. 527) : Jn coenobium Justi, ces deux mots 
sont orthographiés par la lettre J consonne, mais il y a l'E 
voyelle aux deux autres citations; page 540, encore une 
fois, Coenobium quod Lusti cognominatur, et à la page 554, 
Obit Carolus ad idem Lusti coenobium. 

D'après toutes ces preuves portant l'une ou l'autre des 
deux lettres I et J, il me semble que l'orthographe fran- 
çaise Juste est admissible mais avec sa prononciation fran- 
çaise, selon le génie de notre langue. En effet, on dit Java, 
quoique dans la langue hollandaise, d'où provient ce nom, 
avec la même orthographe qu’en français, on prononce 
fava, On dit aussi Jérôme, quoique ce nom provienne du 


( 243 ) 
latin Hieronymus. On dit Fastin, pourquoi rejeter l'ortho- 
graphe de Juste et la moderniser par l'expression Yuste, 
commençant par Ÿ grec? 

Nous avons cité textuellement ci-dessus la règle de la 
Ortografia de la lengua castellana, publiée à Madrid, en 
1779, qui prescrit d'écrire par I voyelle l’initiale majus- 
cule dans les livres imprimés et l’Y grec dans les ma- 
nuscrits. Cependant je dois déelarer avec impartialité 
que j'ai trouvé l’Y grec dans plusieurs livres imprimés. 
Cela se voit au texte édité à Madrid, en 1645, du volume 
intitulé : Priünacia de la santa iglesia de Toledo. Il y a 
(tome If, page 4079) au récit du décès de Charles-Quaint : 
Enterro su cuerpo en el imperial convento de Yuste (par Ÿ 
grec). Est-ce pour faire ressortir la prononciation de la 
voyelle L, je l'ignore? Mais je trouve, pages 91, 201, 202, 
412, Luste pour désigner des saints de ce nom, que l'on 
prononce par le iota espagnol guttural xouste. J'y revien- 
drai plus loin. Je trouve aussi Yuste, par Ÿ grec, à la 
Table alphabétique des auteurs, qui fut publiée en 1774, 
par Farjoo. Je le trouve de même, comme je lai dit ci- 
dessus, à l'édition de 179% à 1796 de Mariana, tandis 
que l’ancienne édition de 1635 porte ce nom géogra- 
phique par [I voyelle. On le voit aussi à l'édition espagnole 
de l'Histoire de l’inquisition, par Llorente. Jy reviendrai 
plus loin à sa traduction française de 1817. Je n'ai pas 
fait d’autres recherches. 

_ Quelques notes historiques vont présenter des rensei- 
gnements sur le nom du monastère. Dès l’année 719, 
selon le manuscrit de De Bar, cité ci-dessus, plusieurs Es- 
pagnols se réfugièrent dans cette contrée solitaire, très- 
salubre, arrosée de plusieurs ruisseaux et entourée de 
bois et de montagnes. [ls avaient fui la persécution des 


( 214 ) 
Maures qui venaient de conquérir l'Espagne après la vic- 
toire de Xérès de la Frontera. 

En Tialie, six ou sept siècles plus tard, c’est-à-dire en 
1380, une congrégation libre d’ermites, sans faire des 
vœux, avait été fondée et avait pris la règle de l’ordre 
de Saint-Jérôme. En 4402, un évêque de Plascencia, en 
Estramadure, autorisa une semblable réunion de pieux 
ermiles à Juste, sous son obédience épiscopale, comme 
nous l'avons expliqué ci-dessus. On lit sur cette institu- 
tion le passage que voici au dictionnaire de M. Madoz, à 
l'article Yuste : Sobre uno ermita que en aquel punto dedi- 
cata a San Christobal, c’est-à-dire d’un des saint Chris- 
tophe, ce qui fut confirmé par une bulle de l'an 1408. 

Je ferai observer que, dans l’article tout entier du mot 
Yuste, M. Madoz ne fait aucune mention de Saint-Juste; 
cependant ce savant et judicieux écrivain avait eu, comme 
nous l'avons dit, par sa haute position administrative 
dans le gouvernement espagnol, tous les moyens de re- 
cueillir des renseignements exacts et complets dans les 
provinces et les communes du royaume. Il dit que cette 
localité est uniquement célèbre (tan solo, telles sont ses 
expressions) par la retraite de Charles-Quint. Il raconte 
que cet empereur s'était fait bâtir près du couvent une 
maison d’une architeciure semblable à celle où il était né 
à Gand. Il termine en disant que tous les édifices furent 
brülés pendant la guerre de l'indépendance, et qu'ils ont 
été mal reconstruits. 

Le silence de M. Madoz sur le protectorat de Saint-Juste 
et la désignation unique de Saint-Christoval me parais- 
sent être une preuve que le premier des deux n'était pas 
un patron canonique, et que tout porte à croire que les 
moines hiéronyvmites l’invoquèrent et le reconnurent pour 


( 215 ) 

un second patron par simple piété, à cause de l'homony- 
mie typographique. Telle est la conjecture que j'avance, 
et jy ajoute que, selon le manuserit de De Bar, Juste 
paraît être le nom d’un ruisseau (rivulas) qui est près du 
monastère. J'y reviendrai plus loin. Les citations que j'ai 
données ci-dessus, et dans lesquelles est omis le mot San, 
viennent ici à l'appui. La différence dans la prononcia- 
tion n'existe que pour la première lettre. Le nom hagio- 
graphique du patron se prononce Jhouste, guttural; celui 
de la localité est Youste. 

Quelques recherches que j'aie faites, je n'ai trouvé le 
nom de ce saint par la lettre initiale jota, pour la pre- 
mière fois, qu'à la publication faite en 1742, à Valence, 
d'une dissertation en langue espagnole sur les différents 
personnages fabuleux du nom de saint Juste. Au manu- 
serit 561 de la Bibliothèque royale, qui est l'index, ou 
table générale alphabétique des Acta sanctorum recueillis 
par les Bollandistes, il y à 59 individus ayant le nom de 
S. Justus, commençant par la lettre J consonne. 

Autrefois, dans notre langue francaise, ou pour mieux 
dire gauloise, la lettre j appelée alors à consonne, était 
remplacée par à voyelle, et la lettre u remplaçait la lettre 
v alors appelée uv. J'ai lu, par exemple, dans un vieux 
livre imprimé le vers que voici : 


Tousiours ie béniray le uaillant cheualier. 
 _» ; : 
cependant, il n’y a pas de doute qu’on prononçail : 
Toujours je bénirai le vaillant chevalier. 


Quoi qu'il en soit, l’invocation de ce saint comme pa- 
tron du monastère, remonte à une date antérieure à la 
retraite de Charles-Quint. 


( 246 ) 

Si je n'ai retrouvé ce nom, sous le rapport hagiogra- 
phique donné au monastère, dans aueun livre imprimé en 
Espagne, comme je l'ai démontré, je le trouve, au con- 
traire, un grand nombre de fois dans des livres imprimés 
hors de l'Espagne. 

En Allemagne, en 1559, quelques mois après le décès 
de Charles-Quint, le 21 septembre 1558, Staphylaeus, 
son biographe et son panégyriste, faisait imprimer à 
Augsbourg, un abrégé de l’histoire de son règne. On y 
lit (page 84) : In illud monasterium quod S* Justi here- 
milae, etc. 

En Italie, en 4567, Ludovico Dolce, autre biographe 
de cet empereur, publiait à Venise (page 65) : 1! luogo e 
delto San Giuste da costa de Piacenza. F'ai déjà expliqué 
ci-dessus que ce monastère était sous l’obédienee de Pévêé- 
ché de ce nom. 

En Belgique, Pontus Heuterus, né en 1555, témoin, 
le 25 octobre 1555 et au mois de janvier 1556, à Bruxelles, 
des deux abdications de Charles-Quint, comme il le dé- 
ciare dans son livre : Rerum Belgicarum, qu'il fit impri- 
mer en 1598, à Anvers, dit, page 688 : Carolus se contulit 
in monasterium D. J'usti, ordinis heremitarum Divi Hiero- 
nymi. 

Le texte imprimé à Bruxelles, en 1656, d'Antoine de 
Vera, en langue espagnole, que j'ai déjà cité ci-dessus, 
ajoute à la phrase : Es Juste, eic., como el nombre dei santo 
que eligio por padron aquella casa. Le mot eligio contir- 
merait peut-être l'idée que j'ai émise, de l'adoption de ce 
second patron choisi ou élu. 

Lovens, dans le Synopsis Ducum Lotharingiae ac Bra- 
bantiae, imprimé aussi à Bruxelles, mais en 4672, dit 
(page 575) : Ad monasterium Divi Justi Carolus se contulit. 


(26) 

Les historiens Leli et Strada, plusieurs fois tnprimés 
et traduits, disent également saint Juste. 

D’après toutes ces citations et beaucoup d’autres du 
XVI"° et du X VE" siècle, que je pourrais invoquer, l’on 
explique aisément par quels moûfs les plas judicieux his- 
toriens qui ont écrit en langue française, ont adopté 
l'expression saint Just, mais en écrivant ce nom sans Ë 
final, qui est celui du martyr de Beauvais. 

Je dois citer parmi ces écrivains, les sévères auteurs de 
VArt de vérifier les dates. On ne peut douter, par la lec- 
ture de leurs documents sur les souverains nombreux de 
l'Espagne, qu'ils ne fussent profondément instruits de 
l'histoire compliquée et quelquefois obscure de cette pé- 
ninsule. On lit, au tome VI, page 595, de leur nouvelle 
édition de Paris, qui fut réimprimée, en 1818, avec des 
corrections et des annotations, sous la direction de M. de 
Saint-Allais : « Charles-Quint se relira au monastère de 
Saint-Just, dans lEstramadoure. » Cependant, peu de 
mois avant cette nouvelle édition, la presse parisienne 
avait publié, en 1817, un autre ouvrage très-repandu : 
c'était la traduction française de l'Histoire de l’inquisition 
d'Espagne, par Llorente, citée ci-dessus. On y trouve, 
c'élait pour la première fois, en langue française, comme 
je le présume, le néologisme Yuste commençant par un 
Y grec. En efet, il y a (t. Il, p. 165): « On déclara que 
l'archevêque de Tolède était arrivé à Yuste deux jours 
avant la mort de l'empereur. » Sans doute, cette ortho- 
graphe provient du texte espagnol, comme je l'ai dit ci- 
dessus; mais ce néologisme n'a pas été imité par M. de 
Saint-Allais ; il ne le fut pas également par les traduc- 
teurs français de Robertson. 

Un important corollaire à ma notice doit être ajoute. 


(248) 
Elle était terminée lorsque j'ai reçu de. Madrid, le 20 juin 
dernier, une letire de M. le comte Auguste Van der Strae- 
ten-Ponthoz, ministre de S, M. le roi des Belges en Espa- 
gne. En voici la copie : 

« Monsieur, En recherchant les meilleurs moyens d'é- 
» claircir les doutes qui vous restent à l’égard du véri- 
» table nom de Ia retraite de Charles-Quint dent vous 
» avez bien voulu me faire l'exposé par votre lettre du 1% 
» de ce mois, j'ai reçu l'opinion de deux membres de 
» l'Académie espagnole d'histoire, et je m’empresse de 
» vous la communiquer. 

» Ces Messieurs pensent que le nom du monastère de 
» Charles-Quint est réellement Saint-Juste. Ils allèguent, 
» à l'appui de l’assertion, l'histoire de l’ordre de Saint- 
» Jérôme par le célèbre religieux de l'Escurial, le P. 
» Siguenza. Devant une telle autorité tout doute doit 
» cesser. 

» [l ne reste plus qu'à vérifier dans l’auteur espagnol , 
» l'orthographe du nom du monastère, et je suppose qué 
» Cela vous sera facile. Je tâcherai, de mon côté, de faire 
» constater la chose et aussi de m’assurer si le ruisseau 
» qui passe au monastère porte le nom de Juste. » 

Cette dernière phrase de M: Van der Straeten se réfère 
au doute que j'ai exposé ci-dessus. Après cette importante 
communication, j'aurais volontiers consulté le texte du 
P. Siguenza ; mais son livre est très-rare. [1 n’en existe pas 
un seul exemplaire en Belgique, si je suis bien informé. 
Il y en a un à la Bibliothèque impériale de Paris , qui est 
probablement celui que M. Mignet a consulté pour la ré- 
daction de ses huit articles concernant la retraite et le 
décès de Charles-Quint, dont j'ai rendu compte au com- 
mencement de la présente notice. 


( 219 ) 

Au reste, j'espère, par les recherches que j'ai exposées 
ci-dessus , avoir résolu la question orthographique. 

Je me résume en rappelant mon opinion exprimée au 
commencement de cette notice, que nous ne sommes pas 
dans l'obligation de nous conformer, pour le texte en lan- 
gue française, au néologisme espagnol de M. Madoz, qui 
orthographie le mot Yuste par un YŸ grec initial, tandis 
que depuis trois siècles nous avons RIÉFOPIQUEMEN le mot 
géographique Saint-Juste. 

Cependant je dois faire observer que l’on peut sans 
inconvénient supprimer l’épithète antécédente Saint, parce 
que dans les textes officiels en langue espagnole, il n’y a 
pas le mot San en espagnol, ou Divus en latin, comme je 
lai démontré ci-dessus. Mais il me semble que cette sup- 
position, qui consisterait à écrire le nom de Juste au lieu 
de celui Saint-Juste, n’est pas obligatoire en français 
parce qu'on en trouve des exemples en Allemagne, en 
Italie, en Belgique. J'en ai cité plusieurs preuves. 

Je termine, en rappelant qu'il me semble que si l’on 
continue de conserver le néologisme érudit Yuste par un 
Y grec initial, le même principe de son adoption exige 
qu'on modifie le nom beaucoup plus important de Mexique, 
et celui de Xeres, par les nouvelles expressions Mejique, 
Jeres. Mais comme on n’impose pas arbitrairement ces 
néologismes au public non érudit, je doute de les voir 
favorablement accueillis. Dès lors, le néologisme Yuste 
ne serait appuyé sur aucune autorité. 

J'ignore si ce nom par un Ÿ grec aura un sort durable 
lorsque la première vogue en sera passée. 

On veut, dit-on, se conformer à la langue espagnole; 
mais alors il faut considérer que la lettre w se prononçant 
ou dans cette langue, il faudrait écrire Youste, de même 


( 220 ) 
que lon a coutume d’orthographicr Hambourg, Augs- 
bourg, expressions qui viennent aussi d’une langue étran- 
gère. On ne dit point Hamburg, Augsburg. 

Je termine en déclarant que mes observations ne s'éten- 
dent pas sur les savantes et judicieuses rectifications or- 
thographiques qui se font fréquemment des noms tant 
personnels que géographiques, d’après les langues orien- 
tales et autres de l'Asie et de lPArchipel indien; ni sur 
des noms de cette espèce de l'antiquité, soit biblique, soit 
grecque ou romaine. 

Telles sont les explications, trop longues peut-être, que 
J'ai eu l'honneur d'exposer. Je vous remercie, Messieurs 
et honorables confrères, d’en avoir écouté les détails minu- 
lieux avec indulgence, et je vous prie spontanément de 
vous souvenir, Si vous daignez autoriser l'impression de 
ma notice, que, selon nos règlements, l’Académie n'est 
pas responsable de lopinion individuelle d'un de ses 
membres. | 


no 
Er neue or. 


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RE 


(2% ) 


Lettres sur l'identité de race des Gaulois et des Germains, 
par M. le général Renard, aide de camp da Roi, chet 
du corps d'état-major, à Messieurs les Membres de l’Aca- 
démie royale de Belgique, classe des lettres. 


DEUXIÈME LETTRE. 


IDENTITÉ DES GERMAINS-TEUTONS ET DES CELTES OU GAULOIS. 


Ÿ 1. Des peuples de la Germanie. — \ 2. Les Scandinaves. — \ 5. Les Suèves. 
— \ 4. Les bas Germains ou Teuions. — \ 5. La non-identité des Ger- 
mains-Teutons et des Suèves déduite de la comparaison de leurs mœurs 
et de leurs institulions. — \ 6. Des destinées de la famille teutonique. — 
( 7. Des anciennes demeures des Gaulois. — Ÿ 8. Des passages de César 
relatifs aux origines gauloises, — \ 9. L'identité de race des Gaulois et des 
Teutons décidée par Strabon. — \ 10. Identité des Teutons et des Gaulois 
prouvée par la comparaison des écrits de César et de Tacite, — aspect, — 
reliyion, — dieux, — origine de la race, — prêtres, — famille, — escla- 
vage, — institutions, — assemblées du peuple, — bandes guerrières. — 
Ÿ 11. Conclusion. 


$ 1. — Les Romains ont appelé Germains tous les peu- 
| ples compris entre le Rhin, le Danube, les frontières des 
| Daces et des Sarmates et la mer Baltique; de même ils 
avaient nommé Gaulois tous les peuples vivant dans l’es- 
pace compris entre le Rhin, les Alpes, la Méditerranée 
et POcéan. Il serait néanmoins absurde d'en conclure 
que les auteurs romains aient prétendu assigner par là 
à tous les peuples habitant la Germanie une origine com- 
mune; de même qu'ils n'avaient jamais voulu soutenir 
que tous les peuples de la Gaule fussent de sang gau- 
lois. En effet, les Ibères, les Ligures et les colonies grec- 
Tome xx, — LI" PART, 15 


( 222 ) 
ques de la Méditerranée ne sortent pas de la race des 
Celtes. 

L'Allemagne de nos jours renferme trois familles dis- 
tinctes, savoir : les Scandinaves, les bas Allemands et les 
hauts Allemands. Elle les contenait également dans le 
passé. Tacite avait entrevu ce fait et il se garde de confon- 
dre entre elles toutes les tribus de la rive droite du Rhin. 
Il distingue parfaitement deux de ces familles, les hauts 
Allemands et les bas Allemands; les premiers sont les 
Suèves, et les seconds, les vrais Germains, les Germains 
indigènes, comme il les appelle. Des Scandinaves il ne 
connaît que les Suiones (Suédois). 

$ 2. — Les cités des Suiones sont situées au milieu de 
l'Océan. Elles sont puissantes par leurs floties. Tacite dit 
qu'elles obéissent à un roi absolu, et que les armes, au 
lieu d’être aux mains du peuple, sont renfermées en un 
lieu sûr et confiées à la garde d’un esclave. Ce que Tacite 
rapporte des Suiones , il le dit aussi des Gothiones (1), 
soumis à des rois, sans cependant être esclaves. Ce ne sont 
pas là les mœurs des Germains du Nord ou Teutons. 

Geyer, auteur estimé d'une histoire de Suède, recon- 
naît que le titre de chef absolu était, en effet, appliqué aux 
plus anciens rois de Suède : « Cette autorité était dévolue 
> à celui qui exerçait le pouvoir suprême, sanctionné par 
» une origine que l’on croyait divine et relevée par des 
» fonctions sacerdotales héréditaires. » Ce gouvernement 
théocratique présidé par un prêtre guerrier n'est pas non 
plus germanique. 

Les récits des sagas attestent l’arrivée, dans ces con- 


(1) Tacite, G., 45, 44, et Geyer, Hist. de Suède, ch. I“. 


=. SR 


( 225 ) 

trées, d’un peuple étranger venu des rives du Tanais et 
conduit par Odin et ses Ases; 1ls racontent leurs conquêtes 
dans le Saxland, le Danemarck et la Suède. Il semblerait 
que les peuples de la ligue scandinave aient été formés 
d'un mélange de cette nation étrangère avec quelques peu- 
ples teutons ; amalgame créé peut-être après une révolu- 
üon dont l'histoire ne nous aura pas conservé de traces. 
Quoi qu’il en soit, il est de toute évidence que ni leurs 
lois, ni leur religion ne sont germaniques. D'ailleurs, au 
temps de Tacite, les Scandinaves n'étaient pas en contact 
avec les Gaulois. Ils en étaient séparés par les Germains- 
Teutons. Il n’est donc pas possible d'aller puiser chez ces 
peuples des arguments pour prouver que les Germains du 
Nord ne sont pas semblables aux Gaulois, puisque, pas 
plus que ces derniers, les Teutons n'appartenaient à la 
race d'Odin. En somme, je le répète, les Scandinaves ne 
sont pas de purs Germains. 

$ 3. — Je soutiens également que l'on ne doit pas aller 
chercher des points de comparaison chez les Suèves. Cette 
grande famille humaine apparut sur le Rhin au temps 
même de César. Où errait-elle avant cette époque ? C’est le 
secret de l’histoire. Les Suèves n'ont été en contact avec 
la Gaule que lorsque ce vaste pays avait déjà reçu tous ses 
habitants. Les contrées où ils firent leur apparition sont si- 
tuées au midi du Taunus et des Rhœne- et Fichtel-gebirge, 
contrées que les Gaulois, depuis les expéditions de Sigo- 
vèse (600 ans avant J. C.), avaient constamment occupées. 
En effet, près du Rhin vivaient les Taurisques et les 
Tectosages; les Boïens tenaient la Bohême et les plaines 
de la Bavière; les Scordisques et les Bastarnes étaient mai- 


res du bas Danube, de la Pannonie, de lIstrie et des ver- 


sants méridionaux des Carpathes. C'était là la grand’route 


( 224 ) 
suivie par les expéditions sorties de la Gaule et dirigées 
vers la Grèce, auxquelles César et Tacite font allusion (4). 

Cent quinze ans avant notre ère, les Teutons et Îles 
Cimbres rompirent la barrière de montagnes et de forêts 
qui, durant près de quatre siècles, avait protégé, vers le 
nord, les établissements des Gaulois dans la Germanie. 
Ils débouchèrent de la forêt Hercynienne et attaquerent 
les Boïens et les Scordisques. Repoussés par eux, et après 
un essai infructueux contre les établissements romains 
des Alpes noriques, ils se rejetèrent vers la Gaule, et 
entrainèrent dans leur fédération les Gaulois-Ambrons, 
Tigurins et Tugènes, qui bordaient la rive droite du 
Rhin (2) jusqu'au Mein. 

Les Suèves apparurent dans le vide qu’avaient créé les 
Cimbres et les Teutons, et tombèrent comme la foudre au 
centre de l'Europe. Ce qui restait de Gaulois sur la rive 
droite du Rhin et sur les rives du Danube ne put leur 


a 


(1) César, 2. G., VI, 24. Tacite, G., 28.-— Ils parlent des Tectosages, des 
Boïens et des Helvètes, tous établis au midi du Mein et de la forêt Hercy- 
nienne, et non pas au nord de cette barrière. C’est pour ne pas avoir tenu 
compte de cette différence que l’on a vu surgir tant d’hypothèses erronées. 
Depuis Sigovèse, il existait un double courant, l’un venant de la Germanie 
dans la Gaule par le bas Rhin, l’autre allant de la Gaule dans la Germanie 
par le haut Rhin. Ces deux courants étaient séparés par la chaîne des mon- 
tagnes qui, partant de Mayence, parcourt, de l’ouest à l’est, une distance 
de 400 lieues jusqu'aux limites orientales de la Valachie. Cette chaine partage 
ainsi l’Europe centrale en deux parties parfaitement distinctes, qui offrent 
aux yeux un étonnant contraste. Au sud les plateaux sont rares, le terrain 
est raviné, coupé en tous sens; au nord existent des rivières et des cours 
d’eau sans nombre, parcourant des plaines rases, dont les montagnes de [a 
Franconie et du Harz rompent seules la monotonie. 

(2) Znter Hercyniam silvam, Rhenumque ct Moenum amnes, Helvetii 
tenucre, G., 28, 


( 225 ) 

résister : ils furent refoulés vers l’ouest et vers le sud, 
malgré leur incontestable courage. En peu d'années, les 
Suèves parvinrent jusqu'aux frontières de la Norique, attei- 
gnrent les rives du Danube et se répandirent dans la forêt 
Noire. Dans cette position, ils avaient devant eux le Rhin 
qui les séparait des Gaulois-Séquanais, et à leur droite, le 
Mein , dont les Ubiens (tribu appartenant aux Germains- 
Teutons) bordaient la rive gauche (1). Enfin, soixante et 
douze ans avant notre ère, ils pénétraient dans la Gaule 
sous la conduite d’Arioviste. Ce n’est donc pas de cette 
famille que les Gaulois pouvaient descendre. D'ailleurs, 
je le reconnais tout le premier, ce qu’on rapporte de leurs 
mœurs, de leurs usages et de leurs institutions ne peut 
en aucune façon s'appliquer aux Celtes. 

$ 4. — La troisième famille germanique occupait les 
contrées situées au nord du Mein. Elle était bornée, au 
septentrion, par les peuples scandinaves et par la Balu- 
que, à l'occident par le bas Rhin, et à l’orient par les 
Suèves, qui, de la sorte, les pressaient à l’est et au midi. Le 
caractère de ces tribus n’avait pas été altéré par le mélange 
de nations étrangères, comme chez les Scandinaves ; ce 
n'étaient pas des nouveaux venus, des peuplades encore 
errantes , comme les Suèves. Leur établissement dans ces 
contrées se perdait dans la nuit des temps; à ce point que 
Tacite les considérait comme les indigènes de la Ger- 
manie, comme les purs, les vrais Germains. « Je crois, 
» dit-il, que leur race n’a été altérée ni par des conqué- 


(1) Les Suèves, au temps de César, n’occupaient pas encore à demeure la 
rive droite du Rhin. Ce fait semble résulter de ce passage du livre I des Com- 
mentaires : Suevi, qui ad ripas Rhent vencrant, domum reverti cœpe- 
run. 


( 226 ) 
» rants, ni par des étrangers. [ls célèbrent dans leurs 
» chants le dieu Tuisco et son fils Man, fondateurs de la 
» nation, Man eut trois fils, lesquels ont donné leurs 
» noms aux Ingévones, qui habitent les bords de l'Océan, 
» aux Herminones, au centre, et aux [stévones, qui for- 
» ment le reste de la nation. Quelques-uns, faisant abus 
» de l’antiquité (licentia vetustatis), donnent à Man d’au- 
» tres enfants, comme les Marses, les Gambrives, les 
» Suèves et les Vandales, ete. (1). » Il résulte de ce pas- 
sage que les Suèves n’appartenaient pas aux Germains indi- 
gènes; c'était faussement, par abus (licentia vetustatis) que 
quelques-uns (quidam) les faisaient descendre de la même 
souche. Telle est si bien la pensée de Tacite que, dans la 
description de la Germanie, il a soin de les séparer des 
Germains septentrionaux dont il décrit avec: détail les 
mœurs et les institutions. Quand il a terminé la deserip- 
tion de chacune des tribus du Nord, il commence seule- 
ment à parler des Suèves, qu'il représente comme une 
association de plusieurs nations, possédant des usages 


(1) Les Germains indigènes et purs, situés sur la rive droite du Rhin, 
sont les Bataves, les Mattiaques, les Gattes, les Usipètes, les Tenctres, les 
Bructères, les Dulgibins, les Chasuares, les Frisons, les Chauques, les 
Chérusques , les Frisons, les Gimbres. — C’est donc avec dessein que Tacite 
en exclut les Suèves et les autres nations qu'il cite avec eux. Et pourtant 
les Mavses vivaient au milieu de ces tribus du Nord; et, dans les guerres 
contre Germanicus, ils jouèrent un rôle digne de Phistoire et dont Tacite 
fait mention aux livres II et II de ses Annales. Leur exclusion de la liste 
des tribus que j'ai citées plus haut est donc préméditée. Les Marses avaient 
une origine étrangère, car ils adoraient leurs dieux dans un temple fameux, 
le temple de Tanfana, détruit par Germanicus (Ænn., 1,50) : Celeberrimum 
illis gentibus templum quod Tanfanae vocabant. Les Germains purs, au 
contraire, ne possédaient pas de temple : Ceterum nec cohibere parictibus 
deos. (G., 9.) 


( 227 ) 
particuliers qui permeltaient de les distinguer des autres 
Germains (1). 

Déjà Strabon avait fait cette séparation. Il a bien soin 
de ne pas confondre les Germains septentrionaux avec les 
Suèves, qu'il place sur la rive droite de l’Elbe et au midi 
de la forêt Hercynienne. De son temps ces peuples ne 
s'étaient pas encore fixés au sol. Il lés dépeint comme 
quasi nomades, ne s'occupant pas d'agriculture, habitant 
de méchantes cabanes et vivant au jour le jour (2). 

Strabon se trouve en cela d'accord avec César. César, 
dans ses Comméntaires, n’a pas décrit les mœurs des Ger- 
mains du Nord, mais seulement les mœurs des Suèves. Il 
en parle pour la première fois au livre F, après avoir 
vaincu Arioviste; la seconde fois, après l’expédilion des 
Suèves contre les Tenctres et les Usipètes; la troisième 
fois, lorsqu'il passe le Rhin pour secourir les Ubiens et 
qu’il pénètre dans la Suévie. C’est quand il a conduit le lec- 
teur dans ces contrées qu'il commence sa description (5), 
el ce sont les mœurs des Suèves qu’il met en parallèle avec 
celles des Gaulois. 


(1) Munc de Suevis dicendum est, quorum non una, ut Cattorum 
Tencterorumve, gens : majorem enim Germaniae partem obtinent , pro- 
pris adhuc nationibus nominibusque discreti. 

(2) Strabon, liv. VIT, ch. II, 11. « Ils ne s'occupent ni d'agriculture, ni 
» du soin de faire des provisions; ils vivent au jour la journée; de même que 
r les nomades, ils chargent au besoin leur habitation sur des chariots, et 
» vont s'établir avec leur bétail où bon leur semble. » Ce ne sont pas là 
évidemment les Germains dont Tacite décrit les mœurs. 

(5) 2. G., VI, 11.-C’est si bien des Suèves qu'il est question dans César, 
qu'immédiatement après avoir décrit leurs mœurs, il parle des expéditions 
des Gaulois dans le pays qu'ils occupaient (ultra bella énferrent) sur la 
rive droite du Rhin, au midi de la forêt Hercynienne (B. G., VI, 24). Jamais 
les Germains septentrionaux n’avaient occupé ces contrées, mais seulement 
les Suèves. 


( 228 ) 

César avait seulement entrevu la Germanie. El ne faut 
donc pas lui reprocher de n'avoir pas su distinguer les 
diverses familles humaines qui Fhabitaient. Strabon, mort 
vers la fin du règne de Tibère, pouvait déjà se rendre un 
compte assez exact de ces contrées : les guerres de Marbod 
le Suève et d'Arminius le Germain avaient eu lieu. Tacite, 
venu un siècle après Strabon, avait acquis sur ce pays, 
par sa position dans l'État, par ses propres observations 
et par ses alliances, des renseignements dont il n’est pas 
possible de révoquer en doute l'exactitude. Néanmoins, 
quand je dis que César n'a point fait de distinction entre 
les Germains septentrionaux et les Suèves, je me trompe, 
et l'observation suivante mérite de fixer l'attention. 

Les Nerviens, les Trévires étaient des peuplades germa- 
uiques; elles sont indiquées comme telles par Strabon et 
Tacite; mais César, moins bien instruit de leurs traditions, 
ne s’en aperçoit pas. Il les prend pour de vrais Gaulois, et 
les traite comme tels. César n’'examina dans ses foyers 
qu'une seule peuplade germanique : celle des Ubiens. Là 
encore il fut tout surpris de trouver leurs mœurs et leurs 
institutions pareilles aux institutions et aux mœurs gau- 
loises. Ce fait le frappe et l’étonne à ce point qu'il cherche 
à s'en rendre compte, et il l'attribue à l'influence des mar- 
chands étrangers et au voisinage des Gaulois (1). Mais en 
ceci César était dans l'erreur. Les Ubiens ne confinaient 
pas aux Gaulois, dans l'expression restreinte qu'il donne 
à ce mot, mais aux Trévires, autre peuple germain. Les 
coutumes et les usages qu'il a vus étaient bien ceux de la 
race, comme le prouveront tout à l'heure et Strabon et 


(1) 2.6, IV, 5. 


( 229 ) 


Tacite. Ainsi done quand César étudie les Suèves, il les 
sépare radicalement des Gaulois; quand il envisage les 
Germains-Teutons, soit dans leurs établissements de la 
Gaule, soit dans leurs foyers d’outre-Rhin, il les proclame 
semblables aux Gaulois, et il les sépare, de cette façon, 
explicitement des Suèves. 

$ 5. — Lorsqu'on veut connaitre les mœurs des Suèves, 
il faut lire César; lorsqu'on veut connaître les mœurs des 
Germains purs et indigènes, il faut lire Tacite. En compa- 
rant le récit de ces grands historiens, on découvre entre 
ces deux familles les différences que voici : 

4° Les bas Germains portent les cheveux longs et flot- 
tant sur les épaules, comme les Gaulois; les Suèves les 
tressent et les relèvent sur le sommet de la tête; c’est un 
usage national, dit Tacite (sic Suevi a ceteris Germanis sepa- 
rantur ); 

2 Ce qui distingue la religion des Germains du nord, 
c'est l'élévation de quelques-uns de ses dogmes. Là il existe 
un corps sacerdotal dont linfluence sur les populations 
est considérable, dont les fonctions sont nombreuses et 
respectées. — Les Suèves n’ont pas de corps sacerdotal , 
et leur foi est sans grandeur. ls ne croient qu'aux choses 
qu'ils peuvent pour ainsi dire toucher et dont ils ressen- 
tent les effets; comme la terre, le soleil, la lune, le feu. Ce 
culte n’est pas propre à quelques-unes de leurs peuplades: 
cest un culte national (César, B. G., VI, 21; Tacite, 
G., 59); 

5° Les peuplades teutoniques ont des terres communes 
qu'elles se partagent tous les ans, comme le font de nos 
Jours encore les villages de notre pays d’Ardenne; mais cet 
usage n'exclut pas la propriété; chacun a son enclos, sa 
demeure propre. Les Suèves ne possèdent rien; ils n'ont 


( 230 ) 
pas de demeures fixes. Au temps de César, ils mettaient 
encore tout en commun. Leur égalité sous ce rapport est 
complète (César, B. G., IV, 4. Pfister, Hist. d’AU., Liv. [°, 
chap. IT et TIE. Tacite, G., 46, 25, 26); 

4 Les Teutons élisent tous les ans des magistrats qui 
sont en même temps chefs de guerre. — Les Suèves élisent : 
seulement en temps de guerre les chefs destinés à les 
mener au combat (César, B. G., VI, 25); 

5° Les Teutons ont des bandes guerrières comme dans 
la Gaule (comparez Tacite, G., 45,14; César. B. G., VI, 21): 
les Suèves n’en ont pas. El se forme parfois des bandes 
d'aventuriers sous des chefs éprouvés en vue d’une expédi- 
tion guerrière déterminée; mais cette association n’est que 
temporaire et elle se dissout, une fois le but atteint (Id.); 

6° Le Teuton est indépendant et libre dans sa tribu, 
comme la tribu au sein de la race. Si les peuplades se rap- 
prochent parfois dans un but d'attaque ou de défense, elles 
n’en conservent pas moins une existence indépendante et 
souveraine. — Dans la Suévie, l'homme se perd dans la 
peuplade, comme la peuplade au sein de la fédération. 
Au nord, on trouve la liberté et l’individualisme, au midi 
le communisme; 

7° Ce qui prouve que les Suèves et les Germains ne sont 
pas de même race, c’est que partout où ils se rencontrent, 
au sud, comme à l'est, ils sont ennemis. Ils ne se rap- 
prochent que pour s’égorger; 

8° À ces traits généraux effacés aujourd'hui, j'en ajou- 
terai deux autres dont nous pouvons juger nous-mêmes. 
Quoique les deux familles aient subi bien des altérations 
et des croisements depuis dix-huit siècles , il existe encore 
dans leur physionomie des dissemblances qu'il n'est pas 
possible de méconnaître. En Belgique, en Hollande, chez 


( 231 ) 
les nations de la rive droite du Rhin, où le platt deutsch 
est la langue maternelle, la forme de la face est ovale. — 
Dans la haute Allemagne, chez les Suèves, la face est 
moins bombée, la figure d’ovale tend au carré, la mâchoire 
devient angulaire; | 

% Les deux familles parlent des dialectes d’une méme 
langue; mais ces dialectes sont persistants comme les fa- 
milles elles-mêmes. Les Teutons se servent de l’un et les 
Suèves de l'autre; ils ne s’entremêlent pas. Ainsi, au mo- 
ment de l’arrivée de César, le haut allemand, qui, depuis 
Luther, envahit tous les jours davantage les antiques 
domaines des Teutons, était encore inconnu sur les rives 
du Rhin, tandis que le bas allemand, aujourd’hui négligé, 
y dominait depuis de longs siècles. C’est même une mons- 
truosité que de considérer le bas allemand comme une 
corruption ou un patois du haut allemand. Si l'ancienneté 
est pour les idiomes un titre de noblesse, le teuton est la 
plus noble des langues de l'Occident et du centre de l'Eu- 
rope. À mon sens, les savants qui la parlent ont eu grand 
tort d'altérer le dialecte historique de leurs pères au con- 
tact du langage suévique. La similitude entre les deux 
dialectes ne fut pas reconnue tout d’abord. On la constata 
lorsque les langues furent écrites, lorsque l’on compara 
les mots et leurs racines, lorsqu'on put porter les inves- 
tigalions sur des expressions définies et non pas sur de 
simples intonations. 

Il n'est pas moins vrai qu'à cette époque reculée, les 
deux idiomes se présentaient comme deux fangues diffé- 
rentes. Un Teuton ne comprenait pas un Suève; de nos 
jours un paysan moderne de la Souabe ne comprendrait 
pas davantage un fermier des environs de Bruges ou de 
Gand. Cela prouve, à mes veux, qu’on ne peut déduire 


( 232 ) 

l'identité des races des analogies du langage, quelque 
nombreuses qu'elles soient. Il faut évidemment y joindre 
d’autres éléments de comparaison. 

$ 6. — Les Teutons, c'est-à-dire les Germains purs et 
indigènes, étaient déjà, au temps de César, la race persé- 
cutée de l'Allemagne. Les Suèves, bien plus nombreux et 
bien plus puissants, leur faisaient une guerre sans relâche. 
Pendant le siècle qui suivit, ils furent soumis à des 
épreuves plus rudes encore. Ils eurent à soutenir contre 
Rome une lutte gigantesque où s'épuisèrent toutes les 
forces de leurs tribus valeureuses. Les siècles qui survin- 
rent n’amenèrent pas des temps plus prospères. Les Suèves 
franchirent le Mein et poussèrent leurs campements jus- 
qu'aux rives de la Lahn. Au nord, la pression n’était pas 
moirs grande. Les peuples scandinaves, les Jutes et les 
Saxons s'étaient étendus jusqu'au bas Elbe. Leur arrivée 
fut une cause de bouleversements pour toutes les rives de 
la Baltique. Leur influence religieuse et politique fut re- 
connue par les principales tribus germaniques qui habi- 
taient ces contrées. La plus grande partie des Chauques, 
les Frisons et sans doute ce qui restait de Cimbres dans 
ces parages, subirent leur loi ou reconnurent la suprémaue 
des sectateurs d'Odin. C’est alors que l’on entendit pour 
la première fois, sur les bords du Rhin, retentir le nom 
de Franc. 11 semble que les tribus de la basse Germanie, 
qui voulaient rester indépendantes, se soient associées à 
cette époque, pour résister, au midi, aux conquêtes des 
Suèves, et, au nord, à l'absorption des Scandinaves. Le 
nom de la ligue est teuton ou flamand : le mot franck veut 
dire libre (1). 


(1) Znter Saxones et Alemanos (les Suèves) gens est. apud historicos 


( 25) 

Deux tribus surtout portérent ce nom avec honneur : 
les Sicambres et les Cattes. Les premiers devinrent les 
chefs de l'association des Francs Saliens, et les seconds, 
des Francs Attuaires (1). Au temps de Julien, les Saliens, 
chassés, par les peuples de la ligue saxonne, de leurs pos- 
sessions du bas Rhin, furent forcés de chercher un refuge 
dans notre Campine. Vaineus par les Romains, ils conser- 
vèrent néanmoins leurs nouveaux territoires, à la condition 
de prêter serment d'obéissance à l'Empire et de lui fournir 
des légions. À la chute de l'Empire, les Saliens reprirent 
leur nom glorieux de Francs, secouèrent le joug de Rome, 
rallièrent à leur fédération les Nerviens, les Ménapiens et 
les Morins, et formèrent avec eux la ligue des Francs re- 
connaissant la loi salique. Des chefs sicambres régnèrent 
dans les trois villes principales de leurs confédérés : à Thé- 
rouane, dans la Morinie, à Tournai, dans la Ménapie, et à 
Cambrai, dans la Nervie. Les Frances Attuaires restèrent 
d’abord dans leur ancienne patrie. Tantôt ennemis, tantôt 
alliés des Romains, ils jouëèrent un grand rôle dans tout 
le déclin de l’Empire. À celte époque, la rive gauche du 
Rhin étant complétement dévastée, et la population ro- 
maine ayant été massacrée ou chassée, les Francs Altuaires 
passèrent en partie sur celle rive, qu'ils occupèrent, au 
nord de Cologne, sous le nom de Ripuaires, tandis que 
les Suèves s’emparaient des bords de la Moscile jusqu'aux 


Germania, nunc Francia vocaiur. — Franci…., olim dicti Germani. — 
Germant, qui Franci nunc appéllantur. (Dom Bouquet, t. I, p.745; t. If, 
pp. 50, 47.) 

(1) Les annales de Saint-Amand écrivent : Chatuariorum, et celles de 
Poitiers Zattuariorum. Sidoine Apollinaire écrit aussi Chunt pour ÆZunt, 
et orthographie Chatti, d'où Æatti ou attuari. 


( 254 ) 
frontières des Médiomatrices, et remontaient les vallées de 
ses affluents jusqu’à là crête de partage des eaux de la 
Meuse, où nous les voyons encore aujourd'hui. 

De cette race germanique du Nord, si brave et si éprou- 
vée, jadis si nombreuse et si puissante, il ne reste plus que 
des débris dans l'Allemagne qu’elle illustra et qui fut son 
berceau. C’est dans la Gaule, la Hollande, la Belgique et 
l’est de l'Angleterre qu'il faut surtout la chercher aujour- 
d'hui; car je soutiens que les Gaulois descendent d'elle. 

$ 7. — Tous les écrivains grecs donnent aux Celtes, 
pour ancienne patrie, les territoires de l'Allemagne du 
nord. Les Gaulois possédaient les mêmes traditions. Je 
citerai d’abord les Chærèses, les Pémanes, les Sègnes, les 
Condruses, les Éburons, les Atuatiques, les Nerviens et 
les Trévires, dont l’origine germanique est attestée par 
César, Strabon et Tacite. 1] faut y joindre beaucoup d’autres 
tribus de la fédération belge (plerosque Belgas esse orlos e 
Germanis). 

Au midi de la Seine et de la Loire, dans la contrée nom- 
mée Celtique par César, Ammien Marcellin, interrogeant 
les souvenirs des savants, apprend que, selon les chants des 
druides, une partie seulement des Gaulois est indigène; 
« les autres sont venus en foule, soit des îles éloignées, 
» Soit des pays transrhénans, chassés de leurs foyers, ou 
» par des guerres continuelles, ou par les désastres des 
» marées (1). » Ainsi donc, l’origine transrhénane des 


(1) Ammien Marcellin, XV, 9. Ammien indique, il est vrai, d’autres ver- 
sions encore sur l’origine des Gaulois; mais elles n’ont pas pour garantie 
l'autorité des druides. Il oppose dans le récit Drysidae memorant avec 
Aiunt quidam. — Dans ce cas, ce sont les druides qu'il faut croire. Quant 
aux Gaulois indigènes, il est probable que ce sont des Ibères et des Ligures 
dont il est question. (Voir à ce sujet la 5e lettre.) 


( 258 }) 
Belges et de la plus grande partie des Gaulois ne peut 
être révoquée en doute. Si maintenant je prouve que toutes 
les populations celtiques ont un aspect, des institutions, 
des mœurs et un langage identiques à ceux des Germains- 
Teutons, j'aurai résolu le problème que je me suis posé. 
$ 8. — L'Académie me permettra, avant d'aborder ceite 


. Comparaison, de présenter quelques observations au sujet 


de deux textes de César sur lesquels on s’est constamment 
appuyé pour nier l'identité des Gaulois et des Germains. 
Le premier de ces textes est celui-ci : Gallia est omnis 
» divisa in partes tres, quarum unam incolunt Belgae, 
» aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae, nostra 
» Galli appellantur. Hi omnes lingua, institutis, legibus inter 
» se differunt. D'où l’on tire la conséquence que César a 
voulu dire que la Gaule renferme trois races différant entre 
elles de langage et d’origine. Pris dans ce sens absolu, 
ce passage serait absurde, de l'avis de César lui-même. En 
effet, 11 résulte de la lecture des Commentaires qu'il y a 
des Celtes parmi les Aquitains (4) et parmi les Belges; 
ainsi donc, les noms d’Aquitains, de Belges et de Celtes 
n'ont pas la signification qu’on leur prête, el ne sont pas 
des dénominations de races. En voici une preuve direcie : 
César nous apprend que les côtes orientales d'Angleterre 
étaient peuplées de Belges (ex Belgis); immédiatement 
après, 1l nous dit que leurs mœurs diffèrent peu de celles 
des Gaulois, neque mullum a Gallis differunt. Tacite arrive, 
il voit ces Belges, et il ne les reconnaît pas; il les appelle 
Gaulois, proxime Gallis et similes sunt; il indique cepen- 


(1} Dans l'Aquitaine, il n'existe, il est vrai, qu’une seule peuplade à la- 
quelle on assigne une origine celtique; ce sont les Bituriges-F ivisci. 


( 236 ) 
dant que leur idiome diffère un peu de celui de la Gaule, 
sermo haud multum diversus (4). Ainsi, haud multum di- 
versus (Tacite), neque multum differunt (César), voilà à 
quoi se réduit la différence de race entre les Belges et les 
Gaulois; voilà la signification vraie du hi omnes…. inter se 
differunt du texte de César. 

On a cherché à tourner la difficulté en mvoquant un 
second texte, Plerosque Belgas esse ortos e Germanis, Rhe- 
num que antiquitus transductos…. Gallosque qui ea loca 
incolerent expulisse. 

Voyez, dit-on : 11 y avait des Germains parmi les Belges, 
comme 1! existait des Ibères parmi les Aquitains, et c’est 
à eux évidemment qu'on fait allusion. Avec ce raisonne- 
ment, on se croit autorisé à rectifier le texte de la manière 
suivante, à savoir que, sous le nom de Belges, César n’a 
entendu parler que des Germains habitant la Belgique. il 
me semble, à moi, qu'avec de pareilles privautés, avec une 
pareille latitude dans Pinterprétation, il n’y a plus d’his- 
toire sérieuse. Si César avait voulu tenir le langage qu'on 
lui prête 1c1, 1l l'eût fait en termes précis, car il a lhabi- 
tude de toujours exprimer clairement sa pensée. 

J'ajouterai maintenant que nulle part César ne fait allu- 
sion à des différences de race. Sous sa plume, les expres- 
sions de Germains, Celtes ou Gaulois, Belges, Aquitains, 
répondent à des divisions politiques, et voiià tout. Cela est 
si vrai qu'après avoir répété avec les Rémois, que la plu- 
part des Belges sortaient de la Germanie, après avoir con- 
staté lui-même cette origine pour les Atualiques et les 


(1) Voir les passages de Gésar et de Tacite, au cemmencement de ma pre- 
micre lettre. 


( 231 ) 
Éburons, il les appelle tous Gaulois, il les fait parler 
comme des Gaulois, il leur donne des mœurs gauloises, 
il les confond en toui et partout avec les Gaulois (1). 

Ces textes de César laissent donc entière la question 
d'identité de race des Gaulois et des Germains. 

Mais cette question, Strabon l’a résolue dans Îles termes 
les plus formels et les moins discutables. Il explique 
d’abord le sens véritable de la phrase de César : Hi omnes 
lingua, institutis inter se differunt. « Guelques-uns, dit-il, 
» partagent les Gaulois en trois parties, en Aquitains, 
Belges et Celtes. Les Aquitains diffèrent absolument 
» (plane) des Belges et des Celtes, non-seulement par leur 
» langage, mais encore par leur physionomie, qui se rap- 
proche davantage de ceile des Espagnols que de celle 
des Gaulois (2). Les traits propres aux Gaulois caracté- 


ŸZ 


Les 


Ÿ 


Ÿ 


(1) On prétend que Tacite a signalé la différence de race dans le passage 
suivant : ZTreveri et Nervi circa afjectationem Germanicae originis ultro 
ambitiosi sunt, TanQuau per hanc gloriam sanguinis, a similitudine et 
ënertia Gallorum separentur ; mais le raxquanr fait voir qu’il ne signaie 
rien du tout. Pour reconnaitre en eux des Germains, it faut que les Nerviens 
et les Trévires le lui disent. Tonte distinction entre ces diverses peuplades 
ct les Gaulois lui échappe. César n’a pas attendu Tacite pour proclamer que 
les Nerviens et les Trévires se distinguaient des autres Gaulois par la rudesse 
de leurs mœurs (2. G., 11, 158, Æsse homines feros, magnacque virlutis, 
VII, 25, civitas ( Trevirorum) propter Germaniae quotidianis exercita 
bellis , vicinitatem , cultu et feritate non multum a Germanis differebat). 
Malgré cela, les Trévires et les Nerviens sont de vrais Celto-Belges pour César. 
Il fait tenir à ces derniers un langage qui le prouve : {ncrepitare aique în- 
cusare reliquos Belgas, qui se populo Romano dedidissent (les Rèmes, les 
Bellovaques, les Suessions, etc.) patriamque virtutem projecissent, Il, 15. 

(2) Il existait une peuplade celtique parmi les Aquitains; mais Strabon a 
bien soin de la séparer. Il n°y a donc pas contradiction dans sa comparaison. 
« Les Bituriges, dit-il, sont le seul peuple étranger qui habite parmi les 
» Jbères sans en faire partie. » (T. 11, p.59 de la trad. franc.) 

Tous xxu1, — HIT parT, 10 


(.258 ) 

» risent les habitants de deux autres parties de la Gaule, 
» quoiqu'on observe encore quelque différence parmi ces 
» peuples, soit pour la langue, soit pour la manière de 
» vivre, soit pour la forme du gouvernement (1). » C'est 
exactement ce que César et Tacite ont dit plus haut, en 
comparant les Belges d'Angleterre aux Gaulois. Il faut de 
plus remarquer que, parmi les Belges de Sirabon, sont 
compris les Nerviens, les Trévires et les tribus désignées 
par César comme germaniques. 

Plus loin, le grand géographe s'occupe des Germains : 
« Ces deux peuples (Gaulois et Germains) ont une origine 
» commune , soit qu'on les considère du côté du caractère, 
» de la manière de vivre et de se gouverner, soit qu’on 
D 
» 


LA 


examine les pays qu'ils habitent, séparés seulement par 

le Rhin (2). » Dans un autre passage, il revient sur le 
même sujet et en termes non moins formels : « Après les 
» Celtes, quand on a passé le Rhin, on trouve les Ger- 
» mains, situés à l’orient de ce fleuve. Es ne diffèrent 
» des Gaulois qu’en ce qu'ils sont plus grands, plus blonds 
» et plus féroces. Pour tout le reste, leur figure, leurs 
» mœurs sont telles que nous les avons décrites en par- 
» lant des Gaulois; et c’est à juste titre que les Romains 


» leur ont donné le nom de Germains, comme s'ils vou- 


————————_——————ZZ 


(1) Ce passage est extrait de la traduction de La Porte du Theil. Duclos, 
Orig. et révol. des langues celte et française, traduit ainsi le passage de 
Strabon : £adem non usque quaque lingua utuntur omnes, sed paululum 
variata. C'est exactement ce que disent César et Tacite, en comparant les 
Belges d'Angleterre avec les Gaulois: Veque multum differunt ; — haud mul- 
tum diversus. 

(2) Dom Bouquet traduit ainsi : Vam et natura et vitae instilutisque 
gentes hae in vicem similes sunt et cognatae. Il faut bien remarquer que 
Strabon ne confond pas les Suèves avec les Germains septentrionaux. 


( 239 ) 
» laient dire de véritables Gaulois (1), car c'est ce que 
» signifie ce mot dans la langue des Romains. » 

Jamais, je pense, une question historique n’a été résolue 
d’une façon plus positive et avec moins de réticence. 
Strabon affirme, atteste que les Gaulois et les Germains 
septentrionaux sont frères, sont de même race, que leurs 
mœurs, leur physionomie, leurs institutions sont les mé- 
mes. J’ajouterai qu'il n'existe aucun auteur latin ou grec, 
aucun, qui contredise celle opinion si nettement exprimée. 

À défaut de textes, et, par conséquent, de base, pour 
détruire l'opinion de Strabon, nos contradicteurs ont eu 
recours à de grands moyens. Strabon a été représenté 
comme un écrivain indigne de créance, et les textes des 
historiens et géographes grecs ont été donnés comme sans 
valeur autre que le témoignage de l'ignorance de leurs 
auteurs. La cause de cet anathème provient de ce que l'on 
croit avoir découvert dans Strabon des erreurs au sujet des 
limites qu'il assigne aux diverses provinces des Gaules (2). 
Cela füt-il vrai, je dirais encore avec Niebuhr, qu'on ne 
doit parler d’un tel homme qu'avec respect et reconnais- 
sance (angezeichten Manne, den ich nie ohne Dankbarkeit 
und Achtung nenne). C'est le seul flambeau qui nous guide 
à travers les ténèbres de ces temps reculés. Supprimez son 


(1) Stwabon, liv. VIT, chap. IT, À 1. Dom Bouquet traduit ainsi la dernière 
phrase : Cum cos fratres esse Gallorum vellent ostendere, ce qui satisfait 
mieux au sens de la phrase que la traduction française de La Porte du Theil. 

(2) Je me permettrai à ce sujet de faire une petite observation. Lorsque 
Strabon gêne un système préconçu, il n’est plus qu’un interprète infidèle de 
César, un auteur dont les allégations ne méritent point confiance; ce qui 
n'empêche pas ses détracteurs de s’appuyer sur lui à tout bout de champ, de 
linvoquer comme un guide sûr, j’ajouterai comme le seul guide éclairé pour 
la géographie de ce temps. On le loue et on le répudie selon qu’il favorise ou 


( 240 ) 
œuvre, et l’antiquité sera couverte d’un voile si lourd que 
toute l’érudilion moderne réunie en un commun effort ne 
serait pas de force à le soulever. 

Du reste, après avoir exécuté historiquement Strabon 
et les Grecs, pourquoi n’exécute-t-on pas tous les géo- 
graphes latins, Pline et Pomponius Méla en tête? Le pre- 
mier étend la Lyonnaise jusqu’à la Garonne, et le second 
donne à l’Aquitaine le même fleuve comme limite, ce qui 
n'existait pas de leur temps (1). Il faudrait répudier Am- 
mien Marcellin lui-même. En eflet, cet auteur est tout 
aussi coupable que Strabon. Une des prétendues erreurs 
reprochées au dernier, c’est d’avoir confondu la Celtique 
et la Narbonnaise, qui ne figure pas dans la Gaule de César; 
or, Ammien Marcellin soutient [a même thèse. Il dit en 
termes clairs, que César, de sa propre autorité, après que 
la Gaule, de guerre lasse, eut fait sa soumission, la divisa 
en quatre gouvernements, savoir : celui de la Gaule nar- 
bonnaise, comprenant la Lyonnaise et la Viennoise (Nar- 
bonnensis una Viennensem intra se continebat et Lugdunen- 
sem); celui de PAquitaine, qui comprenait tous les peuples 
du nom d’Aquitains, et deux autres gouvernements par 
lesquels étaient respectivement régis les deux Germanies 
et le pays des Belges (2). 


qu’il gêne le système que l’on préconise. Est-ce là de la critique historique? 
Mes contradicteurs en sont réduits à ceci : comme ils ne peuvent s'appuyer 
sur aucun texte positif, ils sont obligés ou de donner un sens forcé à quel- 
ques passages, comme je l’ai prouvé pour César, ou de dénigrer les auteurs, 
comme ils le font pour Strabon. Un système historique vrai, qui porte en soi 
le cachet de la certitude historique, ne répudie aucun texte, il les accepte 
tous, et en explique le sens d’une manière naturelle, 

(1) Voy. Walckenaer, Géograph. anc. de la Gaule. 

(2) Ammien Marcellin, XV, 11. 

Regebantur autem Galliac omnes, jam inde uti crebritate bellorum 


( 241 ) 

Quelles étaient les limites de cette Lyonnaise et de la 
Belgique, tracées par César avant qu'Auguste vint les ré- 
gler? Cest ce qu’on ne sait pas et c'est ce qu'il faudrait 
établir, au lieu de taxer Strabon d’ignorance. 

J'accorde même que Strabon ait commis une erreur de 
ce genre; ce ne serait pas encore une raison pour rejeter 
ce qu'il avance au sujet de l'identité des Gaulois et des Ger- 
mains. C’est là un ordre d'idées tout différent. Qu'était la 
Gaule à cette époque? un assemblage de tribus indépen- 
dantes les unes des autres. Les liens qui les unissaient 
étaient fictifs et passagers; il n'existait sur elles, et sur 
leurs demeures, ni livres, ni cartes, ni renseignements 
statistiques. Comment ne pas se fourvoyer dans un pareil 
dédale? Aujourd’hui même, les modernes ne s’y retrouvent 
pas davantage, malgré les travaux consciencieux et remar- 
quables des de Valois, des d’Anville, des Cluvier et des 
Walckenaer. Il n’était pas à beaucoup près aussi difficile 
d'apprécier Les mœurs et les coutumes des Germains et des 
Gaulois. Il suffisait pour cela d’avoir examiné avec un peu 
d'attention quelques-unes de leurs peuplades. A cette 
époque, beaucoup de chefs germains avaient visité Rome, 
ou y avaient été élevés; des Germains servaient comme 
auxiliaires dans les armées romaines; des agents romains 
avaient traversé le Rhin et avaient vécu au milieu des 
populations de la rive droite; Strabon avait donc à sa dis- 
position, pour éclairer son opinion, une foule de rensei- 
gnements de tous genres. Je ercis, par exemple, que des 
Voyageurs français ou russes, qui ont fait les guerres de 


urgenti cessere Julio dictatori, potestate in partes divisa quatuor. — Il a 
soin de dire que, de son temps, cette division n'existait plus : Vunc nume- 
rantur provinciae per omnem ambitum Galliarum. 


(22) 


“2 


l'Algérie et du Caucase, seraient à même de donner des 
appréciations fort justes sur la langue, les mœurs et les 
institutions des habitants des contrées au milieu des- 
quels ils ont pu vivre, alors même qu'ils se tromperaient 
grossièrement sur l'étendue et les limites de leurs divers 
territoires. Mais Strabon n’est pas seul de son opinion. 
Je pourrais appeler à son aide Diodore de Sicile et Denys 
d'Halicarnasse, ses contemporains, et surtout Appien et 
Dion Cassius, dont le premier écrivait au FF, et le second 
au HE siècle de notre ère. De leur temps, la Germanie 
n'avait plus de secrets pour Rome, et ces deux derniers 
historiens , qui remplissaient des charges élevées près des 
empereurs, avaient élé à même de s'instruire aux sources 
les plus pures et de profiter des découvertes géographiques 
des Romains {{). Il était difficile de les taxer d'ignorance, 
et d’un autre côté, il était dangereux de laisser subsister 
leurs textes sans les contredire. Le savant M. Schayes s’y 
prend de la façon suivante, pour les écarter : 1l attribue 
leur persistance à confondre les Celtes et les Germains à 
une vanité nalionale poussée à l'excès (2). 

Bien heureusement pour ma thèse, 1} reste un histo- 
rien , un Fatin, cette fois, dont, jusqu à présent, les en- 
seignements ont élé respectés. Cet historien est Tacite. 
Je vais lui demander la solution de la question qui nous 
occupe. Il a décrit l'aspect, les mœurs, les institutions 
des Germains du bas Rhin; je comparerai sa narration 
avec ce que César et les autres écrivains nous ont laissé 


(1) Voir tous les textes d’Appien et de Dion Cassius, dans ma première étude 
sur l’ÆZistoire de la Belgique, pp. 71 et suiv. 

(2) Bulletins de l’ Acadèmie royale des sciences. des lettres et des arts, 
t. XXII, n°9, p. 455, en note. 


( 245 ) 

sur les coutumes des Gaulois. Nous verrons, de cette facon, 
si ces deux races se ressemblent, si elles ont la même 
origine, ou bien si ce travail de comparaison nous révé- 
lera des différences semblables à celles que j'ai signalées, 
dans ma première lettre, entre les Belges-Gaulois de 
l'Angleterre et les Bretons indigènes, et ici même, entre 
les Teutons et les Suèves. 

$ 10. — Aspect. — La physionomie du bas Germain ou 
Teuton est identique avec celle du Gaulois. Tacite lui donne 
des yeux bleus, un regard fier, des cheveux blonds, une 
haute taille, un corps plein de vigueur au premier choc, 
mais incapable de supporter longtemps la fatigue et le tra- 
vail : Magna corpora et tantum ad impetum valida, laboris 
alque operum non eadem patientia. (G., 4.) — I] semble 
que Taciie ait copié le passage de Tite-Live sur les Gau- 
lois : Gallorum quidem etiam corpora intolerantissima la- 
boris atque æstus fluere, primaque ecrum proelia plus quam 
virorum , postrema minus quam foeminarum esse. (X, 28.) 

Religion. — Lorsque César vint dans la Gaule, la reli- 
gion comme les institutions avaient perdu de leur pureté 
primitive. Les prêtres et les hommes puissants avaient 
peu à peu usurpé le pouvoir qui, dans l'origine, était 
l'apanage des assemblées du peuple, et leurs dissensions 
avaient souvent donné lieu à des querelles sanglantes. Le 
dogme lui-même s'était corrompu au contact des popula- 
tions du midi. Dans la comparaison qui va suivre, on ne 
peut donc s'attacher qu'aux généralités. 

Les Gaulois croyaient à la perpétuité de la matière et 
de lesprit, à l'immortalité de l’âme. Avant la conquête 
romaine, 1ls n’élevaient pas à leurs divinités des statues 
de marbre ou de métal; ils leur consacraient les lacs, les 
arbres, les forêts. 


( 244 ) 

Les Teutons font comme les Gaulois; ils ne représen- 
tent pas leurs dieux par des idoles de forme humaine; 
selon eux, ce serait une impiété. Ils ne les enferment pas 
dans les murailles d’un temple; ils les invoquent sous la 
voute des cieux; ils leur consacrent des bois et des foréts. 
(659) 

Les religions du Teuton et du Gaulois sont identiques, 
et diffèrent essentiellement de celles des Scandinaves et 
des Suèves. (G., 40.) 

Dieux. — D'après César, les dieux supérieurs de la 
Gaule sont au nombre de cinq. Il leur donne les noms 
romains de Mercure, Apollon, Mars, Jupiter et Minerve, 
en raison des attributs qu'on leur prête. Des auteurs pos- 
térieurs à César nomment Hercule au lieu de Minerve. 
Mercure est le plus puissant des dieux; les Gaulois le nom- 
ment Teut ou Teutatès. 

Tacite indique chez les Teutons trois dieux seulement, 
et il les affuble aussi de noms romains. Ce sont Mercure, 
Hercule et Mars (G., 9), trois des dieux gaulois. Mercure 
est, comme chez les Gaulois, le plus puissant des dieux; 
on lui sacrifie des victimes humaines. Deorum maxime 
Mercurium colunt, dit Tacite. César se sert des mêmes 
mots en parlant des Gaulois : Deur maxime Mercurium 
colunt. (VI, 17.) Ce rapprochement est-1!l assez con- 
cluant? (1) 

Origine de la race. — Le Gaulois et le Teuton préten- 
dent tous deux qu'ils ont un dieu pour chef de leur race. 
D'après César, les Gaulois invoquent le dieu Dite, que 


(1) Un autre rapprochement tout aussi remarquable, c’est que, chez les 
deux races, on immole des victimes humaines à Mercure, tandis qu'on im- 
mole des animaux à Mars. (César, VI, 17. Tacite, G., 9.) 


( 245.) 
les commentateurs ont traduit par Pluton (de Dis, Ditis, 
un des noms de ce dieu) : Galli se omnes a Dile patre 
propagnatos praedicant. (VI, 18.) 

Selon Tacite, les Teutons revendiquent la paternité 
d'un dieu qu'ils appellent T'uiscon (celebrant carminibus 
antiquis Tuisconem deum , originem gentis. (G., 2.) (1) 

Le Dite patre et Le Tuisconem ne seraient-ils pas un seul 
et même dieu? L’analogie de leurs noms semble le prouver. 
César, trompé par la prononciation, n’aurait-1l pas fait 
du Teut gaulois son Dite ou Pluton? Tacite est d'accord 
avec César sur les dieux des Suèves, qui diffèrent entière- 
ment de ceux des Gaulois et des Germains ; c’est Hertha, 
la terre, ou Jsis, la lune, c’est-à-dire la nature matérielle. 
Hertha est promenée parmi les peuples sur un char ma- 
gique; l'emblème d’Isis est un vaisseau. Tacite à bien soin 
d'ajouter que c’est là un culte étranger. ( G., 9, 40.) 

Prétres. — Les Gaulois et les Teutons ont un corps 
sacerdotal, tandis que César n’en reconnaît pas aux Suèves. 
« Ils n’ont pas de druides, dit-il, pour assister aux sa- 
> crifices et présider aux choses divines. » Les prêtres 
gaulois sont nommés druides. Leur influence , chez quel- 
ques tribus du centre et du midi de la Gaule, était devenue 
ioute-puissante; mais cette influence, en tant que poli- 
tique, n'avait point de racines dans le Nord. 

Les attributions des druides étaient importantes et 
nombreuses. {ls étaient dépositaires des traditions natio- 
nales recueillies par eux dans des poëmes rimés. Ils étaient 
à la fois prêtres et juges. (César, VE, 45; Strabon, bb. IL.) 


(1) 11 est à remarquer que César dit aussi que cette tradition vient des 
druides, et par conséquent des chants sacrés de la nation : Zdque a drui- 
dibus proditum dicunt. 


(246 ) 


Ils avaient la garde des criminels et faisaient exécuter les 
jugements. Aux druides étaient adjoints des bardes et 
des ovates ou eubages. Les bardes chantaient les poëmes 
druidiques, et au jour du combat, leur voix dominant le 
bruit des armes, exaltait le courage des guerriers. Les 
ovates dirigeaient le culte extérieur sous la surveillance 
des druides. 
hez les Teutons, la puissance des ministres du culte 
est également grande et respectée. [ls président aux saeri- 
fices et rendent les augures. À cet effet, un prêtre est pré- 
posé à chaque cité pour consulter les présages. En temps 
de guerre, ils portent dans la mêlée les drapeaux de la 
tribu, et par leurs bardits ou chants de guerre , ils enflam- 
ment l’ardeur des guerriers. En temps de paix, au sein 
des assemblées publiques de la nation, les pontifes font 
observer l’ordre , et ont droit de contrainte sur ceux qui 
le troublent (1). Seuls ils peuvent châtier et punir; seuls 
ils peuvent réprimander, charger de liens, frapper, parce 
que la vénération du Germain pour le prêtre est telle qu'il 
ne regarde plus le châtiment comme infligé par la volonté 
du chef, mais par l’ordre même du dieu des armées. 
Qui ne retrouve ici les prêtres de la Gaule? Tacite, il 
est vrai, ne nous apprend pas qu’ils aient un chef suprême, 
n1 que l’ordre soit divisé en trois classes, comme dans la 


(1) Sè publice consulatur sacerdos civitatis, precatus Deos, coelum 
suspiciens (G., 10). — Effigies et signa quaedam detracta lucis in prae- 
lium ferunt (G., 7). — Sunt illis quoque carmina quorum relatu, quem 
Parditum vocant, accendunt anèimos (G., 5). — Silentium per sacerdotes 
quibus tum et coercendi jus est, imperatur (G., 11). — Ceterum neque 
animadvertere, neque vincire, ne verberare quidem nisi sacerdotibus 
permissum ; non quasi in poenam, nec ducis jussu, sed velut Dev im 
perante , quem adesse bellantibus credunt (G., 7). 


( 247) 
Gaule (druides, bardes, eubages), mais toutes les fonc- 
tions de ces trois classes sont exercées par les pontifes de 
la Germanie. 

_ Je suis fondé à soutenir qu'en ceci, l’analogie entre les 
Gaulois et les Teutons est complète. Elle est complète soit 
qu'on l’envisage dans les choses d'ensemble, soit qu'on 
descende aux détails. Des deux côtés, on compte le temps 
qui s’écoule, non par le nombre de jours mais par celui 
des nuits. (César, VE, 18; Tacite, G., IE.) Des deux côtés, 
on trouve des prêtresses inspirées qui prédisent l'avenir, 
(Tacite, G., 8. (On connaît lés prêtresses gauloises de 
Vile de Sain) ; des deux côtés, on considère l'exclusion des 
sacrifices publics comme la plus grande des peines et des 
ignominies. (César, VI, 15; Tacite, G., G.) 

La famille. — En Gaule, le père de famille est le maître 
et le juge de sa femme, de ses enfants, de ses esclaves. 
Son fils est élevé loin de ses yeux ; il ne paraît que lors- 
qu'il peut porter les armes, être utile à sa patrie et mar- 
cher aux armées. ( César, VI, 48, 49.) Le chef de famille, 
hors des temps de guerre et de chasse, passe sa vie dans 
l'oisiveté. (Strabon, D. B., I, p.51.) 

Chez le Teuton, le chef de famille est également le 
juge de sa femme et de ses enfants; 1l dispose de leur 
existence. L'enfant du maître est élevé comme celui de 
l’esclave. Il vit au milieu des mêmes troupeaux, couche 
sur le même sol, jusqu'a ce que lâge vienne séparer 
l’homme libre de l’esclave. Lorsque ladolescent en est 
reconnu digne par la tribu, le chef ou le père lui remet, 
au milieu de lassemblée du peuple, le bouclier et la 
framée. C’est pour lui la robe virile. ( G., 15, 20.) 

Ce rapprochement est encore fort remarquable. C’est la 
même pensée , ce sont les mêmes coutumes. 


( 248 ) 

Esclavage.— Il y à des esclaves dans la Gaule et dans la 
Germanie : on est esclave par la naissance où par le sort 
de la guerre; mais 1l y a aussi un esclavage volontaire. En 
Gaule, les hommes perdus de dettes se livrent eux-mêmes 
en servitude. (César, VI, 15.) Le Teuton se soumet égale- 
ment à l'esclavage pour dettes : il se laisse enchainer et 
vendre. (G., 24.) 

Institutions, chefs. — César a trouvé les tribus de la 
Gaule soumises à des pouvoirs divers. C'était le résultat 
d'usurpations, de discordes et de guerres eiviles ; partout 
régnaient la désunion et l'anarchie. L'intervention d'Ario- 
viste chez les Séquanes est le résultat de ces dissensions; 
chez les Helvètes , les grands cherchent à s'emparer de la 
suprême puissance; chez les Édues, les prêtres se met- 
tent au lieu et place du peuple, élisent annuellement un 
chef suprême; ailleurs le gouvernement appartient au sé- 
nat; ailleurs encore deux tribus se sont associées et ont 
un roi commun. La société gauloise était en décadence. 
(César, B. G., I, 4; IE, 4; VIE, 7-55.) Voilà pourquoi César, 
sans avoir en vue la question des'races, pouvait dire avec 
exactitude : Hi omnes instilutis differunt. Néanmoins les 
Commentaires nous révèlent que, dans presque toutes les 
tribus, les chefs sont élus et temporaires. (1, 4; V, 25, 
54, 56; VT, 2.) Strabon y ajoute un détail précieux à enre- 
gistrer. Il dit que, dans les temps anciens, l'assemblée des 
tribus élisait tous les ans deux chefs : un prince (ou roi) et 
un chef de guerre : Antiquitus unum quotannis principe , 
ilemque unum belli ducem multitudo deligebat. (D. B., E, 
p. 50.) Cette élection annuelle et cette dualité de comman- 
dement existent également chez les Teutons. Reges ex no- 
bilitate, duces ex virtute sumunt. (G., 7.) On ne trouve rien 
de semblable ni chez les Scandinaves ni chez les Suêves. 


( 249) 

Assemblées du peuple. — Les diverses tribus de Ia Gaule 
se gouvernaient d’une manière indépendante, d’après les 
lois votées dans les assemblées du peuple. (B. G., VIT, 65 
et passim). Néanmoins le soin de diriger les affaires pu- 
bliques était remis à un conseil de chefs auquel César 
donne le nom de sénat. C’est ce que Strabon appelle des 
républiques gouvernées par les grands. Pleracque respu- 
blicae optimatibus qubernabantur. (D. B., 1, p. 30.) Ce 
conseil discutait au préalable les questions à soumettre à 
la multitude, et il ne lui dévoilait que les choses suscep- 
tibles d’être divulguées sans danger. (D. B., VI, 20.) 

La même indépendance existe parmi les tribus de la 
basse Germanie. Comme dans la Gaule, le soin de sur- 
veiller les intérêts de la nation est dévolu à une assem- 
blée de chefs à laquelle César donne également le nom de 
sénat. [l dit en parlant des Übiens : Quorum si principes 
ac senalus sibi jurejurando fidem fecissent. (B. G., IV, 11.) 
Le soin de décider les affaires majeures appartient au 
peuple assemblé; cependant les chefs ne lui soumettent 
les questions à résoudre qu'après les avoir, au préalable, 
examinées et discutées. (G., IL.) (1) 

Bandes guerrières. — Une des institutions les plus ca- 
ractéristiques de la Gaule, ce sont les bandes guecrrières. 
Polybe dit à ce sujet : « Les Gaulois s'appliquent surtout 
» à s'attacher un grand nombre de compagnons ; car ce- 


(1) Il est intéressant de mettre en regard les textes de César ct de 
Tacite : Magistratus, quae visa sunt, occullant , quaeque esse ex usw 
Judicaverint, imultitudini produnt… 

De müinoribus rebus principes consultant; de majoribus omnes tla 
{amen , ul ca quoque quorum penes plebem arbitrium est apud prin- 
cipes pertractentur.….. 


( 250 ) 

» lui-là seul est puissant et redouté parmi eux qui réussit 
» à rassembler autour de sa personne de nombreux par- 
» tisans prêts au premier signal à exécuter ses ordres. » 
(Lib. IE, chap. IV, initio.) 

César s'exprime à peu près dans les mêmes termes : 
« Le second ordre de la Gaule est celui des equites. 
» Chacun d’eux, en raison de sa naissance et de son in- 
fluence, s’entoure d’ambactes et de clients. C’est chez 
» eux l’unique marque de puissance et de crédit. » 
Tacite se sert presque des mêmes expressions : « L’ambi- 
tion des chels est d’avoir la suite la plus nombreuse et 
la plus guerrière; c’est leur gloire pendant la paix, c'est 
leur force pendant la guerre. Plus leur suite est puis- 
sante et courageuse, plus ils sont honorés. » (César, 
B. G., NI, 45; Tacite, G., 15.) 

$ 41. — Conclusion. — Je m'’arrête dans mon argumen- 
tation. Si déjà je n'ai point su convaincre, je ne ramènerai 
pas à mon opinion par vingt autres pages de comparai- 
sons de ce genre. Je constate seulement que la description 
des mœurs des Germains par Tacite n’est que la para- 
phrase de la description des mœurs des Gaulois par César. 
C'est ainsi que se trouvent confirmées les paroles de Stra- 
bon, qui, après avoir parlé des institutions antiques des 
Gaulois, invoquait, comme preuve à l’appui de la véracité 
de ses récits, le témoignage des institutions germaniques, 
encore pures à cette époque : Sed quales diximus , supe- 
rioribus temporibus.….. eos fuisse intelligimus ex Germa- 
norum adhuc durantibus consuetudinibus. (Dom Bouquet, 
Jp: 29) 

Je demanderai maintenant avec confiance à l’Académie, 
si un système posé sur les bases que je viens de dévelop- 
per, si un système qui ne rejette aucun texte des anciens, 


3 


CSC RER A) 


( 201 ) 

qui n'a recours ni à l’imagination, n1 à l'interprétation 
forcée des auteurs, ni aux étymologies hasardées pour ex- 
pliquer les faits historiques; je demanderai si un pareil 
système mérite d’être traité de paradoxe inconcevable et 
étrange. Quant à moi, wallon, je persiste à croire, jus- 
qu'à preuve du contraire, que nous pouvons nous écrier 
comme l'interlocuteur gaulois des Dialogues de Sulpice 
Sévère : Teutones sumus, (2° dial., $ 7.) 


— MM. M.-N.-J. Leclereq et Arendit font la remise des 
procès-verbaux des séances du jury nommé en 1856, pour 
décerner le prix quinquennal des sciences morales et po- 
lhtiques. Conformément aux désirs exprimés par le Gou- 
vernement, ces procès-verbaux seront déposés dans les 
archives spéciales des prix quinquennaux. 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 7 août 1856. 


M. DE KEYzERr, directeur. 
M. A. QuETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, Hanssens, Roe- 
landt, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, Fraikin, Baron, Ed. 
Fétis, De Busscher, membres; Balat, Demanet, correspon- 
dants. 


CORRESPONDANCE. 


——— 


M. le Ministre de l’intérieur fait connaitre que les ta- 
bleaux de la Descente de croix et de l'Élévation en croix, 
chefs-d’œuvre de Rubens, ont été replacés à l’église Notre- 
Dame, à Anvers, et que, d'après l'avis de la commission 
de surveillance, cette opération a parfaitement réussi. 


— Le même Ministre communique, conformément à 
l’art. 24 du règlement du 5 mars 1849, un deuxième rap- 
port trimestriel de M. de Mol, lauréat du grand concours 
de composition musicale de 1855. 


rene een EE 


( 255 

Ce rapport très-concis fait connaitre que l’auteur se 
trouve actuellement à Paris, où il cherche à améliorer 
son style musical, surtout par l'étude des maîtres anciens. 
Parmi ces maîtres, il cite particulièrement notre compa- 
triote Grétry, « qui, par ses mélodies franches et bien ar- 
rêtées, tranche singulièrement sur les opéras de nos jours, 
desquels, pour la plupart du moins, la mélodie instinctive 
semble entièrement bannie. » 


— M. le Ministre de l’intérieur transmet encore plu- 
sieurs lettres concernant les inscriptions proposées par la 
classe, pour l’église de Saint-Pierre et pour l'hôtel de ville 
de Louvain. 

Ces pièces sont renvoyées à la commission des inscrip- 
tions, qui fera connaitre son avis. 


— M. Alvin, vice-directeur de la classe, exprime ses 
regrets de ne pouvoir assister à la séance, et envoie un 
exemplaire d’un ouvrage quil vient de publier sous Île 
Utre : Excursion dans l'histoire de la gravure , conférences- 
exhibitions données au Cercle artistique et littéraire de 
Bruxelles. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


—— 


La classe s'occupe ensuite de prendre les dispositions 
nécessaires pour sa séance publique. Des motifs ont forcé 
de modifier cette séance, qui aura lieu pendant les fêtes de 
septembre, dans la grande salle académique. Différentes 

TOME xx. — JT" PART. 17 


( 254 ) 

communications littéraires y seront faites par MM. De 
Keyzer, directeur de l’Académie; Alvin, Baron et Édouard 
Fétis. M. Fétis père fera entendre dans cetie séance, avec 
le concours de plusieurs artistes habiles, des morceaux 
des anciens compositeurs, qui permetiront d'apprécier le 
caractère des chansons à plusieurs voix, chez les différents 
peuples européens, au XVI®®* siècle : 

1° Les chansons françaises à quatre, cinq et six voix. 
Exemples choisis dans les œuvres de Clément Jannequin 
et Adrien Willaert ; 

> Les Lieders allemands à l'époque de la réformation. 
Exemples. choisis dans les œuvres de Louis Scafel et de 
Sixte Dietricht; 

5° Les frotioles des États vénitiens; les villanelles napo- 
litaines; les madrigaux de l'école romaine. Exemples 
choisis dans les frottoles et les vilianelles populaires, et 
dans les madrigaux de Marenzio. 


Les artistes belges à l'étranger : JEAN Mie, par M. Édouard 
Fétis, membre de l'Académie. 


Jean Miel est né en 1599, aux environs d'Anvers, sui- 
vant les uns, à Bruxelles, selon d’autres. Gérard Seghers, 
qui revenait d'Italie, lui donna ses premières leçons de 
peinture. El était coloriste d'instinct; mais 1l dessinait mé- 
diocrement. Son maitre, après avoir fait de vains efforts 
pour lui inspirer le sentiment de la pureté des contours, 
lui conseilla de faire un voyage à Rome, où 1l savait, par 
expérience, que se trouvait la grande école du goût. Miel 


( 255 ) 
se rendit à cet avis, par obéissance plutôt que par convic- 
tion, et s'achemina vers la ville aux sept collines. 

Seghers avait bien jugé son élève en reculant devant la 
tâche de discipliner son crayon, et en lui indiquant l'étude 
sévère des monuments de l'Italie comme indispensable au 
développement de son talent; seulement il avait trop 
compté peut-être sur le pouvoir de ces chefs-d'œuvre dont 
la vue avait opéré déjà, il est vrai, bien des miracles. Nous 
n’oserions pas dire que Jean Miel demeura absolument 
insensible en présence d'objets si dignes d’admiration; 
mais qu'ils n'aient pas éveillé en Jui le saint enthousiasme 
dont la plupart des artistes étaient saisis à leur aspect, 
c'est un fait pleinement confirmé par tout ce qu’on sait de 
sa Carrière et de ses travaux. Nous voudrions pouvoir affir- 
mer avec Baldinucei que Miel alla en ftalie porté, comme 
tant de nos Flamands, par un penchant irrésistible pour les 
formes les plus nobles et les plus élevées de l’art à tousles 
âges, et qu'arrivé à Rome il fit des œuvres des maitres 
une étude assidue; mais cette assertion du biographe flo- 
rentin est, nous devons l'avouer, trop favorable à notre 
compatriote. Le sentiment du beau, du grand, du noble, 
manquait à Jean Miel. S'il a pris une place distinguée 
parmi les peintres de son temps, c’est par des qualités 
d'une autre nature. Plus d’une fois, se rendant justice à 
lui-même, il fit de courageux efforts pour entrer dans le 
domaine des choses grandes et sérieuses; mais 1} était in- 
volontairement ramené vers la sphère plus étroite où sa 
destinée d'artiste devait s’accomplir. Il pouvait corriger 
certains défauts d'éducation, mais non pas refaire sa na- 
ture. 

Le crédit dont les peintres flamands jouissaient en 
Italie, où beaucoup d’entre eux avaient laissé de brillants 


( 256 ) 

témoignages de leur génie, procura à Jean Miel plusieurs 
commandes importantes, peu de temps après son arrivée à 
Rome. Il s'agissait de travaux à exécuter dans des églises. 
Miel les entreprit, quoiqu'il se sentit peu de vocation pour 
la peinture religieuse, et seulement à titre de moyen 
d'existence. Son premier essai fut un tableau d’autel, re- 
présentant le Baptéme de Constantin, qu'il fit pour l’église 
Saint-Martin , et qui orne encore une des chapelles de cet 
édifice. Son beau coloris flamand fit passer sur le manque 
d’élévation du style, ainsi que sur l’imperfection du dessin, 
et ses protecteurs ne se découragèrent pas, espérant que 
l'habitude lui ferait acquérir les qualités solides du peintre 
d'histoire. Sa seconde œuvre capitale fut un Moise faisant 
jaillir l'eau du rocher, commandé par le pape Alexandre VIF, 
et placé dans la galerie de Monte-Cavallo. 

Il n'est pas rare de voir des peintres faire à la plus im- 
périeuse des exigences, la nécessité de vivre, ie sacrifice 
de leurs aspirations élevées, et traiter l’art sous des formes 
frivoles, quitte à se venger de la contrainte que leur im- 
pose le mauvais goût des amateurs, en accomplissant par- 
fois quelque noble et sérieuse tâche. Il en était tout autre- 
ment de Jean Miel, c'était par devoir, par raison qu'il se 
résignait à exécuter de grandes compositions religieuses. 
Ses heures de liberté, il les employait à traiter quelque 
épisode familier, souvent même vulgaire. Les idées d'art 
et de métier étaient renversées chez lui. Le métier con- 
sistait à suivre d’aussi près, ou si l’on veut d'aussi loin 
qu'il lui était donné de pouvoir le faire, les traces des 
grands maîtres de l’école romaine, et l’art à se rapprocher 
de Pierre Van Laar, qu’il avait pris pour modèle. 

Jean Miel s'était lié avec André Sacchi, peintre d’un 
haut mérite, que les Romains considéraient comme un 


( 257 ) 

des plus fidèles dépositaires des traditions classiques. II 
lui demanda des leçons et entra dans son atelier. André 
Sacchi aimait le caractère enjoué du jeune Flamand; tout 
en lui reprochant les licences de son crayon, il ne pou- 
vait s'empêcher de louer son brillant coloris et sa brosse 
facile. Il conçut le projet de l’associer à l’un de ses ou- 
vrages, croyant l’engager par là à faire un effort de con- 
science. Cette participation de deux talents, nous ne dirons 
pas seulement différents, mais contraires, à une œuvre 
collective, était fort bizarre, et l’on s'étonne que l'idée 
ait pu en venir à un artiste aussi sérieux et aussi ferme 
dans les principes qu'André Sacchi. Il est vrai que le ta- 
bleau à l'exécution duquel il voulait faire concourir son 
élève sortait du genre qu'il avait lui-même l’habitude de 
traiter. C'était une revue des troupes pontificales; or André 
Sacchi ne peignait que des sujets religieux composés d’un 
petit nombre de figures, et dans lesquels il n’admettait 
que les accessoires absolument indispensables, ayant le 
plus profond mépris pour les parties d’un tableau où ne 
se manifestait pas la science du nu et des draperies, et 
laissant toujours, par système, comme le dit Lanzi, quel- 
ques détails indécis à l'exemple de beaucoup d'anciens 
statuaires. C’est à un tel maître qu'avait été faite la com- 
mande d’un tableau représentant une revue des troupes 
pontificales. On comprend son dépit et son embarras d’être 
obligé de peindre des habits modernes, des costumes mili- 
taires , des armes, des drapeaux. Sachant que Miel s’ap- 
pliquait volontiers à la reproduction de toutes ces choses, 
et qu'il y était habile, il lui proposa de se charger de faire, 
dans son tableau, les uniformes, les accessoires et les 
fonds, se réservant seulement l'exécution des figures du 
premier plan. 


( 258 ) 

Miel s’acquitta de la tâche que lui avait confiée son 
maître. !l fit de son mieux sans doute, mais non de ma- 
nière à sausfaire celui-ci. Cherchant le pittoresque avant 
tout, il avait jeté çà et là, aux plans reculés, quelques 
groupes en désordre; il avait évité la roideur et Ia régula- 
rité dans les ajustements des soldats pontificaux. Peut-être 
avait-il poussé trop loin la liberté du pinceau et laissé 
percer quelque chose de son goût pour les haïllons popu- 
laires. Quoi qu'il en soit, le sévère André Sacchi fut très- 
mécontent des licences qu'avait prises son élève, et dont 
il craignait qu'on ne le rendit responsable. El les lui re- 
procha durement, en lui disant de retourner à ses bam- 
bochades, attendu qu'il ne serait jamais capable de faire 
autre chose. 

C’est sans doute en souvenir de la discussion qu'il avait 
eue avec Miel, à l’occasion du tableau dont nous venons 
de parler, qu'André Sacchi s’éleva avec amertume, dans 
une lettre adressée à l'Albane, son maitre, contre ce qu'il 
appelle les turpitudes de Bamboccio (Pierre Van Laar), de 
Grovanni della Vite (Jean Miel) et d'André Both. L’Albane 
lui répondit sur le même ton, et accusa formellement les 
artistes ultramontains d'avoir causé un grand préjudice 
à la peinture, en introduisant en Italie le goût des sujets 
familiers. Ces deux lettres, curieuses pour l'histoire de 
l'art, se trouvent dans la Falsina pittrice de Malvaria. 

André Sacchi et l’Albane ne sont pas les seuls Italiens 
qui se soient élevés contre les bambochades, mot alors en 
usage pour désigner les sujets familiers, et qui est resté 
dans le vocabulaire pittoresque. Un parti s'était formé à 
Rome contre les peintres qu'on eût appelés de nos jours 
réalistes, et auxquels on donnait alors une qualification 
moins recherchée. Quelques-unes des critiques adressées 


( 259 ) 

à ces peintres étaient fondées; mais ceux qui les atta- 
quaient sur des écarts, blâmables 1l est vrai, se laissaient 
emporter par leur zèle pour l’austérité des principes, jus- 
qu'à une exagération qui nuisait à leur cause, au lieu de 
la Servir. Passeri résume, dans la notice qu’il a consacrée 
à Jean Miel, les accusations lancées contre les peintres 
matérialistes : 

« Ce siècle, dit-il, porte atteinte à la noblesse et à la 
dignité de la peinture, en accordant beaucoup trop d’es- 
time à des peintres qui s'appliquent à rendre les acci- 
dents les plus bas de la nature, en les présentant sous une 
forme abjecte. » Le biographe italien donne ensuite quel- 
ques détails sur les commencements de la carrière de 
J. Miel, dont il fait à tort un élève de Van Dyck, et en- 
tame une critique violente de son talent. Suivant lui, Miel 
ayant entendu faire de Bamboccio un éloge universel, et, 
poussé lui-même par un génie semblable, s'adonna à ce 
style, qui n’exigeait ni la pureté du dessin, ni la science 
des ajustements. « Les imitateurs du Bamboceio, ajoute 
Passeri, luttaient dans la représentation de vils épisodes, 
où l’on ne trouvait d'autre mérite qu'un brillant coloris 
et le badinage d’un pinceau agréable. Leurs tableaux 
étaient heureusement de petite dimension et occupaient 
peu de place; mais il n’en était pas moins triste de voir 
les galeries de beaucoup de grands personnages désbono- 
rées par ces saletés qui n'auraient dû trouver place que 
dans des chambres de village ou dans des auberges. » Le 
rude adversaire des scènes familières va jusqu'à dire qu'il 
ne voudrait pas qu'on donnât le nom de peintre, mais 
celui de dilettante en peinture, à ceux qui font ce mau- 
vais usage de leurs facultés. Selon son sentiment, le véri- 
table peintre doit s'attacher exclusivement à représenter 


( 200 ) 
des actions saintes ou généreuses; sa mission ne saurait 
être d'exposer les faits et gestes de la vile populace. 

Il y à du vrai dans les idées exprimées 1ei par le ceri- 
tique romain; mais l’exagération dont il n’a pu se dé- 
fendre fait naître dans l'esprit du lecteur un sentiment de 
réaction en faveur des peintres d'épisodes familiers. I y 
a cependant une Juste mesure à garder entre le blâme 
absolu et la complète justification du genre auquel Passer: 
fait une guerre si vive. L’art de la peinture n’est pas seu- 
lement destiné à donner à lhumanité un enseignement 
moral et religieux. Nous admettons que ce soit une de ses 
attributions; mais il en a d’autres. Que les peintres d’his- 
toire doivent choisir de préférence des sujets qui soient 
de nature à inspirer aux hommes des idées généreuses, par 
le spectacle des actions héroïques; c’est une vérité incon- 
testable. Prétend-on qu’il n’y ait pas autre chose à faire 
en peinture? on tombe alors dans une erreur complète. 
Autant vaudrait soutenir que les écrivains qui ne traitent 
ni de la religion, ni de la morale, ni de la philosophie, 
manquent à leur mission. L'art, pas plus que la poésie, 
ne peut rester perpétuellement dans les sphères éthérées. 
Ni lun ni l’autre ne perdent de leur dignité en se rap- 
prochant de la terre. [’admiration que nous inspire un 
poëme épique n’est pas incompatible avec le plaisir que 
nous ressentons à la lecture d’une ode, d’une épitre, 
d'une satire ou même d'une chanson. Faut-il choisir né- 
cessairement entre Homère et Anacréon. entre le Dante 
el Boccace, entre Corneille et La Fontaine ? En musique, 
une jolie romance plait, même après un oratorio ou une 
symphonie. Pourquoi voudrait-on que la peinture, tou- 
jours grave, austère, ne püt sans déroger, admettre les 
sujets familiers ? 


( 261 ) 


Si la doctrine professée par le biographe de Jean Miel 
et soutenue par d'autres écrivains qu'égarait un aveugle 
pédantisme était adoptée, si la peinture n’avait d'autre but 
que de faire l'éducation morale de l'humanité, il faudrait 
exiler de nos musées tout ce qu'ils renferment de tableaux 
de genre, de paysages, de marines, de représentations de 
la nature inanimée. Il est inutile de s’évertuer à combattre 
de telles aberrations de jugement; le bon sens en fait jus- 
tice. 

Cependant, il faut reconnaître que les peintres matéria- 
listes, que les auteurs de bambochades, comme on les appe- 
lait jadis, sont souvent sortis des voies régulières de l’art, 
et qu'ils ont presque justifié d'avance, par leurs propres 
excès, ceux de leurs plus violents critiques. Certes il faut 
admettre les sujets familiers. Ces sujets, bien compris et 
bien rendus, éveillent des idées et des sentiments qu'il 
n'appartient pas à la peinture religieuse ou historique de 
faire naître; mais il n’en est pas de même de certains épi- 
sodes d’une extrême vulgarité. Nous sommes bien obligés 
d’avouer que, parmi nos anciens maîtres flamands, il en 
est qui ont eu le tort grave de salir leurs pinceaux au con- 
tact d'images dégoûtantes. On a prétendu les excuser en 
alléguant leur beau coloris et leur rare talent d'exécution; 
mais ces qualités ne pouvaient-elles pas se manifester éga- 
lement dans des tableaux dont les sujets eussent été de 
meilleur goût ? 

Il faut rendre à Jean Miel cette justice qu'il ne commit 
pas souvent de ces écarts condamnables, et qu'à part un 
petit nombre de compositions où le cortége hideux de la 
misère est trop complaisamment étalé, il n’a guère franchi 
les limites que l'artiste doit se prescrire dans la peinture 
des mœurs populaires. C’est en cela que les reproches de 


( 262 ) 
Passeri à son adresse manquent de fondement. Il est évi- 
dent que le critique italien ne s'en prend pas seulement 
aux sujets dont la trivialité blesse les spectateurs quelque 
peu délicats, mais qu'il appelle vils tous les épisodes tirés 
de la vie familière. 

Passeri, malgré ses préventions contre Miel, veut bien 
reconnaître que cet artiste fit des efforts pour se mettre en 
état de traiter la grande peinture sans trop d’infériorité; 
mais lorsqu'il lui rend une apparence de justice, il trouve 
encore moyen de lui lancer de méchants traits. « Avec ses 
bambochades, dit-11, Miel gagna quelque argent et fit bien 
voir qu’il était fils de négociant, car il était très-habile à 
trafiquer, et 1l était toujours entouré de revendeurs de ta- 
bleaux. Îl recevait aussi des gentilshommes, parce qu’il 
était assez adroit et de manières agréables, et 1l se vit 
ainsi introduit dans la bonne société. Cela commença à le 
faire rougir de s'être tenu si longtemps dans la bassesse et 
l’engagea à travailler pour devenir un peintre de quelque 
valeur. Fl étudia le style noble, afin de pouvoir peindre à 
fresque des sujets honnêtes. » 

Il vint, en effet, un moment où notre artiste se livra à 
de sérieuses études; mais ce ne fut pas, ainsi que le pré- 
tend Passeri, parce qu'il rougit de la bassesse de ses tra- 
vaux, et pour mériter l’honneur d’être admis dans fa bonne 
société. Baldinueei donne une explication infiniment plus 
satisfaisante du changement qui s’opéra en lur. Après sa 
rupture avec André Sacchi, 1l consulta le Bernin, qui lui 
témoignait de l'amitié, sur ee qu'il aurait à faire pour 
devenir un peintre d'histoire et pour pouvoir aborder la 
fresque. Le Bernin lui conseilla d'abandonner pendant 
quelque temps les travaux lueratifs ; de voyager et de copier 
les maîtres. Jean Miel, chose assez rare, avait demandé un 


( 263 ) 

avis pour le suivre. II s'éloigna de Rome. À Bologne, où 
il s'arrêta d’abord , il copia les peintures les plus remar- 
quables des Carraches; à Parme, il réduisit la magnifique 
coupole du Corége, et fit encore, dans d’autres villes, 
des études d'après les chefs-d’œuvre des plus grands pein- 
tres. Baldinueci ajoute que ces copies, merveilleusement 
faites, passèrent, après sa mort, entre les mains d’Au- 
gustin Franzoni, neveu d'une éminence dont il avait 
reçu des services, et qu'il institua son héritier, par recon- 
naissance. 

De retour à Rome, Miel reçut plusieurs commandes 
importantes. Il peignit pour l'église de S'-Laurent trois 
tableaux représentant des miracles de saint Antoine de 
Padoue, savoir : la Résurrection d'un enfant, la Jument 
s'agenouillant devant le saint Sacrement et l'Image du saint 
répandant des grâces sur le peuple après sa mort. Le diff- 
cile Passeri convient que ces compositions sont d’un goût 
distingué, et dit que leur auteur n’a rien fait de mieux. 
Baldinueci fait également un grand éloge de ces peintures 
où se manifeste une tendance à limitation du style des 
Carraches. 

Jusqu’alors Miel n'avait fait que de la peinture à l'huile. 
Il osa s'essayer dans la fresque. Si nous nous servons du 
mot oser, c'est qu'il y avait de la hardiesse au peintre des 
bambochades à s'élever jusqu'au genre le plus sévère, jus- 
qu'au genre de Michel-Ange. La princesse Anna Colonna, 
femme d'un Barbérini, neveu d'Urbain VIIF, ayant fait 
élever un monastère de carmélites avec une église placée 
sous l'invocation de sainte Marie Regina Coeli, notre ar- 
tiste fut chargé d’y peindre une fresque et ke pour sujet 
le martyre de saint Sébastien. 

Pierre Festa avait peint une canonisation dans la cha- 


( 264 ) 

pelle de l'église Sancta Maria dell anima, dédiée à saint 
Lambert. On ne fut pas satisfait de cette fresque, et, suivant 
l'usage assez cavalièrement suivi à Rome en pareil cas, on 
la fit disparaître. Le soin de remplacer cet ouvrage man- 
qué fut confié à Jean Miel, qui fit une nouvelle annoncia- 
tion, et représenta, en outre, dans différentes composi- 
tions, des épisodes de la vie de saint Lambert. Comme il 
s'agissait de l’un des principaux personnages de l’hagio- 
graphie belge, cette tâche lui revenait en quelque sorte de 
droit. [l s'en acquitta à son honneur, ainsi que Favoue 
Passeri, tout en disant qu'il eut de grands efforts à faire, 
LT produire un meilleur ouvrage que celui du maître 
qu'on lui avait sacrifié. 

De saint Sébastien et de saint Lambert, Jean Miel reve- 
nait à ses mendiants de la campagne romaine. Nous avons 
dit que c'était son goût dominant. Les suffrages que lui 
avaient valus des fresques d’un bon style ne pouvaient l'ar- 
racher aux épisodes familiers qu’il peignait con amore, et 
dans lesquels il faisait preuve d’un grand esprit d’observa- 
ton. De ce côté, du reste, les succès ne lui faisaient pas 
non plus défaut, car ses petites scènes populaires étaient 
fort recherchées des amateurs, et se payaient souvent plus 
cher que de grandes toiles où les règles du goût étaient 
mieux observées. « Ce genre de peinture, dit Baldinuecï, 
fit tant d'explosion, que tous les possesseurs de cabinets, 
à Rome, à Florence et ailleurs, voulurent en avoir des 
spécimens. » Parmi ceux de ses tableaux qui reçurent le 
plus d’éloges, on cite deux vues du Corso, prises à l'époque 
du carnaval, et où les accidents pittoresques d'un jour 
de mascarade étaient spirituellement rendus. Ces deux 
tableaux, dans lesquels les mœurs romaines se reflétaient 
avec une parfaite vérité, avaient été faits pour le marquis 


( 265 ) 
Raggi. C'est probablement l’un d'eux que nous retrouvons 
au musée de Madrid, car le palais Raggi, comme beaucoup 
d’autres, a été dépouillé de ses objets d’art. 

Passeri, dans ses attaques contre Jean Miel, était l'écho 
des artistes romains qui ne pardonnaient pas aux ama- 
teurs d'employer leur argent à acheter de vulgaires bambo- 
chades. Si la composition était vulgaire, dans les tableaux 
de notre Flamand, comme dans ceux de Pierre Van Laar, 
lexécution ne l’était pas. Lanzi nous dit positivement que 
beaucoup de peintres cherchaient avec empressement les 
occasions de se procurer ces petites toiles dont les sujets 
leur déplaisaient si fort, afin d'y surprendre le secret de 
ce coloris flamand dont ils reconnaissaient la supériorité 
sur celui de leur école. 

Jean Miel composait avec facilité. Il prenait ses types 
dans les classes inférieures; mais il n’en outrait pas la 
vulgarité et ne les enlaidissait pas de parti pris, comme 
ont fait certains de nos peintres. S'il n'avait pas le senti- 
ment poétique qui fait voir à l'artiste le beau côté des 
choses, 1l n'exagérait pas le prosaisme d’une nature assez 
peu relevée déjà par elle-même. Il s’efforçait d’être simple- 
ment vrai. Le séjour de l'Italie et les études qu’il fit pour 
se mettre au niveau de l’une des manifestations les plus 
élevées de l’art, durent exercer une heureuse influence sur 
son talent. 

Tous les tableaux de Jean Miel ne se sont pas également 
conservés. Îl en peignit quelques-uns sur fonds rouges 
qui ont poussé au noir; mais ceux pour lesquels il se 
servit de panneaux recouverts d’une préparation claire, se 
sont admirablement conservés. Peu de maîtres ont porté 
plus loin la finesse et la transparence du coloris, qu'il ne 
l'a fait dans ces œuvres de choix. Aussi sont-ils taxés 


(266 ) 
par des amateurs à des prix élevés. Lebrun fixait à environ 
3,000 francs la valeur d’un bon tableau de Jean Miel, et 
l’on sait que pour la plupart des peintres flamands, les 
évaluations da commencement de ce siècle ont été de 
beaucoup dépassées. 

Le talent avec lequel Miel traitait la figure fit recher- 
cher sa collaboration par beaucoup de paysagistes et de 
peintres d'intérieurs. Parmi les artistes célèbres qui eurent 
recours à son pinceau pour animer leurs tableaux de per- 
sonnages spirituellement touchés, on cite Claude Lorrain, 
Peeter Neefs, Salvious et Bibiane. Ce nouveau témoignage 
de l'opinion qu'on avait de son mérite, ne doit pas être 
passé sous silence. 

À plusieurs reprises, Jean Miel reçut de Charles-Em- 
manuel, due de Savoie, des commandes auxquelles il ré- 
pondit de manière à se concilier la faveur de ce prince. Il 
fut invité à se rendre à Turin pour y exécuter différents 
travaux, soit dans le palais de cette capitale, soit dans la 
magnifique résidence qui venait d’être construite aux en- 
virons et à laquelle on donna le nom de la Vénerie. Le duc 
Charles-Emmanuel l’accueillit avec de grandes démon- 
strations d'estime. Aussitôt arrivé, il se mit à l'œuvre. 
Ces premiers ouvrages furent, au palais de Turin, les 
plafonds et les dessus de portes de la salle d'audience et 
de celle du trône. La peinture du plafond de cette der- 
nière salle à pour sujet une allégorie très-compliquée des 
bienfaits de la paix, avec cette devise tracée Sur une ban- 
derole : Multis melior pax una triumphis. 

Charles-Emmanuel avait donné lui-même les dessins du 
palais de la Vénerie, qui ne devait être originairement 
qu'un rendez-vous de chasse, et qui devint la maison de 
plaisance favorite des princes de Savoie. C'était surtout 


( 267 

pour l’'employer à décorer cette belle résidence, que Charles- 
Emmanuel avait fait venir notre artiste. Miel exécuta, en 
partie à fresque et en partie à l’huile, une série de compo- 
sitions représentant des épisodes de chasse, dont quel- 
ques-unes sont très-importantes. Parmi ces dernières, on 
distingue particulièrement : l’Assemblée des chasseurs, le 
Départ pour le bois, la Course et la Curée. Dans ses autres 
tableaux, l'artiste a mis en action les différentes sortes de 
chasses qui constituent l’art de la vénerie. Cochin, qui 
parle de ces peintures, dans son Voyage en Lialie, fait une 
singulière confusion de noms propres, tout en louant du 
reste les œuvres de notre artiste: « Dans le premier grand 
salon , qui monte jusqu’au haut du bâtiment, dit-il, il y a 
des tableaux de Daniel Mieli. [ls représentent plusieurs 
moments de chasses, ornés d’un grand nombre de figures. 
Quoique ce soient des figures de modes, elles sont traitées 
de fort grande manière, et d'une couleur belle et vigou- 
reuse, mais un peu noircie par le temps. Le faire en est 
fort beau , les ombres y sont décidées avec fermeté, à peu 
près dans le goût de Jamieli; mais les lumières n’y sont 
pas groupées. » Le Daniel Mieli dont parle 1e1 le critique 
français, n’est autre que notre Miel. Le Jamieli, auquel il 
le compare est encore Miel, que des écrivains italiens ont 
désigné sous ce nom, en formant une contraction du pré- 
nom et du nom (Jean Miel, Jamieli). Il serait difficile 
d'avoir les mains plus malheureuses que ne l’eut, en cette 
circonstance, le secrétaire de l’Académie royale de pein- 
ture. | 

Lalande, qui n’était pas un connaisseur de profession, 
mais un homme de goût, rend à César ce qui appartient à 
César. [l loue les œuvres de Jean Miel, le nomme par son 
nom, et nous apprend que de son temps les peintures de 


( 268 ) 

la Vénerie avaieut considérablement souffert par suite de 
l'incurie de leurs custodes. Voici ce qu'il en dit: « La 
salle des gardes renferme dix grands tableaux de Jean 
Miel, dont les meilleurs sont celui d’une halte ou repos de 
chasse et celui de la curée. Il y aurait bien quelque chose 
à dire sur leur effet; mais la touche en est libre et hardie. 
Le roi de Sardaigne est sans contredit le prince le plus 
riche qu'il y ait en tableaux de ce maître, mais on les a 
laissés dépérir. La plupart de ces morceaux sont troués 
par les hallebardes des gardes et pris par l'humidité et 
ont poussé au noir. » Qu’aurait pensé Charles-Emmanuel 
de ses successeurs, s'il avait pu prévoir qu'ils prendraient 
si peu de soin de la conservation des œuvres de son peintre 
de prédilection? 

Lanzi parle des travaux de notre artiste, à Turin, dans 
des termes qui s'accordent peu avec les critiques que lui 
inflige Passeri pour son manque de goût. Après avoir cité 
ses peintures du palais et un tableau d’autel qui se voit 
à Chieri, l'historien de la peinture italienne continue : 
« On trouve dans tous ses ouvrages l'indice des études 
qu'il avait faites en Jtalie. Noble et grandiose dans ses 
conceptions, ayant plus d'élévation que n’en ont habituel- 
lement ses compatriotes, doué d’une rare intelligence de 
la perspective verticale, remarquable par la vigueur du 
clair-obscur à laquelle s'allie une grande délicatesse de 
coloris, particulièrement dans les tableaux de cabinet, il 
excelle dans les figures de moyenne grandeur. Il donna 
des preuves de ce talent dans la Vénerie royale où 1l pei- 
gnit différents tableaux de chasses. » 

Miel était comblé de faveurs par le duc Charles-Emma- 
nuel. Ce prince l'avait nommé son premier peintre, en 
affectant un traitement considérable à cette charge. El le 


( 269 ) 

décora de l’ordre de Saint-Maurice, dont il lui remit les 
insignes ornés de diamants d’un grand prix. Bien que re- 
connaissant de ces marques de considération, Miel vou- 
lait quitter Turin. Rome était devenue sa seconde patrie ; 
c’est dans cette cité, chère aux artistes, qu'il aspirait à 
passer les dernières années de sa vie. Charles-Emmanuel 
ne mettait pas ouvertement obstacle à la réalisation de ce 
vœu; mais chaque fois que le peintre parlait de son dé- 
part, il lui accordait quelque grâce nouvelle, comptant, 
pour le retenir, sur le sentiment de la reconnaissance. 

Les ‘bienveillants subterfuges dont Charles-Emmanuel 
usa pour fixer définitivement Jean Miel à sa cour, eurent 
pour celui-ci un dénoûment funeste. Pouvait-il, sans être 
taxé d’ingratitude, s'éloigner brusquement d’une cour où 
il était traité avec tant d'égards et de libéralité? I ne put 
Sy résigner ; mais son humeur naturellement enjouée s’as- 
sombrit; il tomba dans une tristesse profonde dont rien 
ne put le distraire. Comme Winkelmann , dans son voyage 
en Allemagne qui devait avoir de si fatales conséquen- 
ces, 1l s'écriait souvent : Torniamo à Roma! mais sans 
avoir le courage de prendre une détermination. L'état de 
langueur où le jeta cette idée fixe le conduisit en peu de 
temps au tombeau. Les princes savent rarement la vérité 
ou la savent trop tard. Charles-Emmanuel, en apprenant 
à quel mal avait succombé Jean Miel, regretia amèrement 
d’avoir été la cause involontaire de sa mort. Il voulut du 
moins honorer la mémoire de l'artiste qui l'avait loyale- 
ment servi, et lui fit faire de riches funérailles auxquelles 
assistèrent , par son ordre, tous les gentilshommes de sa 
maison. La dépouille mortelle de Jean Miel fut déposée à 
Saint-Jean , église principale de Turin. Conformément aux 
dernières volontés du défunt, tout ce qu’il possédait d’ob- 

TOME xx111. — JT" PART. 18 


( 270 ) 
jets d'art fut envoyé à Gênes, au neveu du cardinal Fran- 
zoni, qu'il avait institué son légataire. 

Les biographes italiens, qui seuls pouvaient nous four- 
nir des renseignements précis sur l’époque de la mort de 
notre artiste, ne sont pas d'accord sur la date de cet évé- 
nement. Ce fut en 1656, selon Passeri, et en 1664 seu- 
lement, suivant Baldinucei, que Miel rendit le dernier 
soupir. Évidemment Passeri a tort, car le tableau d’autel, 
mentionné par Lanzi, comme se trouvant à Chieri, porte, 
avec la signature de Miel, la date de 1658. Toutes les 
probabilités sont pour l'authenticité du renseignement de 
Baldrnueci. 

Le nom du peintre flamand est écrit de facons diverses, 
et comme si ce n’était assez de ces causes de confusion, 
les Flamands et les Italiens lui ont donné deux sobri- 
quets dont il serait difficile d'expliquer l’origine. Ceux-là 
l'appelèrent Bicker et ceux-ci Giovanni della Vite. On a 
vu déjà que, du prénom et du nom de notre artiste, cer- 
tains écrivains formèrent Janieli. Il resterait à savoir s’il 
faut dire Meel avec Corn. de Bie, Miel ou Miele avec les au- 
teurs français et italiens? Pour beaucoup de biographes 
et de critiques, Meel a prévalu comme provenant d’une 
source flamande. On peut leur opposer, cependant, une 
autorité assez respectable, celle de l'artiste lui-même, qui 
a signé en toutes lettres les eaux-fortes qu'il a gravées el 
dont il va être parlé. A la vérité, il y a encore ici un léger 
doute; car on lit sur plusieurs planches Miele et sur d’au- 
tres Miel. Il est permis de supposer que le a été ajouté 
par le Flamand devenu romain de fait, pour donner à son 
nom une terminaison italienne, et que c’est à Miel qu'il 
faut s'en tenir. 

Miel n'était pas seulement un peintre habile; 1l mamiait 


(OM ) 

la pointe avec esprit ainsi qu'on peut le voir dans quelques 
eaux-fortes hautement estimées des connaisseurs. Bartsch 
décrit neuf pièces de Jean Miel, les seules qu'il ait rencon- 
trées; mais 1l ajoute que peut-être en existe-t-1l quelques 
autres qui ont échappé à ses recherches. Ces neuf estampes 
sont : 1° une Assomption de la Vierge ; ® Ganyméde enleve 
par Jupiter ; 5° un Berger jouant de la cornemuse; 4° une 
Vieille femme débarrassant une petite fille de la vermine qui 
la ronge, sujet qu’on peut observer souvent en nature dans 
la campagne romaine, mais qui n’en est pas moins d’un 
fort mauvais goût; 5° un Paysan se tirant une épine du 
pied; 6 un Frontispice pour l'ouvrage du jésuite Dan. Bar- 
toli, intitulé : La Poverta contenta ; 7° le Siège de Maestricht, 
en 1579; 8° la Prise de Maestricht ; 9 la Prise de la ville de 
Bonn par le prince de Chimai, en 1588. 

Ces trois dernières planches furent gravées par Miel 
pour l'édition des Guerres de Flandre de Strada, publiée 
à Rome, en 1640. Ce sont de piquants tableaux donnant 
une juste idée des opérations de la guerre vers la fin du 
VIF siècle. Voici comment le savant iconographe Bartsch 
les apprécie sous le rapport technique : « Une main ferme 
et hardie se fait remarquer dans ces sujets de batailles, où 
toutes les figures, même les plus éloignées, ont de l’ex- 
pression. La diversité des attitudes de ces figures et la sage 
disposition de leurs beaux groupes donnent aux trois 
estampes un intérêt d'autant plus admirable, qu'elles ne 
sont faites presque qu’au trait et que Jean Miel, pour tout 
clair-obscur, si indispensable, cependant, dans des com- 
positions riches en figures distribuées sur plusieurs plans, 
ne s’est servi que de quelques masses de demi-ombres 
très-légères, dont l’habile emploi seul à pu produire l'effet 
désiré, » 


( 272 ) 

Aux neuf pièces citées par Bartsch, il faut ajouter les 
trois suivantes : 1° une Sainte Famille, dont des épreuves 
se trouvaient dans les célèbres collections de Rigal et de 
Paignon Dijonval; 2° un Paysan occupé à traire une brebis, 
estampe qui faisait partie des mêmes cabinets et que 
M. V. Rumhor signale également dans la collection de 
Copenhague; 5° une Guerre romaîne, indiquée comme une 
des plus belles pièces du maître par M. Nagler, qui oublie 
malheureusement de dire où elle se trouve. 

La plupart des grandes galeries publiques de l’Europe 
possèdent des tableaux de Jean Miel. En voici la liste : 

Musée de Louvre : Le mendiant. — Le barbier napoli- 
tain. — Un paysage avec figures. — La halte militaire. 
— Le diner des voyageurs, œuvre capitale du maître. 

Musée de Vienne : Un port de mer entouré de fabri- 
ques; au centre du tableau se trouve un arc de triomphe 
semblable à celui de Constantin à Rome. 

Musée de Dresde : Un berger jouant de la cornemuse 
près de ses chèvres. — Deux pâtres gardant des bœufs. 

Musée de Berlin : Une halte de cavaliers. — Un paysage 
montueux, effet de soleil couchant. — Composition bi- 
zarre où l’on voit différents personnages entourant un âne 
étendu à la porte d’une maison de paysan. 

Musée de Schleissheim : Un paysage avec ruines. — 
Un guitariste s’entretenant avec une femme assise à l’en- 
trée d’une rue. 

Musée de Florence : Deux paysages avec figures et ani- 
maux. 

Galerie Doria, à Rome : Un paysage et une marine. 

Musée de Madrid : Le joueur de viole. — Le goûter des 
voyageurs près de la porte d'une hôtellerie. — Le délas- 
sement champêtre. — La halte des chasseurs. — Occupa- 


( 273 ) 
tions et entretiens de paysans. — Pasteurs et troupeau. 
— La conversation près du rocher. — Mascarade ro- 
maine. — Le barbier de village. 

En Angleterre, on voit, dans la collection de Stafford- 
house, un religieux distribuant des aumônes à la porte 
d’un couvent, et dans la galerie de Corshamhouse, un 
soldat avec une jeune femme près de l’entrée d’une grotte. 
Ces deux tableaux de Miel sont cités par M. Waagen comme 
des meilleurs de son œuvre. 

Un grand nombre de compositions de Miel ont été re- 
produites par la gravure. Outre les pièces de sa main dont 
nous avons donné plus haut l'indication, nous citerons les 
estampes suivantes : les Peintures de la Vénerie, formant 
21 sujets gravés par Tasnière; 20 paysages gravés par 
W. Haller; les Saisons, par Coelemans; le Plaisir des sei- 
gneurs et le plaisir des paysans, par Le Bas; la Naissance 
de la Vierge, par S. Picart; l’Assomption, par-G. Valet ; 
une Chasse à l'oiseau, par J. Daullé; la Désagréable aven- 
ture, par R. Goumaz; le Chirurgien sans étude et le joueur 
de musette, par Beaumont; Alexandre et Diogène, par 
F. Poilly; Hercule terrassant Bellone, par Thourneysen; 
le Diner des voyageurs, gravé par Dupréel, pour le Musée 
français. 

En parcourant les deux listes que nous venons de don- 
ner, celle des tableaux de Jean Miel et celle des estampes 
gravées d'après ses compositions, on voit combien ilya 
d'exagération dans les critiques des écrivains qui ont re- 
proché à notre artiste de n'avoir su traiter que des sujets 
d'une trivialité repoussante. Ces sujets, que le bon goût 
condamne, sont assurément en petit nombre dans l’œuvre 
de Miel; ils y figurent non comme la règle, mais comme 
l'exception. On admire la souplesse du talent de l'artiste 


(274) 


qui a peint des tableaux religieux, des scènes familières, 
des batailles, des chasses, des paysages, des marines, et 
plus que jamais on demeure convaincu qu'il à été mal 
jugé par ceux qui l'ont accusé de se complaire exclusi- 
vement dans la représentation de vils épisodes. 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Traité de mécanique rationnelle ; par A. Timmermans. Bruxelles 
et Gand, 1855; 1 vol. in-8°. 

Lettre de J.-H. Bormans, à M. Ch. Grandgagnage sur les 
éléments thiois (flamands) de la langue wallonne. Liége, 1856; 
1 broch. in-8°. 

Excursion dans l'histoire de la gravure; conférences-exhibi- 
tions données au Cercle artistique et littéraire de Bruxelles, 
pendant l'hiver de 1855-1856, par M. L. Alvin. Bruxelles, 1856; 
4 broch. in-8°. 

Note sur une monstruosité cyclocéphalienne; par M. le D: C. 
Poelman. Gand , 1856; 1 broch. in-8°. 

Nalatenschap van J.-F. Willems ; dicht- en tooneelstukken, 
met inleiding, bydragen en handteekeningen, van M. Prudens 
Van Duyse. Gand, 1856; 1 vol. in-8°. 

Les traditions liégeoises sur Charlemagne, à propos d'un rap- 
port présenté à l’Académie royale de Belgique. Liége, 1856; 
À broch. in-8°. 

Un bibliophile tournaisien à la fin du XV" siècle (1497), par 
M. F. Hennebert. Tournai, 1856 ; 1 vol. in-8°. 

La carte géologique de Belgique; pièce de vers, par M. Baze. 
Liége, 1856; 1/1 de feuille in-8°, 


(275) 

Philosophie médicale. De la maladie et de la forcée vitale; par 
M. Fallot. Bruxelles, 1856; 1 broch. in-8°. 

Journal belge de l'architecture et de la science des construc- 
tions. VIF®C année; 9e à 419%e liv. Bruxelles, 1856; 4 broch. 
in-8°. 

Moniteur des intérêts matériels. 6° année, N° 25 à 27. 
Bruxelles, 1856; 2 feuilles in-4°. 

Le cordonnier. 4% année, n°% 33 à 59; mars à septembre. 
Bruxelles, 1856; 7 feuilles in-4°. 

Une lecture par semaine. Recueil historique hebdomadaire 
publié sous la direction de Ph. Van der Haeghen, 4° à 10% liv. 
Bruxelles, 1856; 16 broch. in-16. 

Revue pédagogique. IV®® année. N% 2 et 3. Mons, 1856; 
2 broch. in-8°. 

Revue de l'instruction publique. IV"® année. N° 4 à 6. Mons, 
1856; 3 broch. in-8°. 

Messager des Sciences historiques, des arts et de la bibliogra- 
phie de Belgique. Année 1856; 2% liv. Gand, 1 broch. in-&. 

Annales de la Société d'Émulation pour l'étude de l'histoire et 
des antiquités de la Flandre. Tome X, 2"° série, n° 4. Bruges, 
1855-1856 ; 1 broch. im-8°. 

Moniteur de l'enseignement; publié par Frédéric Hennebert. 
Tome IV, n% 7 à 14. Tournai, 1856; 8 broch. in-8°. 

Revue de l'administration et du droit administratif de la Bel- 
gique. Tome INT, 5me à 7e iv. Liége, 1856; 1 cahier in-8°. 

Recueil consulaire, publié en exécution d’un arrêté du Roi. 
Tomes I et IT. Bruxelles, 4856; 2 vol. in-8°. 

Verhandeling over het S'- Heilwichs godshuis genaemd de 
Puttery binnen Mechelen; door G.-J.-J. Van Melckebeke. Anvers, 
1856; 1 broch. in-®&. 

Compte rendu des travaux scientifiques de la Société des 
sciences médicales et naturelles de Malines, présenté en séance 
publique le 42 novembre 1858 ; par M. Van Melckebeke. Malines. 
1855; 1 broch. in-8°. 


( 276 ) 

Annales et bulletin de la Société de médecine de Gand. 22%: 
année; juin et juillet. Gand, 1856; 1 broch. in-8°. 

Annales de la société médico-chirurgicale de Bruges. 17%° 
année; 5° à 8% liv. Bruges, 1856; 6 broch, in-8°. 

Journal de la société centrale d'agriculture de Belgique. 3° 
année, avril. Bruxelles, 4856; 1 broch. in-8°. 

Journal d'horticulture pratique de la Belgique. Directeur : 
M. Galeotti. 14° année. N° 4 à 5. Bruxelles, 1856; 5 broch. 
in-12. 

Archives du Muséum d'histoire naturelle; publiées par les pro- 
fesseurs-administrateurs de cet établissement. Tome VIIF;, 3° et 
Ame Jiv. Paris, 4855-1856 ; 2 broch. in-4°. 

Bulletin de la Société de l'histoire de France. N° 16. Mai 1856. 
Paris, 1 broch. in-8°. 

L'Athenaeum français. 5% année. N° 27 à 50. Paris, 1856; 
4 doubles feuilles in-4°. 

Revue de l'instruction publique. 16" année. N° 14 à 26. Paris, 
1856; 13 doubles feuilles in-4°. 

Bulletin de la Société géologique de France. 2"° série. T. XI, 
feuilles 61-65. T. XIIE, feuilles 8-14, 15-19. Paris, 1855-1856; 
3 broch. in-8°. 

Liste des membres de la Société géologique de France au 1° mai 
1856. Paris, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

Paléontologie de l'étage inférieur de la formation liasique de 
la province du Luxembourg (Grand-duché) et de Hettange, dépar- 
tement de la Moselle; par M. O. Terquem. Paris, 1855 ; 1 vol. in-4°. 

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 
1856, n° 2. Amiens, 4 broch. in-8°. 

Archives historiques et littéraires du nord de la France et du 
midi de la Belgique. 3" série; tome V®; 5% liv. Valenciennes, 
4856; 1 broch. in-8&°. 

Zeitschrift für Allgemeine Erdkunde; herausgegeben von 
D' T.-E. Gumprecht. VI Band. 3-4, 5-6 Heft. Berlin, 1856; 
2 broch. in-8°. 


6211 ) 

Acta Academiae C.-L.-C. Naturae Curiosorum. Vol. X, 
pars 1; vol. XIT, pars 2; vol. XII, pars 1; vol. XIV, pars 1 et9; 
vol. XV, pars 1; vol. XVI, pars 1 et 2; vol. XVIII, pars 2 et pars 
suppl. 1; vol. XIX, pars 1 et suppl.; vol. XXII, pars 1 et suppl.; 
vol. XXIII, pars 2; vol. XXIV, suppl.; vol. XXV, pars 1 et 2. 
Breslau, 1820-1856; 18 vol. in-4°. 

Magnetische und meteorologische beobachtungen zu Prag. 
1476 et 15%° année, 1853 et 1854. Prague, 1856; 2 vol. in-4°. 

Neues Jahrbuch für pharmacie und verwandte Fücher. Band Y. 
Heft 2-5. Spire, 1856; 3 broch. in-8°. 

The natural history review. N°% 9 à 11. Londres, 185€; 
3 broch. in-8°. 

Corrispondenza Scientifica in Roma. Anno IV‘, n° 41 à 45. 
Rome, 4856; 5 feuilles in-4°. 

Bullettino archeologico napolitano. Nuova Serie; pubblicato 
per cura di Giulio Minervini. Anno 3”. Naples, 1855; 1 vol. 
in-4°, 

Farmaco sicuro antis crofoloso e antis cirroso col riceltario 
razionale del farmaco stesso. Modène, 1856; 1 broch. in-8&. 

Exumen des événements et circonstances qui amenèrent le com- 
promis de Caspe; par H. Janer. Madrid, 4856 ; 1 vol. in-&. 

Statistique de Serbie ; rédigée par Vladimir Jakschitch. 4°° liv. 
Belgrade, 1855; 4 broch. in-8°. 

OEuvres complètes de N.-H. Abel, mathématicien, avec des 
notes et développements ; rédigées par ordre du Roiï, par B. Holmboe. 
Tome 1%. Christiania, 14856; 1 vol. in-4°. 

The American journal of science and Arts. I series, vol. XXII, 
n° 64. New-Haven, 4856; 1 broch. in-&. 


Tome xx1Ir. — Il" par. 19 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


DES 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1856. — N°9. 


l CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


| ———— 


| Séance du 25 septembre 1856. 


M. De Keyzer, directeur de la classe. 
M. An. QuereLer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Alvin, Braemt, K. Féus, Navez, 


| Suys, Van Hasselt, J. Geefs, Snel, Fraikin, Baron, Ed. Fétis, 
| De Busscher, Portaels, membres. 


Tome xx. — 11° parr. 20 


( 280 ) 


CORRESPONDANCE. 


S. A. R. le duc de Brabant fait connaître qu'il assistera 
à la séance publique du lendemain. 


— M. le Ministre de l’intérieur invite l’Académie à lui 
transmettre, dans le plus bref délai, les observations qu’elle 
pourrait avoir à présenter sur le projet de construire un 
palais des arts. 


— Le même Ministre transmet deux copies des rapports 
de l’archiviste et de l’architecte de la ville de Bruges au 
sujet de l'inscription projetée pour la halle et le beffroi de 
Bruges, avec prière de les renvoyer ensuite. 

Ces pièces seront communiquées à la commission pour 
les inscriptions des monuments. 


— M. le Ministre fait observer, dans une autre lettre, 
que le procès-verbal de la commission instituée pour le 
jugement des cantates présentées pour le concours de 
composition musicale de 1855, contenait cette observa- 
tion : 

« M. Daussoigne propose qu'en conséquence de lex- 
périence faite depuis plusieurs années, le concours (pour 
le poéme) soit supprimé; que le Gouvernement, après 
avoir consulté un comité de musiciens, désigne lui- 
même le sujet à traiter, et charge un littérateur de l’exé- 
cuter. » 

Le jury, ajoute M. le Ministre, ne s’est pas prononcé sur 
celte proposition, qu'il s'est borné à insérer dans son pro- 


( 281 ) 


cès-verbal et à soumettre au Gouvernement. La classe, en 
conséquence, est invitée à faire connaître son avis le plus 
tôt possible. 

Cette question sera examinée dans la prochaine séance. 


PROGRAMME POUR LE CONCOURS DE 1857. 


PREMIÈRE QUESTION. 
Faire l'histoire de l'origine et des progrès de la gravure 
dans les Pays-Bas, jusqu'à la fin du XV" siècle. 


DEUXIÈME QUESTION, 


Quelle a été au moyen äge, en Belgique, l'influence des 
corporations civiles sur l'état de la peinture et sur la direc- 
tion imprimée aux travaux des artistes ? 


TROISIÈME QUESTION. 


Quels sont, en divers pays, les rapports du chant popu- 
laire avec les origines du chant religieux, depuis l'établis- 
sement du christianisme? Démontrez ces rapports par des 


monuments dont l'authenticité ne puisse élre contestée. 


QUATRIÈME QUESTION. 


Quelle a été l'influence que l’école de peinture d'Italie et 
celle des Pays-Bas ont exercée l’une sur l'autre depuis le 
commencement du XV" siècle jusqu’à la mort de Rubens? 


(28 ) 
Indiquer en quoi cette influence a élé avantageuse ou nuisible 
à l’école flamande. 


Le prix, pour chacune de ces questions, sera une mé- 
daille d’or de la valeur de six cents francs. Les mémoires 
devront être écrits lisiblement en latin, en français ou 
en flamand, et seront adressés, francs de port, avant le 
1% juin 1857, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. 

L'Académie exige la plus grande exactitude dans les ci- 
tations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les 
éditions et les pages des livres qu'ils citeront. On n’ad- 
mettra que des planches manuscrites. 

Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, 
mais seulement une devise, qu’ils répéteront sur un billet 
cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Les ouvrages 
remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se 
feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront 
exclus du concours. 

L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, 
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils 
sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa 
propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire urer 
des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au 
secrétaire perpétuel. 


CONCOURS DE 1858. 


La classe adopte, dès à présent, pour le concours de 
1858, la question suivante : 


Rechercher l'enchainement des diverses architectures de 
tous les äges, et les rapports qui peuvent exister entre les 


( 283 ) 
monuments et les tendances religieuses, politiques et sociales 
des peuples. 


Les conditions sont les mêmes que pour le concours 
de 1857. 


CONCOURS EXTRAORDINAIRE. 


———. 


Prix quinquennal pour la gravure en taille-douce. 


La classe des beaux-arts ouvre un concours en faveur 
de la meilleure gravure en taille-douce qui sera exécutée 
en Belgique pendant l’espace de cinq ans. Cette période 
prendra cours le 4” janvier 1856 et finira au 51 décembre 
1860. 

Pour être admis à concourir, les artistes graveurs de- 
vront être Belges ou naturalisés. Leur planche devra re- 
produire l’œuvre d’un peintre ou sculpteur belge exécutée 
pendant le XIX”° siècle, et ils seront tenus d'en adresser 
un exemplaire à l’Académie avant le terme fatal. Cet exem- 
plaire restera déposé dans les archives de la Compagnie. 

Une médaille d’or d’une valeur de six cents francs sera 
décernée à l’auteur de la gravure couronnée. Le jugement 
du concours sera prononcé par une commission désignée 
par la classe des beaux-arts et prise dans son sein. Les 
ouvrages des membres du jury ne peuvent faire l’objet de 
son examen. 


( 284 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


M. Ad. Siret dépose la première partie de son manuscrit, 
comprenant la table des matières des vingt premières 
années des Bulletins de l’Académie; la seconde partie sera 
remise avant la séance suivante. Des remerciments sont 
adressés à l’auteur pour ce laborieux et utile travail, qui 
aura l'étendue d’un volume in-8°. 


—- M. le secrétaire perpétuel rend compte des résultats 
de la conférence de la commission pour les inscriptions 
des monuments qui s’est réunie avant la séance, et dans 
laquelle il à été fait particulièrement mention des inserip- 
tions pour deux monuments de la ville de Bruges. La 
classe adopte les vœux exprimés par la commission. 


— M. De Keyzer, directeur de la classe, a ensuite 
donné lecture du discours qu'il se propose de lire à la 
séance publique du lendemain. Ce discours est entière- 
ment approuvé, et la classe s'occupe des divers arrange- 
ments à prendre pour la séance où 1l doit être lu. 


"ss Ge —— 


(285 ) 


Séance publique du 26 septembre 1856. 


(Temple des Augustins.) 


M. DE Kevzer, directeur de la classe. 
M. ALvin, vice-directeur. 
M. Qusrecer, secrélaire perpétuel, 


Sont présents : MM. Braemt, F. Fétis, Navez, Roelandt, 
Suys, Van Hasselt, Jos. Geefs, Snel, Fraikin, Partoes, 
Baron, De Busscher, Portacls, membres; Balat, Siret, 
correspondants. 


Assistaient à la séance : 

Classe des sciences : MM. Dumont, directeur, Gluge, vice- 
directeur, Wesmael, Martens, Stas, De Koninck, Van Be- 
neden , Ad. De Vaux, Melsens, Duprez, membres ; Spring, 
associé. - 


Classe des lettres : MM. de Ram, vice-directeur, le che- 
valier Marchal, Schayes, Leclereq, de Witte, membres; 
Nolet de Brauwere Van Steeland, associés; Ducpetiaux, 
Chalon, Th. Juste, correspondants. 


À midi précis, on annonce l’arrivée de S. A. R. le 
duc de Brabant, qui est reçu par les membres formant le 
bureau de l’Académie. 

MM. les Ministres de l’intérieur et des finances assistent 
également à la séance. 

L’orchestre du Conservatoire royal de Bruxelles, sous 


( 286 ) 


ja direction de M. F. Fétis, exécute une symphonie à grand 
orchestre, composée par M. Léon de Burbure, et qui est 
entendue pour la première fois. 

M. De Keyzer, directeur de la classe, donne ensuite lec- 
ture du discours suivant : 


Moxsercneur! Messieurs! 


Quand on parcourt l'histoire de l’art et que l’on inter- 
roge les nobles reliques du génie, que les fouilles font 
sortir du sein de la terre là même où jadis florissaient des 
villes opulentes, on est frappé du cachet de grandeur dont 
ces travaux portent l'empreinte, et surtout de l'esprit élevé 
dont ces ouvrages sont animés. Devant ces souvenirs his- 
toriques de diverses époques, on reste convaineu de la 
haute mission que l’art s'est efforcé de remplir, tant que 
ceux qui le cultivaient sont restés fidèles à son principe 
essentiel. Car s'il est vrai qu'il à rendu d’éminents servi- 
ces à l’humanité, soit en excitant, soit en glorifiant tous 
les nobles sentiments du cœur, ceux qui lui ont servi 
d'interprètes ont eu fréquemment aussi leurs moments 
d’oubli et de défaillance, leurs périodes d’avilissement et 
de dégradation, et plus d’une fois 1ls ont servi la cause 
du vice et du mal. 

Si, d'une part, dans les sociétés qui comprenaient leur 
dignité et pour lesquelles les doctrines morales avaient 
quelque valeur, l’art a toujours été considéré et pratiqué 
comme un moyen de civilisation; d'autre part, les artistes 
n’ont pas toujours pu se soustraire à l'influence des mœurs 
corrompues de leur époque; ils ne se sont pas toujours 
souvenus de l'éternel principe du beau que Dieu à mis 


( 287 ) 
dans Ja nature, ni du privilége qui leur était accordé de 
le réaliser d’une manière plus ou moins complète, dans 
l’une ou l’autre des formes multiples que comprend la 
dénomination de beaux-arts, afin de le rendre ainsi utile 
au bien-être de leurs semblables. 

C’est comme moyen civilisateur, c'est comme stimulant 
moral, que l’art fut honoré dans les temps organiques des 
sociétés anciennes. Dans ces temps où le beau était le 
corollaire du vrai, l’art contribua, par son action toute- 
puissante, à élever le caractère sacré des divinités et des 
héros, à développer le sentiment de la patrie et de la na- 
tionalité, à inspirer l’ardeur de la gloire, à perpétuer le 
souvenir des grandes actions , à préparer les cœurs à tous 
les dévouements et à tous les sacrifices. 

Demandez à Tyrtée ce qu'il a fait pour Lacédémone; 
demandez à Homère ce qu’il a fait pour la Grèce entière. 
Entrez avec Pausanias dans le temple de Delphes, et voyez 
comment les sculpteurs et les mosaistes éternisaient les 
actes mémorables de la nation. 

Si Périclès et Alexandre pouvaient nous répondre, le 
premier nous dirait peut-être qu'il était fier d'Athènes, 
parce que Phidias l'avait peuplée de ses grandioses chefs- 
d'œuvre; et le second, que l'honneur d'avoir été reproduit 
par le ciseau de Lysippe valait bien, à ses veux, celui 
d'avoir remporté quelques victoires sur Darius. Enfin, con- 
templez Rome à sa belle époque; le peuple de statues qui 
l'encombre et les arcs de triomphe qui s’y dressent ne 
sont-ils pas des pages vivantes des glorieuses annales de la 
patrie? 

Considérés à ce point de vue social et civilisateur, les 
beaux-arts ont, aussi bien que les sciences et les lettres, 
leur rôle et leur but: ils concourent au développement 


( 288 ) 


moral et intellectuel des peuples; ils constituent un moyen 
puissant d'enseignement public; ils élèvent l'esprit de 
l’homme par les grandes pensées qu'ils expriment, et son 
cœur par les grands exemples qu'ils immortalisent. Mais 
mieux que les lettres et les sciences, ainsi qu’on l’a déjà 
dit, l'art a une langue universelle comprise du monde 
entier, soit qu'il raconte en historien, soit qu'il raisonne 
ou moraliste; et à quelque peuple qu’il s'adresse, il leur 
parle à tous leur langage national. 

Loin de nous la présomption d'entreprendre de déve- 
lopper ici l'influence que les arts ont exercée sur la société 
et que la société, à son tour, a exercée sur les arts. Matière 
vaste et féconde, que nous pouvons à peine indiquer som- 
mairement dans le cadre étroit qui nous est assigné, et 
dont nous devons nous borner à tracer une rapide et légère 
esquisse. | 

Les témoignages que Les beaux temps de la Grèce, cette 
époque de vertu civique et de grandeur militaire, qui fut 
en même temps une des plus éclatantes périodes de l’art 
antique, nous ont légués sur les productions des maîtres 
que nous eitions 1l y à un instant et de leurs illustres ri- 
vaux, ne peuvent nous laisser aucun doute sur la haute 
portée des œuvres de ces immortels artistes. 

Rome aussi, aux jours de sa splendeur civile et sociale, 
vit ses architectes, ses sculpteurs, ses peintres consacrer 
leur génie à la glorification des grandes idées, des événe- 
ments dignes d’être rappelés aux générations et des actes 
méritoires qui enseignent et parlent haut, parce qu'ils 
sont des exemples. 

Mais quand le luxe de l'Orient eut envahi la société 
romaine et y eut introduit tous les vices; quand la dignité 
individuelle eut disparu dans luniversel relâchement des 


( 289 ) 


mœurs; quand l'égoisme eut remplacé la grandeur, les 
arts dévièrent de leur but élevé et ils se perdirent, comme 
ils s'étaient perdus en Grèce, dans le désordre des idées et 
des guerres civiles. 

Après la désorganisation de la société romaine, une 
ère nouvelle commence. Le paganisme expirant assiste au 
triomphe de l'Évangile, et l’art chrétien sort des cata- 
combes, rudimentaire encore et peu développé, mais rem- 
pli de la séve énergique d’une foi jeune et forte; il avait 
servi jusqu'alors à exciter le sentiment religieux et à soute- 
air, dans l'épreuve du martyre et du sacrifice, les victimes 
tombées en confessant la doctrine du Sauveur. Une fois 
transporté au grand jour et dégagé des entraves du symbo- 
lisme, 1l recueille les traditions des temps passés, anime 
la forme ancienne d’un esprit nouveau et inaugure ce 
style romano-chrétien qui, à travers des transformations 
diverses, atteindra sa sublime perfection de naïveté sous 
Giotto, de sainteté sous Angelico de Fiesole, et de grâce 
sous Masaccio, sans avoir cessé un instant d’être fidèle à 
son noble but. 

Bientôt après ces maîtres, la rayonnante école de Tos- 
cane ouvre ses portes à la dépravation des mœurs qui avait 
envahi la république florentine ; elle fait déchoir l’art des 
hauteurs où il était parvenu; elle le met au service des 
mauvaises passions, elle le dépouille de cette couronne 
puré et sainte que tant de siècles avaient tressée et em- 
bellie. Si bien que les artistes , à la voix de Savonarole, 
allument sur la place publique de Florence un bûcher 
qui dévore toutes les œuvres empreintes d’un sentiment 
paien et licencieux. Sans vouloir entrer dans l’apprécia- 
tion des caractères différents par lesquels se distinguent 
les écoles qui datent de l’époque de la renaissance, nous 


(290:) 

devons dire cependant que l’art se modifia profondément 
vers la fin du XV”* siècle et au commencement du XVI”°, 
et qu'il s'enrichit de qualités particulières de la plus haute 
valeur, selon les individualités sous l’action desquelles il 
se développa. Tandis que le divin Raphaël disait : L'art 
est un envoyé de Dieu, le fougueux Michel-Ange disait dans 
son orgueil : L'art, c'est moi! Auquel de ces deux hommes 
illustres, dont l’un nous charme toujours et dont l’autre 
toujours nous étonne, l'humanité doit-elle le plus? A cette 
question nous voulons bien qu'on réponde : A tous les 
deux. 

Car tous deux ont maintenu l’art dans sa sphère élevée, 
l’un en parlant aux cœurs le langage de l'idéal, l'autre en 
parlant le langage de l'idéal aux esprits. Raphaël, onc- 
tueux comme Fénélon, Michel-Ange, grandiose comme 
Bossuet, mais tous deux promoteurs d’un grand et même 
principe, le christianisme. 

À la vérité, nous voyons des influences déplorables agir 
sur un certain nombre d'artistes contemporains ou suc- 
cesseurs de ces maîtres célèbres, tels que l'Arétin à Venise; 
nous les voyons contribuer à la décadence du spiritua- 
lisme et provoquer des tendances d'une tout autre nature; 
mais, de même que le vrai et le bien, l’art n’en reste pas 
moins incorruptible dans son principe et dans son es- 
sence. 

C'est aux artistes qui se vouent au culte du beau et du 
bien qu’il appartient d’en défendre le principe. A quelque 
source qu'ils puisent leurs inspirations, soit à l’histoire 
sainte, soit à l'histoire profane, soit même aux faits de 
la vie ordinaire, en perpétuant le souvenir d’un acte de 
courage civique, de charité ou de dévouement, ou même 
en faisant valoir le charme du foyer domestique, ils sont 


( 29€ ) 

des instructeurs pour leurs semblables, ils enseignent et 
améliorent. | 

Se relâcher sur le principe que nous énoncions tout à 
l'heure, c’est préparer la décadence de l’art, c’est donner ac- 
cès au mauvais goût. Or, comme l’a dit un écrivain de grand 
sens, la mode et le mauvais goût dans les arts équivalent 
à la corruption. Si le contraire du beau devait prévaloir, 
le terme beaux-arts mentirait à lui-même et cesserait d’ol- 
frir une signification pour l'esprit. Car n’hésitons pas à le 
dire, toute méritoire que peut être une œuvre d'art sous 
le rapport de l'exécution et des qualités techniques, si elle 
est dénuée d’une pensée noble et digne, si elle est dénuée 
de la réalité de l’expression vue de haut, elle manque d'un 
élément essentiel qui doit contribuer à lui assurer une 
existence durable, elle manque surtout à ce but moral 
que la plupart des grands artistes se sont proposé, et qui 
est : le beau, le bien et le vrai. 


———— 


GRAND CONCOURS DE SCULPTURE ET DE GRAVURE. 


M. Quetelet, secrétaire perpétuel, donne lecture de deux 
procès-verbaux qui lui ont été communiqués par M. le 
Ministre de l’intérieur et qui concernent les décisions 
prises par les jurys au sujet des deux grands prix de Rome, 
décernés par l’Académie royale des beaux-arts d'Anvers, 
en 1855 et 1856. 

Pour le premier prix de gravure, un acte du 18 juin 
1856 porte que la pension de 2,500 francs, instituée par 
arrêté royal du 15 avril 1817, sera payée pendant quatre 
années conséculives, à partir du 4% janvier 4856, au sieur 


(292 ) 
G. Biot, afin de le mettre à même de faire un voyage selon 
l'itinéraire qui lui sera tracé. 

Le second prix, consistant en une médaille d’or de la 
valeur de 500 francs ou en une somme équivalente en nu- 
méraire, a été décernée à M. Campotosto. 

Pour le concours de sculpture, concernant le prix de 
Rome, le jugement, en date du 42 septembre 1856, adjuge 
le prix à M. Vanderlinden (Gérard). 

Un second prix a été décerné à M. Bogaerts (Pierre- 
Alphonse). 

MM. Biot et Vanderlinden, ainsi que M. Bogaerts, sont 
venus recevoir, des mains de S. A. R., les récompenses 
qui leur ont été accordées. 


— L’orchestre à ensuite exécuté une cantate avec solo 
de chant, chœur et orchestre, par M. Soubre, ancien lau- 
réat du grand concours de composition musicale. 

Le duc de Brabant est resté jusqu’à la fin de la séance. 
Avant de se retirer, il a complimenté MM. de Burbure et 
Soubre, les compositeurs dont les productions venaient 
d’être exécutées, et s’est entretenu avec plusieurs membres 
de l'Académie. 


( 293) 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 11 octobre 1856. 


M. Dumoxr, directeur. 
M. AD. QuETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur , Tim- 
mermans, Wesmael, Martens, Plateau, Stas, De Koninck, 
Van Beneden, de Selys-Longchamps, Gluge, Nerenburger, 
Melsens, Schaar, Duprez, membres; Élie de Beaumont, 
Schwann, associés ; Meyer, Poelman , Houzeau, Ern. Que- 
telet, d'Udekem, correspondants. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l’intérieur envoie une note de M. De- 
laire, de Paris, avec un mémoire sur la longueur du 
mètre. M. Lamarle est nommé commissaire pour l'examen 
de ce travail. 


— Le même Ministre envoie un exemplaire de chacune 
des cartes du sol et du sous-sol du royaume, dressées par 
M. Dumont; et, par une autre dépêche, il demande l'avis 
de l’Académie sur la construction d’un palais des beaux- 


( 294 ) | 
arts. M. Stas est nommé membre de la commission mixte 
désignée par les trois classes pour examiner cette question. 


— L'Académie reçoit des remerciments, pour l'envoi de 
ses publications, de la part des Académies de Copenhague 
et de Stockholm, de la Société de Berne, de l’Académie 
de Vienne, du Musée néerlandais d’antiquités de Leide. 

Elle reçoit aussi les publications de l’Institut national 
génevois, de l’Académie des sciences de Stockholm, des 
Naturalistes suisses, de l’Académie impériale de Vienne, de 
l’Académie Léopoldo-Caroline des curieux de la nature de 
Bonn, de l’Académie de Stanislas de Nancy, de la Société 
d'agriculture de Chälons, ete. 


— L'Institut libre de Wagner, à Philadelphie, propose 
un échange de publications, qui est accepté. 


— M. le secrétaire perpétuel donne communication 
d’une lettre de M. Maury, associé de l’Académie, qui 
manifeste le désir d'étendre à toute la terre le système 
d'observations adopté par la marine de différents pays. 
L’habile météorologue américain mentionne les succès 
qu'il a obtenus déjà dans son pays. 


— L'Académie reçoit les mémoires manuserits suivants: 

1° Quel est le rôle des nitrates dans l’économie des 
plantes ? Mémoire de M. Georges Ville (Commissaires : 
MM. Martens et Kickx); 

2% Un travail sur la vie moyenne, par M. Charles 
Willich, de Londres (Commissaire : M. Schaar); 

5° Description d’un cadran électrique, par M. Gérard 
(Commissaire : M. Ad. De Vaux); 

4 Formules pour trouver l'ère chréuenne, par M. Le- 


(2%) 

clercq, de Wazemme près de Lille. (Commissaires : 
MM. Liagre et Nerenburger); 

5° Note pour démontrer l'existence d’une atmosphère 
autour de la lune. (Commissaires : MM. Liagre et Neren- 
burger); 

6° Extension de quelques théorèmes d'attraction, par 
M. Delsaulx. (Commissaire : M. Schaar.) 


— M. l'ingénieur J. Manilins demande à l’Académie 
d'accepter le dépôt d’un billet cacheté sur un travail dont 
il s'occupe : ce billet a été remis au mois d'août, au com- 
mencement des vacances académiques. 


— M. Pegado, directeur de l'observatoire météorolo- 
gique de Lisbonne, envoie la suite de ses observations et 
la description manuscrite des instruments qu'il emploie. 


— M. le docteur Grassi, de Paris, fait parvenir le ré- 
sultat de ses expériences sur le chauffage et la ventilation, 
et annonce l'envoi d’un nouvel ouvrage qui contiendra le 
résultat de ses recherches. 


— M. Zeising, de Leipzig, envoie un exemplaire de 
son ouvrage sur le développement du corps humain, qui 
a lieu, dit-il, d’après la méthode appelée par les mathé- 
maticiens aurea seclio ou proportion en moyenne et ex- 
trême raison. 


Tome xx. — Il" parr. 21 


( 296 ) 


CONCOURS DE 1356. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Donner un aperçu historique et critique des méthodes qui 
ont élé employées pour déterminer la figure de la terre, de- 
puis les expéditions françaises en Laponie et au Pérou. 


L'Académie à reçu un mémoire portant pour devise : 


C’est par la théorie et l'expérience que les géometres 
et les astronomes, depuis Newton, se sont guidés 
dans la recherche de la véritable figure du globe. 


(Puissanr.) 


(Commissaires : MM. Liagre, Nerenburger et À. Quetelet.) 


TROISIÈME QUESTION. 


On tend, aujourd'hui, à substituer l'enregistrement des 
observations de météorologie et de physique du globe par 
des moyens mécaniques, à leur constatalion directe par 
des observateurs ; on demande d'examiner la valeur com- 
parative des deux moyens, en ayant égard à leur mérite 
scientifique ainsi qu'aux soins et aux dépenses qu'ils occa- 
sionnent. 


IT est parvenu un mémoire portant la devise : 


La détermination des lois météorologiques dépend 
avant tout de l'observation. 


(Commissaires : MM. Duprez, Stas et A. Quetelet.) 


( 297 } 
QUATRIÈME QUESTION. 


Etudier, au moyen de nouvelles expériences , l'influence 
que le nerf grand sympathique exerce sur les phénomenes 
de la nutrition. 


Un mémoire est parvenu à l’Académie ; il porte la de- 
vise : 
Un pas apres l’autre. 


(Commissaires : MM. Schwann, Spring et Gluge.) 


ed 


CONCOURS EXTRAORDINAIRE, 


OUVERT PAR M. LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS, 


Indiquer un système complet de moyens ralionnels et pra- 
tiques de porter l'exploitation des houillères à mulle mètres 
au moins de profondeur, sans aggraver sensiblement les 
conditions économiques dans lesquelles on opère aujour- 
d'hui en Belgique. 


La classe des sciences a reçu trois mémoires portant 
les inscriptions : 
1° Savoir c’est pouvoir; 
2° À la garde de Dieu; 
9° Les deux lettres : S. G. 
La classe a reçu de plus une lettre d’un anonyme sur 
la question mise au concours. 
(Commissaires : MM. Ad. De Vaux, Brasseur et Lamarle.) 


( 298 ) 


RAPPORTS. 


M. Schaar, commissaire pour différents mémoires de 
M. Meyer, demande à être dispensé d'intervenir, comme 
juge, dans le rapport à faire sur ces travaux. 

Après quelques explications échangées à ce sujet, M. le 
directeur décide que la Commission sera composée de 
MM. Liagre, Lamarle et Brasseur. 


————— 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


M. Quetelet donne communication des observalions qui 
ont été faites, au commencement du mois d’août dernier, 
pour constater le nombre et la direction des étoiles filantes. 
Le temps a été généralement défavorable et l'observation 
des phénomènes fort entravée. Il rend compte des observa- 
Lions faites dans le royaume et dans plusieurs pays envi- 
ronnants, d'après des notes qui lui ont été communiquées. 

A Bruxelles , les observations ont été faites, le 7 août 
1856, de 9° 25" à 10° 25°, par M. Bouvy; le nombre des 
météores pendant cette heure s’est élevé à 9 seulement : il 
a été aidé ensuite par M. Ernest Quetelet, et, à partir de 
11 heures, 14 météores ont été enregistrés jusqu’à 11° 45"; 
des nuages épais ont empêché la continuation des obser- 
vations. 

Le 8 et le 9, le ciel était couvert. 


( 299 ) 


Le dimanche soir, 10 août, le ciel était favorable, et du 
lieu où se faisaient les observations, les deux tiers du ciel 
étaient visibles. M. Ernest Quetelet commenca les obser- 
vations à 9° 45"; son père vint l'aider à 10° 11", puis 
M. Clays, son beau-frère, à 10 h. 26 m. Les observations, 
à partir de 11° 24", furent faites ensuite par MM. Ernest 
Quetelet et Clays seuls; elles se sont présentées de la ma- 
nière suivante : 

29 météores de 9b 45" jusqu’à 10" 45m. 
80 — de 10 47 jusqu'à 11 20, c'est-à-dire en 35". 


36 — de 11 24 jusqu'à 12, c'est-à-dire en 36", 
ou une étoile filante par minute. 


Parmi ces étoiles filantes, il s’en trouvait un assez grand 
nombre de première grandeur, comparativement aux 
étoiles ; plusieurs laissaient de belles traînées après elles ; 
leur marche se faisait dans l’ordre suivant : 


N. ai À 
NE 9 
E. A 
SE . Ô 
S #97 
SO . 84 
(32062 . 16 
NO . 4 


Les observations étaient recueillies sur la terrasse de 
l'Observatoire, du côté du sud , de sorte que les arbres et le 
bâtiment faisaient perdre à peu près le tiers des étoiles 
filantes, dont le nombre pouvait s'élever à 45 pour la pre- 
mière heure , et devenait à peu près double vers minuit; il 
est facile de voir que les étoiles filantes ordinaires ou spo- 
radiques suivaient à peu près toutes les directions du ciel, 


au nombre de 46 à peu près par heure, et que les étoiles 


( 300 ) 


filantes périodiques qui s’ajoutaient à celles-là, suivaient 
une marche comprise entre l’ouest et le sud. C’est parmi 
ces étoiles qu’on a reconnu les plus brillantes et celles qui 
présentaient les trainées les plus belles. 

Le 11, il se forma un orage pendant la soirée; on en- 
tendit le tonnerre vers 9 heures, et le galvanomètre oscilla 
de plusieurs degrés des deux côtés de sa position d’équi- 
libre. Le ciel présenta ensuite quelques éclaircies, et 
M. Bouvy compta de 10° 40° à 11* 40° quatorze étoiles 
filantes. Une très-belle étoile filante se montra à 10° 44", 
au-dessus de Pégase du SSO au NNE; elle avait l'éclat de 
Jupiter. Les étoiles filantes semblaient émaner en général 
de Cassiopée et suivre la direction SO. 

Le 12, on aperçut à travers les nuages quelques étoiles 
filantes, puis le ciel se couvrit. 

Le 15, le ciel était également couvert; un orage se 
forma au NO vers 10 heures et demie, puis passa vers le 
nord à 41 heures un quart : le vent inférieur était à l'OSO 
et le vent supérieur au NNO. Le galvanomètre marqua 
différents degrés en oscillant des deux côtés du méridien 
magnétique. 


—— M. Léopold Blanpain, aide-mécanicien de lObserva- 
toire de Bruxelles, observa à S'-Josse-ten-Noode : 


Le 5, de 9° 50® à 10: 50", par un temps superbe, 14 étoiles filantes. 


— 4,de9 40 à10 45, H T: MUR TE 
— %,de9 55 à 9 55, 72: suit 
— 6,de9 50 à10 55, _ TUE 


7,de9 50 à10 50, beau, un peu voilé, .22  — 
— 8, temps couvert. 
=D. de, 
— 10, de 9° 50m à 10h 55", légers nuages . . . 32 — 


— 11,12 et 15, temps couvert. 


( 301 ) 


Ces étoiles, rangées par ordre de direction, donnent : 


MR NNE Eu... 2... 9 étoiles filantes. 
NEReRRBNE Le NL rit re, 9 — 
PRE PSE RM ut, 0 — 
SE SSSR — 
ESS DE in cn 19 — 
SOREROSO 60... . 0. 46 — 
CRERONOEE 2... |. 19 — 
NOR NNOMEM EE. 0 . :. 19 _ 


Sur ces étoiles filantes, 6G étaient sans traînée, 16 
avaient une traînée et 52 n’ont pas élé déterminées. 

Le 5 août, une étoile filante de forte dimension et à 
traînée lumineuse s'est montrée dans la queue de la grande 
Ourse et s’est dirigée lentement vers l'Est. Elle a disparu 
dans la voie lactée, après avoir parcouru un espace d’en- 
viron 75 degrés, en 5 ou 4 secondes. 


— M. Duprez écrivait de Gand, de son côté, à M. Que- 
telet : 

« L'aspect du ciel a été ici défavorable à l'observation des 
étoiles filantes dans les nuits des 9 et 41 de ce mois; je 
n'ai pu observer que dans la nuit du 10, et, dans l’inter- 
valle de deux heures de temps, j'ai vu apparaître 25 mé- 
téores, savoir 40, de 10 à 11 heures, et 15, de 11 heures 
a minuit. Ce nombre est bien faible comparativement à 
ceux des autres années; toutefois je dois dire que la région 
du ciel comprise entre le NE et le SE, vers laquelle était 
dirigée mon attention, ne resta point complétement se- 
reine pendant toute la durée de mes observations. 

» Les directions des trajectoires ont été assez variables, 
comme vous pouvez vous en assurer par l'aperçu suivant : 


( 302 ) 
Du N AUS EEE SRE à étoiles filantes. 
— NNE au SS0 . 
— NE au SO. 
DEPE Ca T0; 
Du SE. au NO. . 
— SSE au NNO. 
— S au rNee 
— SO au NE 
De PO à FE. 
Du NO au SE. . 
— NNO au SSE . 


19 19 O1 > 19 æ 19 19 O1 NO O1 


» J’ajouterai à ces détails qu'environ la moitié des mé- 
téores ont laissé après eux des traïnées plus ou moins 
persistantes, et que la plupart semblaient diverger, comme 
les années précédentes, d’un point situé entre les constel- 
lations de Persée et de Cassiopée. » 


—— 


Lettre adressée de Munster, le 15 août 1856, à M. À. Quetelet: 
par M. le D'E. Heis, professeur de mathématiques. 


« Pendant les derniers jours du mois juillet et les pre- 
miers jours du mois d'août, j'ai observé, en compagnie de 
14 étudiants en mathématiques de l’Académie, beaucoup 
d'étoiles filantes; en voici le relevé : 


Date et heure de l'observation. Étoiles. Total. 


Juillet 26. 9b 47m à 10b. 5 
20 à 10 30" re À 
10, SD lat 16 (59 en D 4tr. 
— 11 à 11 28% 15 | 

Juillet 28499 45% 10e ah SoeNE: f G 
— 10 à .20 0m AC 10 
— 10-907 RAT NET DOME. 19 PER Or ID: 
— 11 06 1: AN 5 | CORRE 2 D LORS GES | 


— 12 60 00m SUCRE 


( 305 ) 


Date et heure de l'observation. Étoîles. Total. | 


Juillet 29. 9h 55m à 10h . 2 | 
te 10 à 10 530" o | 
\ h 9m 
MID SO à 111; jy 
eh (11 à 11 18" 54 
Tillet 50 9.39 à 10 . . 2 | 
UN T0 à 10 50m 4 
03011 93 
\a7s 9h 50m 
NUE à 11 50% Ho A0 
I SU A 19 . . 15 | 
pe à 12 9m. 6 | 
Juillen51.9 56 à 10 :. . 1 
F7 10 à 10 30" 11 | 
a s 50 se aq + D'OZren 2h 2 
nn 11 50. à 12 … . | 
| 49 à 12 17° 20 | 
Août 17.9 42 à 10 . . 9 | 
LE 10 à 10 30" 29 
0 50 a 11 95 
SA 11 à 11 30 26 133 en 2è 54m 
AUD. à: 19 |. 94 
Pt 40 à 12 36% 97 | 
APN ON 560 à 10 20.2 jan. 2 13 
10 SO SON cl A 001 
10 0 411 -. .  . 17 


— 11 GES Ut TU one a EL de ? 166 en 5k 58m, 
—— RP ONDES pau us 198 
— 3 18 AD SOUS Lee 6 \ 
— 1 DEC NES DT SEE: 
Po nr Jin A 2 TO. 1508 dite. 2 A0 
— 10 2101 902,2 PR 94 | 
— HOMO AT Te C0 RE NT 7) "06 en 9 117 
— 11 AD SONORE RE 09 
— MAS OA ls 56 LUN -e hu0S 
PONT GNT at FO ONLINE NO en 56m 


(304) 


Date et heure de l'observation. Étoiles. Total. 


Hoût. 6 9% 50m a 10 NI OUUe ER Dr 


= 10 a 10300 
— 10 50 à 11 Re Al Het 
— 11 à LIN S0P EE 0 Ch 25 gs 
— 1 NS Pa RU NE 
— 12 at SU See ue 
— 12H60 419, 58 RAR LE | 
Août 12. 11 Mi REG] LerS PR ee 1 
— 1125024112 tt M0 MG Then dE ar 
— 12 1124590 Ji 207 


» Le nombre horaire des étoiles filantes était : 


JUIN ER AE de VENTES 
SN OS MES Pan ES Ne PATES 
SOU NaT UE UN RIRE ENS 
— 30 . 29 
— 91 . 41 
Août - 477. 46 
— 2 Ep 50 
— SLR 41 
— (RUE 65 
= NSAAUE 45 


» Le 1” août, à 12" 22» 97°, j'observai un globe de feu 
d’une couleur verdâtre, qui, au point d'extinction, deve- 
nait rouge. Ce globe partit d’un point qui avait 275° AR 
— 9° décl., et disparut à un point qui avait 257° AR — 
45° décl. J'ai lu quelques jours après, dans la Gazette de 
Cologne, qu’on a aperçu à Namur, dans le même temps, 
quelques minutes après minuit, un globe de feu qui par- 
tait de la constellation du Cygne et se dirigeait vers la 


petite Ourse. Je ne doute pas que ce météore ne soitiden- K} 


( 305 ) 
tique avec celui que j'ai vu à Munster. Peut-être pourriez- 
vous vous informer par quelle personne ce météore a été 
observé : il me serait très-agréable de connaître les points 
de son apparition et de son extinction, pour en calculer 
la hauteur et les autres circonstances. » 


— Voici ce que contenait, d’une autre part, une réponse 
à des renseignements que je demandai à M. Ch. Monti- 
gny, professeur à l’athénée de Namur, pour satisfaire à la 
demande de M. Heis. 

« Ce n’est point de moi qu’émane l'observation d’un 
météore à Namur, au sujet duquel j'ai reçu une lettre de 
vous ce matin; c'est M. Henri Lambotte, docteur en 
sciences naturelles, qui a communiqué au journal l’Éclai- 
reur de notre ville l’article suivant, inséré dans le numéro 
du 2 août : 

« Un météore remarquable par son éclat a traversé lat- 
» mosphère au-dessus de notre ville, aujonrd’hui 2 août, 
» à minuit et quelques minutes. C'était un globe lumineux 
» dont le diamètre équivalait à peu près au tiers de celui 
» de la lune, et qui se portait du sud au nord. D'abord 
» rougeûtre, il passa par nuance au bleuitre; il acquit 
» alors un éclat tel qu’on pouvait distinguer, à plus d’une 
» lieue, les détails du paysage comme en plein jour. fl 
» s’éteignit ensuite, se divisant en petits globes étoilés et 
» [aissant une traînée lumineuse rougeâtre qui marqua 
» le trajet pendant plus de cinq secondes depuis la con- 
| » Sstellation du Cygne jusque vers la constellation de 
| » la petite Ourse. » 


|] — Une lettre de M. Alexandre Serpieri, directeur de 
« l'Observatoire des Ecoles pies d’Urbin, m'a fait connaitre 


( 306 ) 
le nombre des étoiles filantes observées dans cette rési- 
dence, vers la même époque. Ainsi 


Du 8au 9 août, de 10 à 12 heures, il a observé . . 95 étoiles filantes. 
— 9Jau10 — delà 1 — —— : 11182 — 
— 10au11 — deltaà. 1 — — 275 — = 
— Î1au12 — de12à 2 — —- 171 — — 


Leurs trajectoires passaient presque toutes par le cercle 
décrit par l'épée de Persée, et le nombre des directions 
vers l’hémisphère occidental est à peu près double de celui 
vers l’hémisphère oriental. La direction la plus rare fut 
le NE, et la plus fréquente vers l'O et le SO. 

On voit que, quant aux directions, les résultats sont à 
peu près les mêmes que pour Bruxelles. 


Extrait d'une lettre de M. Colla, directeur de l'Observatoire 
météorologique de Parme, à M. A. Quetelet, directeur de 
l'Observatoire de Bruxelles. 


« Le G, le 27 et le 50 mars, les variations dans la dé- 
clinaison magnétique ont été irrégulières à Parme, et le 
soir du 25 a été signalé par une perturbation. Les 22, 95, 
24, 25 et 51, nous n'avons constaté presque ancune trace 
d'ozone atmosphérique; mais, au contraire, le papier 0zo- 
nométrique s’est fortement coloré pendant le 4, le 2, le 
16, le 49 et le 21. Le 12, le temps se mit à la pluie, 
qui n’a cessé de tomber le lendemain et même le 14, et 
le baromètre resta toujours au-dessous de sa hauteur 
moyenne. L'eau recueillie s'est élevée à presque 51 mil- 
limètres. 

» Pendant la nuit du 48 au 49, un halo lunaire blanc 


( 307 ) 


de plus de 40° de diamètre s’est montré avec une durée 
persistante, et un beau globe de feu a paru dans l’espace 
le soir du 22. Ce globe a été également aperçu en Piémont. 

» Le 29 mars, après un violent vent d'est accom- 
pagné de pluie et de neige, la température a baissé ex- 
traordinairement pour la saison, le thermomètre ayant 
marqué le lendemain pour minimum + 2°,0 R. et le 
51 + 1°,0 seulement. Gelée blanche à la campagne et 
gelée même en quelques positions spéciales. Cette per- 
turbation atmosphérique avait été annoncée longtemps 
d'avance par le baromètre. 

» En avril, la planète Mars, se trouvant en opposition 
au soleil, surpassait en éclat les autres planètes visibles 
et les étoiles de première grandeur, « (Sirius) du grand 
Chien excepté. Sa lumière paraissait plus rouge que celle 
des étoiles « (Aldébaran) du Taureau, « d'Orion et « (Anta- 
rès) du Scorpion. Au milieu du mois, la planète, dans sa 
marche rétrograde, s’est beaucoup rapprochée de l'étoile 7 
de la Vierge, qui est de 5 ‘2 grandeur, et a affaibli son 
éclat à tel point qu'elle était devenue presque invisible à 
l'œil nu. 

> Depuis le 51 mars jusqu’au 5 avril, l'ozone atmosphé- 
rique à presque tout à fait manqué; le 8, la coloration des 
papiers s'était déclarée avec beaucoup d'intensité, sans 
s'effacer, comme d'ordinaire, après l'immersion, et con- 
serve même encore à présent une faible coloration pom- 
melée irrégulière sur tout le papier préparé et employé 
pour les observations. 

» Un excès d'ozone, mais non aussi fort que celui du 8, 
a été signalé les 10, 14, 17, 22, 95 et le 25 avril. Des 
orages ont éclaté le 9, le 14 et le 15 de ce mois; et les 
28, 29, 50, une perturbation atmosphérique extraordi- 


( 308 ) 


naire a eu lieu. Pendant les deux premières dates, et le 
15, le barreau magnétique de déclinaison a éprouvé des 
mouvements très-irréguliers. 

» Un halo lunaire s’est montré le. soir du 41 et du 12, 
et il y eut une apparition d’un arc-en-ciel dans l’après- 
midi du 25. 

» Une perturbation atmosphérique encore plus violente 
que celle des 28, 29 et 50 avril, a été signalée à Parme le 
1%, le 5, le 4 et le 16 mai. Du 1* au 4, les chaînes de 
montagnes et les collines environnantes ont été couvertes 
de neige, ce qui a occasionné une forte baisse de tempé- 
rature pendant la journée du 40, et une rosée abondante, 
mais sans gelée. 

» Pendant le mois de mai, le baromètre a varié beau- 
coup, particulièrement les 8, 9, 40, et du 16 au 20. Le 
16, le mercure (réd. à 0°) était tombé jusqu’à 756"",27 
(27°2/,40); le soir, il a commencé à monter très-sensi- 
blement, poursuivant sa marche ascendante jusqu’au 20, 
avec une différence = + 20,95 (81,97). Dans l’après- 
midi du 46, le temps est devenu pluvieux et agité par suite 
d’un vent violent du SO-O0, qui a régné pendant toute la 
journée. Le 17, le vent soufflait d’abord dans la direction 
de l’ouest, puis dans celle du nord-ouest et du sud-ouest. 
L’hygromètre a marqué, pendant une partie de la journée, 
4%. On sait que le 16 mai des ouragans ont sévi en diverses 
régions de l'Europe, de l’Asie et de l'Afrique. 

» Parmi les phénomènes de ce mois, il faut signaler : 
4° l'apparition d’un bel arc-en-ciel qui s’est montré dans 
l'après-midi du 8 et dans celle du 12 ; 2° le 24, la visibilité 
à la vue du disque d’un soleil couchant, malgré son aspect 
incandescent; 5° un halo lunaire le soir du 15, et un autre 
le matin du 22 avec deux jets de lumière disposés en croix 


( 309 ) 

et ayant pour centre le disque de la lune; 4° la visibilité 
de la planète Mercure à l’œil nu le soir du 54. 

» Dans une autre lettre, je résumerai les phénomènes 
enregistrés en juin et en juillet. 

» P.S. Je me propose d'observer les étoiles filantes vers 
le milieu d'août avec mon aide. Je vous communiquerai 
les résultats que j'aurai obtenus. » 


—— 


Notice sur la distribution de quelques fossiles carbonifères ; 
par M. De Koninck, membre de l'Académie. 


J'ai déjà eu l'honneur d'entretenir l’Académie de re- 
cherches relatives aux fossiles que renferme le terrain 
carbonifère de Belgique. 

Elle voudra bien se rappeler que le nombre des espèces 
animales appartenant à ce terrain, que je suis parvenu à 
déterminer, s'élève déjà au delà de 600. 

L'étude que j'ai faite de toutes ces espèces m’a conduit à 
les grouper en trois sections, dont la première comprend 
les espèces qui se trouvent dans le système houiller pro- 
prement dit; la seconde est composée des espèces du 
calcaire de Visé, et la troisième de celles du calcaire de 
Tournay, ou des autres roches qui correspondent à ces 
calcaires. 

Les espèces de la première section sont toutes caracté- 
ristiques de l'étage auquel elles appartiennent; mais il 
n'en est pas de même de celles qui constituent les deux 
autres groupes. Parmi celles-ci, il y en a quelques-unes 
qui sont caractéristiques pour le calcaire qui les renferme 
et d’autres qui sont communes à l’un et à l’autre. 


( 310 ) 

La même différence se remarque en Angleterre et en 
Russie. Ainsi, tandis que les fossiles carbonifères des envi- 
rons de Bristol et de Moscou sont les mêmes que ceux que 
nous fournit le calcaire de Tournay, les fossiles des envi- 
rons de Newcastle, de Glasgow et de Cosatschi-Datchi dans 
l’Oural, sont identiques aux espèces du calcaire de Visé. 

Cette identité des faunes fossiles appartenant à des ro- 
ches souvent séparées par des distances énormes, n’est pas 
un des faits les moins importants acquis par les travaux 
des paléontologistes modernes. En poursuivant cette com- 
paraison jusque dans ses dernières limites, on remarque 
parfois que des espèces très-abondantes dans certaines lo- 
calités ne se retrouvent pas dans d’autres, dont les couches 
fossilifères appartiennent néanmoins au même système. 

C'est ainsi que les Spirifer striatus, rotundatus et cus- 
pidatus, très-abondants dans le calcaire carbonifère des en- 
virons de Dublin, n'existent pas dans celui de Hook-Head, 
situé à l'extrémité méridionale de l'Irlande. 

Le même phénomène s'observe en Belgique. Le calcaire 
de Tournay, auquel se rattachent les calcaires d’Ath, de 
Soignies, des Écaussinnes, de Chanxhe et quelques autres, 
ne m'ont jamais fourni les spirifers que je viens de citer, 
tandis qu'ils existent assez abondamment dans ce mäme 
calcaire aux environs de Dinant. 

C'est aux travaux assidus et au concours désintéressé de 
M. Dupont, avocat à Dinant, que je suis redevable de la 
connaissance de ce fait. 

Les recherches de cet amateur infatigable et plein de 
zèle pour la science lui ont permis de constater que ces 
spirifers sont accompagnés, dans les couches qui les ren- 
ferment, de plus de cent trente espèces de mollusques, 
dont trente environ sont nouvelles. 


CT) 

Parmi ces dernières, que je me propose de faire con- 
naître bientôt, se font surtout remarquer quelques magni- 
fiques Cardiomorpha avicula, aviculo -pecten et autres 
bivalves dont la découverte est venue enrichir une faune 
déjà très-remarquable sous le rapport du nombre et de la 
variété des animaux qui la composent. 


ns 


Extrait d'une lettre adressée à M. De Koninck, par M. James 
Hall, d'Albany. 


« Je m'occupe en ce moment de l'étude de quelques nou- 
velles et remarquables formes de Graphtolithes. Quelques- 
unes d'entre elles me permettront d'exposer des idées 
toutes neuves sur leur mode de développement. 

» En effet, ce que l’on connaît jusqu'ici de ces animaux 
ne sont que des fragments d’un animal complet. Ces ma- 
gnifiques objets ont été déconverts pendant l'exploration 
géologique du Canada, et m'ont été confiés par sir William 
Logan, le directeur de cette exploration, pour en faire la 
description. » 


Note sur quelques dispositions à donner à la marmite de 
Papin et sur un avertisseur électrique; par M. Melsens, 
membre de l’Académie. 


Dans la séance du 4% maïs, j'ai eu l'honneur de présen- 
ter à l’Académie un modèle d’avertisseur électrique appli- 
cable entre autres aux manomètres métalliques. Cet appa- 
reil pouvant être utilisé dans l’industrie, j'avais cherché 

Tome xx. — IF PART. 22 


( 312 ) 

à ie munir d’une pile simple, commode, mais n’exigeant 
pas les soins qui souvent font abandonner dans la pratique 
les appareils munis d’une batterie de quelques couples ; les 
expériences tentées dans ce but avaient paru assez satis- 
faisantes, mais l'étude que j'en ai faite ne me permet pas 
encore de remplacer avantageusement la pile de Daniel, 
assez généralement adoptée pour les télégraphes, par cette 
pile nouvelle, car elle n’a pas donné des résultats aussi 
satisfaisants que les éléments de Bunzen du modèle belge 
adopté par le Gouvernement pour nos lignes télégraphi- 
ques. Je reviendrai sur ces expériences, dont je ne parle ici 
que comme un des motifs qui m'ont empêché de présenter 
cette note dans la séance du mois d'avril. 

L’avertisseur électrique a été imaginé à la suite d’expé- 
riences faites à haute pression dans la marmite de Papin, 
à laquelle j'ai donné quelques dispositions qui la rendent 
très-commode et qui permettent d'opérer avec toute la 
sécurité désirable, condition essentielle pour un appareil 
qui peut toujours être, sinon dangereux, du moins d’un 
maniement délicat et parfois effrayant pour l’auditoire, si 
les expériences se font dans les cours publics. Je pense 
donc qu'une description de cet appareil peut être utile. 

La figure n° 1 représente la marmite et son fourneau 
dessinés en perspective, tels qu'ils ont été construits pour 
mon laboratoire. 

Il suflit pour tous les chimistes, qui connaissent le mo- 
dèle ordinaire, monté dans un fourneau ordinaire, de voir 
la figure pour se rendre compte de quelques-uns de ses 
avantages. 

La figure n° 2 montre les détails; les cotes permettront 
aux Constructeurs de rester dans des limites que mon 
expérience m'a prouvé être au moins convenables. 


(315 ) 

Le bâti ou support (fig. 1) (B) du fourneau (F) est indé- 
pendant de celui-ci; 1l se compose de quatre fortes barres 
de fer forgé montées sur des roulettes; à la partie supé- 
rieur, il est muni d'un petit rebord dans lequel le fourneau 
proprement dit vient s'adapter; ce rebord (r) fixé aux 
pieds, ainsi que les traverses (6, €, €, t), consolident tout 
le système; une porte à charnière (P), qui se trouve ou- 
verte dans la figure, peut se fermer et se fixer au moyen du 
bouton (b), de façon à intercepter le courant d'air à travers 
le fourneau. Celui-ci, de forme cubique est fabriqué au 
moyen de quatre fortes tôles de fer soudées à quatre barres 
de fer placées et fixées dans les angles du fourneau. Ces 
quatre barres verticales en constituent le squelette. 

La grille du fourneau est fixée dans l'intérieur, d’un 
côté, au moyen d’une charnière, de l’autre, au moyen de 
deux tiges qui traversent les parois et se terminent à l’ex- 
térieur par des boutons de cuivre (a). 

Ces dispositions permettent de faire tomber brusque- 
ment tout le feu qui entoure la marmite, en laissant tom- 
ber la porte (P) et en enlevant les boutons qui soutiennent 
la grille. 

Deux portes (p), placées sur deux parois opposées, 
maintiennent le combustible et servent à l’introduire; 
en les ouvrant, lorsqu'on fait tomber la porte P du bâti 
et la grille, un courant d'air froid lèche la marmite et 
s'écoule en partie par les cheminées (c, c), placées sur les 
deux autres parois du fourneau; on est donc maître d’ar- 
rêter brusquement et instantanément l’action du feu et de 
conjurer le danger qu'elle peut présenter, quand on n’a 
pas ces moyens très-prompts de refroidissement. 

Pour ménager le courant d'air destiné à alimenter la 
combustion, quatre ouvertures (0, o) sont pratiquées dans 


( 514 ) 

la partie inférieure du fourneau; elles sont mumies de 
petites portes (g) qui glissent dans un rebord bien travaillé. 
Ces dispositions et un registre (s, s) à la partie supérieure 
des cheminées sont très-commodes, car ils permettent de 
régler le feu de façon à maintenir très-facilement une pres- 
sion et une température données dans la marmite pendant 
plusieurs heures consécutives. 

Le fourneau est couvert par une forte plaque de tôle (T), 
munie d’une ouverture circulaire qui permet à la marmite 
d'y passer; cette plaque est consolidée par deux portions 
d’anneaux (u) de fer très-fort, sur lesquels le rebord de la 
marmite de Papin vient s'appuyer, tandis que l’étrier (e) 
qui maintient le couvercle, s'appuie sur cette plaque elle- 
même. La marmite est donc suspendue dans le fourneau, 
son fond se trouve ainsi à environ 7 centimètres de la 
surface de la grille : elle peut être entourée parfaitement 
par le combustible qui s’y introduit, soit par les portes (p), 
soit par les cheminées (c). 

Il n’y a pas de modification bien importante dans les 
dispositions de la marmite elle-même et de son couvercle. 
Celui-ci s'adapte au moyen d’un étrier ordinaire en acier; 
je crois cependant pouvoir recommander aux expérimen- 
tateurs, qui s'occupent de recherches à haute pression, 
l’ensemble de l'appareil tel que je l’ai adopté. 

Le dessous du couvercle et le dessus de la marmite sont 
munis de quelques rainures dans lesquelles s’impriment 
les disques de plomb dont je me sers pour fermer l’appa- 
reil, ce qui suffit pour empêcher complétement les fuites. 
Le couvercle est muni d'un tube (4) destiné à introduire 
un thermomètre; une soupape de sûreté (m) à siége plat, 
comme elle est ordonnée par le règlement de police sur 
les machines à vapeur, se place près des bords. Un mano- 


(315) 


mètre métallique permet de contrôler toujours si la ten- 
sion intérieure correspond à la température indiquée par 
le thermomètre. 

La pièce qui porte le manomètre est elle-même munie 
d’un robinet qui permet de faire écouler les gaz par le 
tube (n). Par cette disposition on peut opérer sur des corps 
susceptibles de se transformer en gaz, qu'il est facile de re- 
cueillir et d'examiner. | 

J’ai parfois muni la marmite en bronze d’une chemise 
intérieure en plomb à soudure autogène et opéré sur des 
matières acidifiées par l'acide sulfurique. 

Bien qu’on puisse, en faisant un effort considérable avec 
un long bras de levier, fermer hermétiquement la marmite 
avec l’étrier, je pense qu'une fermeture au moyen d’écrous 
serait plus commode. Il suflirait d'augmenter le diamètre 
du couvercle et celui des rebords de la marmite propre- 
ment dite. Les dispositions adoptées par M. Regnault pour 
raccorder les robinets me semblent aussi pouvoir être 
adoptées avec avantage; car létrier offre toujours quel- 
ques difficultés pour fermer convenablement l'appareil, la 
vis dont il est muni n’exerçant sa pression que sur un 
point. 

Des expériences, dont je compte avoir sous peu l’hon- 
reur d'entretenir l’Académie, faites d’abord dans la mar- 
mite que Je viens de décrire, ont été adoptées dans l’in- 
dustrie. Le travail mdustriel se fait à des températures et 
à des pressions peu élevées comparativement à celles qu'on 
peut faire dans un autoclave de petites dimensions ; mais 
la masse considérable des matières mises en œuvre, les 


dimensions des machines, la négligence des ouvriers ou 


des mécaniciens, sont autant de causes d'accidents, sur- 
tout lorsqu'il s'agit d'opérations toutes nouvelles, pour 


(316) 


lesquelles il faut, pour ainsi dire, faire l'éducation des 
ouvriers. La surveillance, dans ce cas, devient un travail 
pénible pour les directeurs d'usines, surtout si, pour ména- 
ger les capitaux et les intérêts, on organise le travail de 
nuit à côté du travail de jour. 

Si J'ajoute à ces considérations que, pour la réussite de 
certaines opérations, la température et la pression doivent 
être maintenues pendant un temps voulu, il ne suffit plus 
de munir les chaudières ou les autoclaves des appareils 
de sûreté ordinaires, il faut augmenter les précautions et, 
s’il est possible, se faire rendre compte de la conduite des 
ouvriers par des moyens mécaniques infaillibles. 

On connait les enregistreurs à diagrammes, les sifflets 
d'alarme, les rondelles fusibles, ete. Les diagrammes ont 
été montés de façon à donner le temps pendant lequel un 
phénomène se passe. Pouvait-on avoir quelques-unes de 
ces données sans se déranger de son cabinet de travail? 
Pouvait-on faire sonner chez soi un timbre d'alarme 
quand l’ouvrier était en faute? Pouvait-on adapter cet 
avertisseur à l'appareil de sûreté par excellence, le ma- 
nomètre ? 

Ce problème a été résolu par M. Breguet de Paris, qui 
avait exposé, en 1855, un avertisseur électrique applicable 
aux appareils indicateurs ou de sûreté des chaudières à 
vapeur, etc. « Le principe de son invention consiste à 
» utiliser la mobilité des pièces indicatrices des appa- 
» reils de süreté, telles que l'aiguille des manomètres, 
» baromètres, tiges des flotteurs, etc., pour fermer et 
» ouvrir un circuit métallique , afin d'établir, lorsqu'il en 
» est besoin, un courant électrique destiné à faire fonc- 
» tionner unesonnerie, pour avertir lorsque la tension de 
» Ja vapeur ou le niveau de l'eau dépasse son maximum 


(317) 
» ou son minimum, ou, en d’autres conditions, la vitesse 
» des volants, etc., etc. » 

Une des applications de ce principe avait été faite par 
M. Breguet au manomètre de M. Bourdon; celui-ci, de son 
côté, avait déjà, dès 1849, utilisé la mobilité de l'aiguille 
de ses manomètres et de ses thermomètres pour faireéchap- 
per la détente d’une sonnerie à rouages, et même pour 
faire ouvrir ou fermer le registre d’un foyer et la valve qui 
communique avec la source de chaleur. 

L'avantage est tout en faveur de l’appareil électrique de 
M. Breguet, parce que l’avertisseur est hors de la portée 
de l’ouvrier et peut être placé dans le cabinet des direc- 
teurs d'usine. 

L’avertisseur que je propose est une modification de 
celui de M. Breguet. Les dispositions que j'ai adoptées 
diffèrent assez peu des siennes, tant qu'il ne s’agit que 
d'ouvrir ou de fermer le courant : la seule modification 
importante de mon appareil consiste à lui faire enregistrer 
la durée d’un phénomène; il est applicable, du reste, non- 
seulement aux manomètres, mais aussi à tout appareil 
dans lequel la mobilité de certaines pièces permet d’éta- 
blir des contacts destinés à ouvrir ou à fermer un circuit 
voltaique. A 

Or ces appareils sont assez nombreux dans l'industrie. 
Souvent il peut être utile de constater le temps pendant 
lequel un phénomène s'accomplit au moyen d’un appa- 
reil mis sous clef, dans lequel on peut disposer les indi- 
* cations de manière à forcer l’ouvrier à être attentif à son 
travail. 

Il est difficile de dire à priori quelles pourront étre les 
. applications que la pratique industrielle sanctionnera ; 
mais on peut dès à présent indiquer toutes les formes pos- 


(318) 


sibles de manomètres et de baromètres, des thermomètres 
ordinaires et des thermomètres métalliques, des flotteurs 
de niveaux d’eau, des aréomèêtres, des volants dont on ap- 
précierait la vitesse, des régulateurs à force centrifuge, des 
presses hydrauliques ou autres, des aréomètres destinés à 
indiquer d’une manière constante ou intermittente la den- 
sité de liquides en évaporation, des gazomètres dans les- 
quels la pression doit être contrôlée à certaines heures du 
jour et de la nuit. Pour la surveillance dans les fabriques, 
les théâtres, les prisons, on pourrait forcer les rondes de 
garde à tenir le circuit fermé à des moments donnés et 
pendant un temps voulu. 

Je désire ne faire ici que la description de Papplica- 
tion de l’avertisseur au manomètre Bourdon, placé sur la 
marmite de Papin : il sera facile de comprendre comment 
il peut s'appliquer dans d’autres cas. 

Disons tout de suite quelles sont les indications four- 
nies par l'appareil : 

4° IL inscrit sur un cadran le temps pendant lequel la 
pression manométrique a été maintenue dans des limites 
voulues ; 

2 Une sonnerie d'alarme se met en mouvement aussi- 
tôt que la pression s'élève au delà d’un point déterminé. 
Cette sonnerie marche lorsque le circuit est fermé : une 
sonnerie à rouages peut lui être adjointe ou substituée à 
volonté ; 

5° Les deux appareils cités aux n°® 1 et 2 peuvent mar- 
cher isolément ou simultanément ; 

4 On peut à un instant donné se faire avertir par Îa 
sonnerie. 

Il est inutile de décrire en détail comment on peut 
ouvrir et fermer un circuit voltaique qui passe par lai- 


( 519 ) 
guille d'un manomètre Bourdon; il suflit de se servir du 
métal du manomètre qui est en communication métal- 
lique avec l'aiguille, de mettre ce métal en contact avec le 
fil qui se rend à l'un des pôles de la pile; la pointe de 
l'aiguille viendra dans sa marche buter ensuite contre 
une lame métallique en communication avec le fil par- 
tant de FPautre pôle de la pile; le prolongement de ce 
fil passe par la boite métallique du manomèëtre, mais il 
est isolé de celle-ci par une pièce en matière isolante; le 
courant sera fermé chaque fois que l'aiguille rencontrera 
la lame métallique. Les dispositions dont je viens de 
parler sont celles adoptées par M. Breguet, bien entendu 
que j'omets ici les détails de construction; celles que j'ai 


adoptées les remplacent avantageusement, en ce sens 


qu’elles permettent d'appliquer facilement l’avertisseur aux 
manomètres déjà placés dans l’industrie et qu'elles se pré- 
tent à quelques combinaisons utiles. 

Les figures 5, 4 et 5 représentent des boutons (b) qu'on 


_ fixe dans la glace (9) du cadran du manomètre au moyen 


d’un écrou (e); la glace fait fonction de matière isolante : 
ces boutons sont munis d’une lame métallique (!) contre 
laquelle l'aiguille du manomètre viendra buter. La figure 4 
montre une disposition dans laquelle le courant est fermé 
aussi longtemps que l'aiguille du manomètre se trouvera 
entre les divisions 9 et 10 tracées sur le cadran de lin- 
strument. La figure 5 montre une disposition analogue, 
mais les boutons (b, b) sont rattachés métalliquement. Le 
fil (f) dans les figures 5, 4 et 5 se rend à l’un des pôles de 
la pile. Il est inutile d’insister sur ces dispositions très- 
faciles à exécuter et à comprendre. La place de ces boutons 
sur le cadran vis-à-vis des divisions du manomètre, leur 
nombre, la manière dont on les relie , peuvent donner lieu 


( 320 ) 
à des combinaisons qui, sur l'appareil avertisseur, se lra- 
duisent en signaux que les directeurs d'usines peuvent faire 
varier à leur convenance. 

La figure G représente un bouton analogue aux précé- 
dents qu’on peut placer sur la glace, vis-à-vis de l’axe de 
rotation de l’aiguille; il est destiné à mettre l'aiguille en 
communication métallique avec le second pôle de la pile 
au moyen du fil (f”); la lame (1) des figures 5, 4 et 5 étant 
remplacée par un ressort (r) qui vient s’appuyer sur la tige 
et le bouton (B) qui portent l'aiguille du manomètre munie 
de la pointe inoxydable (p). 

Il suffit, du reste, de mettre le fil (f”) en contact avec le 
métal du manomètre, pour que le circuit soit fermé quand 
la pointe (p) (fig. 6) viendra buter contre l’une des lames (!) 
des boutons fixés vis-à-vis des divisions du manomètre; le 
contact peut très-bien s'établir de cette façon et le bouton 
de la figure 6 devient inutile dans ce cas. 

Le mécanisme de la fermeture ou de l’ouverture du 
cireuit est très-simple , comme on voit. Il s’agit de l’em- 
ployer convenablement pour obtenir les indications vou- 
lues. 

Commençons par décrire en quelques mots l'appareil 
au moyen duquel on obtient, sur un cadran, la trace de la 
durée d’un phénomène par la fermeture d’un circuit vol- 
taïique. À cet effet nous supposerons qu'un industriel désire 
savoir pendant combien de temps la pression manomé- 
itrique dans une chaudière a été maintenue entre 9 et 40 
atmosphères. 

Des boutons analogues à ceux de la figure 4 ou 5 seront 
placés sur le cadran du manomètre, vis-à-vis des divi- 
sions 9 et 10. Lorsque la pointe (p) touchera les lames (1), 
le cireuit sera fermé; mais le courant passe dans l'éleetra- 


( 321 ) 

aimant (E) représenté fig. 7, muni d’un contact (A) fixé 
à un levier coudé (a, b, c), mobile autour d’un axe hori- 
zontal (0); l'extrémité de ce levier est garnie d’une pointe(p) 
qui se trouve dans le prolongement du centre de rotation 
des aiguilles d’un mouvement d’horlogerie. L’armature (A) 
est attirée par l’électro-aimant (E), lorsque le circuit est 
fermé. Le petit timbre (C), suspendu par un ressort, ne sert 
qu à démontrer que l'extrémité (a) du bras de levier peut 
servir à faire échapper une détente quelconque, celle d’une 
sonnerie à rouages, par exemple. La fermeture du circuit 
détermine dans le bras de levier (a, b, c) un mouvement 
dans le sens des flèches de la figure, puisque l’armature (A) 
sera attirée vers la surface (s, s) de l'électro-aimant, Un 
ressort (R} ramène toujours la pointe (p) au même niveau, 
lorsque le circuit est ouvert. 

Pour plus de simplicité, on suppose que le temps pen- 
dant lequel le circuit est fermé sera indiqué par l'aiguille 
des heures seulement, et pendant un seul tour du cadran, 
bien qu'on puisse adopter des dispositions analogues pour 
l'aiguille des minutes et qu'on puisse faire mouvoir la 
pointe du crayon de façon à donner des indications qui ne 
se confondraient pas, pendant plusieurs tours du cadran, 
en faisant décrire une ligne spirale au style. Je crois devoir 
éviter ces descriptions peu importantes, du reste, pour le 
but qu’on se propose. 

L’aiguille de la montre s'adapte à frottement ou de toute 
autre façon sur l’axe (M) du mouvement d’horlogerie; cette 
aiguille est munie d’un coude vertical (m), terminé par une 
rainure (r) traversée par une goupille (g) qui maintient un 
bras de levier (a’, b’) mobile autour de la goupille (9). 

Le bouton qui porte l'aiguille des heures est muni de 
deux guides entre lesquels le levier (a’, b’) peut se mou- 


( 522 ) 
voir de bas en haut, mais qui ne lui permettent pas de se 
déplacer à droite et à gauche. 

Le bas de levier (a’, b’) porte à son extrémité (a’) un 
bouton (t) légèrement creux, au centre duquel la pointe (p) 
vient s'appuyer; l'extrémité (b") de ce levier est munie d'une 
sphère traversée par un canal dans lequel on fixe le pin- 
ceau (P), maintenu à une hauteur voulue par une vis de 
pression (V). La masse de cette sphère est calculée de telle 
façon que le levier (a, b') porte le pinceau sur les divisions 


(D), lorsque la pointe (p) est soulevée dans le sens indiqué 


par la flèche au moment de la fermeture du circuit; et 
comme le mouvement de la montre entraîne le pinceau, 
celui-ci laisse sur le cadran une trace correspondante au 
temps pendant lequel le circuit a été fermé : car au mo- 
ment où le circuit s'ouvre, la pointe (p) presse le bouton (6), 
le crayon est soulevé et la trace disparaît. 

Le cadran du mouvement d'horlogerie est entouré par 
une glace dépolie fixée sur une surface parfaitement plane 
et horizontale sur laquelle on a tracé des divisions (D) qui 
correspondent aux indications de la montre. Ces divisions 
sont parfaitement visibles au travers de la glace dépolie. 
Un crayon fin et doux en mine de plomb, en craie, un 
pinceau chargé d’encre grasse donnent des lignes qu'il 
suffit de nettoyer, si l’on veut s'épargner la peine de chan- 
ger tous.les jours un papier divisé entourant le cadran et 
recevant les traces du passage du crayon. 

J'ai déjà dit que le mouvement du bras de levier (fig. 7, 
a, b, c) peut être mis à profit pour enrayer ou désenrayer 
le ressort d’une sonnerie à rouage; mais on peut rendre 
la sonnerie indépendante des indications de la montre et 
ne se servir du timbre à rouages que comme signal. 

Pour rendre la sonnerie indépendante du mouvement 


( 323 ) 

d'horlogerie, on monte un second électro-aimant sur l’ap- 
pareil; celui-ci en commande une seconde d’un son diffé- 
rent de la première : les vibrations du marteau peuvent, 
du reste, être produites par le courant lui-même. Les son- 
neries électriques construites par M. Breguet, de Paris, 
celles de M. Lippens, de Bruxelles, remplissent parfaite- 
ment ce but : cette dernière a l’avantage de ne pas inter- 
rompre le courant. 

L’électro-aimant à sonnerie réalise la seconde indica- 
tion que l'appareil est appelé à fournir, celle de donner 
un signal d'alarme à un instant voulu. 

La troisième indication , qui consiste à faire marcher les 
deux appareils à la fois, s'obtient facilement en dirigeant 
le courant de façon à le faire passer par les deux électro- 
aimants, disposition qu’on exécute facilement au moyen 
de commutateurs qu’il est inutile de décrire. 

Quant à la quatrième indication de l’avertisseur, celle 
qui consiste à se faire appeler par la sonnerie, elle peut 
être utile dans les laboratoires et dans les usines, dans ce 
sens qu'on peut librement vaquer à ses occupations et être 
averti à un moment donné qu'il faut exercer une surveil- 
lance quelconque. | 

La figure 8, donnant le plan complet de l'application 
de l’avertisseur au manomètre métallique, fera compren- 
dre son jeu dans le cas posé; elle permet de se rendre 
compte de toutes. les modifications que l'appareil peut 
recevoir, soit par l’adjonction de plusieurs électro-ai- 
mants, soit par la nécessité d'indications arrangées d'une 
autre facon. 

Les fils conducteurs sont représentés (fig. 9) par les 
traits marqués f et f”, qui se rendent aux pôles de la pile. 
Un troisième fil flexible (f”) part d’un des commutateurs 


( 324 ) 

placés près de la sonnerie et vient aboutir au bouton iso- 
lant (m, , fig. 9, etm, fig. 8), composé d’un cylindre d'ivoire 
terminé en biseau et surmonté d’une charnière métalli- 
que rattachée métalliquement au fil f” (fig. 11). Cette char- 
nière peut être maintenue dans une position verticale et 
faire un mouvement qui renverse la lame métallique (m) 
sur le fil conducteur f”. La flexibilité du fil (f”) permet de 
placer le cylindre où l’on veut tout autour du cadran ; la 
charnière étant levée, le circuit est ouvert ; mais à l’heure 
voulue, la pointe (q) qui termine le levier (a b', fig. 7) ren- 
verse la charnière qui vient toucher le fil (f); dans cette 
position, le circuit est fermé, car le fil (f) communique mé- 
talliquement avec (f’) à travers l’électro-aimant de la son- 
nerie : c’est là une des dispositions que j'ai adoptées; d’au- 
tres marchent bien aussi. 

Il nous reste à voir maintenant les dispositions de l’en- 
semble, dont le plan est représenté figure 8 et que nous 


supposerons être formé de deux électro-aimants, dont l’un 


commande le mouvement d’horlogerie et l’autre la sonne- 
rie. L'appareil porte une petite boussole qui permet de 
s'assurer que la pile fonctionne bien en faisant passer le 
courant par la route désignée par les flèches n° 4. 

Des commutateurs, parfois des courants dérivés, per- 
mettent de conduire les courants à volonté. Je n’insiste 
pas sur ces détails que chacun connait. 

Je supposerai qu'un directeur d'usine veuille savoir, 
dans son cabinet, le temps pendant lequel l'aiguille d’un 
manomètre placé sur une chaudière s’est trouvée entre les 
divisions a et b (fig. 8), mais qu'il veuille être prévenu, 
par la sonnerie d'alarme, si l'aiguille est portée jusque c. 

Deux voutons comme ceux de la figure 5, ou un bouton 
comme celui de la figure #, seront placés sur la glace du 


de 


D: 172, 276part, pag 


F9. 8. | 


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( 325 ) 

manomètre de façon à ce que son aiguille vienne en mar- 
chant toucher la lame qui se trouve placée vis-à-vis des 
divisions a et b. Au moment de la rencontre, le courant 
sera fermé; mais comme on aura disposé l'appareil de 
manière à forcer le courant à suivre la route tracée par les 
flèches n° 1, en passant par l’électro-aimant E, le crayon 
marquera la durée du contact sur la montre. Si l'aiguille 
dépasse b, le circuit est ouvert et la trace disparaît sur le 
cadran. 

L’aiguille atteint-elle le point c, où se trouve un bouton 
conducteur comme celui de la figure 3 ou 4, le circuit sera 
de nouveau fermé, mais l'appareil aura été disposé de 
façon à faire suivre au courant la marche indiquée par les 
flèches n° 2, en passant par la sonnerie, qui vibrera pen- 
dant tout le temps du contact. 

Veut-on faire marcher la sonnerie et l’électro-aimant E 
simultanément, on fera suivre au courant la route indiquée 


Led 


par les flèches n° 5, et il passera dans les deux électro- 


aimants. 

On obtient encore des combinaisons nouvelles en super- 
posant Les électro-aimants au lieu de les juxtaposer ; mais 
je pense que ces détails suffisent amplement. Il sera facile 
à chacun de prendre les dispositions exigées par l'atelier 
ou les laboratoires dans lesquels les instruments fonction- 


neront. 


( 326 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du G octobre 1856. 


M. M.-N.-J. Leczerco, faisant fonctions de directeur. 
M. An. QUETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. le chevalier Marchal, De Smet, 
Roulez, le baron de Saint-Genois, David, Paul Devaux, 
Schayes, Snellaert, Carton, Polain, de Witte, Arendit, 
membres; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Ma- 
thieu , Kervyn de Lettenhove, Th. Juste, correspondants. 

MM. Sauveur , Stas et Jehotte, membres des deux autres 
classes, assistent à la séance. 


me 


CORRESPONDANCE. 


L'Académie reçoit une première ordonnance de paye- 
ment sur l'exercice 1856, s’élevant à 21,000 francs. 


— M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir le rapportde 
l'administration communale de S'-Gilles-Waes et celui de 
M. Schayes, relatifs à une découverte archéologique faite 


( 92% ) 
sur le territoire de celte commune. (Commissaire 
M. Roulez.) 


— Le même Ministre fait connaître qu'une commission 
a été nommée pour examiner les questions relatives à la 
construction d’un palais des beaux-arts, et il demande les 
observations que l’Académie royale de Belgique croirait 
utile de mettre sous les veux de la commission. 

M. Gachard est nommé commissaire avec M. le secré- 
taire perpétuel; chacune des deux autres classes a été invi- 
tée à désigner également un commissaire pour représenter 
ses intérêts et constituer une commission mixte. 


— Il est donné communication de plusieurs autres 
lettres du Ministre, accompagnées d’envois de livres pour 
la bibliothèque de l'Académie. 


en 


RAPPORTS. 


—— 


De l'avenir de la littérature nationale; note de M. Rotuer. 


Mapport de M. de Saint-Genoiss 


« J’ai lu le travail si neuf et si piquant de M. Rottier, 
intitulé : De l'avenir de la littérature en Belgique. Comme 
fond, comme pensée, c’est un article qui ne manque ni 
d'originalité, ni d’un certain à-propos; comme forme, 
comme style, il est remarquablement bien éerit et atleste 
| l'étude approfondie et continue des bons écrivains fran- 
| çais. L'idée qui y domine est cependant toute belge, toute 
| nationale, si nous y comprenons les anciens Pays-Bas tout 
| Tone xx. — II" parr. 95 


(928 ) 

entiers. Îl est toutefois à regretter que, dans le début de ce 
procès fait aux tendances littéraires de la Belgique actuelle, 
l’auteur mette un ton acerbe, agressif, parfois injuste qui 
ne se concilie guère avec la modération dont tous les écrits 
que l’Académie royale de Belgique à accueillis jusqu'ici 
dans ses collections, sont généralement empreints! Nous 
croyons avec M. Rottier que ce n’est pas toujours vers la 
France que nous devons tourner les yeux; nous croyons 
avec lui que nous ne pouvons pas oublier la connexité qui 
a existé de tout temps entre la vie de nos provinces et 
celle de la Hollande d'aujourd'hui; enfin nous reconnais- 
sons comme lui le danger qu'il y a à faire constamment de 
VAUTO-ADMIRATION; mais est-on obligé d'avancer toutes ces 
vérités aussi brusquement, d’une manière aussi crue que 
M. Rottier? voilà ce que nous laissons à la docte Compagnie 
le soin de décider. Pour notre part, nous ne voulons pas 
nous prononcer contre l'insertion de ce travail dans nos 
Bulletins; mais nous émettons le vœu que, s’il est accueilli 
par vous, l’article soit revu par l’auteur, sous les rapports 
indiqués plus haut, et qu'il en fasse disparaître certaines 
allusions à la politique de têtes couronnées, qui n’ont pas 
grand'chose à voir en cette affaire et dont il faut par anti- 
cipation respecter les susceptibilités. » 


ie 


Bapport de Æ. le chanoine Ie Smet. 


« Le style de cette note est d’une élégance rare dans ce 
pays et prouve que l’auteur s’est formé sur les meilleurs 
écrivains français; mais les saillies d'humeur dont il est 
rempli ont souvent une acrimonie peu convenable, à mon 
avis, dans une discussion littéraire et, comme l'a re- 


( 329 ) 
marqué M. de Samt-Genois, très-opposée aux formes 
paisibles de nos débats académiques. 

Quant au fond, il s'appuie sur des suppositions et 
des preuves, qui, bien que présentées avec art et un air 
remarquable de conviction, pourraient sans trop d’exagé- 
ration être qualifiées de paradoxales. M. Rottier croit que 
les Belges n'aiment que leur nation et exaltent outre me- 
sure leurs grands hommes : je pense que la thèse contraire 
pourrait fort bien être soutenue. Il croit qu'ils ont tort de 
publier des généalogies, d'anciens comptes, etc., et, ce 
qui paraît un peu contredire ses premières assertions, de 
célébrer les rois d'Espagne et les feld-maréchaux autri- 
chiens. Je ne sais qui est coupable de ce dernier méfait, 
mais en supposant les autres accusations vraies, comment 
nuiraient-elles à la littérature nationale? L’auto-admira- 
lion que nous reproche M. Rottier existait réellement, et 
bien davantage que chez nous, à Athènes comme à Rome, 
en Espagne et en Italie, comme en France et en Hollande. 
Aurait-elle nui à la littérature de ces contrées? La plupart 
ont eu soin de faire consciencieusement les mêmes recher- 
ches que M. Rottier reprend dans le nôtre, s’en sont- 
elles mal trouvées ? Le remède à tout le mal que prévoit 
notre écrivain serait, à son avis, de nous occuper spécia- 
lement de l’histoire des Provinces-Unies. 
| Je pense que la classe peut se contenter de voter des 
| remerciments à M. Rottier pour sa communication. » 


| Conformément à ces conclusions, auxquelles se rallie 
M. de Saint-Genois , la classe décide que des remerciments 
| seront adressés à M. Rottier et que sa notice sera déposée 
| dans les archives de l’Académie. 


( 990 } 

La classe décide ensuite que le mémoire de MM. Yssel 
de Scheppere et de Saint-Genois, sur lequel un rapport 
avait été présenté par MM. Borgnet , Schayes et Gachard, 
dans la séance du 4 février de cette année, sera inséré 
dans les Mémoires de l'Académie, avec les modifications 
qui avaient été demandées aux auteurs par les commis- 
saires. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


me 


Quand est né Charlemagne. — Notice par M. Polain, 
membre de l’Académie. 


L'Académie a renvoyé à l'examen de trois commissaires 
le travail que je lui ai lu le 26 mai dernier, touchant la 
patrie de Charlemagne, et, dans sa dernière séance, elle 
a entendu les observations de M. Arendt à ce sujet. L’ho- 
norable rapporteur a trouvé moyen d'être neuf et piquant 
sur une matière que l’on pouvait croire épuisée, et je m'y 
attendais : c'est le privilége des bons esprits de savoir 
ainsi rajeunir tous les sujets auxquels ils touchent. Mais 
mon savant confrère a-t-il réussi à prouver la thèse qu'il 
a si ingénieusement défendue, et qui consiste à démontrer 
que le fils de Pepin le Bref est né en 745, et non en 742, 
comme on l’a cru généralement jusqu'ici? C'est ce qui reste 
à examiner. 


Il faut distinguer deux choses dans cette discussion, 
dit M. Arendt : le jour et l’année de la naissance de Char- 
lemagne. Mon judicieux ami ne conteste pas le jour, et il 
admet volontiers la date du 2 avril. Quant à l’année, il 


( 354 ) 

reconnaît que, depuis in l'opinion commune est 
acquise à l'an 742. Éginard, en effet, dans sa biographie 
de Pempereur, fait mourir le héros en 814, à l’âge de 
72 ans (1). La même mention se trouve dans la vie de 
Louis le Débonnaire, composée par Thégan, chorévêque 
de Trèves, en 835 (2); mais celui-ci, dit-on, s’est proba- 
blement borné à copier Éginard, de sorte qu'il n’y aurait 
là, en réalité, qu’un seul et même témoignage. 

L'année 742 est encore formellement indiquée dans 
{rois autres monuments contemporains : les Annales juva- 
venses minores(5),le Supplementum Annalium juvavensium 
majorum (4), et les Annales salisburgenses (5). M. Arendt 
avoue, sans hésitation, que c’est là une autorité respec- 
table ; toutefois, avant de l’accepter comme décisive, il se 
demande ce qu'il faut entendre par l’année 742. S'agit-il 
de l’année au 1* janvier? Dans ce cas, il 
déclare n’avoir rien à dire. S'il est question, au contraire, 
de celle qui prenait cours à Pâques, lhonorable rappor- 


(1) Decessit anno aetatis suce septuagesimo secundo, et ex quo re- 
gnare coeperat quadragesimo septimo, 5° kalendas februarii, hora diei 
tertia. Einbardus, Vita Karoli Magni, apud Pertz, t. IT, p. 459. 

(2) Sequenti vero anno (814), qui est annus regni ejus XLVT, mense 
januario, accepit domnum imperatorem post balneum febris…. Statim 
post haec in senectute bona plenus dierum perrexit in pace » ipso eodem- 
que die humatum est corpus ejus in ecclesia quam ipse construxerat 
Aquisgrant palatio, anno aetatis LXX17°, indictione septima. Thega- 
eus, /’ita Ludovici Pii, apud Pertz, t. II, p. 585. 

(3) 742. Natus est Carolus qui factus rex 27° anno, imperator anno 
60°, Apud Pertz, t. I, p. 88. 

(4) 742. Natus est Carolus. Apud Pertz, t. IIE, p. 122. Nous avions cité 
le Supplementum dans notre rapport, sous la désignation de Annales 
juvavenses majores ; c’est la différence de titre qui aura fait croire à l’hono- 
rable rapporteur que nous avions négligé d’en parler. 

(5) 749. Karolus imperator natus est. Apud Pertz, t. TI, p. 89. 


( 532 }) 

teur fait observer qu’en transcrivant cette date dans notre 
style vulgaire, on trouve qu’elle signifie 745. I] exige, en 
conséquence, que je détermine d’abord le système de nota- 
tion chronologique dont se servaient les annalistes chez 
lesquels la naissance du fils de Pepin est fixée à l’an 742. 

Il y a, du reste, aux yeux de mon savant ami, une auto- 
rité plus considérable à consulter que les annales du 
temps, simples annotations auxquelles on ne saurait, 
dit-il, reconnaître la valeur ni l’importance d’un titre, 
d’un document authentique, et cette autorité, c'est Égi- 
nard. Cet écrivain rapporte, il est vrai, au trentième cha- 
pitre de sa biographie de Charlemagne, que l'empereur 
mourut à l’âge de 72 ans; mais dans les Annales, Éginard 
a lui-même révoqué ce témoignage, en substituant à ce 
chiffre celui de 71 environ (circiter), date conforme au 
texte de l'inscription placée sur le premier tombeau du fils 
de Pepin, où on lisait que Charlemagne était mort septua- 
génaire (septuagenarius); ce qui signifie, ajoute M. Arendt, 
âgé de soixante et dix ans accomplis, mais n'ayant point 
encore achevé sa soixante et onzième année. 

Charlemagne ne serait donc né qu’en 745, suivant mon 
honorable confrère, et, s’il en est ainsi, la question, dit- 
il, se présente dans des conditions nouvelles; toutes les 
traditions belges et allemandes redeviennent possibles, la 
guerre contre le due Odilon ayant eu lieu cette année, et 
Liége, Aix-la-Chapelle, les environs de Mayence et Carls- 
berg, se trouvant sur l'itinéraire que devait suivre une 
armée partant des bords de la Meuse et du Rhin, et mar- 
chant vers la Bavière. 

Voilà le seul argument qu'on nous oppose! Que je par- 
vienne à établir que Charlemagne est né en 742, et le sa- 
vant rapporteur se dit prêt à se ranger à mon avis, et à pro- 


( 335 ) 


clamer avec moi que le héros franc est né en Neustrie. La 
question ainsi posée, j'aborde immédiatement la discussion. 


Tout le monde sait que, dans l'Occident, l’année n’a 
pas toujours commencé uniformément au 1* janvier, 
comme aujourd'hui, et que les anciens annalistes, notam- 
ment, ne s’accordaient point entre eux à cet égard. Les 
uns prenaient pour point de départ la fête de Noël, et 
ouvraient l’année sept jours avant sous; d’autres, la com- 
mençaient au 4* janvier; d’autres encore, le 1” ou le 
25 mars. D’après ces différents systèmes, les années avaient 
une égale durée ; mais il n’en était pas ainsi de celle qui 
s’ouvrait à Pâques, cette fête étant mobile, et variant du 
22 mars au 25 avril. Une même année, dans ce système 
de notation, avait parfois en double un certain nombre 
de jours appartenant à l’un ou à l’autre de ces mois; et 
c’est précisément le cas pour l’an 742, selon le style de 
Pâques, puisque ayant pris cours le 4° avril de cette année, 
il n’a fini que le 15 du même mois, l’année suivante (1). 
_ Pour la preuve que nous avons à faire, il suffira de 
| démontrer que. les annalistes chez lesquels on trouve la 
mention de la naissance de Charlemagne à l’an 742, ne se 
servaient point de la notation pascale, l'objection de l’hono- 
rable rapporteur n'ayant de fondement qu'avec ce système. 

Il y a plusieurs moyens de reconnaître le style chrono- 
logique d’un ancien écrivain. Le premier, et le plus simple, 
c'est de vérifier si lui-même n’en dit rien dans le cours 
de son récit; autrement, on cherche à déterminer ce style 


| 
| 


À 


| 


Ent 


(1) Voy. Art de vérifier les dates, par les Bénédictins, t. L — Vouveau 
traité de diplomatique , par les Bénédictins, t. IV. — De Wailly, Eléments 
de paléographie, t. X, etc. 


( 334 ) 
à l’aide d'événements dont la date, relativement à notre 
ère, est bien connue, et qui se sont passés du 25 décembre 
au jour de Pâques. Appliquons cette méthode aux monu- 
ments historiques dont nous avons invoqué l'autorité. 

Le doute ne saurait exister à l'égard des Annales juva- 
venses minores, composées en 810, et dont, à cause de leur 
date certaine, mon savant confrère tient, avec raison, le 
témoignage pour fort important : l’auteur de ces annales, 
en effet, a pris soin de noter aux années 767 et 791, qu'il 
suit le style de Noël (1). 

Un renseignement presque aussi positif se trouve en 
tête des Annales salisburgenses, où on lit qu’elles ont été 
supputées d’après l'ère de l’Incarnation (2), dénomination 
souvent confondue avec celle de la Nativité, mais qui ne 
peut, en tout cas, raisonnablement s'appliquer qu'à ce 
dernier genre de notation, ou à celui qui ouvrait l’année 
au 25 mars, jour de la Conception. 

Quant au Supplementum, qui porte en tête, comme les 
annales de Salzbourg, l'année de l’Incarnation, il est aisé 
de prouver, en employant le second moyen dont nous 
avons parlé, que l’auteur de ce document suivait égale- 
ment le style de Noël (5). 

On connaît avec certitude, en effet, la date du couron- 


(1) 767. Pippinus Wasconiam conquisivit. Sunt anni 50, anno Nati- 
vitatis Domini 816. Apud Pertz, t. I, p. 88. 

791. Aarolus perrexit cum hoste in Pannoniam. Sunt anni 27, anno 
Nativitatis Domini 816. Ibidem, t. INT, p. 1922. 

C’est ce qui résulte également de la date assignée dans ces annales au cou- 
ronnement de Charlemagne comme empereur. 

(2) Pertz, Monumenta Germaniae historica, t. 1, p.89. 

(5) C'est aussi le sentiment du savant éditeur des Honumenta Germaniae 
historica. Voy. 1. TIT, p. 122, où Pertz revient sur ce qu'il avait dit à cet 
égard, t. E, p. 87. 


( 335 ) 

nement de l’empereur Charlemagne. Ce couronnement à 
eu lieu le 25 décembre de l’an 800, selon notre manière 
actuelle de compter. En conséquence, tous les annalistes 
commençant l’année à Noël, et l’auteur du Supplementum 
est de ce nombre, ont mentionné ce fait à l’an 801, le 25 
décembre étant le premier jour de cette année; chez ceux, 
au contraire, qui se servaient d'un autre style, le couron- 
nement figure à l'an 800, l’année nouvelle n'ayant point 
encore commencé pour eux à la date où il à eu lieu (1). 

Des trois annalistes dont l'honorable rapporteur a de- 
mandé que nous fissions connaître le système de notation 
chronologique, deux suivaient donc incontestablement le 
style de Noël, et le troisième celui de l’Incarnation, c’est- 
à-dire des styles autres que celui de Pèques. Ce dernier, 
d’ailleurs, n’était guère en usage alors dans les contrées 
où vivaient ces auteurs; c’est le style de l’Incarnation ou 
de la Nativité qui, dès la fin du VIT" siècle et au com- 
mencement du VIII", domine généralement en Allemagne 
et en Angleterre (2). 


Outre les Annales juvavenses minores, le Supplementum 
annalium juvavensium majorum et les Annales salisbur- 
genses, nous avions encore invoqué à l'appui de l'opinion 
qui fait naître le fils de Pepin en 742, les Annales 


(1) Une remarque de même nature pourrait être faite, par rapport à la 
mort de l’empereur, arrivée le 98 janvier 814, dit Éginard, qui se servait du 
style de Noël, et rapportée à l'an 815 par les annalistes commençant l’année 
au 1° ou au 25 mars, ou faisant usage de la notation pascale. 

(2) Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinilatis, ad verbum 
Annus, nova edit. in-4°.— Mabillon, De re diplomatica, liber 2,cap.XXIIT. 
— De Wailly, Éléments de paléographie, t, I, etles monuments de l'époque, 
dans le tome 1°" du recueil de Pertz. 


( 336 ) 

S. Amandi breves, et les Fuldenses antiqui. Mon savant ami 
rejette ce témoignage, la mention de la naissance de Char- 
lemagne étant incomplète dans les premières, et les mots 
natus est, placés après Carolus, une simple conjecture de 
l’ilustre éditeur des Monumenta Germaniae historica, qui 
a cru devoir restituer ainsi un texte détruit par la vétusté. 
Quant aux annales de Fulde, les trois manuserits con- 
servés à Vienne, à Cassel et à Munich, ne portent, à la 
date indiquée, que ces mots : Karolus rex Francorum, et 
c’est M. Pertz encore, nous oppose-t-on, qui à ajouté en 
note natus est. De plus, on lit dans les mêmes annales, à 
l’année 772, époque vers laquelle mourut Carloman, cette 
autre mention également écourtée : Karlomannus, que 
M. Pertz a complétée par le mot obüt; de sorte que, dit 
l'honorable rapporteur, la simple inscription d’un nom 
dans ces annales, signifierait tantôt la naissance, tantôt la 
mort de celui qui le portait : « Est-ce là, ajoute-t-il, une 
indication sur laquelle on puisse bâtir quoi que ce soit? » 

Faisons d’abord remarquer, en ce qui concerne les an- 
nales de Saint-Amand, que ce qu'on y dit indéchiffrable 
aujourd’hui, s’y lisait encore parfaitement il y a deux 
siècles. Henschenius, en effet, a publié cette chronique, 
en 1658, sous le titre de Breve chronicon elnonense, et l’on 
trouve imprimés tout au long , dans cette édition, les deux 
mots que le savant éditeur des Monumenta aura sans doute 
restitués d’après Le texte du célèbre Bollandiste (4). 


(1) Voy. les Acta sanctorum, t. 1, februari, p. 895. Ces lignes étaient 
écrites, lorsque nous avons reçu de notre savant confrère et ami M. le baron 
de Saint-Genois, conservateur de la bibliothèque de Gand, où se trouve 
aujourd’hui l’ancien manuscrit des annales de Saint-Amand, une lettre qui 
nous apprend que les mots Carolus natus est se lisent encore parfaitement, 


» 5 : 5564 EE 


( 337 ) 

Nous ignorons si l’absence des mêmes expressions, dans 
les annales de Fulde, à également eu pour cause le degré 
de vétusté des manuscrits qui ont servi à leur publication; 
nous n'éprouvons aucune répugnance à admetire le con- 
traire; mais alors il faut absolument laisser à la simple 
inscription d’un nom, dans ces annales, la double signifi- 
cation que M. Pertz lui attribue. Les monuments de 
l’époque, d’ailleurs, et notamment les vieux calendriers, 
offrent plus d’un exemple de ces annotations abrégées, que 
les annalistes complétaient, parfois, à l’aide de signes pa- 
léographiques fort peu apparents (1). 

Mais, peut-on nous objecter, le passage des annales de 
Fulde ne saurait-il s'appliquer à Charles Martel, morten 
141? Je n’y vois qu’une difficulté, c’est que Charles Martel 
n’a pas été roi des Francs, et qu'on ne lui a jamais donné 
ce titre dans aucun monument contemporain (2). Les mots 
Karolus rex Francorum ne peuvent done se rapporter 
qu'au fils de Pepin le Bref, et cette mention, formulée 
comme elle l’est, a, de plus, l’inappréciable avantage de 
marquer l’époque à laquelle elle a été tracée, c’est-à-dire 


dans ce manuscrit, en regard de l’année 742. Ce renseignement coupe court 
à toute discussion sur ce point. 

(1) Voy. à ce sujet les Monumenta de Pertz, t. I, pp. 6 et 93, en note, et 
les traités de diplomatique. 

(2) Les seuls qu’on lui ait attribués sont ceux de Znluster vir, majordo- 
mus, dux, princeps et subregulus. C'est le pape Grégoire IIT qui donne 
cette dernière qualification à Charles Martel, dans des lettres de l’an 739, 
c’est-à-dire pendant l’interrègne qui eut lieu après la mort de Thierry IV, dit 
de Chelles. — On trouve dans la Vita Sancti Silvini, de l’évêque Anténor, un 
passage où le titre de rex est donné à Charles Martel; mais Bollandus et dom 
Bouquet n’ont pas manqué de faire remarquer que ce passage est fautif, el 
qu’au lieu de Caroli regis et Childerici, le manuscrit de Corsendonck porte 
la leçon suivante : Karoli principis et Childerici regis. 


( 338 ) 
avant l'avénement de Charlemagne à la dignité impériale, 
par conséquent, AU HUITIÈME SIÈCLE. 

-Ajoutons, pour en finir avec les annales de Fulde et 
celles de Saint-Amand , que leurs auteurs suivaient égale- 
ment le style de Noël, le couronnement de l'empereur y 
étant placé à l'an 801. 

Voilà donc, sans parler d’Éginard et de Thégan, cinq 
monuments d'une haute importance, qui tous sont d’ac- 
cord sur la date à assigner à la naissance de Charlemagne. 
En l'absence de titre authentique, il serait difficile de con- 
tester la valeur d’un pareil témoignage, et nous doutons 
qu'il y ait beaucoup d'événements du VIIT”* siècle, à l’ap- 
pui desquels on puisse en produire de semblable. 


Mais la tradition qui fait naître le fils de la reine Berthe 
en 745, peut invoquer, dit-on, des preuves aussi certaines, 
el, à ce propos, l'honorable rapporteur a cité les annales 
de Quedlinbourg et celles de Saint-Emmeran de Ratis- 
bonne. 

La première partie des annales de Quedlinbourg a été 
rédigée, selon Pertz et Lappenberg, vers l'an 1002, par 
conséquent, au commencement du XI" siècle (1). Si mon 
savant ami a refusé, avec raison, d'admettre l'autorité de 
la chronique saxonne, qui est du dixième, et celle de la 
vie de saint Goar et de la chronique de Lambert d’Aschaf- 
fenbourg, qui appartiennent au siècle suivant, il ne saurait 
trouver mauvais que nous rejetions également le témoi- 
gnage des annales de Quedlinbourg. Il n’est fait, d’ailleurs, 
dans ce document aucune mention directe de la naissance 


(1) Voy. Pertz, t. III, p. 20. — Ærchiv der Gesellschaft für altere 
deutsche Geschichtskunde, t. VE, pp. 655 et suiv. 


( 399 ) 
de Charlemagne; on y lit seulement que l'empereur est 
mort en 814, à l’âge de 71 ans (1). 

Quant aux annales de Saint-Emmeran de Ratisbonne, 
la date de 745, qui y est assignée à la naissance du fils de 
Pepin, n'existe que là, et c’est évidemment une erreur 
dans le genre de celle qu'a relevée Pertz, à propos des 
annales de Lobbes, qui font naître le héros en 747 : Karo- 
lum Magnum anno 742 nalum esse apud omnes constat, 
dit à ce sujet l’éminent critique, nolui tamen aliquid mu- 
are, quia annales petavianos in eumdem errorem incidisse 
vidi (2). Ajoutons qu’on ne connaît pas, au juste, l’époque 


(1) Ce n’est pas la seule indication de ce genre existant dans les monu- 
ments du moyen âge; nous en citerons encore deux autres, appartenant au 
IX: siècle, et dont l'honorable M. Arendt a négligé de parler dans son excel- 
lent travail, non par oubli, sans doute, mais parce qu'il aura aisément 
reconnu qu’elles n’ont pas la moindre importance. La première qui se trouve 
dans les Annales Sancti Emmerani, n’est, en réalité, que la reproduction , 
sous une forme différente, de celle qu’on lit dans les Annales Sancti Emme- 
rani breves ; il est évident, en effet, que la tradition de Saint-Emmeran, 
fixant la naissance de Charlemagne à l’an 745, les moines de ce monasttre 
ne pouvaient assigner à l’empereur mourant en 814, d’autre âge que 71 ans. 

La seconde indication existe dans l’Annaliste de Fulde, communément 
désigné sous le nom de Continuateur d’Éginard; mais on sait que cet 
annaliste, pour les temps antérieurs à celui où il vivait, s’est borné à copier 
presque textuellement les annales de Lorsch et la continuation de ces an- 
nales par Éginard. Aussi, la mention de la mort de Charlemagne, faite par 
ce chroniqueur, est-elle exactement la même que celle de ce dernier, y com- 
pris l’adverbe cérciter. En voici le texte, que l’on peut comparer avec celui 
d'Éginard, imprimé plus loin, en note : 

814. Karolus imperator dum Aquisgrani hiemarei, anno aetatis suac 
cürciter 71°, regni auiem 47°, subactaeque Ttaliae 43°, ex quo vero impe- 
rator et augustus appellatus est, anno 14, à° kal. februarii rebus huma- 
nis excessit, (Pertz, Honumenta, t. I, p. 337.) 

Nous laissons de côté les Honumenta postérieurs au IX": siècle; ils sont 
sans valeur dans ce débat. 

(2) Pertz, t. 1, p. 10, en noté, 


( 540 ) | 

à laquelle ont été rédigées les annalès de Saint-Emmeran, 
qui embrassent les années 752 à 1062. Oefel les attribue 
à deux auteurs seulement, sans préciser l’âge auquel ils 
ont vécu (1); Pertz croit qu'il y en à eu un plus grand 
nombre. On ne saurait, en tous cas, faire remonter au 
delà du IX" siècle la mention de la naissance de Charle- 
magne qui s’y trouve, puisque celui-ci y est qualifié d’em- 
pereur. 

Nous le demandons à l'honorable rapporteur, ce témoi- 
gnage isolé, que la tradition n’a pas même conservé, peut- 
il balancer les autorités considérables que nous avons 
invoquées? Non, sans doute, et mon judicieux ami n’au- 
rait probablement jamais songé à s’en appuyer, s’il n'eüt 
trouvé dans Éginard un passage qui lui a semblé con- 
firmer l'opinion de l’annaliste de Ratisbonne. Voyons ce 
passage. 


Nous avons dit qu'Éginard , dans la vie de Charlemagne, 
fait mourir l'empereur à 72 ans, et que, dans les Annales, 
au lieu de ce chiffre, on lit celui de 74 environ (2). Or, 
prétend mon savant ami, « quand on considère que Îles 
Annales ont été rédigées au moins dix ans après la biogra- 
phie du héros, il faut admettre que l'intention de l’auteur 
de revenir sur sa première date, ne saurait faire l'objet 
d'un doute. » 

Ce point a déjà été touché incidemment par M. Borgnet, 


(1) Oefel, Rerum boicarum scriptores , t. I, in-fol. 

(2) 814. Domnus Karolus imperator dum Aquisgrani hiemaret, anno 
actatis ciRciTER 71°, regni autem 47°, subactaeque Italiae 43°, ex quo 
vero ëmperator et augustus appellatus est anno 14, 5° kal. februarit 
rebus humanis excessit. Einhardi 4nnales, apud Pertz, t. 1, p. 201. 


(34 ) 

dans le rapport qu'il a présenté à l’Académie le 26 mai 
dernier : « Il y aurait peut-être moyen, disait alors cet 
honorable confrère, d'expliquer pourquoi l’âge de Charle- 
magne est indiqué d'une manière plus précise dans un 
ouvrage que dans l’autre; en tous cas, le second texte ren- 
ferme un adverbe (circiter) qui l'empêche d’être en contra- 
diction avec le premier. » 

Mais le savant rapporteur n’est point de cet avis; il ya 
désaccord, selon lui, entre les deux textes, et ce désaccord 
provient de la date différente de leur rédaction. Soit ! seu- 
lement, lequel est postérieur à l’autre? Voilà ce qu'il eût 
d’abord fallu démontrer. Essayons de remplir cette lacune. 

Éginard a indiqué lui-même l’époque à laquelle il conçut 
le dessein d'écrire la vie de son bienfaiteur : ce fut immé- 
diatement après la mort de l’empereur, et l’on sait que 
ce travail était achevé vers 820, puisque, l’année suivante, 
on le conservait déjà dans la bibliothèque d’un monastère 
situé près de Neugart, dans l'évêché de Constance (1). 

Nous ne possédons malheureusement point des don- 
nées aussi sûres quant aux Annales; on conteste même 
qu'Éginard en soit l’auteur. Henschenius et le Cointe, au 
X VIT" siècle, et de nos jours l'abbé Guillon l’ont formelle- 
ment nié, en s'appuyant des différences qui existent entre 
cet ouvrage et la vie de Charlemagne, dont l'authenticité 
n’est point douteuse (2). L'opinion contraire à été soutenue 


(1) Pertz, Praefatio in Einhardi Fitam Karoli Magni, t. IL, Monu- 
ment., p. 427. 

(2) Pertz, Praefatio in Einhardi Annales, t. 1, Monument., pp. 124 et 
suiv. — L'abbé Guillon : Est-il vrai que Pepin ait été autorisé par le pape 
Zacharie à s'emparer de la couronne des Mérovingiens ? Paris, 1817, 
in-8°. 


( 942 } 

par Duchesne et Mabillon. Bien qu'on ne puisse prétendre 
être arrivé là-dessus à une entière certitude, nous ne fai- 
sons aucune difficulté de nous ranger à ce dernier avis, 
qui est aussi celui de Pertz. Le savant éditeur des Monu- 
menta, après avoir longuement discuté ce problème, exa- 
mine également celui qui nous occupe, et voici quelle est 
sa conclusion à cet égard : La première partie de l’ouvrage, 
embrassant les années 741 à 788, à eu pour fondement 
les annales de Lorsch; la seconde, qui s'étend jusqu'en 
829, est un travail original, qu'Éginard n’a point rédigé 
d’un seul jet, mais d'année en année, et à mesure que 
les événements se déroulaient devant lui. Cela ressort de 
divers passages ayant tout le caractère d'un récit contem- 
porain (4). 

Il serait trop long de reproduire ici les passages invo- 
qués par l'illustre critique; nous les croyons, quant à nous, 
décisifs, et de nature à exclure toute espèce de doute. Il en 


PS D ee sat 


(1) Prior siquidem pars inde ab anno 741 ad annum usque 788, 
annalibus laurissensibus nititur…. Annorum vero 789-8929, quibus ipse 
regni negotiis a Xarolo et Aludowico adhibitus et in summo fere fastigio 
versalus esset, historiam propriis auspiciis absolvit. Quod num inter 
ipsa reipublicae administrandae negotia, an per otium seligenstadense 
fecerit, non satis in aprico est, magis lamen in eam partem inclino, 
ut per singulos annos, dum ipse rebus gerendis magna ex parte prac- 
essel, scrèpsisse existimem. Nam licet et post voluntariam rerum saecu- 
larium abdicationem, tam vivente quam defuncto Hludowico Augusto, 
rebus publicis se immiscuisse exploratum habeamus, ideoque nec ab 
hisioria scribenda temperare debuisse credendus sit, tamen in annalibus 
anno 806 de eclipsibus , annis 823 et 825 de puella Commerciacensi dicta 
ipsis annis composita esse apparet….. etc. Secundam igitur operis partem 
per singulos annos , dum ipse aulae imperatoriae adhaererct, et Aquis- 
gran praccipue, ab Einhardo compositam esse propono. Pertz, Prae- 
fatio in Ænnales Einhardi, t. 1, Aonument., pp. 126 et 127. 


| 
| 
| 
| 
| 


en co Ponae 


( 345 ) 

résulte, que les dix ou douze dernières années des Annales 
ont été écrites après la vie de Charlemagne, sans doute, 
mais que les précédentes, et, par conséquent, l’année 814, 
où il est fait mention de la mort de l’empereur, sont anté- 
rieures à ce dernier ouvrage. En un mot, les Annales 
ne doivent être considérées que comme de simples ma- 
tériaux recueillis successivement par un auteur curieux 
de garder le souvenir des événements dont il était le Lé- 
moin; la Vita, au contraire, est une vraie composition 
littéraire , rédigée sur ces matériaux, et après de nouveaux 
soins. Dans les Annales , écrites sans préparation et, pour 
ainsi dire, en présence du fait, Éginard indique l’âge de 
Charlemagne d'une manière approximative, et lui donne 
71 ans, environ, ce qui, du reste, n’est point inexact. 
Dans l'ouvrage consacré à Ià vie de l’empereur, ouvrage 
qui à naturellement exigé de sa part des études et des re- 
cherches toutes spéciales sur le grand homme dont il 
retrace l'étonnante carrière (4), l’auteur est plus précis, et 
fait mourir le héros à l'âge de 72 ans, dans la quarante- 
septième année de son règne, le 5 des calendes de février 
(28 janvier), à la troisième heure du jour. 

Cette date est fautive, dit-on, et l’auteur l’a rectifiée 
dans les Annales. Mais on oublie qu'Éginard a vécu encore 
un quart de siècle, après avoir achevé la Vie de son bien- 
faiteur. Si l’erreur qu’on nous signale eût réellement existé, 
pourquoi ne l’a-t-il point corrigée dans le texte même de 
la Vita? Or il existe encore aujourd’hui plus de soixante 
copies manuscrites de ce dernier ouvrage, et pas une seule 


(1) Éginard le déclare lui-même dans sa préface : Operam impendens, 
dit-il, wt de his quae ad meam notitiam pervenire poluerunt , nühil omit- 
terem, etc. Vita Karoli Magni, apud Pertz, L. If, p. 445. 

Tome xx, — FI" part. 24 


(344) 


ne présente de variante sur ce point : toutes font mourir 
l’empereur dans sa soixante et douzième année (1)... Cette 
observation nous paraît décisive et nous dispense d’in- 
sister davantage là-dessus. 


Les annales d'Éginard ne sont pas le seul monument 
invoqué par l’honorable rapporteur à l’appui de l'opinion 
qui fait mourir Charlemagne à 71 ans; il y a, de plus, 
l'inscription placée sur le premier tombeau de l’empereur, 
où on le dit décédé septuagénaire (2). Ceci n’est qu'une 
simple discussion de mot qui ne nous arrêtera pas long- 
temps. 

Que signifie l'expression septuagénaire dans notre lan- 
gage usuel? Que signifiait-elle autrefois? 

On appelle septuagénaires, nous le savons, ceux qui 
sont àgés de 70 ans. Mais faut-il donner à ce mot le sens 
étroit que lui prête mon savant confrère. Quand la loi dit 
que les septuagénaires sont exempts de certaines charges 
publiques, ou qu'ils ne peuvent être emprisonnés pour 
dettes purement civiles, n’accorde-t-elle ces priviléges 
qu'aux citoyens qui ont juste soixante et dix ans, et non à 
ceux qui en ont soixante et douze? La réponse n’est pas 
douteuse (5). 


(1) Voy. le texte publié par M. Pertz, avec les variantes, et la préface que 
ce savant a placée en tête de cette édition, au t. II des Honumenta. 

(2) Voici le texte de cette épitaphe : Sub hoc conditorio situm est corpus 
Karoli Magni atque orthodoxi imperatoris, qui regnum Francorum 
nobiliter ampliavit, et per annos 47 feliciter reæit. Decessit septuagena- 
rèus, anno Domini 81%, inditione VIT, 5° kal. februarit. 

(5) « Les septuagénaires ne pourront estre emprisonnez pour debtes pure- 
ment civiles, si ce n’est pas pour stellionat, recélé, et pour dépens en matière 
criminelle, et que les condamnations soient par corps. » Ordonnance civile 
de 1667, Ut. 54, art. 9. — Code civil, liv. 5, tit. 16, art. 2066. 


Di des lu stade 6 à à LS nl Di one 7 “7 


( 945 ) 

On ne rencontre le mot septuagenarius que fort tard 
chez les écrivains de l'antiquité. Le seul exemple que nous 
en ayons trouvé existe dans un texte du jurisconsulte Cal- 
listrate, rapporté au cinquantième livre du Digeste, titre VE, 
sur les immunités, et là encore, cette expression a le sens 
large qu'on lui applique dans les dispositions de nos lois 
modernes, relatives à certains priviléges de l’âge (4). 

Il en était également ainsi dans la basse latinité, et 
c'est Éginard lui-même qui va nous en fournir la preuve. 
C'est lui seul, en effet, qui nous a conservé le texte de la 
première épitaphe de Charlemagne. Or ce texte, veut-on 
savoir où il est? dans la Vita, six lignes plus bas que le 
passage où cet auteur fait mourir l’empereur à 72 ans. 
Assurément, si le mot septuagenarius avait eu alors la 
signification restreinte que lui attribue mon savant ami, 
c'était bien l’occasion ou jamais, pour Éginard, de faire 
la correction à laquelle on veut qu'il n’ait songé que dix 
ou douze ans plus tard, en rédigeant les Annales. 

Mais cette expression a-t-elle réellement existé dans 
la première épitaphe du fils de Pepin ? C'est ce dont il est 
même permis de douter, et voici nos raisons. 

On a vu tantôt combien la Vie de Charlemagne par 
Éginard a été populaire au moyen âge, puisque, malgré les 
pertes nombreuses qu’on a faites , 1l en existe encore plus 
de soixante copies dans les bibliothèques de l’Europe. Le 
savant éditeur des Monumenta, qui les a toutes étudiées et 


(1) oc circa vacationes dicendum est, ut si ante quis ad munera 
municipalia vocatus sit quam negociari inciperet, vel antequam in col- 
legium assumeretur quod immunitatem pariat, vel antequam sepluage- 
narèus fieret, vel antequam publice profiteretur, vel antequam liberos 
susciperet : compellatur ad honorem gerendum. Digest., lib. L, uit. VE, \ 5. 


( 546 ) 

coliationnées, Îles divise en deux familles ou branches, 
ürant leur origine de deux codices de la fin du IX" siècle, 
conservés aujourd'hui à Vienne, et qu'il rattache à des co- 
pies contemporaines d'Éginard lui-même, l’une transcrite 
par ce dernier, peut-être, et l’autre par son ami Gerward, 
bibliothécaire de l'empereur (1). Or voici la particularité 
curieuse que présentent ces deux manuscrits sur le point 
qui nous occupe. 

Dans le premier, l’inseription est rapportée telle que la 
donne mon honorable confrère; dans le second, au con- 
traire, au lieu des mots : decessit septuagenarius, on lit : 
decessit LXXIP aetatis anno. (2). N'avons-nous pas eu 
raison d'avancer que l'existence du mot septuagenarius, 
dans la première inscription du tombeau de l’empereur, 
peut même être révoquée en doute? La variante que nous 
venons de citer, et qui existe également dans plusieurs 
autres manuscrits fort anciens, n'est-elle pas, en tout cas, 
l'interprétation la plus exacte et la plus sûre qu'on puisse 
donner de ce mot, puisqu'elle émane d’un contemporain ? 
et cette variante, une autorité de plus, et une autorité du 
IX" siècle, à l'appui de la thèse que nous soutenons? 


Nous avons, croyons-nous, répondu à toutes les objec- 


(1) Suntigitur prioris classis codices, quos ab ipso Einhardi authentico, 
diversa licet ratione descendisse puto.…. Secundae classis codices omnes 
ex uno quodam fluxerunt, cui Gerwardus, Karoli et Aludowici biblio- 
thecarius et praecipuus Einhardi amicus, tria in Karoli et Einhardè 
laudem disticha adscripserat. Unde quum pateat, codices istos originem 
suam ad antiquissimum exemplum et Einhardo coaetaneum referre, 
qui sltudiosius ab editore evolvantur digni videntur. Nec lectionum boni- 
Las origini impar. Voy. le détail de tous les manuscrits dérivant de ces deux 
sources, dans le tome II des Honumenta de Pertz, pp. 426 et suiv. 

(2) Pertz, Honumenta, etc., t. IX, p. 460, variante, en note. 


( 547) 
tions du savant rapporteur. L’honorable M, Arendt ne 
cherche, comme moi, que la vérité, je ne désespère donc 
point de lavoir ramené à mon sentiment. J'aurais pu 
ajouter bien d’autres preuves encore à celles que j'ai invo- 
quées : cest d'abord Thégan, dont on récuse le témoi- 
gnage, comme ayant copié Éginard, et qui diffère néan- 
moins de celui-ci en un point essentiel, le chiffre des 
années de règne de l’empereur; c’est l’auteur des Annales 
Jjuvavenses minores, qui ne se borne pas à placer la nais- 
sance du héros en 742, et qui ajoute, indication précieuse, 
qu'à l'époque où il monta sur le trône, c’est-à-dire au 
mois de septembre 768, le fils de Pepin le Bref était entré 
dans sa vingt-septième année; c’est le même, enfin, qui, 
après avoir fait naître l’empereur en 742, fixe à l’année 
suivante la guerre de Bavière, ete. (1). Il y à là autant 
d'arguments qui pouvaient être développés avec avantage, 
mais nous avons craint de fatiguer l'attention de la classe. 


Il est pourtant un dernier genre de preuve que nous 
ne voulons pas négliger. Oublions un instant tout ce qui 
vient d'être dit; admettons, avec notre savant confrère, 
que Charlemagne est né en 745, et discutons les consé- 
quences de ce fait, relativement au système qui place le 
berceau du héros en Neustrie. 

La division du royaume par Charles-Martel n’a point 
varié : Carloman gouverne toujours l'Austrasie, et Pepin, 


(1) 742. Natus est Carolus, qui factus rex 27° anno, imperator 
anno 60°. 

745. Carlomannus et Pippinus pugnabant contra Baioarios; anno 
$16, sunt anni 74. 

Annales juvavenses minores, apud Pertz, t. 1, p. 88. 


(348 ) 


la Neustrie; ce point, dit M. Arendt, est établi de façon à 
exclure le doute (1). Mais en 745, objecte-t-on, les deux 
frères entreprennent une expédition contre la Bavière; 
la reine Berthe «a pu les suivre et donner le jour à son 
illustre enfant, dans quelques-uns des palais royaux qui 
se sont trouvés sur l'itinéraire des deux armées... Ne 


(1) Nous pourrions nous en tenir ici à l'affirmation si positive du savant 
rapporteur, mais cela ayant été contesté depuis dans un travail anonyme pu- 
blié à Liége, où les convenances ne sont pas plus respectées que les règles de 
la critique historique, nous croyons utile d’y revenir. 

Il n’y a que deux objections possibles à la division du royaume telle que 
nous l'avons indiquée : la première est tirée du partage que fit Pepin de ses 
États, en 768, entre ses fils : « Les Francs, réunis en assemblée générale, 
dit Éginard, se donnèrent pour rois ces deux princes, sous la condition 
préalable qu’ils se partageraient également le royaume : que Charles aurait, 
pour la gouverner, la portion échue primitivement à leur père Pepin, et 
Carloman, celle qu’avait régie leur oncle Carloman. Tous deux acceptèrent 
ces conventions, et chacun reçut la partie du royaume qui lui revenait 
d’après le mode de partage arrêté. » 

Or, Charlemagne, ayant incontestablement obtenu l’Austrasie dans le 
partage de 768, il faut bien admettre, dit-on, que Pepin lPavait également 
eue dans celui de 741. 

Mais ici Éginard s’est évidemment trompé, et ce n’est point la seule 
inexactitude qu’on trouve dans ses ouvrages. À cet auteur, écrivant 80 ans 
après le partage de 741, nous opposons l’autorité d’un témoin oculaire, et 
parfaitement informé, le troisième continuateur de Frédegaire, qui rédigea ses 
Annales par ordre du comte Childebrand, oncle paternel de Pepin le Bref, 
et qui cessa d'écrire en 752 (voir notre Rapport, p. 7, en note). Nous lui 
opposons également les monuments authentiques et contemporains, dont 
nous parlerons tantôt, monuments qui établissent à l'évidence la thèse que 
nous soutenons. 

Ce qui aura produit l'erreur d'Éginard , c’est que, dans le partage de 768, 
Pepin, comme l’a très-bien fait remarquer avant nous le savant Fauriel 
( istoïre de la Gaule méridionale sous la domination des conquérants 
g ermains. Paris, 1856, t. III, p. 502), combina d’une façon nouvelle les 
anciennes divisions territoriales de la monarchie franke, en coupant l’em- 


(349 ) 


recherchons pas ce qui est possible, voyons seulement ce 
qui est probable, et appliquons, à l’année 745, la méthode 
que nous avons suivie précédemment dans l’examen des 
faits qui se passèrent en 742. 

Où se trouve Pepin le Bref au 1* janvier 745? À Metz, 
où 1l renouvelle une charte de l’église de S'-Vincent de 


pire de l’est à l’ouest en deux portions égales, l’une au nord et l’autre au 
midi. Dans la première, qu'obtint Charlemagne, furent comprises presque 
en entier, non-seulement l’Austrasie, mais encore la Neustrie, avec la Frise, 
la Thuringe et la Bavière ; à la seconde appartinrent les territoires détachés 
de la Neustrie et de l’Austrasie, la Bourgogne, la Provence et la Septimanic. 
Quant à l’Aquitaine , elle fut partagée du nord au midi en deux moitiés, l’une 
orientale, limitrophe de la Burgondie, fut donnée à Carloman; l’autre occi- 
dentale, communiquant par le nord avec la Neustrie, fut comprise dans les 
États de Charlemagne. Tout cela ne ressemble guère, comme on voit, au 
partage de 741 , et si Pepin le Bref, en mourant, a conçu un instant la pensée 
de faire de ce partage la base du sien, ce que le texte d'Éginard laisse sup- 
poser, il n’a certainement pas donné suite à ce projet. (Voir à ce sujet 
M. Pertz, qui a indiqué plus exactement qu’on ne l'avait encore fait avant 
lui, les limites du partage de 768. Monumenta Germaniae historica , t.I ; 
p.147 , en note.) 

Nous passons à la seconde objection. Là ce que nous avons dit du partage 
de 741 n’est plus contesté; mais cet acte, dit-on, n’eut ses effets que plus 
tard, après l’expédition d'Aquitaine; et à l’appui de cette assertion, on cite 
Éginard et d’autres annalistes rapportant que les deux frères après s’être 
emparés du château de Loches, en 742, se partagèrent le royaume en un 
lieu nommé Vieux-Poitiers. Cette objection des savants Valois et le Cointe a 
été amplement réfutée par dom Bouquet et Pagi, auxquels il suffira, croyons- 
nous de renvoyer le lecteur. (Voir dom Bouquet, t.IIT, p. 667, en note; 
Pagi, Critica historico-chronologica, Antv. 1727, t. LI, p. 258). Nous 
n’ajouterons qu'un mot à la démonstration de ces deux savanis, et ce mot, 
nous le trouvons dans le seul historien contemporain que l’on ait de cette 
guerre : après la prise du château de Loches, dit le troisième continuateur 
de Frédegaire, les deux frères se partagèrent le butin (PRæÆDam sipr DIvI- 
DENTES. Fredegarii Chronicon contin., pars IT, ad annum 742.) Voilà 
l'explication du texte d'Éginard : à Vieux-Poitiers, Carloman et Pepin se 


( 550 ) 
Mâcon (4). Un peu plus tard, vient le couronnement de 
Childeric IE (2). On reconnaîtra que c’est là un événe- 
ment considérable et qui suppose la présence et le con- 
cours du maire de Neustrie. Le 4° mars, Carloman, à son 
tour, préside, en Austrasie, le concile de Leptines, et en 
publie bientôt après les décisions (3). Nous voilà dans les 


partagerent le butin, c'est-à-dire le royaume enlevé à Griffon, qu'ils 
avaient jusqu'alors possédé en commun, et probablement aussi leur récente 
conquête. 

Mais on n’aurait pas cé mot du continuateur de Frédegaire, qu'il faudrait 
néanmoins toujours admettre que le partage de Charles Martel avait recu 
son exécution immédiatement après la mort de celui-ci; cela résulte à lévi- 
dence des monuments authentiques que voici : 

1° Les chartes du monastère de Weissembourg, qui nous montrent Car- 
loman déjà reconnu en Austrasie dès le mois de décembre de l’an 741 ; 

99 Une lettre de saint Boniface au pape Zacharie, où lillustre mission- 
naire rapporte que Carloman l’a fait appeler auprès de lui, et l’a prié 
d’assembler un synode dans la partie du royaume des Francs qui est sous sa 
domination (Zn parte regni Francorum , quae in sua est potestate ) ; 

5° Enfin le capitulaire du 21 avril 742, prescrivant l'exécution des déci- 
sions de ce synode, tenu en Austrasie, capitulaire où Carloman s'exprime en 
ces termes : Cum consilio servorum Dei et optimatum QuI IN REGNO eo 
suNT, cum presbyteris et concilium et synodum pro timore Christi con- 
gregavi. 

Si l’on possède d’autres documents authentiques et contemporains contre- 
disant ceux-ci, qu’on les produise. 

Nous croirions manquer à l’Académie en admettant comme sérieuses et 
en discutant devant elle les autres objections faites à notre premier travail 
par l’auteur de la brochure citée au commencement de cette note. Nous les 
abandonnons à l'appréciation de nos confrères. 

(1) Pardessus, Diplomata, chartae, epistolae, leges, etc. 1. IT, p. 582. 

(2) Voy. touchant la date du couronnement de Childeric III, ce que nous 
disons , en note, à la page 57 de notre rapport intitulé : Où est né Charle- 
magne. 

(5) Voy. le capitulaire de Leptines, dans les Jonumenta de Pertz, leges, 
Lu 


| 


(351) 


premiers jours de ce mois, à la veille des couches de la 
reine Berthe, et 1l n'y a point encore d'apparence que la 
guerre de Bavière ait commencé. Il n'était point d'usage 
alors, en effet, qu'une armée entràl en campagne, à une 
époque aussi peu avancée de l’année, avant les grandes 
assemblées populaires du printemps (1), et c’est en vain, 
croyons-nous, qu'on en chercherait des exemples dans les 
monuments contemporains, même pendant les grandes 
guerres de Charlemagne. Qu'on ouvre tous les annalistes 
du VIE" et du 1X"° siècle; qu'y voit-on? Le prince, à la 
fin de l'automne, allant fixer sa résidence d'hiver dans 
l'un ou l’autre des palais rovaux, et y célébrant les fêtes 
de Noël et de Pâques. On n’entreprenait jamais rien avant 
cette dernière solennité. Or, en 745, c’est le 14 avril que 


(1) Evoluio anno praefatus rex (Pippinus) ad Kalendas martias 
omnes Francos , sicut mos Francorum est, Bernaco villa publica ad se 
venire praecepit. Initoque consilio cum proceribus suis, eo tempore quo 
solent reges ad bella procedere, cum Stephano papa, et reliquae nationes 
quas in suo regno commorabantur, et Francorum agmina ad partem 
Langobardiae cum omni multitudine per Lugdunum Galliae et Vien- 
nam pergentes , usque Mauriannam pervenerunt. (Fredegarti Chronicon 
continuatum ad annum 754, edit. Ruinart, — Ibidem, ad annos 766 
et 767.) 

— Æstatis initio, cum jam propter pabuli copiam exercitus duci 
poterat, in Saxoniam eundum.…., etc. (Einhardi Annales, ad annum 
182.) — Adridente veris temperie, cum ad expeditionem saxonicam se 
praeparasset. (Ibidem, ad annum 783.) — Cum et hiemis tempus exple- 
tum, et sanctum Pascha in Attiniaco villa fuisset a rege celebratum. 
— (Ibidem, ad annum 786.) — Transacta hieme, ut primum herba pabulum 
“| jumentis praebere potuit , etc. (Ibidem, ad annum 820.) — Nous pourrions 
multiplier ces exemples à l'infini, mais en voilà assez, croyons-nous. Fréde- 
| gaire est le seul annaliste du huitième siècle où nous ayons trouvé la mention 
d’une expédition entreprise avant Pâques, et ce fut pendant une guerre 
| qui avait duré tout l'hiver. 


( 352 ) 
cette fête a eu lieu, et c’est le 2, au plus tard, que le fils 
de Pepin a vu le jour (1). 
Quoi qu’on fasse donc, que le héros soit né en 742 ou 
en 745, c'est en France qu'il faut nécessairement placer 
son berceau (2). 


Concluons. 


De toutes les traditions relatives à la patrie de Charle- 
magne, une seule peut se concilier avec l’histoire, c’est la 
tradition qui le fait naître en Neustrie : la ville d'Aix n'a 


(1) Ceux qui n’admettent point la date du 2 avril font naître l’empereur 
le 26 février 742, ou à d’autres jours se rapprochant encore davantage du 
commencement de l’année. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que 
dans tous ces systèmes, l'opinion qui place son berceau en Neustrie acquiert 
d'autant plus de certitude. 

(2) On a opposé, dans la presse, un singulier argument au système que 
nous avons défendu : sa nouveauté! Res novae quia inauditae, pour- 
rions-nous répondre. En effet, dom Germain avait déjà mis ce système en 
avant, au XVII®e siècle, dans le chap. IV de la diplomatique de Mabillon, dont 
il est l’auteur. Ce dernier n’a donc pas eu à rétracter, comme on l’a dit, une 
opinion qu’il n’a jamais soutenue. ( #eliori ergo jure, dit dom Germain, 
vel Parisiis, vel in vicino quodam Luteciae palatio, natum atque edu- 
catum fuisse Carolum Galli nostrates possunt asserere.) Du Four de Lon- 
guerue, que dom Bouquet appelle un savant de premier ordre, a été du mème 
avis que dom Germain : Praeterea Carolum in occidentali Gallia natum , 
non in Germania uti contendunt Germant, certissimum est. Nam a 
fine anni 741 ad autumnum anni 742, Pippinus et Bertha, Carol 
Magni parentes , in Neustria seu Aquitania manserunt. (Annales Fran- 
corum , apud Bouquet, t. IE, p. 704, col. I.) Après eux, le père Pagi, qu'on 
a osé invoquer à l’appui de la tradition liégeoise, et qui ne la mentionne que 
pour la combattre, s'est aussi expliqué d’une manière catégorique à cet égard; 
après avoir établi que Charlemagne naquit en 742, il ajoute : « Cette année 
étant reconnue comme celle de sa naissance, on ne peut se refuser à admettre 


que le fils de Pepin est né en France, dans quelque ville du majordomat de 


son père. » F'erum nativilate ejus anno suo reddita , omnes hae opiniones 


| 
| 
4 


| 


( 355 ) 

pour elle que le témoignage fort incertain du moine de 
Saint-Gall; Ingelheim, deux vers d’un poëte italien du 
XII" siècle; Carlsberg, une vieille chanson de geste du 
XIV", évoquée plus tard, par Aventin; et Liége.... rien... 
ou du moins, rien que de simples on-dit du XV["* et du 
XVI" siècle, qu'une saine critique ne saurait admettre, 
et dont nous avons, ailleurs, démontré le peu de fonde- 
ment (1). 

Aurons-nous réussi à prouver d’une manicre absolue où 
est né Charlemagne? Nous avons, dès le principe de cette 


ne tr tomb tm tm mt date er mm mme 


evanescunt, ac constat cum in lucem prodiisse in aliqua urbe Franciae 
et majoratus Pippini. (Pagi Crilica historico-chronologica, 1. Il, 
p. 255.) Le célèbre Danville a soutenu la même thèse dans un travail qu’a 
publié la Société des antiquaires de France (Mémoire pour prouver que 
Charlemagne est né en France ef non pas en Allemagne; t. VILF, p. 515). 
Enfin, de nos jours, en Belgique même, M. l'abbé Tiron a prôné avec beau- 
coup de verve le système neustrien contre M. l'abbé Normand, qui avait 
cherché à établir la tradition d’Aïx-la-Chapelle (Recherches historiques sur 
le lieu où est né Charlemagne, par l'abbé Tiron. Bruxelles, 1858, in-18). 
Nous pourrions en citer d’autres encore, mais en voilà assez, croyons-nous, 
pour nous laver du reproche d’avoir osé dire une chose neuve. 

(1) Nous avons fait de nouvelles recherches dans les annalistes liégeoïis, 
antérieurs au XVII" siècle, pour y trouver un seul texte faisant mention 
de la naissance de Charlemagne, à Liége, et nous déclarons positivement, 
qu'à notre connaissance , il n’en existe point. Si pareille tradition eût existé 
chez nous, le père de toutes nos vieilles fables historiques, Jean d’Outre- 
meuse, n'aurait pas manqué de la recueillir. Or on a vu que ce chroniqueur 
lui-même fait naître Charlemagne en France. (Voir notre Rapport, p. 42.) 
À coup sûr, nous n’invoquons pas cela comme une autorité, ainsi qu’on l’a 
prétendu; nous n’appartenons point à l’école historique qui se contente de 
commérages du XVII" ou du XVIIIe siècle, pour établir lauthenticité 
de faits qui se sont passés au VIII", qui tronque les textes, ou les inter- 
prète à son gré, suivant les besoins d’une discussion, et qui oppose à des 
documents contemporains ,.... l'autorité du président Hénault!...…. Jean 
d'Outremeuse n’a d'autre importance à nos yeux, dans ce cas-ci, que de 


( 54 ) 

discussion, déclaré une telle preuve impossible. Tout ce 
quon peut faire, dans l'état actuel de la science histo- 
rique, c'est d'arriver là-dessus à une quasi-certitude. Mais 
quant au point de savoir si le héros est né dans la pro- 
vince de Liége, seul objet du concours, nous croyons la 
question suffisamment éclaircie, et nous estimons qu'il 
n'y a pas lieu de la maintenir sur le programme de l’Aca- 
démie. 


Note sur la Mons’ Meg, ancienne bombarde conservée à la 
citadelle d'Édimbourg: par le chanoine J.-J. De Smet, 
membre de l’Académie. 


Ecce sodalem ! 


Quand la notice que nous avons donnée sur le grand 
canon de Gand (4) se publiait dans les Bulletins de l’Aca- 
démie, il ne nous était pas connu qu'une bombarde sem- 


prouver la non-existence de la tradition liégeoise sur Charlemagne au 
XIVre siècle, Quant au texte de Jean de Klerk, nous en avons suffisamment 
discuté la valeur dans notre premier travail, nous n’y reviendrons pas. Que 
signifie, d’ailleurs, un texte semblable; si l'on se contente de preuves de 
cette nature, l'Italie et l'Espagne peuvent aussi revendiquer l'honneur d'avoir 
vu naître le fils de Pepin le Bref, et la province de Brabant elle-même en- 
trera dans la lice. Dynterus ne dit-il pas quelque part : Est sciendum quod 
non eventu vel casu fortuito, sed magna sanctorum principum actum 
est solercia, et permaxima Graecorum et Romanorum atque Merovin- 
gorum desidia, quod translatio hujusmodi facta sit in personas Pipini 
et Karoli predictorum , qui ambo fuerunt duces Brabantiae, ET 181 NATI 
ET NUTRITI >? 

(1) On y trouve quelques errata un peu singuliers, tels que celui où l’on attri- 
bue, sur 12,000 chariots qu’avaient les Flamands, 14,000 aux seuls Gantois; 
de plus, les creppaudelen étaient des pièces d'artillerie et non des grappins. 


999 }) 

blable décorait le château d'Édimbourg, et nous avons dû 
regretter notre ignorance. En effet, les renseignements 
que les antiquaires et les historiens militaires de la 
Grande-Bretagne nous fournissent à ce sujet sont de na- 
ture à confirmer en plusieurs points nos assertions et nos 
conjectures. La classe voudra bien nous permettre d’ap- 
peler un instant son attention sur une bouche à feu remar- 
quable, dont, à la vérité, l'Écosse s'enorgueillit, mais que 
la Belgique peut revendiquer comme son ouvrage. 

Le capitaine Faré pense que la bombarde conservée à 
Édimbourg est, sauf les dimensions, absolument sem- 
blable au grand canon de Gand, et que celui-ci est bien, 
selon toutes les probabilités, la bombarde merveilleusement 
grande dont Froissart a fait mention (1). S'il ne remonte 
pas plus haut, la raison en est toute simple : comme 
étranger à notre pays, il ne pouvait avoir une Connais- 
sance assez complète des chroniques et des comptes an- 
ciens qui reposent dans les archives des Flandres. Un fait 
bien connu de tous ceux qui s'occupent, en Angleterre, 
d’études historiques, c’est que, sous le règne de Henri VIE, 
les canons avaient encore la même forme que la Mons 
Meg. Le vaisseau de guerre, la Mary Rose, coulé à fond 
près de Spithead, en 1545, en a été retiré il y a quelque 
temps, grâce aux progrès de la mécanique, et plusieurs 
de ses canons, avec leurs affüts en bois et les coins qui at- 
tachaient la chambre à l’âme ou à la chasse de la pièce, 
se voient aujourd'hui à Woolwich et à la Tour de Londres. 
Ce sont là, sans doute, des monuments remarquables; 
mais leur époque est un peu trop rapprochée de la nôtre, 


(1) Voy. dans l’Archeological Journal, t. X, p. 25, la notice de 
M. Hewiti. 


( 306 }) 
en ce sens que nous ne manquons pas de documents 
tout aussi authentiques pour la première moitié du XVI°* 
siècle. 

La Mons’ Meg est mentionnée parles historiens bien long- 
temps avant cette époque. Dans une légende de Galloway, 
insérée dans Wülson’s Memorials of Edimburg in old times, 
on la cite comme ayant été employée par Jacques IT (1) 
vers 4460. Il fallait, pour charger la pièce, dit le chroni- 
queur, tout un baril de poudre, et elle lançait un boulet 
de granit qui était presque aussi pesant qu'une vache de 
Galloway. Cette légende ne paraitra peut-être qu'une au- 
torité insuffisante, parce qu’elle est isolée et son récit 
controuvé en d’autres endroits (2). La première appari- 
tion de la bombarde écossaise est reculée, en ce cas, jus- 
qu'au siége de Dumbarton par Jacques IV, en 1489, ce qui 
est prouvé par des témoignages contemporains. En 1497, 
on la retrouve au siége de Norham-Castle. Plus tard, elle 
est mentionnée plusieurs fois dans les comptes pour les 
sommes employées afin de l’entretenir en bon état : on y 
‘ voit, entre autres dépenses faites à cet eflet, combien il 
en coûtait pour la peindre en rouge et graisser ses essieux 
et ses roues de beurre d'Orkney. Nous ignorons si les ma- 
gistrats de Gand donnèrent autant de soin au grand canon 
et à sa toilette; mais nous savons, cependant, que lui 
aussi fut peint en rouge, d'où lui vint le surnom connu 
de Rooden duivel. 


(1) Surnommé @ la figure de feu, parce qu'il avait une grande tache 
rouge à la joue. 

(2) Hall raconte cependant aussi que Jacques IT assiégea, en 1460, le 
château de Roxburgh avec une nouvelle bombarde construite en Flandre et 
appelée le Zion. 


( 391 ) 

Dans les XVE®° et XVIT”* siècles, Mons’ Meg ne fit plus 
entendre sa voix éclatante que pour célébrer l'entrée des 
souverains et d’autres fêtes publiques; mais on négligea 
probablement ensuite l'entretien de ses affüts, puisque 
nous lisons dans l’History of Edimburg de W. Maitland, 
en 1755 : « Près d’une porte intérieure du château gît 
par terre une énorme pièce d'artillerie nommée Mounts 
Meg. » 

Nous nous souvenons qu'on se disait à Gand, du temps 
de l’empire, que Napoléon avait eu la pensée de transporter 
le grand canon à Paris, mais que la dépense à faire l’en 
avait détourné. Ce bruit populaire n'avait à coup sûr au- 
cune espèce de fondement; mais, s’il en était autrement, 
le grand empereur n’eût fait là qu'imiter les Anglais, dont 
les léopards ne fraternisaient pas alors avec ses aigles. En 
1754, Mons Meg fut envoyée en Angleterre au grand mé- 
contentement du peuple d'Édimbourg et de toute l'Écosse; 
mais les guerres dangereuses et presque incessantes qui 
commencèrent bientôt après cette spoliation donnèrent 
un autre cours à l’opinion publique. On y revint seule- 
ment en 1829, et dans des meetings auxquels sir Walter 
Scott prit une part très-active, on vota une adresse au roi 
Georges IV, qui fut bien accueillie. Le gouvernement fit 
confectionner en bois une pièce exactement semblable à 
la bombarde réclamée, pour la conserver à la Tour de 
Londres, et permit la restauration de Mons’ Meg à Édim- 
bourg. On lui fit, à Leith, un accueil brillant : une garde 
d'honneur et une foule joyeuse la reconduisit en triomphe 
à ses anciens quartiers. 

Il paraît, toutefois, qu'après cette ovation, on négligea 
la vieille bombarde. L’officier commandant de l'artillerie 
royale au fort de Leith informa le bureau de son arme que 


( 998 }) 
le grand canon, appelé Mons Meg et placé en batterie au 
château d'Édimbourg, était tombé avec grand bruit. La 
société des antiquaires d'Écosse intervint, et l’on expédia 
de Woolwich un nouvel affüt de fer fondu qui supporte 
actuellement le vieil instrument de mort (1). 

Comme le canon de Gand, celui-ci est fait de barres de 
fer réunies par des cercles du même métal (2). L’épaisseur 
des barres est de 2 ‘2 pouces anglais et celle des cercles 
de 5 ‘y. Le calibre de cet engin, le plan de ses différentes 
parties et les proportions assez délicates de ses contours 
prouvent que ce m'est point un des premiers monuments 
de l’art du forgeron en ce genre. Les premiers canons 
avaient une forme conique; plusieurs documents an- 
ciens (5) en font foi, et l’empereur actuel des Français, 
Napoléon ITF, l’a prouvé dans ses Études sur l'artillerie. On 
peut donc accorder difficilement à Mons Meg une plus 
haute antiquité que le milieu du XV” siècle. 

On voit que la bombarde a souffert d’un accident arrivé 
apparemment la dernière fois qu'on la déchargea pour 
une réjouissance publique, ce qui fut cause que W. Mait- 
land la trouva renversée par terre. Les ouvertures qu’on 
aperçoit au cercle inférieur et au bout supérieur de Ja 
chambre se rencontrent rarement; mais on les retrouve 
dans notre grand canon : elles servaient, selon une tra- 
dition locale, à changer la bombarde de place, quand on 
le Jugeait nécessaire, au moyen de leviers de fer. Une 
pierre sculptée, qui fait partie d’une porte au château 


(1) The great murtherer. 

(2) La planche qui est jointe à cette note, fig. 1, donne une idée parfai- 
tement exacte de sa construction. 

(3) British Museum, n° 2455, vol. B., fol. 115, fond Sloane. 


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( 559 ) 
d'Édimbourg, la représente montée sur un de ses anciens 
affüts (1). 

Mais que signifie Mons’ Meg, et pourquoi ce nom a-t-il 
été donné à cette pièce d'artillerie ? 

Meg est en Écosse le diminutif ordinaire de Marguerite, 
et représente ainsi parfaitement notre Griete. Mons’ rap- 
pelle la capitale du Hainaut, et à fait naître l’opinion, 
générale en Angleterre, que le canon d'Édimbourg a été 
forgé dans cette ville de Belgique. D’autres documents 
viennent à l’appui de la même opinion, et confirment 
ainsi ce que nous avons avancé, dans la Notice sur le grand 
canon de Gand, touchant l'introduction de la nouvelle 
artillerie en Écosse par les armuriers du Hainaut, Nous 
devons, cependant, remarquer qu'il se trouve des anli- 
quaires qui écrivent Mount's Meg au lieu de Mons’ Meg, et 
que, si l’on adopte leur orthographe, le nom de la bom- 
barde signifierait Margot de la montagne, ce qui pourrait 
tout aussi bien lui convenir. 


(1) Voy. fig. 2. 


Tome xxi1. — II PART. 25 


( 360 ) 


Lettres sur l'identité de race des Gaulois et des Germains, 
par M. le général Renard, aide de camp du Roi, chef 
du corps d'état-major, à Messieurs les Membres de l’Aca- 
démie royale de Belgique, classe des lettres. 


TROISIÈME LETTRE. 


DU ViEUX LANGAGE DES CELTES. 


Ÿ 1. Des analogies linguistiques. — 2. La preuve étymologique ne peut être 
considérée comme décisive : parce que les langues qui servent de point 
de comparaison ont été profondément altérées : parce que les Romains ont 
défiguré les mots qu'ils nous ont transmis. — \ 3. Point de vue sous lequel 
la question linguistique doit être envisagée. — \ 4. Les Gaulois parlaient 
le teuton; preuves tirées des textes historiques. — \ 5. Preuves tirées de 
la langue latine. — \ 6. Preuves tirées de la composition de la langue 
française; discussion à ce sujet. — \ 7. Preuve tirée du langage des 
Ménapiens et des Morins, — \ 8. Preuves tirées de la composition de la 
langue anglaise. — 9. De l'impuissance de la science étymologique pour 
résoudre la question relative à la langue des Gaulois. 


$ 1. — Ma démonstration resterait incomplète, si je ne 
m'occupais pas de la question de la langue celtique; car 
elle a absorbé, dans les derniers temps, l'attention d’une 
foule de savants allemands de premier ordre. 

Les savants de l'Allemagne, ces rudes éplucheurs de 
textes, n'avaient pas tardé à reconnaître l'impossibilité de 
mettre les citations des anciens en harmonie avec l’hypo- 
thèse de la non-identité de race des Gaulois et des Ger- 
mains. Je ferai remarquer, en passant, que ces savants 
appartiennent pour la plupart à la haute Allemagne, et 
qu'il leur était, en effet, impossible d'admettre, comme je 
ne l’admets pas moi-même, cette identité pour leur race. 


( 561 ) 

En présence de ces difficultés, quelques-uns ont rejeté en 
masse les opinions des écrivains anciens. [ls en ont fait 
table rase. Ils regardent la solution par les analogies lin- 
guistiques comme seule décisive (1), et considèrent les 
renseignements consignés dans un auteur classique comme 
n'étant pas de nature à déterminer le critique à sacrifier 
le témoignage de la langue. 

$ 2. — Jaccepterais un pareil moyen de contrôle, sil 
pouvait être judicieusement et Justement appliqué de nos 
Jours. Grâce aux auteurs classiques, la langue des Romains 
est parvenue jusqu'à nous; mais en est-il de même des 
langues teutonique et bretonne? Au IX"° siècle, le teuton 
possédait à peine un monument écrit : le premier est, je 
crois, la traduction de l'Évangile ‘du moine Otfried. Par 
quelles transformations la langue n’avait-elle pas déjà 
passé avant d'arriver jusqu’à lui? Quant au bas breton, il 
a élé profondément altéré jusque dans sa syntaxe, par son 
contact, durant quatorze siècles, avec le français. Il n’est 
pas un auteur qui ne constate les modifications qu'il à 
subies. Lors done qu’on retrouve dans le bas breton l’éty- 
mologie d’un mot français, on doit toujours craindre d’y 
reprendre le mot français défiguré. Il en est de même du 
gallois, qui se trouve corrompu par un grand nombre 
de mots et d'idiotismes français et anglais (2). 


(1) Vur die Sprachen dieser drei Vülker ( Teutschen, Lateinischen, 
Celtischen) sind hier entscheidend, nicat pi£ ANGABEN mir MEINUNGEN DER 
ALTEN, denn weinige alte Schriftsteller haben die Teutschen und Gallien 
personlich gekannt, und Nachrichten vom hôrensagen, auch wenn sie 
in einem Klassichersterhen werden den Kriticher nicht bewegen die 
Sprachbeweis Aufzuopfern. (Mone, Urgesch. des Bad. Landes., I, p.61.) 

(2) C’est à ce point que M. Raynouard prétendait que le bas breton ne 
datait que du XVIw+ siècle. D'un autre côté, l’auteur des Chants populaires 


( 562 ) 

Alors même qu'on rendrait les idiomes à leur pureté 
antique, il faudrait encore, pour procéder avec justice dans 
l'ordre d'idées où l’on s’est placé, opérer de la manière sui- 
vante : il faudrait rechercher l’étymologie à la fois dans 
le breton et dans le teuton , et proclamer comme le véri- 
table celtique, celle des deux langues qui répond le mieux 
aux invesligations. 

Au lieu d'agir ainsi, que fait-on? On commence par 
admettre que le bas breton est la langue des Celtes, c'est- 
à-dire que l’on résout arbitrairement la question. On fait 
plus, on répudie systématiquement le teuton. En voici un 
exemple. L'étymologie du mot Rhin (Rhenus) est assez 
malaisée à établir au moyen du prétendu celtique, tandis 
qu'elle rencontre, dans le teuton ou le flamand, une expli- 
cation toute naturelle. M. Mone repousse néanmoins celte 
origine teutonique, et voici le motif qu'il en donne (1) : 
» Les Teutsches n'ont pas originairement habité les bords 
» du Rhin; ce n’est donc pas dans leur langue qu'il faut 
» chercher l’étymologie. » Dans la question qui nous oc- 
cupe, un semblable raisonnement est un cercle vicieux; 
caril s'agit précisément de rechercher et de décider si les 
Celtes parlaient le teuton ou le bas breton. 

Il est une autre erreur contre laquelle je m'élève. Les 


de la Bretagne, M. de la Villemarqué, nous fait connaître combien le breton 
s’est radicalement corrompu au contact du français. Ses formes grammati- 
cales ont été modifiées; par exemple, la langue n’a plus de passif régulier; 
pour l'obtenir elle en est réduite à recourir aux auxiliaires. (Introduction, 
p. Lxr.) Lors donc que les celtistes invoquent l'identité de certaines formes 
grammaticales entre le français et le bas breton, ils commettent une erreur 
singuliere : ils reprennent au breton ce que le breton a pris au francais. 

(1) Die Teutschen haben nicht ürsprunglich am Rhein gewohnt, bei 
thnen darf man die Erklärung der Namens nicht suchen. 


( 563 ) 


Allemands se montrent puristes impitoyables envers leur 
langue (1), tandis qu’ils acceptent des deux mains, comme 
gaulois ou celtiques, les mots dans la forme que les Ro- 
mains leur ont donnée. Cette façon d’agir est inadmissible, 
et Je la repousse comme tout à fait vicieuse. La langue la- 
tine n'avait pas de vocales pour rendre les syllabes pleines 
de consonnes, et la prononciation des peuples du Nord; 
les lettres des alphabets ne se correspondaient pas ou ne 
représentaient pas les mêmes sons. Pomponius Méla nous 
a signalé cette difficulté en ce qui concerne libérien : 
Populi omnes sunt quorum nomina nostro ore concipi 
nequeant. Les Romains, pour me servir d’une expression 
triviale, mais vraie, ont écorché les noms qu’ils nous ont 
transmis; 1ls les ont latinisés, ils les ont privés de leur 
physionomie nationale, comme les Français du moyen âge 
écorchaient si bien les noms de leurs ennemis. En s’ap- 
puyant sur Joinville, pourrait-on par exemple soutenir ce 
paradoxe, que les Sarrasins ne parlaient pas l'arabe, at- 
tendu que leurs villes se nomment Halappe, Cormue, 
Jourmesac, Passe-Poulaine, Belinas, et que leurs chefs 
s'appellent Scecedun ou Barbacan ? 

Les Romains ont fait ce qu'a fait Joinville; ils ont écrit 
à la romaine les noms des fleuves, des lieux et des hommes. 
Les chefs germains sont appelés par eux Arioviste, Ar- 
minius, Ségeste, et les femmes sont appelées Velléda et 
Aurimie, ce qui n’est pas le moins du monde teutonique; 


(1) M. Mone, par exemple, rejette les mots garten, gans, gabel. Ces 
mots sont parfaitement teutons ou flamands. La vieille orthographe du pre- 
mier est gaerde , d’où boom-gaerde , roose-gaerde. Le teuton possède des 
mots que le suévique ne contient pas. Il possède également gaffel (fourche), 
d’où gabel. 


( 364 ) 
pourrait-on en inférer cependant que les Suèves, les Ché- 
rusques et les Bructères ne parlassent pas un des dialectes 
de l'allemand (1)? 

Telles sont les raisons qui me portent à soutenir qu’il 
n’est pas possible de fonder un système historique sérieux 
sur des analogies linguistiques. 

$5.— L’étymologie employée comme base d’un système 
conduit en effet où l’on veut. Bochart fait sortir le gau- 
lois de la Phénicie; La Tour d'Auvergne présente le bas 
breton comme Ja langue mère des idiomes scandinaves, 
teutoniques ou slaves; Schrieckius réclame cette préémi- 
nence pour Le flamand; et Astarloa pour le basque. Depuis 
les grands travaux exécutés par Bopp, Grimm, Humboldt, 
Schæbell, Eichhoff, Schlegel, et tant d'illustres philo- 
logues, de pareils tours de force sont aujourd’hui faciles, 
même pour des écoliers. Ces savants ont, en effet, établi 
l’'affinité et l'identité de toutes les langues indo-euro- 
péennes; ils ont montré que le teuton, le suévique, le 
slave, le prétendu celtique, le grec, le latin sortent de Ja 
même souche et trouvent leur origine commune dans le 
sanscrit. 

La découverte de quelques centaines d'étymologies entre 
deux langues indo-européennes ne prouve donc rien, ab- 
solument rien, à moins pourtant que les expressions ne 
soient similaires et de forme et de sens; car une simili- 


(1) N'’avons-nous pas vu, dans ma deuxième lettre, César et Tacite affubler 
les dieux gaulois et germains de noms romains ? Et après cela, on ira prendre 
sérieusement quelques syllabes de ces noms écorchés , tronqués , romanisés, et 
l'on viendra nous dire : ce nom n'est pas germanique, donc ce peuple n’est 
pas germain! Toutes ces discussions de mots et de syllabes n’ont aucune va- 
leur historique. 


( 365 ) 


tude complète peut seule, dans l’état actuel de la linguis- 
tique, donner quelque portée à l'argumentation fondée sur 
l’étymologie; parce qu’elle prouve, au moins, que les lan- 
gues comparées ont subi, à travers les temps, des modifi- 
cations identiques. 

Néanmoins, les analogies linguistiques pèseraient d’un 
poids incontestable sur la solution de la question des races, 
si l’on établissait, par exemple, que le bas breton explique 
parfaitement les mots de la vieille langue celtique, ou bien 
qu’elle entre comme partie constitutive dans la composi- 
tion du français, tandis que le teuton ne satisfait à aucune 
de ces conditions. Mais, ici, un semblable argument ne 
peut être invoqué, car c’est le teuton, ou le flamand, 
comme on voudra l'appeler, qui satisfait le mieux aux exi- 
gences de l’histoire, et qui offre infiniment plus de res- 
sources pour expliquer les origines de la langue française 
ou celle des vieux mots que les auteurs grecs et latins 
nous ont donnés comme appartenant à la langue des Gau- 
lois (4). 

C'est ce que je vais démontrer. 


(1) L'opinion que les Celtes parlaient le flamand est antérieure à celle qui 
leur assigne le bas breton. La Bibliothèque de l’École des chartres (1848-1849) 
contient un petit écrit de Bonivard, sous la date de 1565, qui renferme les pas- 
sages suivants : « Le language Gauloys n’estoit guère différent du thodesque, 
» lesquelz Thodesques pour ce furent appelez Germains, id est, frères, 
» pour ce que en language, meurz et façons de faire , ils ressembloient es 
r Gauloys, comme s’ilz fussent été frères. » Page 297. Bonivard copie évi- 
demment Strabon. Voilà qui est plus explicite. « Strumpff, en son Æelvétie 
» eten sa Gaule, dict que les Helvétiens, ou Helvetteriens, que maintenant 
» on appelle les Souysses, parloient non pas de langue germanique, mais 
» d’une non beaucoup à icelle différente et proprement celle que font de 
» présent les Flamentz ou bas Allemands. » P. 299. Comme preuve, il donne 
l'étymologie du mot V’ergobretus qu’il tire du flamand. | 


( 366 ) 

$ 4. PREMIÈRE OBSERVATION. — Pour prouver que les 
Gaulois ne parlaient pas le teuton, on oppose le texte où 
César rapporte qu’Arioviste eut besoin d'un long usage 
pour parler le langage de la Gaule. Je soutiens que cette 
assertion ne contredit pas le système que je défends. Ario- 
viste était Suève et non pas Teuton. Aujourd'hui encore, 
si un paysan, ou un homme illettré de Carlsruhe, arrivait 
dans nos provinces du Nord, il lui faudrait également un 
long usage pour se familiariser avec le flamand. En admet- 
tant donc que les Gaulois parlassent un des dialectes du 
teuton , le texte de César conserve sa signification. 

Mais César ne signale plus de pareilles dissemblances 
dès qu’il met en contact les Gaulois et les Teutons, notam- 
ment dans les assemblées générales où les tribus germa- 
niques de la Belgique étaient représentées à côté des peu- 
plades de la Celtique. Ces faits ont si vivement frappé 
l'esprit des historiens de l'Allemagne moderne qu’ils n’hé- 
sitent plus à considérer comme Celtes tous les habitants 
de la rive gauche du Rhin, v compris les Nerviens, les 
Trévires, les Éburons, etc., etc. Encore un pas de leur 
part, et nous serons d'accord. 

Ce qui précède est une preuve, indirecte, il est vrai, de 
la similitude de langage entre les Gaulois et les Teutons. 
Voici maintenant des preuves directes à l'appui de cette 
asserlion. 

Lors de l'invasion des Teutons et des Cimbres, les 
Romains voulant connaître ce qu'ils faisaient dans leur 
camp, envoyèrent, pour les espionner, Sertorius, qui put 
tout voir et tout entendre à la faveur de l’habit gaulois 
qu'il portait et de la langue gauloise qu’il parlait. Serto- 
rius vestilu amiclus gallico, et maxime communia linguae 
ad congressum ex tempore doctus, miscuil se barbaris. 


( 367 ) 

(Dom Bouquet, t. [, p. 402.) Mais le texte le plus formel, 
la preuve la moins réfutable, c'est le passage où saint 
Jérôme affirme que les Galates parlent un idiome qui dif- 
fère peu de celui des Trévires (1): Galatas excepto ser- 
mone graeco, quo omnis Oriens loquitur, propriam linguam 
eamdem pene habere quam Treviros. (Dom Bouquet, 1.1, 
p. 745.) 

Les textes historiques sont donc d'accord avec ma 
théorie. 

$ 5. DEUXIÈME OBSERVATION. — Si je ne me trompe pas, 
si le teuton était bien la langue des Celtes, nous devons en 
trouver des traces incontestables dans la langue romaine. 
En effet : les Celtes-Ombriens étaient maîtres du nord de 
l'Italie près de six siècles avant la fondation de Rome, et 
ils étendaient leurs possessions jusqu'à l'embouchure du 
Tibre. Vaincus, une partie subit le joug des Étrusques, 
tandis que les Ombriens des montagnes parvinrent à 
conserver leur liberté. Suivant Denys d'Halicarnasse, les 
Sabins étaient des Ombriens mêlés à une colonie de Lacé- 
démoniens (2). Dans un tel état de choses, et lorsqu'on se 
remémore les origines de Rome, il n’est pas possible d’ad- 
meltre que le celtique n’ait pas concouru à la formation 
de la langue latine telle qu'elle est parvenue jusqu’à nous. 


(1) Voici la manière curieuse dont on réfute saint Jérôme « Ce passage, 
» dit-on, n’a point de fondement, parce qu’il est connu que les Trévires 
» étaient d’origine teutonique et non celtique. » C’est là tout à la fois un 
démenti gratuit donné au saint Père, et une pétition de principes, car il s’agit 
précisément de rechercher si les Teutons et les Celtes étaient de même race et 
parlaient la même langue. C’est ce que saint Jérôme prouve d’une manière 
péremptoire et qu’il est impossible de réfuter. 

(2) Pline III, 14. — Florus, I, 17. Denys d’Halicarnasse, II, cap. IX, 5, 
PUIS 22, 5. 


( 368 ) 

Nous savons, en effet, que cette langue est composée de 
grec mêlé d'un élément barbare qui doit être le celte (4). Si 
la théorie que je défends est la vraie, on doit donc trouver, 
entre le latin et le teuton, non-seulement des analogies 
linguistiques comme 1l en existe entre toutes les langues 
indo-européennes, mais une foule de mots similaires. 

C'est, en effet, ce qui se manifeste dès que l’on ouvre 
un dictionnaire teuto-latin. Le vieax glossaire de Ki- 
lianus m'en a fourni près de sept cents, et j'en citerai 
quelques-uns en note pour prouver que ces dénominations 
ne se sont pas introduites dans le langage au contact pas- 
sager des Romains et des Teutons, mais qu’elles appar- 
tiennent au fonds de la langue, aux objets qui sont d’un 
usage usuel (2). | 

$ 6. TROISIÈME OBSERVATION. — Les Celtes ont occupé 
toute la Gaule, les côtes orientales de l’Angleterre, pres- 


(1) Voici le passage de Denys d'Halicarnasse au sujet de la formation de la 
langue latine : Romani autem sermone, nec prorsus barbaro, nec abso- 
lute graeco utuntur, sed ex utroque mixto, accedente in plerisque ad 
proprietatem linguae Aeolicae, 1, 29, \ 5. 

(2) Je donnerai seulement les trois premières lettres, quoique celles qui 
fournissent le plus de mots soient !, m,p,s,t, v. Axis—as; angulus, 
ancus— angel ; angustia—angst; anchora—anker ; armus—arm ; arca— 
ark; abire—ebben : asinus—esel; arare—aeren; ascia—aeckse;: alter — 
ander; aqua—ach; argutus—argh; barba—baard; beta—beete ; bellus — 
billyk; burgus—burg ; butirum—boeter; bulga—balg; bestia—beesf ; 
bucca—backe ; badius—baeye ; caput—kop; clarus—ÆXlaer ; coquere — 
koken: calx—kalk?: calvus—kaluwe; caseus—kaese; cancer —Hanker ; 
capo— kapuyn ; camelus—kemel; cerasum—kerse ; cista— kiste ; clarare — 
klaeren; coquina—kokene ; copula—koppele ; curtus— kort; costus — kost ; 
corona— kroone ; cannabis—kennep; carduus— kaarde; cacare — kakken ; 
campus—kamp; carrus—kar ; curro—keeren; cellarius—kelder ; calix— 
kelk; cavea—kevie; cupula—kop; cuculus—kockoek ; clangere—klagen ; 
genu—knie ; nodus—Ænod; ceva—koe; colis—kool; euprum—koper : 


( 369 ) 


que toute l'Italie, et une grande partie de l'Espagne, les 
rives du Danube et de ses principaux affluents. Si la 
langue des Gaulois avait été le bas breton, nous devrions 
en retrouver la trace dans tout ce vaste espace; et néan- 
moins c’est le contraire qui se présente à nous. Nulle part 
de traces du bas breton, et partout où les Celtes ont sé- 
journé de longs siècles, en ftalie, en Espagne comme 
dans la Gaule, des preuves nombreuses et incontestables 
de l’existenee dans la langue d'éléments teutoniques. 
Pour expliquer ce fait, il n’est pas possible d’objecter que 
la langue latine gagnant toujours du terrain vers le Nord, 
ait détruit radicalement la langue des Gaulois comme 
le pas de l’homme civilisé détruit la bruyère jusqu'aux 
racines. Nous savons que le celtique a été conservé avec 
soin par les masses durant toute la domination romaine, 
et Sidoine Apollinaire nous enseigne que la noblesse d’Au- 


cortex—korst ; gustus—kost; culter—kouter ; crux—kruis: creta—kryt 

Presque tous ces mots sont des mots usuels, de ceux dont tous les peu- 
ples se servent; il n’est donc pas probable qu’ils se soient introduits dans 
le teuton, lorsque les Gaulois et les Germains du bas Rhin se sont trouvés 
en contact avec les Romains. Tels sont encore les substantifs et adjectifs 
suivants : 

Mater—moeder ; soror—zuster ; neptis—nichte ; auris—hoore; oculus— 
00g ; dens, dentis—tand; lab(ium)—{lip ; pater—vader; mare—meer ; men- 
sis—maend ; vellus—vel; mus—muis; fructus—vrucht; flamma—vlaem : 
tectus —dack , gurgulus—gorghel ; gradus—graed ; hodie—heden ; heros— 
 heer; leo—leeuw; lux—licht; murus—muer; mors—moord ; margo — 
| marghel; navis—nauwe; nox—nacht; etc., etc. Les verbes spuere—spu- 
wen ; edere—eten ; fallere—faelen ; habere—hebben ; etc., etc., et cent autres 
viennent évidemment de même souche. Ainsi que les adjectifs falsus — falsch ; 
macer—magher ; longus—/ang; securus—seker ; clarus—Ælaer; tenuis— 
dun ; floccus—flauw ; grandis—groot; glutus—glad ; juvenis—jung; 
novus—nieuwe ; rotundus—rond : ruber—rood ; rosa—roose; rufus— 
ros ; etc., etc., et tant d’autres; et les noms de nombre, et les pronoms? 


( 370 ) 

vergne le parlait encore au V"* siècle (1). Dans les contre:s 
occupées par les Romains, on se servait, il est vrai, exclu- 
sivement du latin pour la justice, la guerre, l’'administra- 
tion des cités, l’agriculture, les arts et l’industrie; le 
celtique tendit done fortement à disparaitre des hautes 
classes. Dans les campagnes, il n’en fut pas ainsi. Là il 
n'existait plus pour ainsi dire d'hommes libres; on y 
trouvait des esclaves, des colons ou des clients soumis à 
la loi de maîtres italiens ou de Gaulois romanisés. Le pay- 
san ou le cultivateur, forcés de modeler leur langage sur 
celui de maîtres durs et exigeants, s’'approprièrent la plus 
grande partie du vocabulaire romain; mais ils conservèé- 
rent avec ténacité les locutions du langage familier et une 
grande partie de leurs formes grammaticales. C’est ce qui 
advint en Angleterre, après l’invasion des Normands, qui 
transplantèrent dans cette île l’idiome français. La langue 
anglaise n’est autre que l’anglo-saxon augmenté du vocabu- 
laire normand. Le plus grand nombre des mots appartien- 
nent au français, tandis que le fond et le génie de lPidiome 
sont restés anglo-saxons. Tel était aussi le langage de la 
Gaule, dans lequel le latin jouait le rôle du français dans 
l'anglais, quoique à un degré plus élevé. Les Romains lui 
donnèrent le nom de lingua romana rustica ; perfectionné 
avec le temps, il est devenu le français. Nous avons donc 
ici une pierre de touche pour juger quel est l’idiome (le 
bas breton ou le teuton) qui a concouru à la formation de 
la lingua romana rustica et par suite du français. 

Les efforts pour résoudre Ja question par le bas breton 
ont été considérables, mais ils sont restés complétement 


(1) Les preuves de ce fait sont bien connues. On les trouvera réunies dans 
Chevalet, Origines de la langue française, 17 à 19. 


PP EP 


(“914 

infructueux. Les résultats ont été stériles. Pour les faire 
apprécier, il me suffira de donner en note les mots, au 
nombre de 227, que l’on attribue à cette langue. La pau- 
vreté et l’insignifiance de ce vocabulaire, dont un grand 
nombre de vocables ne sont jamais sortis du patois de 
quelques provinces, prouvent que le bas breton n’a pas 
concouru à la formation du français (1). 

Maintenant, si nous jetons les yeux sur les recherches 


=——— — 


(1) Voici les mots dans l’ordre que leur assigne M. Chevalet, dans ses 
Origines de la langue française , et encore parmi ces mots en est-il plus 
de cinquante qui appartiennent au teuton : 

Alouette, aluine, arpent, babequin, bachelier, Bade, balai, balet, bane, 
bar, baraque, barat, barguigner, baril, barette, bas, bât, bâtard , bâton, bec, 
bêche, beloce, bennel, bertauder, bétoine, bijou, bille, botte, bougette, 
bouleau, bourde, bouse, boyau, braie, bragard , braïller, bran, brance, 
branche, brai, bretun, brian, brique, broche, broil, brouille, brouter, 
bruit, brusque, bruyère, bugne, cabane, cancoile, carole, carrière, cas, 


| casaque, cervoise, charriée, chemin, chômer, claie, clavelée, cochon, coche, 


coint, coq, coquelicot, couper, crêpe, danse, darne, dartre, dégobiller, dia, 


| dorloter, drouine, dru, drylle, dune, écheveau, échine, enganer, entamer, 


escache, escoufle, escourgée, escrache, étalon, fagot, fol, fringant, furet, 
galant, gale, galerne, gâteau, gaule, gazouiller, geai, geôle, gésier, gigot, 
gimblet, glai, glaire, glui, gobe, goëland, gogue, gourmand, gourmette, 
gournal, gousset, goy, grenon, grès, grève, grignoter, groseille, guède, 
guéret, guermenter, guirlande, haït, hâle, haleine, hannouart, hart, hair, 
hide, hobereau, jale, jambe, jarret, jorroise, jars, lagaigne, lance, larris, 
lèche, liart, lieue, lisière, loche, locher, longe, magnan, marne, mâtin, 
méghe, mine, miste, mitaine, morgue, mortaise, motte, mouchet, mouton, 
narguer, pairol, pavois, peautre, penne, pic, pièce, pignon, plâtre, plonger, 
rabâcher, rache, raie, rang, ratin, rebarder, roc, rogue, rotte, route, saie, 
sale, samole, soc, solive, sorner, suie, tabut, tache, tacon, talent ,tan, tas, 
lasse, teigne, telon, teter, toque, torche, tourte, tréteau, treuil, trimer, 


 tripe, trôler, trompe, trousse , truie, turbot, turet, veltre, verne. 


Voilà avec quel bagage de mots on espère soutenir que le bas breton a été 
la langue des Gaulois. Il n’est peut-être pas de langue au monde qui, fouillée 
aussi profondément, n’en fournisse autant. 


CIE.) 

faites au point de vue du teuton, c’est un tout autre spec- 
tacle qui se présente à nos yeux. Dans les parties consti- 
tutives de la syntaxe, comme dans les mots les plus con- 
aus, les plus usuels et dont le peuple se sert de préférence 
pour ses relations habituelles, cet idiome a laissé d'inef- 
façables traces; on est forcé de reconnaître qu'il a puis- 
samment concouru à la création du français, et que ce 
dernier est, en définitive, un dialecte teuto-latin. 

Les savants de l'Allemagne évaluent à un cinquième du 
vocabulaire français les mots à physionomie teutonique 
qui y ont été recueillis (1); ce nombre eût été trouvé plus 
considérable encore, si ces savants avaient puisé dans 
notre vieux flamand , qu’on semble exclure, comme à des- 
sein, dans les recherches de ce genre, attendu que cette 
langue devait s'éloigner le moins du gaulois latinisé. Ainsi, 
M. Chevalet verrait tripler son glossaire teutonique, rien 
qu'en extrayant des dictionnaires de Kilianus et de Terwen 
les analogies linguistiques qui s’y trouvent (2). 

Après une telle épreuve, la solution de la question de 
l'identité de race, en ce qui concerne le langage, aurait 
dû être acquise à l’histoire : la réponse aux investigations 
étant évidemment que les Celtes parlaient le teuton. fl n’en 
a pas été ainsi. On partait de l'idée préconçue que le bas 


(1) Lebrocquy , Ænalogies linguistiques , p. 56. 

(2) J'ai réuni les mots du français et de la basse latinité contenus dans les 
ouvrages de Kilianus, Terwen et Chevalet; et j'y ai joint les mots d’origine 
teutonique que renferme le patois de Hainaut. Je tiens ce vocabulaire à la dis- 
position de l’Académie, si toutefois elle jugeait utile de l'insérer à la suite de 
cette lettre. Je ne pense pas, du reste, qu'il soit possible de contester que le 
français soit une langue teuto-latine, dans laquelle la plus grande partie du 
vocabulaire appartienne au latin, {tandis que les formes grammaticales et les 
mots usuels dérivent du teuton. 


(51) 

breton était Le vieux celtique, et l'on voulait à tout prix la 
maintenir. On se hâta, en conséquence, d’entasser suppo- 
sitions sur suppositions, pour expliquer ce phénomène de 
la disparition complète du prétendu gaulois, alors qu’on 
avait été forcé d'admettre qu'avant le V”* siècle, il entrait 
comme partie consututive dans la lingua romana rustica. À 
cet effet, on se rejeta sur l'invasion des Francs. Les Francs 
en envahissant la Gaule auraient, prétend-on, chassé l’élé- 
ment celtique du langage des Gaulois, pour y substituer 
le teuton. 

Cette supposition ne saurait soutenir une discussion 
sérieuse. 

Au V®° siècle, nos provinces n’ont pas été envahies par 
des hordes étrangères. Le fait qui donna lieu à la ligue des 
Francs Saliens est tout politique et n’a pas été causé par 
des migrations de barbares. Après la grande invasion des 
Vandales et des Alains, en 406, les Sicambres établis dans 
la Taxandrie sous le nom de Saliens, profitèrent de l’aban- 
don où était la Gaule, pour reprendre leur ancien nom de 
Francs et proclamer leur indépendance. Avec le temps, 
les Nerviens, les Morins et les Ménapiens , ainsi que leurs 
villes pricipales, Douai, Thérouanne et Tournai se joi- 
gnirent à eux. Mais une fois l'indépendance de la ligue 
reconnue, elle devint le plus ferme appui de Rome et de 
ses derniers empereurs. Avec Aëtius, et sous la conduite 
de leur roi Mérovée, les Francs Saliens combattirent les 
Bourguignons, les Goths et les Huns; avec Ægidius et le 
comte Paul, et sous la conduite de Childeric, ils déli- 
vrèrent les rives de la Loire et du Rhin des étreintes des 
barbares. Childeric avait été revêtu des fonctions de 
maitre des milices de la Gaule, dont son fils Clovis hérita 
après lui. 


(514) 

Les Francs Saliens ne doivent pas être confondus avec 
les Francs ripuaires. Depuis cent cinquante ans, toutes 
les peuplades qui constituèrent leur ligue vivaient côte à 
côte dans nos provinces, partageant les mêmes maux, 
affrontant les mêmes dangers dans les armées romaines. 
Aussi quelle différence, quand on compare leurs allures à 
celles des Francs ripuaires et des autres barbares qui 
envahirent l'empire romain! Clovis et ses bandes guer- 
rières se montrent à nous comme des Romains du Bas- 
Empire. C'est une guerre en règle qu'ils déclarent à Sya- 
grius et à son armée. Un héraut porte le défi, et, au jour 
convenu, chaque adversaire prend sa place de champ et de 
soleil pour décider dans un combat loyal à qui appar- 
tiendra la souveraineté de la Gaule. Une fois maître de 
Soissons, le paien Clovis fait bien la guerre aux églises, 
mais 1l laisse en paix l'héritage des Gaulois. Le sort du 
peuple est moins affreux, les tributs sont plus modérés. 
Clovis a d’ailleurs à sa disposition les innombrables terres 
du fisc et les propriétés des riches partisans de Sya- 
grius. 

Du reste, les guerriers qui suivirent Clovis hors de leur 
territoire pour s'établir dans la Gaule, ne comptaient dans 
leurs rangs que quelques milliers d'hommes. Ils ne res- 
tèrent pas agglomérés dans des villes, mais 1ls se répan- 
dirent dans des bénéfices situés parfois à de grandes dis- 
lances les uns des autres. Ces hommes ne cherchèrent à 
imposer aux Gallo-Romains ni leur religion, ni leur ad- 
ministration, n1 leurs usages; au contraire, 1ls se roma- 
nisèrent. Les diplômes des premiers Mérovingiens sont 
rédigés en latin; la loi des Frances est elle-même rédigée 
en lan. Les rois, les grands s'exprimaient en laun et se 
glorifiaient de leurs connaissances dans la littérature et la 


(315) 

poésie romaines; les affaires de la religion et de l’admi- 
nistration continuèrent à se traiter en latin. Et c’est à ces 
quelques milliers de Francs romanisés, soumis au chris- 
tianisme, aspirant par tous leurs pores ce qui restait dans 
la Gaule de civilisation et de vices laissés par les Romains, 
qu’on attribue une puissance que ceux-ci n’ont pas pos- 
sédée! Comment, les Romains pesèrent pendant cinq 
siècles sur la Gaule de tout le poids de leur civilisation; 
ils imposèrent aux Gaulois leur langue, leur administra- 
tion, leurs institutions, et ils ne parvinrent pas à détruire 
la langue celtique, et quelques milliers de Francs devenus 
Gaulois auraient opéré ce phénomène! Je dis qu'un pareil 
fait n’est pas croyable. 

D'ailleurs, quelle que soit l’influence que l’on prête aux 
Francs, elle ne pouvait encore avoir pour conséquence 
de chasser le celtique de la langue du peuple. Elle eût 
ajouté de nouveaux mots à son vocabulaire, mais lélément 
celtique eût survécu, comme il avait survécu à l'influence 
romaine. D'où je conclus que le celtique n’était autre que 
le teuton, puisque c’est le teuton que l’on trouve seul à 
côté du latin dans la langue française. 

$ 7. QUATRIÈME OBSERVATION. — L'impossibilité com- 
plète d'établir par des textes et des documents historiques, 
et autrement que par des suppositions, l'introduction dans 
la Belgique, au V"* siècle, de nouvelles peuplades germa- 
niques qui en auraient chassé les habitants, prouve encore 
que la langue des Celtes devait être le teuton. 

En effet, à côté des Nerviens, tribu reconnue comme 
germanique, vivaient les Ménapiens qu'aucun auteur an- 
cien ne nous représente comme Germains. Or leur langue 
est le teuton. Je sais qu'on a nié leur origine celtique, 
attendu, disait-on, qu'ils parlaient le teuton. C'est là un 

ToME xxiu, — [1° PART. 26 


( 3176 ) 
argument sans aucune valeur, un véritable cercle vicieux, 
puisqu'il s’agit précisément de prouver que les Celtes ne 
parlaient pas le teuton. On décide donc ce qui est en 
question. 

Mais à côté des Ménapiens, il y avait les Morins dont 
l'origine celtique n’a pas été révoquée en doute. Leur ter- 
ritoire, il est vrai, à été en partie occupé par les Romains 
dans le but d'assurer leurs communications avec la Grande- 
Bretagne, et la langue romane rustique y avait en consé- 
quence pris pied. Toutefois, dans le nord du pays des 
Morins, sur les rives de l’Aa, il existe de nos jours une 
population parlant le flamand, et tout indique qu’à une 
époque qui ne doit pas être fort éloignée, cette population 
occupait un espace plus considérable encore. Le flamand 
ou le teuton était donc la langue primitive des Celtes de 
la Morinie. 

On à cherché à expliquer ce fait par l'établissement sur 
nos côtes, au IIL"* siècle, de colonies saxonnes. On veut 
en trouver la preuve dans le nom de littus Saxonicum que 
nos rivages avaient reçu. Cette explication n'est pas admis- 
sible. Les Romains disaient littus Saxonicum comme nous 
disons frontière de Prusse, frontière de France, parce 
qu’à cette époque la mer du Nord était infestée de pirates 
saxons; mais cela ne prouve pas du tout que des Saxons 
y eussent pris pied. Par la même raison, le rivage opposé 
de la Grande-Bretagne avait reçu la même dénomination, 
et pourtant les établissements fondés par les Saxons dans 
ces contrées ne datent que du V”® siècle. 

Le littus Saxonicum ne s’arrêtait pas à la petite rivière 
de lAa; il s'étendait jusqu'au midi de la Seine. Pourquoi 
n’y découvre-t-on pas de traces de Saxons ? Je me trompe; 
Grégoire de Tours nous indique une colonie de Saxons à 


CAT ) 
Bayeux, ei là c'est la langue romane et non le scandinave 
qui à continué à subsister malgré leur arrivée. 

D'ailleurs les Saxons ne parlaient pas la langue qui 
règne sur nos côtes; 1ls appartenaient aux peuples scandi- 
naves, et s’il était vrai qu'ils eussent chassé le celtique, 
ils y eussent substitué le danois ou un idiome similaire, 
et non pas un dialecte identique au flamand. 

$ 8. CINQUIÈME OBSERYATION. — Je trouve dans l'anglais 
moderne une preuve linguistique vivante de tout ce que 
J'ai dit au sujet de la formation du français, et la confir- 
mation de la thèse que je soutiens, à savoir que les Gau- 
lois parlaient le teuton. 

L’anglais est un composé de deux éléments parfaite- 
ment distincts, l’anglo-saxon et le roman de la langue 
d'oil. Les Normands, qui parlaient le dernier idiome, ont 
dominé et occupé l'Angleterre comme les Romains ont 
dominé et occupé la Gaule. Après la bataille d'Hastings, 
le roman devint la langue des affaires, de la justice, de la 
guerre, tandis que le peuple resta fidèle à l’anglo-saxon. 
Avec le temps les deux idiomes se confondirent. Il en 
résulta un langage mixte composé d’anglo-saxon et de 
normand d’où sortit l’anglais actuel. L'élément roman y 
domine, puisqu'il forme les deux tiers du vocabulaire ; 
mais sous cette couche de mots étrangers l’anglo-saxon 
continue à exister, et il a su maintenir dans l’anglais mo- 
derne sa syntaxe et son génie. 

Ainsi donc le roman a agi sur l’anglo-saxon comme le 
latin avait agi sur le celtique. Toutefois son action devait 
être moins puissante et laisser des traces moins pro- 
fondes. L’anglais ne mit pas trois siècles à se former, 
puisqu'il apparut comme langue officielle vers le milieu 
du XIV siècle; le français, au contraire, avait demeuré 


( 978 } 
treize siècles sous la pression du latin avant d'acquérir 
la même influence. 

L'examen de l’anglo-saxon, c’est-à-dire de l'anglais mo- 
derne, abstraction faite des mots romans qu’il renferme, 
conduit à une autre conséquence non moins remarquable. 
L'anglo-saxon a pris naissance principalement dans le 
pays de Kent que César et Tacite ont peuplé de Celtes. 
C'est la première contrée d'Angleterre qui tomba sous la 
domination des pirates saxons. Jai dit que rien n’établis- 
sait que la population de cette province ait été n1 égorgée 
ni chassée en masse; ce qui le montre, c’est l’anglo-saxon 
lui-même. 

Hengist et Horsa étaient Scandinaves comme leurs noms 
le prouvent; leurs compagnons étaient Jutes. Le langage 
qu'ils importèrent dans le pays de Kent était donc un dia- 
lecte scandinave, et nous devrions l'y retrouver intact 
comme on retrouve le dialecte des Cornouailles dans l’Ar- 
morique, s'il était vrai que la population bretonne de 
l'Est eût été radicalement dépossédée de ses territoires. 
Or l’anglo-saxon n’est pas un dialecte scandinave. II s'en 
rapproche, il est vrai, par la phraséologie, par un grand 
nombre de mots similaires et surtout par la prononcia- 
tion; mais le fond de la langue s’en écarte. On peut dire, 
je pense, que le scandinave joue dans l’anglo-saxon le 
rôle du roman dans l'anglais moderne. Le scandinave est 
la langue des vainqueurs; ce qui n’est pas scandinave ap- 
partent aux vaincus, à l’ancienne population celtique. 
Cetie langue des vaincus est le teuton, non le teuton que 
l’on parle dans la Frise ou sur les bords de la Baltique, 
mais le teuton de notre Belgique, le flamand dans sa 
forme la plus ancienne. Les mots similaires s’y présentent 
en nombre considérable; ils ont le même sens, ils repré- 


( 319 ) 

sentent la même idée non-seulement dans le sens propre, 
mais encore dans le sens figuré : le principe des mots 
combinés est le même; la plupart des verbes irréguliers 
anglais se retrouvent dans le flamand; Îles verbes com- 
posés avec des prépositions ont le même système de com- 
position ; la syntaxe des deux dialectes est pour ainsi dire 
identique, et le génie de la langue anglaise est exactement 
le génie de notre vieux flamand (1). 

Ainsi, dans l’est de l’Angleterre, la langue des Celtes 
s’est maintenue jusqu’à nos jours, malgré la double inva- 
sion des Saxons et des Normands. À cette occasion, je me 
suis souvent demandé si le haut allemand ne serait pas une 
langue mixte formée comme l’anglo-saxon, et si ce n’est 
pas à cette circonstance qu'il faut attribuer sa ressem- 


(1) Pour la formation de la langue anglaise, j'ai suivi Thommerel, 
Recherches sur la fusion du fr.-normand et de l'anglo-saxon, et notre 
compatriote Lebrocquy, Analogies linguistiques. M. Lebrocquy, pour 
prouver que le génie de la langue anglaise est identique au flamand, a tra- 
duit mot à mot la prose de Hume et les vers de Byron. Je ne puis résister 
au désir de citer les exemples suivants extraits de Bowring, par le D' Bos- 
worth et M. Lebrocquy. C’est une preuve irréfragable que le fond de la 
langue anglaise n’est pas scandinave, mais flamand pur. 


Anglais. When the wine is in the man 
Is the wisdom in the can. 


Flamand. Wen de wyn is in den man 
Is de wysheid in de kan. 


Anglais, Parnassus is to0 wide, here is no Helicon 
But dons, and wood and beek , one air, one selfsome sun ; 
This water, this land, beek, field, streum and wood-goddesses 
With migthless love we heartily admire. 


Fiamand. Parnassus is te wyd, hier is geen Helicon. 
Maer duinen, bosch en beek, een lucht, eene zelfde zon ; 
Dit nvater, dit land, beek , veld, stroom en boomgodinnen 
Met magteloose liefd’ wy hartelyk bemannen 


| ( 380 ) 

blance si intime avec le teuton. Les Suèves se sont déve- 
loppés au sud du Mein et de la forêt Hercynienne dans 
les parages occupés par les Celtes. Ils n’en avaient pas 
chassé tous les habitants, car César nous enseigne que de 
_ son temps les Volces-Tecitosages occupaient encore leurs 
établissements; il dit même qu’ils avaient pris les mœurs 
et les coutumes des Germains (Suèves) (4). Raisonnant par 
analogie, le haut allemand pourrait donc être un composé 
de la langue suévique et de celle des Celtes, laquelle, ainsi 
que je crois lavoir prouvé, était le teuton. 

$ 9. SIXIÈME OBSERVATION. — Je terminerai cette lettre 
déjà trop longue par une dernière observation. 

On 2 trouvé et on trouvera encore sur le sol de la Gaule 
des dénominations de lieux, de cours d’eau et de monta- 
gnes dont l’étymologie s'explique plus facilement par le 
bas breton que par le teuton; mais de ce fait, bien facile 
à expliquer, du reste, je nie qu’on puisse tirer la consé- 
quence que les Gaulois ne parlassent pas un idiome teuto- 
nique. Voici plusieurs raisons à l'appui de cette observa- 
tion. 

Et d’abord, les Celtes ne sont pas les premiers habitants 
de la Gaule. Lorsqu'ils quittèrent les îles éloignées et les 
territoires transrhénans, d’où les chassaient et les guerres 
intestines et les inondations de la mer, pour pénétrer dans 
ce pays, ils y avaient été précédés par une autre race que 


(1) Germaniae loca circum Hercyniam sylvam, Volcee Tectosages 
occupaverunt, atque ibi consederunt. Quae gens ad hoc tempus is se- 
dibus sese continet, summamque habet justitiae et bellicae laudis opi- 
nionem : nunc quoque in eaïem inopia, egestaite, patientia , qua Ger- 
mani, permanent : eodem victu el cullu corporis uiuntur. (DE BELLO 
GaLuic., VI, 24.) 


( 581 ) 


les druides représentent comme indigène. La même race 
peupla toute l’île de Bretagne avant que les Belges vins- 
sent en occuper les côtes orientales. Les historiens ap- 
pellent ces peuples de la Gaule et de la Bretagne, Ibères et 
Ligures. [l est probable qu'avant l'arrivée des Celtes, ils 
avaient parcouru en maitres toute la Gaule (1), et qu'ils 
avaient donné aux fleuves ou aux principaux phénomènes 
naturels des dénominations dont quelques-unes ont pu 
survivre à la conquête. 

En second lieu, 1l n’est pas admissible, d'après ce que 
nous connaissons de leur caractère, que les Celtes aient 
chassé ou exterminé toute la population du pays conquis. 
Des débris de peuplades ont dû rester au milieu des vain- 
queurs sous la clientèle de tribus puissantes, ou bien 
comme colons ou esclaves de chefs celtes. Une seule de 
ces circonstances suflisait pour perpétuer des noms de 
localités tirés des langues du Midi au milieu de noms 
teutons; d’ailleurs, durant tout l’Empire, les vétérans 
légionnaires répandus sur le sol de la Gaule, y ont im- 
planté, avec leur race, une foule de noms de localités puisés 
dans tous les idiomes de l'Orient. 

En troisième lieu : au midi de la Loire, dans le pays de 
la langue d’oc, c’est-à-dire dans la Gascogne, la Guyenne, 
la Provence, le Limousin, la Marche, l'Auvergne, et la 
plus grande partie du Dauphiné, les Ibères et les Ligures 
ont dû laisser de très-nombreuses traces de leur passage, 


(1) Le passage suivant de Bède confirme cette hypothèse En parlant de 
l’origine des Bretons du pays de Cornouailles (indigènes de César), il les fait 
sortir de lArmorique : Zaec insula Pritonnes, solum a quibus nomen 
accepit, incolas habuït qui de tractu Armoricano, ut fertur, Britanniam 
advecti, australes sibt partes illius vindicarunt. ([, 1.) 


( 382 ) 

attendu que, s’il faut en croire les traditions, ils restèrent 
mêlés aux Celtes dans une assez grande proportion. Il 
semble qu'après la conquête, il y ait eu réaction de la part 
des vaincus. J'en trouve la preuve dans la fable d'Her- 
cule. D'après la version rapporiée par Ammien Marcellin 
(XV, 9), Hercule, fils d’Amphion, ayant vaincu Taurisque, 
tyran de la Gaule, eut commerce avec des femmes des plus 
nobles familles du pays, d'où naquirent un grand nombre 
d'enfants dont chacun donna son nom à un canton régi 
par ses lois. Suivant la version de Diodore de Sicile, Her- 
cule fit invasion dans la Celtique et y construisit Alesia. 
Il épousa la fille d'un chef des Celles, et de cette union 
naquit Galatés, qui, après avoir conquis les pays limitro- 
phes, donna à ses sujets le nom de Galates (Gaulois) et au 
pays soumis le nom de Galatie (Gaule). Il y a là évidem- 
ment le souvenir du mélange des deux races. 

Enfin, en ce qui concerne les étymologies, il faut 
tenir compte de la dernière observation que voici : les 
Celtes, à leur arrivée dans la Gaule, avaient toute la ru- 
desse des peuples primitifs. Néanmoins, au moment où les 
événements les mirent en contact avec les Romains, cet 
état de choses était bien changé. Leur civilisation , leur 
industrie, l’agriculture s'étaient développées dans le voi- 
sinage des Ibères et des Ligures et des colonies grecques 
et phéniciennes de la Méditerranée. Il ne serait donc pas 
extraordinaire que la civilisation eût introduit beaucoup 
de mots ibériens, grecs ou phéniciens dans le celtique, et 
leur exhumation ne peut servir de preuve contre l’origine 
teutonique de la langue des vieux Celtes. 

Par toutes ces considérations et par celles que j'ai déve- 
loppées dans les premiers paragraphes de cette lettre, je 
persiste à considérer Ja voie de l’étymologie comme la plus 


( 383 ) 
fausse qu’on puisse suivre dans le but de résoudre le pro- 
blème historique qui fait l'objet de ce travail (1). 


(1) Ceux qui voudront tenter la voie de l’étymologie, trouveront dans le 
vieux flamand des ressources inattendues. J’ai refait avec le glossaire de 
Kilianus le travail de Diffenbach dans sa Celtica , et le résultat a été décisif. 
Diffenbach, pour prouver que le celtique était le bas breton, a réuni tous les 
mots qu’il pouvait expliquer par cette langue, soit dans la basse latinité, soit 
dans le français, soit dans les vocabulaires latins. Il en a réuni de cette façon 
550 environ, dont 58 latins. C’est une moisson peu abondante en raison du 
vaste champ à exploiter, c’est un résultat insignifiant quand on songe au 
grand nombre de mots du français et de la basse latinité qui trouvent leur 
explication dans le teuton. Pour le moment, il me suffit de faire remarquer 
que les mots contenus dans les vocabulaires latins et mentionnés par Diffen- 
bach comme celtiques, révèlent au contraire une origine teutonique aussi 
précise qu’il est possible de l'être. Voici, en effet, ceux que cite Diffenbach, 
avec mon interprétation teulonique : ambactus—ambacht; urus—aurock ; 
essedum—hitsigh ; orca—orck; vallum—val; rheda—ryting; lanea—lyne: 
marga—marghel ; larix—lerken (boom); lancea—lans; materis—de maten; 
novus—nieuwe ; salmo—zalm ; sagitta— schacht ; sagum—saeye; soldurii — 
solden; soccus—socke; sparum—sparre ; carra—kar; ghebenna—gevel; 
cronium—hrom; galba—kalf-buik ; glastrum—glas; tasea—taetse ; tra- 
jectus—drecht; dusit—duyvel ; drusus—droes ; bardus—bard; bulgas— 
bulget; benna—benne. Alors que mon système n'aurait pour appui que ce 
rapprochement déduit des travaux mêmes de mes contradicteurs, il devrait 
sortir triomphant de la lutte, 

Si l’on voulait entrer dans le champ de l’étymologie spéculative, le vieux 
glossaire de Kilianus donnerait aux amateurs de ce genre d’études, d’ailleurs 

si futile et si trompeur, plus d’une satisfaction. Le bas breton pâälirait devant 
les découvertes que le flamand promet aux investigateurs. 

Les celtistes expliquent les mots : Celtes ou Æeltes, et Belges par cooilte 
(forêt) ou bolg (sac). Kilianus nous donne Æelteren (fouler, contraindre, pour- 
suivre) et Belghen (combattre), de même Treveri peut venir de Treffen. 
Voici d’autres étymologies tout aussi acceptables : 


Gaesates. La loi salique a gasindus, compagnon de guerre. 

Bagaudes. Paul Orose dit vacandas (D. B., t. 1, p. 157). Sous cette forme, le 
vieux flamand possède le verbe waeghen, auquel Kilianus 
donne la signification de fortunam tentare. 

Porain,  Houilleur du Hainaut, de boren, creuser; ne serait-ce pas le 


(384 ) 


vieux nom des E—burones, qui occupaient aussi l'extrémité de 
la forêt Charbonnière? Les mots tirés du teuton sont souvent 
corrompus par un a, un € ou un s placés devant. 

Copère. C’est le sobriquet des habitants de Dinant, qui s’occupaient dela 
fabrication d’objets de cuivre. De koperen, cuivre. 


Mosa (Meuse) le v. f. a Mose (palus, lutum), ce qui convient parfaite- 
ment à la basse Meuse et aux marais de la Hollande. 

Sabis (Sambre) — Schabben signifie creuser, briser, ce qui convient à 
celte rivière rapide. 

Urta (Ourthe). Le fL a hord, horten, d’où le v. fr. heurter. Le mot urta 


pouvait signifier l’émpélueuse. 

Cimbres ou Kimbres. Festus avait dit, en parlant des Cimbres : Zingua 
gallica latrones dicuntur, d’où l’on a tiré la conséquence 
que kimber en gaulois signifiait voleur. Mais Varron et Plaute 
donnent à latro la signification de soldat, militaire à la solde, 
ce que l’on peut appliquer également au mot flamand këmper, 
kempcer. 

Druides. On tire ce mot du gaélique ou breton, dar —derw —chêne. — 
Pourquoi pas plutôt du fl. drutin-trutin— deus, fidelis ? Ou 
bien, avec Gesnerus, de Treeuw — foi. Les Allemands disent 
drud pour sorcier, et druden-boom , l'arbre sous lequel s’as- 
semblent les sorciers. 

Ardennes. Les celtistes disent ar-denn—la profonde. M. Mone dit que ardan 
signifie colline, ce qui ne s'applique pas à une forêt. Du reste, 
avec Kilianus, on pourra produire une étymologie tout aussi 
baroque que : la profonde. Haerd signifie à la fois dpre et vi- 
goureux : dennen veut dire également cavernes ou sapins 
d’où ar-duenna—dpres cavernes , ou sapins vigoureux. Ce 
n’est pas plus ridicule que les étymologies qu’on nous oppose. 

Leuga (lieue). C’est le mot sur lequel on compte le plus pour nier que 
les Gaulois parlassent le teuton. Ce mot n’est pas germanique, 
dit-on, puisque les Germains ne se servaient pas de leugas, 
mais de Rastas. « Galli leucas (ou leugas), rastas universa 
germania. » Aujourd’hui rasta n'existe pas plus dans la Ger- 
manie que leuga dans la Gaule. Néanmoins, ce mot est resté 
chez les Teutons de l’Angleterre : le mot league signifiant 
lieue. D’un autre côte, leuga et rasta ont exactement la 
même signification en flamand : le verbe rasten veut dire re- 
poser, et le verbe legghen possède au figuré la même signifi- 
cation. A mon sens leuga est donc positivement teulon. 


( 385 ) 

Je ne prolongerai pas cette nomenclature, que je pourrais pousser à l'infini 
sans profit aucun pour la question dont je m'occupe. Je prie seulement le 
lecteur de comparer ces étymologies, quelque singulières qu’elles puissent 
paraitre, avec celles des celtisies, et il pourra se convaincre que le vieux fla- 
mand renferme incontestablement plus de ressources que le prétendu celtique 
pour expliquer les vieux mots gaulois. C’est seulement ce que je voulais 
établir. 

Montrons maintenant combien la supériorité du teuton est plus grande 
encore dans la recherche étymologique des mots tirés de la basse latinité, 
du patois wallon et de la langue française dont on ne trouve pas les simi- 
laires dans le latin. Comme je ne puis donner ici tout le glossaire dont il est 
fait mention à la page 372, je n’en prendrai qu’une lettre (la première con- 
sonne de l'alphabet), aon pas que ce soit la plus favorable à mon système, 
bien loin de là, mais parce que c’est celle qui donne le plus d'avantage à mes 
contradicteurs, puisque, à elle seule, elle leur fournit le quart des expressions 
exhumées du prétendu celtique. Mais de cette façon, le résultat de la compa- 
raison n’en sera que plus décisif. On verra qu’au lieu de deux cents et quel- 
ques étymologies celtiques presque toutes exceptionnelles, le teuton en fournit 
plusieurs milliers appartenant pour la plupart au langage usuel. J’ajouterai 
que ce glossaire a été fait sans recherches et sans aucune prétention. II con- 
tient tout bonnement les vieux mots similaires du glossaire de Kilianus, et 
j'y ai joint les mots trouvés par M. Chevalet. Cette facilité et cette simplicité 
rendent la contre-preuve de mon système d’autant plus précieuse. Il sufft 
de se baisser pour recueillir, et il n’est pas besoin de creuser la langue et de 
faire suer les mots pour en tirer quelque chose. Maintenant, si les savants 
étymologistes découvraient, dans les expressions flamandes que je cite, des 
mots qui n’appartinssent pas au teuton pur, ce serait une querelle à vider 
entre eux et Kilianus. Quelque grand que soit le nombre qu’ils parviendront 
à élaguer, il en restera toujours assez pour prouver qu'ici encore le flamand 
laisse bien loin derrière lui les idiomes prétendus celtiques. 

Je terminerai par une dernière observation. Lorsqu'on rencontre dans 
Kilianus une expression qui ne se trouve ni dans le haut allemand, ni dans 
le scandinave, ni dans l’anglo-saxon, ce n’est pas une raison pour la rejeter 
comme n'étant ni flamande, ni teutonique. Le teuton, il est vrai, a une im- 
mense affinité avec ces langues composées de plusieurs dialectes, puisqu'il en 
forme pour ainsi dire la base, mais il n’en dérive pas. C’est une langue propre, 
beaucoup plus ancienne que les autres et qui possède des expressions qui lui 
sont parliculières. C’est donc à tort que, depuis deux siècles, dans le but de 
le rapprocher du hellandais littéraire et de l'allemand, on dépouille le fla- 
mand d’une foule de ses vieilles expressions. Que l’on compare, par exemple, 


(386 ) 


les plus anciennes éditions de Kilianus avec les vocabulaires qui ont paru 
aprés lui sous le titre de Æilianus auctus, etc., et l’on verra que, déjà, des 
expressions notées par lui comme antiques et précédées du mot vetus, en 
avaient disparu. Il serait fortement à désirer qu’on refit une nouvelle édition 
du Kilianus, mais qu’au lieu de le tronquer, on l’augmentât, au contraire, 
de tous les mots flamands vieillis qui existent encore dans nos campagnes : ce 


serait un grand service rendu aux sciences historiques. 
Voici maintenant les mots de mon vocabulaire compris sous la lettre 2 : 


Mots tirés de la basse latinite. 


Æote. L'orthographe est celle de l’édition de G. Hasseltus. 


Basse latinité. Latin, Flamand. 
Bacca. Vas. Back. 
Baccha. Pharus. Baeëke. 
agagia. Impedimenta. Baggagie ? 
Bagga. Bacca-gemina. Baggkhe. 
Baco. Porcus. Baecke. (Vetus.) 
Bainare. Lavare-rigare. Baden. 
Bajulus. Admiuistrator. Baeliu de Bael. 
Balia. Tutela. Bael. 
Balaium. Scopae. Bale. 
Ballium. Arena. Balie. 
Bancus. Tribunal, scamnum,ar-  BZancke. 


Banqua-rupta. 


gentaria. 
Argentariae dissol. 


Bancle-rote. 


Bancalia. Tapes. Banck-laecken. 
Banchardus. Spurius. Banckaerdt. 
Bandellus. Fascia. Band. 

Banda. Turma equitum. Bande. 

Bancra. Vexillum, PBaniere. 
Bannum. Exilium. Ban. 

Bannum. Proclamatio. Ban. 

Bannire. Denuntiare. Bannen. 
Barba. Barba. Bacrd. 
Barberius. Barbi-tonsor. Barbier ? 
Barca. Scapha. Bark. (Weiland.) 


Barda. 
PBarra: 


Phalerae. 
Repagulum, 


Barde (van peerden). 
Parre. 


Basse intinité. 


Bassus. 
Bastardus. 
Batalia. 
Bota. 
Beffa. 
Beccus. 
Ab-becare. 
Bacinum. 
Badare. 
Benna. 
Berillus. 
Bernet. 
Bersare. 
Bestia. 
Beudum. 
Beuvrum. 
Billa, billeta. 
Billa. 
Bindae. 
Birotum. 
Bivangium. 
Bladum. 
Blavius. 
Blida. 


Blondus. 
Blutare. 
Id. 
Banga. 
Banda. 
Boneta. 
Borda. 
Borda, 
Boscus. 
Bossa. 
Botones. 
Bottelcria. 
Braccae. 


>» Æ < 
é 08! ) 
Latin. 


Latratus. 
Spurius. 
Praelium. 
Scapha. 
Jrrisio. 
Rostrum. 
Rostro-impelere. 
Pelvis. 
Expectare. 
Vehiculum. 
Conspicillum. 
Incendium. 
Venari. 

Equus (bestia). 
Mensa, 

Fiber. 
Schedula. 
Jumentum., 
Fasciae. 
Vehiculum. 
Spatium. 
Fruges. 
Coeruleus. 
Mach. bellica. 


Flavus. 
Expoliare. 
Farinam. 
Armiila. 
Mansio. 
Cap. tegumentum. 
Ora navis. 
Domus. 
Sylva. 
Tumor. 
Oculi. 

Cella vinarii. 
Femoralia. 


Flamand. 


Bas. 
PBastaerd. 
Batalie? (loi des Bavar.). 
Boot. 
PBeffe. 
Beck. 
Becken. 
Becken. 
Beijden. 
Benne. 
PBril. 
Bernen (bruler). 
PBirsen ? (selon Watsius). 
Peeste ? 
Bode. 
PBever. 
Billet 7 
Billigh. 
Binden (ligare). 
Baere. 
Pevangh. 
Plad, blade.. 
Bleaurx. 
Blyde (Du Cange, d'apres 
un gloss. teuton ). 
Blont ? 
Elooten. 
Ja. 
Boghel. 
Bode. 
Bonet ? 
Poord. 
Bord, angl.-sax. bordeel. 
Bosc. 
Bosse. 
Botte. 
Bottelrije. 
Broccäen. 


( 388 ) 


Basse latinité. Latin. Fiamand. 
Braciare. Cervisiam conf. Brassen. 
Bracchus. Canis venaticus. Brack. 

Braïda. Campus. Breyd. (Latus.) 
Brand. Incendium. Brand. 
Brevis. Literae. Brief. 

Briva, briga. Pons. Brug. 
Brodium. Jus, jusculum. Bruwet. 
Brunus. Fuscus. Bruyn. 
Buccus. Hireus. Bock. 
Buffones. Scurrae. Boeve, boef. 
Bulga. » Bulget, boeget. 
Bulla. Diploma. Bulle. 

Buillio. » Bobbel, 
Bultellus. Cribrum. Puyle , bultel. 
Busharda. Perenopterus. Buysaerd. 
Bussa. Navigii genus. Buyse. 

Butor. » Buyten-tier. 
Bucca. Os. Back-bonck. 
Baïa. Balneae. Baden. 

Baius. Badius. Baye. 

Balla. Fascis. Balle. 
Bedellus. Apparitor. PBedelle. 
Blasonium. Pictura scuti. Blasoen. 
Bolloartus. Agger, vallus. Bol-werck. 
Burgum. Arx-castrum. Bury. 
Burgus. Civis. Burger. 

Butinum. Spolia. PBuyt. 

Butta. Dolium. Boite. : 
Beinberga. Tibialia. Been-berghe. (Lex Rip.) 
Beffa. Amiculum pelliceum.  Beffe. 

Becabunga. Anagallis aquatica. Beke-boom. 

Bella. Nola. Pelle. 

Bodellus. Intestinum. Beulinck. 

Bera, biria. Cervisia. Bier. 

Blavipes. Accipiter stellaris. Eleauw-voect. 


(389) 


Mots tirés du vieux francais et du patois du Hainaut. 


NB, La lettre C signifie que les mots ont été pris dans Chevalet. Cet auteur a puisé ses étymologies 
non dans les glossaircs flamands, mais dans les dictionnaires hollandais. 
Vieux francais. Explication. Flamand. 
Babener. Remuer les levres. Babbelen. 
Babin. Enfant niais. Babbaert. 
Bablutes. Balivernes, Babelen. 
Babos. Nigaud. Babok. 
Baboule. Babillard. Babeler. 
BAC Auge. Bak. 
Baffe, Soufflet. Bafjen (outrager). 
Bedde. Niche de mur mitoyen. Beide. 
Baille. Barrière. Balie. 
Balle. Ballot. Bael. 
Banc. Établi. Bank. 
Barau, Tombereau. Baere. 
Barquette. n Bark. 
Baudire. Mettre à prix. Bod (offre, enchere.) 
Bèche. Petit morceau. Beetje. 
Becque. Fossé. Beek. 
Benne. Panier. Ben. 
Berne. Chemin. Berm. 
Bretèque. Tribune, balcon d’un hô- Betrecken (in jus vocare). 
tel de ville. 
Beuter. Épier. Beeten. 
Blâche, blake. Blême. Bleck. 
Blade. Bât. Blad. 
Bleffe. Bave. Bleffen. 
Blocquiau. Petit bloc. Elocksken. 
Bodequin. Petite barque. Boot. 
Bos. Bois, Bosch. 
Bosquillon. Petit bois. Boschken. 
Boucquette. Sarrasin. Boekweïit. 
Brader. Gâcher. Broddelen. 


Yieux finnéais. 


Breugues. 
Broudier. 
Broqueter. 


Brouet. 
Brouser. 
Buquer. 
Bure. 
Busier. 
Bacon. 
Bièvre. 
Borde. 
Braggart. 
Bougette. 
Braquemart. 
Bahut. 
Balast. 


Bar. 

Behord. 

Bellue. 

Boisdie CG. 


Boud. C: 
C 


Boundel. 
Braïdis. C: 


Bracque. C. 
( 


Brais-bray. 


Brequin. C. 


Brinde. C. 
Buckjon. C. 


Buron. C. 


C 
C. 
Bald. C. 
C 
C 
C 


( 590 ) 


Explication. 


Marécages. 
Anus. 
Rompre en pelits mor- 
ceaux. 
Boue. 
Être en colère. 
Battre. 
Puits. 
Regarder. 
Petit salé. 
Loutre. 
Maisonnette. 
Petit-maitre. 
Petit sac. 


Coffre. 

Lest. 

Audacieux. 

Civiere. 

Choc. 

Menterie. 

Méchanceté. 

Bracelet. 

Faisceau. 

Ardent. 

Terre en friche. 

Orge préparée pour bras- 
ser. 

Outil. 

Boire à la santé. 

Hareng fumé. 

Cabane. 


Flamand. 


— 


Brock. 
Broddier. 
Breken. 


Brodde. (Vetus.) 
Broesen. 
Boocken. 

De Poren (percer). 
Bezien. 

Baccke. 

Bever. 

Bord. 
Braggaert 
Boelget. 
Braekmacr. 

De Be-hocden. 
Ballast. 

Pald. 

Baar. 

Horten. 
Be-liegen. 
Booz. 

Buigen. 
Bondel. 
Brandiy. 
Braak. 

De PBrassen. K. 


Boor. 
Brenghen. 
Bokking. 
Bord. 


Français. 


Baver. 
Babiller. 
Babillard. 
Bac-baquet. 
Bouche. 
Bain. 
Baigner. 
Bai. 

Baie. 
Bagage. 
Balle. 
Ban. 
Bannir. 
Banc. 
Banqueroute. 
Bande. 
Banniere. 
Barbier. 
Bardes. 
Bât. 
Bataille. 
Bec. 
Béquer. 
Bassin. 
Bedeau. 
Bande. 
Barque. 
Bise. 
Blason. 


_ Bleu. 


Blâme. 
Blanc. 
Blanchir. 
Blinder. 
Bloc. 


Tome xx. — I["° PART. 


(391) 


Mots tirés du français. 


Flamand. 


Babelen. 
Babeler. 
Bact. 

Back, Bouck. 
Bad. 

Baden. 

Baye. 

Baye. 
Bagagie ? 


Pal. 
Ban. 
| 


Babben. 


Bannen. 
PBanck. 
Banck-rote. 
Bande. 
Banñniere. 
Barbier ? 
Barde. 
Past. 
Batalie. 
Beck. 
Becken. 
Becken. 
PBedelle. 
Bende, band. 
Barcke. 
Bijse. 
Blaeson de Blae- 
sen. 
Blaeurw. 
Blame. 
Blanck? 
Bleycken. 
PBlinden. 
Block. 


Francais. 


Bouc. 
Boucle. 
Baiser. 
Bouter. 
Bouffon. 
Boule. 
Bord. 
Border. 
Broder. 
Boute. 
Bouton. 
Bouteille. 
Pousser. 
Brouiller. 
Braque. 
Brandon. 
Brasier. 
Brasser. 
Bride. 
Brider. 
Bramer. 
Breche. 


Bref. 
Brique. 
Briser. 
Brouet. 
Bru. 
Brun. 
Brunir. 
Butin. 
Bufile. 
Bluteau. 
Buse. 


Flamand. 


Blocken. 
Blont ? 
Bock. 
Boeckel. 
Boesen. 
Boëeten. 
Boeve. 
Bal. 
Boord. 
Boorden. 
Bordueren. 
Bot. 

Botte. 
Boottel. 
Botsen. 
PBrabbelen. 
Brack. 
Brand. 
Brase? 


Brassen. 


Brydel. 
Brydelen. 
Bremmen. 
Brecke, de Brec- 
ken. 
Brief. 
Bricke. 
Brysen? 
Bruvwe. 
Bruyd. 
Bruyn. 
Bruyneren. 
Buyt. 
Buffel. 
Buydel. 
Buyse. 


27 


( 392 ) 


Francais. Flamand. Français. Flamand. 
Busaerd, buse. Buysaerd, buyse. | Branche. Branck. 
Boîte. Busse. Balise. G- Paie: 
Bosse. : Butse. | Baille. C.  PBalie. 
Bandage. Binding. Bau. G. . Balk. 
Baume. Balsem ? Beaupré. (GC. PBoegs-priet. 
Bas. Boos, bas. Belandre. C.  PBylander. 
Barbe. - Baerd. Belître. C.  Zeedelaer. 
Bête. ds Beest ? Berne. C.  PBeuren. 
Bouquin. Bock. Baron. C. Beer. 
Bourg. Burg. Besoin. C. Pezig. 
Bourgeois. Burger. Bigo. C.  By-god. 
Beurre. Boter. Billet. C.  Billetje. 
Ballot. Baceftje. Bitte. C. Beeting. 
Berge. Berg. Bodine. GC.  Bodem. 
Bière. Bier. |  Bomerie. C.  Bodemerye. 
Bière. | Baere, berie. Bosseman. C. Boots-man. 
Bluter. Blutsen. Botte. C.  Bussel. 
Boulevard. ÆBol-werk. Bouclier. €.  Bochchel. 
Bourreau. Beulhe. Bouffi. C.  PBuffen. 
Briser. Breken. Bouline. (C.  Boelyn. 
Bave. Befjen. Brechet. C.  Borst. 

Blé. Blad. Bressin. C. Bras. 
Bois. Bosch. Bricoler. (C.  Springen. 
Bottes. Botte. Butte. CS Hot 
Bouillon. Bobbel. 


M. Th. Juste, correspondant de la classe, dépose une 
notice qui sera lue dans la séance prochaine. 


| 


(395 ) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS, 


Séance du 9 octobre 1856. 


M. ALviN, vice-directeur. 
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. F. Fétis, Braemt, Hanssens, Navez, 
Roelandt, Van Hasselt, Érin Corr, J. Geefs, Snel, Partoes, 
Baron, Éd. Fétis, Edm. de Busscher, Portaels, membres 
Calamatta , associé; Demanet, correspondant. 


———_——_— 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l'intérieur prie l’Académie de lui 
adresser les observations qu’elle croirait utile de mettre 
sous les yeux de la commission chargée d'examiner le 
projet relatif à la construction du palais des beaux-arts. 

M. Alvin est chargé de représenter la classe dans la 
commission de l’Académie. 


—M. Ad. Siret communique la dernière partie de son ma- 
nuscrit, contenant les tables développées des 42 premiers 
volumes des bulletins de l’Académie. — Remerciments. 


— M. Roelandt fait observer que l'inscription rédigée 
par l’Académie pour être placée à l'extérieur de l'église de 


( 394 ) 
Saint-Bavon, à Gand, a été placée, au contraire, à l’inté- 
rieur. La remarque en sera faite à M. le Ministre. 


— Ïl est donné lecture d’une proposition de M. Daus- 
soigne, associé de la classe, qui voudrait voir supprimer 
le concours pour les poëmes de la cantate, destiné aux 
jeunes compositeurs. On s'accorde, en effet, à trouver que 
le Gouvernement ne détermine pas suffisamment le carac- 
tère à donner à cette composilion poétique. | 

On entend successivement sur ce sujet MM. F. Fétis, 
Baron, Van Hasselt, etc.; après une discussion assez lon- 
gue, 1l est convenu que le concours sera maintenu, mais 
en resserrant de beaucoup son cadre. MM. F. Fétis, Baron 
et Van Hasselt sont chargés de s’entendre sur la proposition 
à soumettre à l’Académie relativement à ce sujet. | 


— M. Portaels demande qu’on exprime au Gouverne- 
ment le désir que les envois faits de Rome par les élèves 
couronnés soient régulièrement exposés à Bruxelles. 

M. Jos. Geefs fait connaître, à ce sujet, que les envois 
de Rome ont été expédiés d'Anvers à Bruxelles, depuis 
plus de deux mois. 

M. le vice-directeur invite M. Portaels à rédiger sa pro- 
position qui mérite d'être examinée par la classe et d'être 
communiquée à M. le Ministre de l'intérieur. 

M. Van Hasselt croit qu'on devrait demander au Gou- 
vernement la communication des règlements qui régissent 
l'école d’Archis à Rome. 


— M. le vice-directeur rappelle sommairement l'ova- 
tion qui vient d'avoir lieu à l’occasion du cinquantième 
anniversaire du mariage de M. F. Fétis; il rappelle les sym- 
pathies unanimes qui ont accueilli l’idée de cette fête, et 


( 395 ) 
rappelle les services que le savant directeur du Conserva- 
toire de Bruxelles a rendus à l’art musical. Il croit, dit-il, 
que la classe ne peut demeurer étrangère aux témoignages 
dont M. Fétis a été l’objet, et 1l lui propose de s’y associer 
par un vote. — Des applaudissements chaleureux accueil- 
lent cette proposition. 

M. Fétis remercie la classe , et dit que la proposition si 
flatteuse qui vient d’être faite, ainsi que la manière dont 
elle a été accueillie, mettent le comble aux témoignages 
honorables dont il a été l’objet. — De nouveaux applau- 
dissements suivent ces paroles. 


= 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Exposé de la situation administrative des neuf provinces de 
la Belgique, pour l'année 1856; 9 vol. in-8°. 

Concours de poésie française et flamande. Fêtes nationales, à 
l’occasion du XXVr® anniversaire de l'avénement de S. M. le Roi 
au trône de la Belgique. Bruxelles, 1856; 1 broch. in-8°. 

Les veillées belges. Lectures de famille. Prose et poésie, par 
Ad. Siret. Bruxelles, 1856 ; 1 vol. in-12. 

Mémoire sur les terrains tertiaires de la Belgique et de la 
Flandre française, par sir Charles Lyell; traduit de l'anglais 
par MM. Ch. Le Hardy de Beaulieu et Albert Toilliez. Bruxelles, 
1856; 1 vol. in-8°. 

Parallèle des maisons de Bruxelles et des principales villes de 
la Belgique; mesurées et dessinées par A. Castermans. Liv. 17 
à 19. Liége, 1856; in-folio. 

Études linguistiques ; par J. Stecher. Tournai, 1856; 1 broch. 
in-8°. 

Interrogaloires du docteur J.-B. Van Helmont, sur le magnc- 


( 396 ) 
tisme animal; publiés pour la première fois, par C. Broeckx. 
Anvers, 186; 1 broch. in-8°. 

Observations du purpura haemorrhagica, er avec succès au 
moyen du nitrate de magnésie; par le même. Anvers, 1356; 
1 broch. in-8°. 

Annales des travaux publics de Belgique. 3° cahier ; tome XIV. 
Bruxelles, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

Revue de la numismatique belge. H®°® série, tome VI, 3" liv. 
Bruxelles, 1856, 4 broch. in-&. 

Revue trimestrielle. HI"° année, tome #"° Bruxelles, 1856; 
4 vol. in-8°. ; 

Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique. Tome XII, 
3e Jiv. Anvers, 1856; 1 broch. in-8°. 

Bulletin de l'Institut archéologique liégeois. Tome II, 2° 
partie. Liége, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, pu- 
blié par la Société des sciences médicales et naturelles de 
Bruxelles. 13"° année, novembre et décembre 1855; 14° année, 
janvier à octobre 1856. Bruxelles; 12 broch. in-&. 

La presse médicale belge. 8%° année, n°% 13 à 43. Bruxelles, 
1856; 31 feuilles in-4°. 

Le scalpel. 8" année, n° 925 à 56: gme année, n® { à 8. 
Liége, 1856; 20 feuilles in-4°. 

Annales de la Société de médecine d'Anvers. XVI®® année, liv. 
de novembre et décembre 1855; XVII" année, liv. de janvier à 
juin 1856. Anvers; 4 broch. in-8°. 

Handelingen van het provinciaal genootschap van kunsten en 
wetenschappen in Noord Brabant, over der jare 1855.'S Herto- 
genbosch, 1856 ; 1 broch. in-8&. 

Naturkundige verhandlingen van de hollandsche Maatschappÿ 
der wetenschappen te Harlem. 1% verzameling, XI deel, 2° stuk. 
Harlem, 1456; 1 broch. in-4°. 

Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des 
sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XLIIE, n° à 
à 45. Paris, 1856; 11 broch. in-4°. 


Y 397: ) 
Tableau général du commerce de la France avec ses colonies el 
“les puissances étrangères, pendant l'année 1855. Paris, 1856; 
4 vol. in-4°. 

Documents inédits sur l'histoire de France, publiés par le 
ministère de l'instruction publique, à Paris : 

Correspondance administrative sous le règne de Louis XIWY. 
Tome IV; par G. Depping. Paris, 1855; 1 vol. in-4°. 

Mémoires militaires relatifs à la succession d'Espagne sous 
Louis XIV. Tome IX. Paris, 1855; 1 vol. in-4°. 

Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du car- 
dinal de Richelieu. Tome IT. Recueillis et publiés par M. Avenel. 
Paris, 4856; 1 vol. in-4°. 

Architecture monastique, par Albert Lenoir, Il" et 1Il"® partie. 
Paris, 1856; 1 vol. in-4°. 

Priviléges accordés à la couronne de France par le saint- 
Siége. Paris, 1855 ; 1 vol. in-4°. 

Revue contemporaine et Athenœum français. Tome XXVIT, 
105me à 109% iv. Paris, 1856; 5 broch. in-8°. 

Mémoires de l'Académie de Stanislas. 4855. Nancy, 1856; 
4 vol. in-8°. 

Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie. I® série, 
tome IV. Amiens, 4856 ; 1 vol. in-8°. 

Faculté de médecine de Paris : Étude comparative des deux 
systèmes de chauffage et de ventilation établis à l'hôpital Lariboi- 
sière. Thèse pour le doctorat en médecine, présentée et soutenue, 
le 6 juin 1856, par C. Grassi. Paris, 1856; 1 broch. in-8°. 

Coup d'œil sur les monuments du christianisme primitif pu- 
bliés récemment en syriaque; par Félix Nève. Paris, 1856; 
1 broch. in-4°. 

Statistiques routières de la basse Normandie; par M. de Cau- 
mont. Paris, 1855; 1 vol. in-8°. 

Topographie tellurique et carte agronomique d'une terre de 
42 hectares ; par M. de Caumont. Caen, 1856; 1 broch. in-8°. 

Discours prononcé à la cathédrale de la Rochelle, le jeudi 
4 septembre 1856; par monseigneur Landriot, président du 


( 398 ) 
Congrès scientifique de France. La Rochelle, 1856; 1 broch. 
in-8°. : 

De la présence de l'urée dans le sang et de sa diffusion dans 
l'organisme à l'état physiologique et à l’état pathologique; thèse 
par J. Picard. Strasbourg, 1856; 1 broch. in-4°. 

Réponse du docteur Sallenave, de Bordeaux, à M. Saurel, de 
Montpellier, relativement à la critique de ce médecin-journaliste, 
sur le traité des maladies chroniques dues à l'épuisement. Bor- 
deaux, 14856; 1/2 feuille in-8°. 

De l'instruction des sourds-muets; par Louis De Baecker. 
Bergues, 1856 ; 1 broch. in-8?, 

Mémoires de l'Institut national genevois. Tome III. Genève, 
4856; 1 vol. in-4°. 

Nouveaux mémoires de la Société helvétique des sciences natu- 
relles. Volume XIV. Zurich, 1855; 1 vol. in-4°. 

Actes de la Société helvétique des sciences naturelles. 407 ses- 
sion. Chaux-de-Fonds, 1855; 1 vol. in-8°. 

Mitiheilungen der naturforschenden Gesellschaft in Bern. 
n°® 310 à 359. Berne, 1856; in-8°. 

Verhandlungen der allgemeinen schweizerischen Gesellschaft 
für die gesammien Naturwissenschaften bei ihrer Versammlung 
in S'-Gallen ; 39 Versammlung. S'-Gall, 1854; { broch. in-8?. 

Kaiïserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien. Philoso- 
phisch-historische Classe. Sitzungsberichte, XVW'® Band, Heft 5 
und XX Band, Heft 1. Vienne, 1855-1856; 6 broch. in-8°. — 
Mathematisch-naturwissenschaftlichen Classe. Silzungsberichte, 
XVIII Band, Heft 4 und XX Band, Heft 1. Vienne, 14855- 
1856; 5 broch. in-8°. — Denkschriften, X'*, XI“ Band. Vienne, 
1855-1856; 2 vol. in-4°. — Archiv für Kunde der üsterrei- 
chischer Geschits- Quellen. XV’: Band, 2 Hälfte; XVI* Rand, 
Ast Hälfte. Vienne, 1856; 2 broch. in-8°. — Notizenblatt. 1856, 
nS À à 14. Vienne, in-8. — Fontes rerum Austriacarum. | 
94e Abth. XIIe Band. Vienne, 1856; 1 vol. in-8°. — Almanach. 
VI Jahrgang. Vienne, 1856; 1 vol. in-12. 

Jahrbucher der k. k. Central- Anstalt für Meteorologie und 


( 399 ) 
Erdmagnetismus; von K. Kreil. IV'* Band. Jahrgang 1852. 
Vienne, 14856; 1 vol. in-4°. 

Die Jugend Caterinæs de’ Medici; von Alfred von Reumont. 
Berlin, 1856 ; 1 vol. petit in-8°. 

Grundzüge einer Theorie der Gase; von D" A. Krônig. Berlin, 
4856; 1/2 feuille in-8°. 

Die drei Stahlquellen zu Schwalbach; vor D' H. Roth. Wies- 
baden, 1856; 1 vol. in-8°. 

Rendiconti delle Adunanze della R. Accademia economico- 
agraria dei Georgofili di Firenze. Anno HF”. Avril à juillet. 
Florence, 1856; 4 broch. in-8°. 

Memorie della Accademia delle scienze dell Istituto di Bo- 
logna. Tomo VI. Bologne, 1855; 1 vol. in-4°. 

Rendiconto delle sessioni dell Accademia delle scienze dell 
Isiiluio di Bologna. Anno accademico 1854-1855. Bologne, 
4855; 1 broch. in-8°. 

Indices generales in novos commentarios Academiae scientia- 
rum instituli Bononiensis. Bologne , 1855 ; 4 broch. in-4. 

Ricerche sulle leggi della capillarità ; memoria del prof. cav. 
Fe. Zantedeschi. Venise, 1856; 14 broch. in-8°. 

Réfutation de la base établie par Newion à la force de l'at- 
traction universelle; par M. M. de Mayora. Barcelone, 1856; 
À broch. in-8°. 

Teoria del credito y su aplicacion, proyecto de reforma indus- 
trial y mercantil, y discurso pronunciado en el Congreso inter- 
nacional de reformas aduaneras; por D. Mathias Gomez de 
Villaboa. Bruxelles, 4856; 4 broch. in-&. 

Philosophical transactions of the Royal Society of London. 
Vol. 146, part. 1. Londres, 1856; 1 vol. in-4. 

Proceedings of the Royal Society of London. Vol. VIH, n°° 19 
à 22. Londres, 14856; 4 broch. in-&°. 

The journal of the Royai Society of Great Britain et Ireland. 
Vol. XVI, part. 2. Londres, 1856; 1 vol. in-&. 

The Quarterly journal of the geological Society. Vol. XI, 
part. 2-3. Londres, 14856; 2 broch. in-8°. 

Tome xxu1. — 1Ï"° PART. 28 


( 400 ) 

The Report of the British Association for the advancement of 
science. Londres, 1856 ; 1 vol. in-8°. 

Oversigt over det Kongelige danske Videnskabernes Selskabs 
Forhandlingar og dets Medlemmers Arbeider i Aaret 1855. 
Copenhague, 4856; { vol. in-&°. 

Collectanea meteorologica, sub auspiciis Societatis scientia- 
rum Danicae edita. Fase. IV. Hauniae, 1856; 1 vol. in-4°. 

Det kongelige danske Videnskabernes Selskabs skrifter. N'° 
Raekke.— Naiurvidenskabelig og mathematisk afdeling. 4 Binds. 
Forste Hefte. Copenhague, 1856; 4 vol. in-4°. 

Gôtheborgs k. Vetenskaps och vitterhets Samhälles handlingar. 
Ny Tidsfoljd. 1-3 Häftet. Gôthembourg, 1850-1855; 3 vol. in-8°. 

Kongl. Vetenskaps- Akademiens Handlingar. 1853, 2% Afdel. 
1854. Stockholm, 1855-1856; 2 vol. in-8°. 

Ofversigt af kongl. Vetenskaps- Akademiens Fôrhandlingar. 
Loire Argangen, 1855, Stockholm, 14856; 1 vol. in-8°. 

Ârs- Berattelse om Botaniska Arbeten och Upptäckter for ar 
1851; af Joh. Em. Wikstrôm. Stockholm, 1855; 1 vol. m-S. 

Museum anatomicum Holmiense. Sectio pathologica. Fasc. 1. 
Continens Casus X cum XII tabulis. Stockholm, 1855; in-4°. 

Compie rendu de l'Académie impériale des sciences de S'-Pé- 
tersbourg. 1852. S'-Pétersbourg, 1853; 1 broch. in-8°. 


ERRATA. 


Bulletin n° 3, page 253, au lieu de : M. Colla, directeur des travaux statistiques 

du duché de Lucques, lisez : M. Colla, directeur de l'Observatoire 
météorologique de Parme. 

— n°5, page 709, M. le baron J. de St-Genois a été porté par erreur comme 

signataire du rapport du jury pour le prix quinquennal d'histoire. 


TS D Gn———— 


BULLETIN 


DE 


L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


DES 
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 


1856. — No 10. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 6 novembre 1856. 


M. Dumoxrt, directeur. 
M. An. QuETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Tim- 

mermans, Wesmael , Martens, Plateau, Dumont, Kickx, 

. Stas, De Koninck , Van Beneden, De Vaux, Nyst, Gluge, 

- Nerenburger , Melsens, Schaar, Liagre, Duprez, Brasseur, 

membres; Lacordaire, Lamarle, associés: Houzeau, Ern. 
Quetelet, J. d'Udekem , correspondants. 


Tome xx. — If” PART. 29 


(402 ) 


CORRESPONDANCE. 


—— 


M. le Ministre de l’intérieur et M. le Ministre des affaires 
étrangères font parvenir différents envois de livres desti- 
nés à l’Académie. 


— La société royale de Dresde et l'Académie royale des 
sciences d'Amsterdam font hommage de leurs dernières 
publications. 


— L'Académie recoit les observations sur l’état de la 
végétation, faites le 21 octobre dernier, à Liége, par 
MM. de Selys-Longchamps et Michel Ghaye; à Huy, par 
M. Alf. De Borre; à Chénée, près de Liége, par M. J. 
Bourdon , et dans le jardin de l'Observatoire, à Bruxelles, 
par M. Ad. Quetelet. ue 


— M. De Hoon adresse les observations météorologiques 
manuserites faites à Nieuport, pendant les mois de juillet, 
d'août et de septembre derniers. 


— M. Pegado, directeur de l'Observatoire météorolo- 
gique de Lisbonne, fait parvenir également les dernières 
observations météorologiques, recueillies dans cette ville. « 


L'Académie reçoit, en outre, les ouvrages manuscrits «M 
suivants : | 


1. Mémoire sur l'état actuel des lignes isocliniques et 


isodynamiques dans la Grande-Bretagne, la Hollande, la + 
Belgique et la France, avec une carte; par M. Mahmoud- 


ù ( 403 ) 
Eflendi, astronome égyptien. (Commissaires : MM. Ad. 
Quetelet et Duprez.) 

2. Essais analytiques. Les lignes du troisième ne, par 
M. F. Dagoreau. (Commissaires : MM. Brasseur et Tim- 
mermans.) 

5. Recherches de vérités astronomiques; par J. Baum- 
hauer. (Commissaires : MM. Nerenburger et Liagre.) 


— M. Quetelet, en présentant les observations magné- 
tiques de M. Mahmoud , rend compte des observations qui 
ont été faites récemment par ce savant à Bruxelles, ainsi 
que par M. Lamont, directeur de l’observatoire de Munich, 
et par M. Ern. Quetelet, son fils. Voici un extrait de la 
lettre qu'il vient de recevoir de M. Lamont, au sujet de 
son excursion scientifique : « Je me suis contenté, cette 
année, de déterminer le cours des lignes magnéliques 
dans le midi de la France. J'ai fait des observations à 
Arras, Paris, Tours, Bordeaux, Bayonne, La Mothe, La 
Teste, Agen, Toulouse, Carcassonne, Narbonne, Cette, 
Montpellier, Montélimar, Dijon, Vesoul, Belfort. Pour 


_ l'intensité horizontale, j'ai employé deux déflecteurs com- 


pensés et deux aiguilles qui donnent des valeurs absolues, 
Quant à l’inclinaison, je l'ai également déterminée de deux 
manières différentes, les intensités s'accordent très-bien ; 
et pour les valeurs, il n’y à qu'une seule station où la 
différence monte à 5’. — Je trouve pour Bruxelles : 

67°49/1 

67 59,6 

67 49,4 


— M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la com- 
mission administrative a reçu de M. Siret, correspondant 
de la classe des beaux-arts, le manuscrit de la table géné- 


( 404 ) | 
rale des 45 volumes composant les Bulletins des vingt 
dernières années de l’Académie, et que cet ouvrage sera 
très-prochainement publié. 
M. Dumont, directeur de la classe, remercie M. Siret 
pour son utile et intéressant travail. 


RAPPORTS. 


Sur un mémoire de M. Georges Ville, intitulé, QuEL EST LE 
RÔLE DES NITRATES DANS L'ÉCONOMIE DES PLANTES ? 


Rapport de MK Martens. 


« Le mémoire que M. Georges Ville a soumis à l’appré- 
ciation de notre Académie traite d’une question fort inté- 
ressante pour la physiologie végétale et pour l’agriculture; 
c'est celle de savoir quel est le rôle que les nitrates jouent 
dans l’économie des plantes. 

On sait que l'azote forme un des éléments constitutifs 
de tous les organes importants des végétaux, que ceux-ci 
ont, par conséquent , besoin de s’assimiler cette substance. 
On s’est demandé depuis longtemps sous quelle forme 
l'azote peut leur être apporté. Des recherches mulupliées 
ont suffisamment montré que les plantes s’assimilent très- 
bien l'azote qui leur est incorporé sous forme d’ammo- 
niaque ou de carbonate ammoniacal; mais il n’est pas 
également certain qu’elles puissent se nourrir d’autres sub- 
stances azotées et particulièrement des nitrates ou même 
de l'azote atmosphérique gazeux. 


( 405 ) 

Les expériences de M. Ville semblent, à la vérité, 
prouver que les plantes peuvent absorber et s’assimiler 
l'azote du nitrate de potasse. Toutefois, pour que cette 
conclusion, déduite par l’auteur de ses expériences, puisse 
être considérée comme parfaitement légitime, il faut ad- 
mettre que les jeunes plantes cultivées dans un sol nitré 
n'aient pas pu, sous l'influence stimulante du nitre, s’as- 
similer l'azote de l’atmosphère ou celui qui s’y trouve à 
l’état ammoniacal. Il faut admettre encore que les nitrates, 
en présence de certaines matières organiques, telles que 
celles provenant des racines de diverses plantes ou for- 
mées dans l’intérieur du végétal, ne puissent donner nais- 
sance à de l’ammoniaque, qui fournirait ensuite au végétal 
l’azote nécessaire à son développement. M. Ville a cherché, 
il est vrai , à se mettre, autant que possible, à l’abri de ces 
objections, et à légitimer ainsi la conclusion, admise éga- 
lement par M. Boussingault (Comptes rendus, t. XLT), 
que l'azote des nitrates peut être assimilé par les plantes 
aussi bien que l'azote ammoniacal. 

M. Ville déduit encore de ses expériences, contraire- 
ment à l'opinion de M. Boussingault, que les plantes, 
arrivées à un certain état de développement, peuvent 
s’assimiler l’azote atmosphérique ou gazeux. Il avoue tou- 
tefois que ses expériences ne fournissent pas encore la 
démonstration complète de ce fait important, et qu'il con- 
viendrait de l’établir expérimentalement sans le secours 
d'aucun raisonnement ; c’est ce qu'il se propose de faire. 
Nous ne pouvons qu'applaudir à ce projet de l’auteur, et 
nous serions charmé qu'il voulût bien communiquer à 
l’Académie le résultat de ces nouvelles recherches. 

M. Ville n'a pas manqué d'examiner la question de sa- 
voir sous quelle forme l’azote des nitrates est absorbé par 


( 406 ) 

les plantes; si son assimilation est directe ou si elle n’est 
qu'indirecte et précédée de la transformation de l'acide 
nitrique en ammoniaque. L'auteur se prononce pour la 
première manière de voir, parce qu'il a reconnu que le 
chlorhydrate ammonique était moins favorable à la végé- 
tation que le nitrate potassique. Mais cela ne pourrait-il 
pas tenir à l'influence défavorable assez connue du sel 
ammoniac sur la végétation? car il a été constaté que 
l’'ammoniaque doit surtout être fournie aux plantes sous 
forme de carbonate ammonique, et que le sel ammoniac 
ne se montre ulile à la végétation que dans un sol doué de 
calcaire propre à le transformer en carbonate d’ammonia- 
que. L'auteur aurait donc dû, suivant nous, pour élucider 
la question précédente, faire des expériences compara- 
tives, d’une part, avec des sels chargés de nitre, et, d'autre 
part, avec des sels additionnés de carbonate ammonique, 
au lieu d'employer du sable chargé de chlorhydrate am- 
monique. 

En admettant que le nitre est décomposé directement 
par les plantes qui s’en approprient lazote, on peut se 
demander si celte décomposition est accompagnée d’un 
dégagement d'oxygène ou si ce dernier est en même temps 
fixé intégralement. L'auteur n’a pas fait des expériences 
suffisantes pour pouvoir résoudre cette question. Je dirai, 
à cetle occasion, qu'il y a plusieurs années, après qu'on 
eut émis l'opinion que les plantes peuvent s'approprier 
l'azote des nitrates, j'avais voulu m'assurer si les feuilles 
sous l'influence de la lumière solaire ne décomposeraient 
pas l'acide nitrique de la même manière qu’ils décompo- 
sent l’acide carbonique, et j'avais, dans ce but, exposé au 
soleil, sous une cloche remplie d’une faible solution de 
nitre, une grande masse de feuilles fraîches de divers ar- 


(407 ) 


bres; mais, même après deux jours d’insolation, les feuilles 
n'avaient donné lieu à aucun dégagement d'oxygène; ce 
qui me porterait à croire qu’elles ne peuvent pas s’assi- 
miler directement l'azote des nitrates de la même manière 
qu'elles s'assimilent le carbone de l’acide carbonique en 
en dégageant l'oxygène. Ces expériences mériteraient, au 
reste, d’être répélées dans d’autres circonstances avant 
que l’on puisse établir d’une manière positive le rôle 
que les nitrates jouent dans la végétation. Nous recom- 
mandons ce travail à M. Georges Ville, qui est d'autant 
plus à même de le mener à bonne fin, qu’il a trouvé un 
procédé très-simple pour doser les nitrates mêlés à des 
matières végétales. 

Je me résume en disant que ie mémoire de M. Georges 
Ville renferme des faits très-intéressants qui doivent con- 
duire à d'heureuses applications dans l’économie rurale. 
Je propose donc à l’Académie de le remercier pour son in- 
téressante communication , et je demanderais d'insérer son 
travail dans le Recueil des savants étrangers, si déjà la pre- 


mière partie de ce travail n'avait été imprimée ailleurs. » 


M. Kickx, second commissaire, s'exprime dans le même 
sens ; en conséquence, l’Académie conclut que des remer- 
ciments seront adressés à M. Georges Ville pour la com- 
munication de son. travail. 


(408 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


— 


D RITeUn d'un POSTULATUM d'Euclide; par M. Lamarle, 
membre de l’Académie. 


La proposition qui fait l’objet du postulatum d'Euclide 
peut s’énoncer comme il suit : 


Deux droites, l’une perpendiculaire, l'autre oblique à une 
méme troisième, se rencontrent, lorsqu'elles sont situées 
dans le méme plan et suffisamment prolongées. 


Ou bien sous cette autre forme plus simple, mais moins 
explicite, 


Par un point pris hors d'une droite on ne peut mener 
qu'une parallèle à cette droite. 


À peine a-t-on fait les premiers pas en géométrie élé- 
mentaire, qu'on se trouve en présence de cette proposition. 
On ne peut ni la démontrer (‘}, ni s’en passer. Faute de 
mieux, on l’admet sans démonstration, et, comme elle 
_offre par elle-même un degré suffisant de clarté, il n’y a 
point, pour cela, péril en la demeure. 


(*) Ampère considérait le théorème fondamental de la théorie des paral- 
lèles comme impossible à démontrer rigoureusement. La raison qu'il en 
donne est que ce théorème se fonde sur des propriétés de l’espace qui suppo- 
sent les trois dimensions et l’infinité de l'étendue. (Voir Essai sur la philo- 
sophie des sciences , 1'° édition, page 67.) | 

En ce qui concerne les trois dimensions de l’espace, il y a lieu d'observer 
que les principales propriétés du plan, celles dont on a besoin pour la 
théorie des parallèles, peuvent s'établir à priori par la simple considération 


( 409 ) 


Le postulatum d’Euclide est comme un aveu d’impuis- 
sance placé au seuil même de la géométrie; il est aussi la 
marque d’une imperfection regrettable dans une science 
où tout s’enchaine et,se déduit par voie de syllogisme, 
c'est-à-dire avec une certitude et une évidence égales à 
celle des axiomes fondamentaux. De là vient que les géo- 
mètres ont souvent tenté de démontrer ce postulatum, soit 
directement, comme Bertrand de Genève, soit indirecte- 
ment, comme Legendre et tant d’autres. Les démonstra- 
tions où l’on fait intervenir des grandeurs autres que les 
grandeurs finies, ont le grave inconvénient de substituer 
aux réalités géométriques de pures chimères, et, lorsqu'on 
les pousse à bout, de conduire à des conséquences contra- 
dictoires et absurdes. On a dû les abandonner et les con- 
damner sans retour. Il existe d’autres démonstrations, 
mais elles n’atteignent pas le but proposé. Je n’en citerai 
qu'une seule, et, si je la cite, c’est uniquement parce 
qu’elle est toute récente et qu’elle s’est produite avec un 
certain éclat. 

L'auteur prend un triangle quelconque ABC. Après 
avoir fait glisser le côté AB sur lui-même, et amené le 
point À en B, il fait tourner ce côté autour du sommet B 
de manière à décrire le supplément de langle ABC. Il 
répète alors pour le côté BC, puis après pour le côté CA, 


d’un triangle isocèle, que l’on construit, en prenant des longueurs égales 
sur deux droites partant d’un même point, et que l’on fait tourner autour de 
sa base. Pendant cette rotation, la droite qui va du sommet du triangle au 
milieu de sa base engendre une surface plane. 

En ce qui concerne l’infinité de l’espace, Ampère fait sans doute aliusion 
à l'emploi de ces grandeurs chimériques que quelques auteurs ont tenté d’in- 
troduire en géométrie, prétendant que la grandeur finie n’était pas la seule 
qu'on püt soumettre au calcul. 


( 410 ) 
la même opération. Cela fait, il observe que la droite AB, 


/ 


revenue à sa position première, a simplement glissé sur 
elle-même pour le transport successif du point À en B, €, 
À, et que, d’ailleurs, elle n’a fait que tourner autour de 
ce point de manière à décrire successivement et dans un 
même sens les angles supplémentaires du triangle ABC. 
Jusqu'ici tout est rigoureusement exact et irréprochable. 
L'auteur ajoute que, comme conséquence de son retour à 
sa position première, la droite AB a tourné de quatre 
angles droits, et il en conclut que la somme des trois 
angles du triangle ABC est précisément égale à deux 
droits. On voit clairement que la somme de ces angles, 
jointe à celle de leurs suppléments, est égale à six droits. 
La conclusion de l'auteur serait donc parfaitement légi- 
time, si, par le retour de la droite AB à sa position pre- 
mière, il était démontré que cette droite a tourné de quatre 
angles droits. Or, se borner, comme le fait l’auteur, à 
énoncer cette proposition, c'est admettre que, dans la 


(A1) 


rotation accomplie autour du point C, le changement 
d'inclinaison du côté mobile par rapport au côté fixe AB, 
est précisément égal au supplément de l’angle BCA. 


En d’autres termes, c'est admettre que, si d’un point O pris 
hors d’une droite LM, on mène deux transversales OD, OE, 
et que l’on passe de la première à la seconde par rotation 
autour de ce point , l'angle décrit DOE sera précisément 
égal à l’excès de l'angle OEM sur l'angle ODE; c’est admet- 
tre que l'angle extérieur d’un triangle est égal à la somme 
des deux angles intérieurs opposés, ou, ce qui revient au 
même, que la somme des trois angles d’un triangle est 
égale à deux droits. Il y a donc nécessairement, ou cercle 
vicieux, ou admission d’un postulat plus sujet à contesta- 
tion que celui d'Euclide et, par conséquent , moins satis- 
faisant. 

Les efforts infructueux, tentés à partir d'Euclide et si 
souvent renouvelés, prouvent combien, en dépit de sa 
simplicité apparente, la question à résoudre est ardue, 
difficile. Ils indiquent aussi, me semble-t-il, qu'il n’y a 
point de solution à espérer dans la voie suivie par mes 
prédécesseurs. Cette considération m'aurait détourné de 
toute recherche, si une étude approfondie des principes de 
l'analyse infinitésimale ne m'avait ouvert des perspectives 


(#2) 


nouvelles (*) et fourni des ressources également appli- 
cables aux parties les plus élevées et aux parties les plus 
élémentaires des sciences mathématiques. 

Une difficulté vaincue, une pierre ajoutée à l'édifice ma- 
thématique, ne fût-ce que pour effacer une imperfection 
légère, ne sont peut-être pas sans quelque valeur aux yeux 
des géomètres. L'importance attachée à la solution de 
l'équation x° + y" = 7" semble l'indiquer suffisamment. 
Toutefois, le mérite d’un service rendu se mesure au be- 
soin qu’on en a, aux ressources qu'il crée, aux avantages 
qu'il procure. Sous ce rapport, si tout se réduit à un ob- 
stacle surmonté, à un perfectionnement introduit, sans 
qu'aucune voie nouvelle soit ouverte pour d’autres applica- 
tions ; si, d’ailleurs, la nécessité d’une solution ne se fait 
pas sentir, le progrès accompli peut être considéré comme 
inutile, et perdre ainsi tout le prix qu'on y eût attaché 
dans d’autres conditions. Puisse une appréciation aussi 
sévère ne pas s'appliquer au travail que je viens soumettre 
au lecteur ! | 

Les notions auxquelles je suis parvenu, comme expres- 
sion dernière de la métaphysique infinitésimale, m'ont 
conduit à modifier la définition de la courbe en géomé- 


(*) Voir mes ouvrages suivants : 

Essai sur les principes fondamentaux de l’analyse transcendante 
(1842); 

Étude approfondie sur les deux équations fondamentales 


(+ h) — f(x) 


f'(æ&) = lim 
h 


et dy —f'{x). Ax (1854); 
Notions fondamentales sur plusieurs point élémentaires de géométrie, 
de dynamique et d’analyse transcendante (1856). 
Paris, Victor Dalmont, quai des Augustins, 49. 


(445 ) 

trie, de la vitesse en mécanique, de la différentielle en ma- 
thématiques trancendantes. Elles m'ont en même temps 
suggéré le procédé à suivre pour la démonstration du pos- 
tulatum d'Euclide. Si j'ai pu réussir là où la méthode 
infinitésimale, proprement dite, est frappée de stérilité 
et d'impuissance, j'aurai prouvé, par-là même, la supé- 
rlorité de ces notions et leur plus grande fécondité. 

Au lieu de démontrer directement le postulatum d'Eu- 
clide, j’'établis cette proposition qui l’implique : 

Le lieu géométrique des points situés à égale distance 
d'une droite, dans un méme plan et d’un méme côté, est lui- 
méme une droite. 

Je prouve d’abord que, si ce lieu n’est point une droite, 
il est une courbe, c’est-à-dire une ligne qui s’engendre par 
le double mouvement simultané d’un point et d’une droite, 
le point se mouvant sur la droite, et la droite tournant 
autour du point. Pour rendre sensible ce mode de géné- 
ration et ne laisser prise à aucun doute, à aucune objec- 
tion , Je procède avec une rigueur absolue et sans négliger 
aucun des détails secondaires que j'aurais pu omettre en 
toute autre circonstance. Cela fait, j'établis rigoureusement 
et, Je l’espère, avec une évidence complète, que le lieu 
géométrique dont 1l s’agit ne peut être une ligne courbe. 
Je conclus finalement qu'il est une ligne droite. 

La démonstration que je viens d'analyser n’est pas rapide 
et brève comme tant d’autres ; elle est exacte, et Je me 
suis efforcé de lui donner toute la clarté possible. Si je 
n’ai point entièrement réussi, les géomètres capables de 
suppléer à mon insuffisance ne feront pas défaut. La con- 
dition essentielle est dans l'exactitude. C’est en cela que 
pêchent les démonstrations antérieures. Leur simplicité ne 
remédie point à ce vice radical. En vain voudrait-on les 


( 414 ) 

justifier, sous le prétexte qu’elles conduisent au but sans 
retard et sans peine. Si simples qu’elles soient, le postu- 
latum d’Euclide, admis sans démonstration, est plus simple 
encore. Mieux vaut, d’ailleurs, se tenir à ce postulatum 
que de prétendre y suppléer par des semblants de démons- 
tration, d'autant plus dangereux qu'ils se présentent avec 
plus de simplicité. 

Les considérations développées à l’occasion de la courbe 
hypothétique sur iaquelle je raisonne, s'appliquent en 
réalité à une courbe quelconque. La définition qui les 
résume prend ainsi le caractère d’une conception générale, 
susceptible d'applications nombreuses. Le lecteur, initié 
au Calcul différentiel, entreverra de lui-même les res- 
sources fournies par cette conception, soit qu’on en res- 
treigne le sens, comme je l'ai fait ici, soit qu’au contraire 
on l’étende, en poussant plus loin l'absiraction, comme 
je l'ai fait ailleurs (). Ces ressources rendent possible, 
en géométrie élémentaire, l'introduction des notions les 
plus précises sur la courbure des courbes; en mécanique, 
la suppression complète des infiniment petits. Elles per- 
mettent, d’ailleurs, que l’on pénètre directement dans 
la nature intime de toutes les grandeurs mathématiques, 
et qu'on rétablisse l’unité de la science, en plaçant au 
début les principes fondamentaux de tous les développe- 
ments ultérieurs. » 

Les conséquences que je viens d'indiquer sont exposées 
dans un autre travail (‘). Lei, la place me manque, et 


je dois me borner à la démonstration du postulatum 
d'Euclide. 


(*) Voir l'écrit intitulé : Notions fondamentales, etc. 


(445) 


Lorsque deux droites ont une perpendiculaire commune, 
aucune perpendiculaire, abaissée de l’une des droites sur 
l’autre, ne peut étre moindre que la perpendiculaire com- 
mune à ces deux droites. 


(ol 
L.1 


B, B, BOY OTR, 


bas 


| 
| 
| 
À, À; Don X 


B 
| 
| 
| 
| 

À 


D |A 


ESS re AE Re © à 


1.2 


Soient AB, CD, deux perpendiculaires, élevées l’une en 
À , l’autre en C sur la droite indéfinie AX. 

Soit B un point quelconque de la droite AB, et BD 
la perpendiculaire abaissée de ce point sur la droite CD. 

Je dis que BD ne peut être moindre que AC. 

Supposons, en effet, que l’on puisse avoir 


BD Z AC. 


En désignant par } l’excès de AC sur BD, il en résultera 


D AC BD + à. 


Sur la droite AX je prends CA, égal à GA; j'élève en 
À, la perpendiculaire AB, , et prenant AB, égal à AB, je 
üre la droite DB,. Les quadrilatères ACDB, A ,CDB, étant 
superposables, l'angle B,DC est droit comme l'angle 
. BDC; la ligne BDB, est droite, et les côtés BD, DB, sont 
respectivement égaux. 

Cela posé, considérons le quadrilatère ABB,A, dont les 
angles BAA, et AA.B, sont droits, les côtés AB, A,B, égaux 


( 416 ) 
et pour lequel on à par hypothèse, c’est-à-dire en vertu de 
l'équation (1), 

OA AT LE nt AA. = BR on. 


Soit À,, À,, etc., À, une suite de points, pris sur la 
droite AX, de manière à ce que les intervalles successifs 
A,À,, À A,,etc., A;_: À,, soient tous égaux entre eux et 
à l’intervalle AA,. J’élève en chacun de ces points une 
perpendiculaire sur la droite AX; je prends sur chaque 
perpendiculaire une longueur égale à AB, et, ayant ainsi 
déterminé les points, B,, B;, etc., B,, je tire les droites 
B.,B,, B,B,, etc., B:_: B,. 

Il est visible que chacun des quadrilatères A,B,B.A., 
À,B,B:A;, etc., An; B:_, B, À,, est égal au quadrilatère 
ABB, A,. On a donc. 


BB, + BB, + ete. + B,_,B, = n.BB, 


à ; 
) AA, —- A À, + efC. + A,_A, = n.AA ; 


et, comme on dispose arbitrairement du nombre “ on 
peut toujours le prendre assez grand pour avoir 
(A) EEE SUIS SEE 27 > CAE 
L'égalité (2), lorsqu'on y mulüplie les deux membres 
par n, devient 
n. AA, — n.BB, + 2n.2. 
De là résulte, en vertu de l'inégalité (4), 
nAA, > n.BB, + 2AB. 
ou , remplaçant 2AB par AB + AB, 
n. AA, > AB + n.BB, + A,B,, 


( 417) 
et, eu égard aux égalités (5), 
AA, + AA, + etc. + À, _,A, > AB + BB, + B,B, + etc. 
+ B,_,B, + B,A,. 


Or, cette dernière inégalité est impossible, puisque entre 
les points À et À,, la droite 
AA, — AA, + À A, + etc. + À,_,A, 


est nécessairement plus courte que la ligne brisée 


ABB.B, … BA, — AB + BB, + B,B, + ete. 
CALE B;,:, B,A,.- 


L'hypothèse d’où l’on est parti est donc fausse, et l'on ne 


peut avoir 
BD AC. GC. Q.F. D. 


Lorsque deux droites sont perpendiculaires à une même 
troisième, elles sont équidistantes, et toute transversale per- 
pendiculaire à l’une des deux droîtes est en même temps per- 
pendiculaire à l’autre. 


| 
| 
| 


Soient LM et PQ deux droites Rares à une même 
troisième AB. 
Tome xxur. — II" PART. 530 


( 418 ) 

Je prends sur PQ un point quelconque C, et de ce point 
j'abaisse sur LM la perpendiculaire CD. Cette perpendicu- 
laire ne peut être moindre que la perpendiculaire com- 
mune AB; elle lui est donc égale ou supérieure. 

Soit d’abord 

CD — AB. 


L'égalité des côtés CD, BA et celle des angles droits 
CDA, BAD, impliquent l'égalité des angles ABC, BCD; 
on le voit par un simple retournement du quadrilatère 
ABCD, les points A, B, C, D étant reportés respective- 
ment en D, C, B, A. Or, l'angle CBA est droit, donc aussi 
l'angle BCD. 

Le quadrilatère ABCD ayant ses quatre angles droits, 
chacun des côtés AD, BC est perpendiculaire aux deux 
côtés contigus AB, DC. AD ne peut donc être moindre que 
BC, ni BC moindre que AD. De là résulte 


AD — BC. 


D'un point quelconque m, pris sur BC, j'abaisse sur 
AD la perpendiculaire mn. Le segment mC ne peut être 
moindre que le segment nD perpendiculaire aux deux 
côtés contigus nm, DC. Il ne peut, d’ailleurs, être plus 
grand, vu qu'à raison de l'égalité, 

AD = An + nD — BC — Bm + mC, 


on ne saurait avoir 
mC > nD, 
sans qu'il en résultât 


mB < nAÀ. 


SE 


Or, cette dernière inégalité est impossible, puisque le 
segment nÂA est perpendiculaire aux deux côtés contigus 


( 419 ) 
nm, AB. On a donc nécessairement 


mC —= nl. 


De là résulte, conformément à ce qui vient d'être dé- 
montré pour le quadrilatère ABCD, 


angl. nmO — 4% 


nm — CD. 


On voit ainsi que, dans l’hypothèse où il existerait une 
perpendiculaire CD égale à la perpendiculaire commune 
AB, toute droite perpendiculaire à AD serait en même 
temps perpendiculaire à BC et égale à AB; mais si lon 
fait tourner le rectangle ABCD, soit autour de CD, soit 
autour de BA, jusqu'à ce que les côtés AD, BC viennent 
s'appliquer sur leurs prolongements respectifs, il est vi- 
sible que l’équidistance, déjà démontrée pour les côtés 
AD, BC, s’étendra sur leurs prolongements à une dis- 
tance égale à ces côtés, et, par conséquent, de proche en 
proche, à toute l'étendue des droites PQ, LM. 

Concluons que, s’il existe en dehors du point B une 
perpendiculaire CD égale à la perpendiculaire commune 
AB, les droites PQ, LM sont partout équidistantes, et 
que toute droite, perpendiculaire à LM, est en même 
temps perpendiculaire à PQ. 

Soit maintenant 

CD > AB. 


Dans cette hypothèse, toute perpendiculaire, abaissée 
de PQ sur LM, l'emporte en grandeur sur la perpendicu- 
laire commune AB. 

Imaginons que la portion de droite AB se déplace en 
restant perpendiculaire à LM. Tandis que l'extrémité A 
parcourt la droite LM, l'extrémité B décrit une ligne 


(420 ) 


continue, équidistante de cette droite, et par conséquent 
située tout entière au-dessous de la droite PQ, avec laquelle 
un seul point lui est commun, le point B. 

Soit RBS la ligne ainsi décrite, ou, ce qui revient au 
même, le lieu géométrique des points situés au-dessus de 
LM, à la distance AB, on voit immédiatement que cette 
ligne est symétrique par rapport à toute perpendiculaire 
élevée sur LM; qu'elle a, comme la droite, la propriété de 
glisser sur elle-même sans sortir du lieu qu’elle occupe; 
que deux parties quelconques , égales en longueur; sont 
superposables, ete. Étudions-la de plus près, afin de la 
mieux connaître. 

Par hypothèse, la ligne RBS a le point B commun avec 
la droite PQ, et rien que le point B. Je dis de plus qu’à 
partir du point B, aucune droite, aucune portion de droite 
ne peut être comprise entre la droite PQ et la courbe 
RES (. 

Supposons qu’à partir du point B, il puisse y avoir une 
portion de droite BO située au-dessous de la droite BQ et 
au-dessus de la courbe BS. L’angle ABO cest aigu, puis- 
qu'il est une partie de l’angle droit ABQ. Sur BA je prends, 
à partir de B et en deçà de À, une longueur quelconque 
BE, égale ou inférieure à BO. Du point E j’abaisse sur BO 
la perpendiculaire EL. Le pied de cette perpendiculaire 
tombe nécessairement à droite du point B, puisque l'angle 
ABO est aigu, et à une distance BI moindre que BO, puis- 
que BO est au moins égal à BE, et que l’oblique BE l’em- 
porte en grandeur sur la perpendiculaire BI. Cela posé, 
pour que la portion de droite BO puisse être comprise 


(*) La démonstration qui suit prouve que la ligne RBS ne peut être droite 
sur aucune étendue, à parür du point B, et, par conséquent, à partir d'un 
point quelconque. 


( 421 ) 
entre la droite BQ et la courbe BS, il faut que la perpen- 
diculaire IK, abaissée du point T sur LM, soit plus grande 
que BA; on devrait donc avoir 
IK > BA. 


Or, dans le triangle rectangle BET, l’on a 
BE > EL 


Ajoutant de part et d'autre EA , et observant que la somine 
des longueurs BE, EA est égale à BA, la dernière inéga- 


lité devient 
BA > EI + EA, 


mais dans le triangle AET la somme des deux côtés EI, EA 
l'emporte sur le iroisième côté AT; on a donc, à plus forte 


FaAISON , 
BA > Al. 


D’un autre côté, l’oblique AT est plus grande que la per- 
pendiculaire IK. Cest donc encore, à plus forte raison, 
que l’on à (”). 

BA > IK. 


Le point [ est, par conséquent, au-dessous de BS, et il 
n'est aucune portion de droite qui puisse, à partir du point 
B, se confondre avec la ligne BS ou rester comprise entre 
cette ligne et la droite BQ. II suit de là qu'entre toutes les 
droites qu'on peut mener par le point B, la droite BQ, 
perpendiculaire à BA, est celle qui se rapproche le plus 
de la courbe BS. Je lui donne, par ce motif, le nom de 
tangente. 


(*) Cette démonstration se fait plus simplement en abaiïssant sur BO la 
perpendiculaire AF et observant : 1° que l’oblique AB l'emporte sur loblique 
Al, comme plus écartée du pied de la perpendiculaire AF; 2 que l’oblique 
AI l'emporte elle-même sur la perpendiculaire IK. 


(42 ) 


Si, par un point quelconque de la courbe RBS, on 
abaisse une perpendiculaire sur LM, et que par ce même 
point on tire une droite à angle droit sur la perpendicu- 
laire, il est évident que cette droite sera tangente à la 
courbe et située, par rapport à elle, identiquement comme 
la droite PQ. 

Concevons qu'ou fixe en B l'extrémité d’un fil inexten- 
sible et parfaitement flexible; que l’on tende ce fil suivant 
la droite BQ , et que, sans cesser de le maintenir tendu, on 
le meuve par son autre extrémité, de manière à le rappro- 
cher de la courbe BS. Concevons que la courbe BS fasse 
obstacle à la marche du fil et l'arrête partout où il vient 
la toucher. Il est clair que la rotation du fil a pour effet 
de l’enrouler continüment sur la courbe BS et de le main- 
tenir dirigé suivant la tangente, à partir du point où l’en- 
roulement finit. Quoi qu’il en soit, et pour ne laisser aucun 
doute, je vais démontrer cette proposition (). 

Soit H le point où finit l’enroulement commencé en B. 


PA 
A y 
Le 
ect A ire 
D  —— 
SR NS A AE. 
B—— DE 2 De a 


On remarque d’abord qu’il ne peut exister aucun inter- 
valle ab où le fil ne soit pas appliqué sur la courbe. Par 
cela seul que Île fil est toujours tendu, il reste droit par- 
tout où rien ne l’oblige à se courber et à dévier ainsi du 
chemin le plus court. Si donc, de a en b, le fil n’était 


(*) Au lieu de recourir à l’image d’un fil tendu, l'on peut s’en tenir à 
l’image de la tangente tournant, sans glisser autour du point de contact, et 
s'appliquant ainsi sur la courbe. L'image du fil est moins géométrique : si 
nous l'avons préférée, c’est qu’elle nous a paru plus évidente. 


(425 ) 

point appliqué sur la courbe, il faudrait qu'il fût droit, et 
comme il ne peut s’abaisser au-dessous de la courbe, 
comme aucune portion de droite ne peut se confondre 
avec la courbe ni rester comprise entre la courbe et la 
tangente, il faudrait qu'à parür du point a, le fil se diri- 
geât suivant la tangente ac ou suivant une droite placée 
au-dessus de cette tangente. Mais alors 1l serait impos- 
sible qu'en se prolongeant suivant cette direction, le fil 
vint aboutir en b. On ne peut donc admettre aucune in- 
terruption d'enroulement entre les extrémités B et H; on 
ne peut point admettre non plus qu'aucune portion du fil 
s'applique tout entière à la fois sur la courbe. 

On voit par là que l’enroulement s'effectue sans discon- 
tinuité , et que, si le point de contact du fil avec la courbe 
passe d’une position quelconque à une autre, ce n’est ja- 
mais qu'après avoir successivement franchi toutes les posi- 
tions intermédiaires. 

Supposons le fil parvenu à la position où l’enroulement 
atteint le point a sans le dépasser. Au delà de ce point le 
fil reste droit, puisqu'il est tendu et qu'aucun obstacle ne le 
fait dévier du chemin le plus court. Je dis, en outre, qu'il 
est dirigé suivant la tangente ac. Nous savons déjà qu’il ne 
peut descendre au-dessous de la courbe, ni, par consé- 
quent, au-dessous de la tangenie; il ne saurait d’ailleurs 
s'élever au-dessus, suivant une direction quelconque al 
autre que ac. En effet, si le fil était tendu suivant al, le 
prolongement ag de cette droite descendrait au-dessous 
de l'arc aB, et l’on pourrait mener au-dessus de la courbe 
et du fil une droite i!, aboutissant par une extrémité au 
point ?, pris sur la courbe en deçà du point a, par l’autre 
extrémité au point ! pris sur le fil au delà de ce même 
point a. Or, il est impossible que le fil tendu vienne aflec- 
ter la position al, où rien ne le fixe et d’où sa tendance à 


( 424 ) 
ne pas dévier du plus court chemin l’écarte naturellement 
pour le porter sur la droite il. En d’autres termes, la droite 
étant le plus court chemin d'un point a un autre, il est absurde 
de supposer qu'un fil librement tendu entre ses deux extrémi- 
tés se dirige autrement que suivant la droite qui joint ces ex- 
trémités. On ne peut donc admettre qu'au delà du point a, la 
direction du fi s'élève au-dessus de la tangente, et comme 
elle ne peut s'abaisser au-dessous, il en résulte que tout en 
s'enroulant sur la courbe BS, le fil ne cesse pas d’être di- 
rigé suivant la tangente au point où l'enroulement finit. 

Cela posé, imaginons que le mouvement du fil com- 
mence et se continue dans des conditions toujours iden- 
tiques à elles-mêmes. À chaque instant le fil tourne autour 
de son point de contact avec la courbe, et il y a unifor- 
mité dans cette rotation. dont le centre, incessamment 
mobile, va se déplaçant le long de la courbe BS. 

Concevons un point mobile, placé sur la partie droite 
du fil ets’y mouvant de manière à ce que l'intervalle, com- 
pris entre ce point et le point où l’enroulement finit, 
demeure invariable. Il est visible que ce point avancera 
constamment d'une quantité égale à celle dont le fil s’'en- 
roulera, et que, par conséquent, son mouvement de trans- 
lation sur le fil sera uniforme comme la rotation du fil 
l’est elle-même (”). 

Supposons maintenant que, sans rien changer à tout ce 
qui précède, nous annulions l'intervalle compris entre le 
point qui se meut sur le fil et le point de contact du fil avec 
la courbe. La coïncidence établie entre ces deux points à 
l’origine du mouvement, subsiste pendant toute sa durée. 


(*) Il n'est pas besoin de supposer l’un de ces mouvements uniformes et 
d'en conclure l’uniformité de l’autre; il suffit d'observer qu'ils s’impliquent 
mutuellement, étant tous deux simultanés et continus. 


(495 ) 


Il y aura donc description continue de la courbe BS, par 
un point qui se meut sur le fil en même temps que le fil 
tourne autour de ce point. Or, le fil est droit et 1! coincide 
avec la tangente sur toute la partie non enroulée. On peut 
donc dire de la courbe BS qu’elle s’engendre par le mou- 
vement d'un point qui parcourt une droite mobile, le 
mouvement de cette droite consistant dans une rotation 
incessante autour de ce même point. Il y a d’ailleurs uni- 
formité simultanée dans la translation du point sur Îa 
droite et dans la rotation de la droite autour du point (). 
Le point décrit la courbe; la droite détermine, pour chaque 
position du point générateur, la tangente à l'extrémité de 
la partie décrite. 

Partant de là, considérons la génération de la courbe 
BS, alors qu'elle s'effectue par le double mouvement du 
point B sur la droite BQ, et de la droite BQ autour du 
point B. Remarquons, d’ailleurs, que le mouvement du 
point B sur la droite BQ peut être remplacé par un glis- 
sement de cette droite sur elle-même. Pour le voir claire- 
ment, 1l suffit d'imaginer en BQ deux droites superposées, 
dont l’une soit libre de glisser sur l’autre et liée au point 
B qui l’entraine ainsi dans son propre mouvement. Eu 
égard à cette observation, l’on peut dire de la courbe BS 
qu'elle s’engendre par le mouvement du point B, alors que 
la droite BQ tourne autour de ce point et que, glissant 
en même temps sur elle-même, elle l’entraîne avec elle. 

Concevons qu’à l'origine de cette génération, le point B 
rencontre comme obstacle à sa marche le système des deux 
droites BA, AM, fixées à angle droit l’une sur l’autre, et 
libres de se mouvoir ensemble par glissement de la partie 


(*) Voir l'observation précédente. 


( 426) 

AM sur la droite fixe LM. Poussée par le point B, qui la 
chasse devant lui, l’équerre BAM cède en glissant, comme 
je viens de l'indiquer; mais, par hypothèse, le point B se 
meut de manière à décrire une ligne équidistante de la 
droite LM. C’est donc toujours en un seul et même point 
de la droite AB que s'exerce l’action incessante du point 
générateur. Veut-on distinguer l’un de l’autre ces deux 
points qui se superposent et, par conséquent, se confon- 
dent ? on peut les désigner par B et 6, selon qu'il s’agit 
du point générateur considéré en lui-même, ou du point 
correspondant de la droite AB. 

Les conséquences à déduire de ce qui précède sont les 
suivantes : 

D'un côté, tandis que le point générateur se meut et meut 
avec lui l’équerre BAM , rien ne change dans la position 
de ce point sur la droite BA. TI est comme fixé sur cette 
droite et entraîné par elle dans le mouvement qu’elle subit. 

D'un autre côté, tandis que le point générateur est en- 
trainé par la tangente, de manière à décrire la courbe 
BS, la tangente tourne incessamment autour de ce même 
point. Or, il y a coïncidence constante entre le point B et 
le point 6, supposé fixe sur la droite AB. Il s'ensuit donc 
que, dans le glissement de l’équerre BAM, la tangente 
intervient comme le ferait une droite fixée sur le point 6 
el tournant sans cesse autour de ce point. 

On voit par là que la tangente BQ et l'équerre BAM 
forment ensemble un système où tout se meut à la fois 
et où nul changement ne saurait survenir dans la posi- 
tion relative des diverses parties, si ce n’est celui qui peut 
résulter de la rotation continue de la tangente autour du 
point 6; mais, dans ce système, l'angle de la tangente avec 
le côté BA demeure invariablement droit: rien donc ne 
change dans la position relative de toutes les parties, et. 


( 427 ) 
s'il y a rotation continue de la tangente autour du point: 
6, il faut qu'en même temps la droite AB tourne autour 
de ce même point, dans le même sens, de la même ma- 
nière, de la même quantité. La droite AB n’a qu’un seul 
mouvement, el ce mouvement est complétement déter- 
miné par lui-même; c'est celui qui résulte du glissement 
de l’équerre BAM sur la droite fixe LM. Le glissement de 
l'équerre ne fait que la déplacer par rapport à LM, et, dans 
ce déplacement relatif, tout se passe évidemment comme 
si l’équerre était fixe et que la droite LM, devenue mobile, . 
glissàt sur elle-même le long du côté MA et dans le sens 
ML. Or, si l'équerre est fixe et que la droite ML glisse sur 
elle-même, cette droite ne sort point en réalité de la po- 
sition qu'elle occupe, et dès lors elle est comme immobile. 
La fixité de l’équerre BAM, combinée avec l’immobilité 
qu'on peut attribuer à la droite LM, sans altérer en rien 
la position relative de la droite et de l’équerre, exclut ma- 
nifestement toute rotation de la droite AB autour du point 
6 (); de là résulte l'impossibilité d’une rotation quelconque 
de la tangente autour de ce même point. Mais en admet- 
tant une rotation de la tangente autour du point 6, on n’a 
fait que tenir compte du mouvement propre à la droite sur 
laquelle se meut le point B dans la description de la courbe 
BS. La rotation de la tangente étant nulle, il en résulte 


(*) Ge résultat serait peut-être encore plus évident, si l’on considérait la 
génération simultanée de deux courbes BBS, B'B'S”, situées symétriquement 
l’une au-dessus, l’autre au-dessous de la droite LM. Le point B aurait son 
point conjugué B’, situé sur le prolongement de BÀ à la distance AB'— AB. 
La droite BB’ se composerait ainsi de deux parties égales BA, AB, qui de- 
vraient tourner, en sens contraire, l’une autour du point B, l’autre autour 
du point B’. Il faudrait néanmoins que chacune de ces deux parties restât 
tout entière sur une seule et même droite, la droite BB’, ce qui est évidem- 
ment impossible ou contradictoire. 


(438 ) 


nécessairement que la droite BQ ne doit point tourner, 

si l’on veut qu’en la parcourant, le point B reste équidis- 

tant de la droite LM. Les droites LM et PQ, perpendicu- 

laires à une même troisième AB, sont donc équidistantes. 
En résumé, l'hypothèse 


CD > AB 


implique l’existence d’une courbe équidistante de la droite 
LM. L'existence de cette courbe implique, à son tour, un 
mode de génération où la tangente devrait intervenir par 
une rotation continue; or, cette rotation continue de la 
tangente est démontrée impossible ou nulle. Il est donc 
faux que CD soit plus grand que BA; mais, d’un autre 
côté, BA ne peut être plus grand que CD; il vient done 
nécessairement 
CD — AB. 


De là résulte l’équidistance des droites PQLM, et par 
suite, leur perpendicularité commune sur toute droite 
abaissée à angle droit de l’une sur l’autre. C. Q.E. D. 


Dans tout triangle rectiligne , la somme des angles est 
égale à deux droits. 


3€ 


Soit d'abord un triangle ABC, rectangle en B. En A, 


( 429 ) 
J'élève sur AB la perpendiculaire AD, et du point C, 
j'abaisse sur AD la perpendiculaire CD. 

Les droites AD, BC, toutes deux perpendiculaires à BA, 
sont équidistantes : la perpendiculaire CD est donc égale 
à BA. Il suit de là que l’angle DCB est droit; que lon 
a DA — CB; que les triangles ADC, ABC sont égaux; et 
qu’en conséquence, on peut écrire 


ang CAD — ang ACB, 


ou ajoutant, de part et d'autre, l'angle BAC, 
ang BAC + ang CAD = ang ACB + ang BAC. 


Or, les deux angles BAC, CAD valent ensemble un droit. 
Donc aussi, les deux angles ACB, BAC. 

Conceluons que les trois angles du triangle ACB, rect- 
angle en B, valent ensemble deux droits. 


st LEE LARNENE 
Soit ensuite un triangle quelconque A’B’C’, et B'A’C' le 
plus grand angle de ce triangle. Du sommet A”, j'abaisse sur 
le côté opposé la perpendiculaire AD’. Le triangle A’B'D’, 
étant rectangle en D’, l’on a, conformément à ce qui pré- 
eède, 
ang A’B'D’ + ang B'A’D'— 1% 


On a de même pour le triangle A’D'C 
ang D’A'C’ + ang A’C'D'— 1%. 


J'ajoute ces deux équations membre à membre et, obser- 
vant que les deux angles B'A’D", D'A’C’ forment ensemble 


(430 ) 
l'angle B'A’C’, je trouve 
ang A’B'C' + ang B'A’C’ + ang A’C'B' = 2%, 


Il est ainsi démontré que, dans tout triangle rectiligne, 
la somme des trois angles est égale à deux droits. On sait 
que cette proposition implique celle qui fait l’objet du 
postulatum d'Euclide. Je puis donc m'arrêter ici, et consi- 
dérer comme résolue la question que je m'étais proposée. 


Sur les triangulations qui ont été faites, en Belgique, anté- 
rieurement à 1850; par le général Nerenburger, membre 
de l’Académie. 


Lorsqu’en 1845, le Ministre de la guerre, M. le gé- 
néral Dupont, me confia la direction du Dépôt de la 
guerre, un de mes premiers soins fut de rendre compte au 
Ministre, non-seulement de l’état des travaux géodésiques 
commencés sous mes prédécesseurs, mais encore de tout 
ce qui avait été fait antérieurement dans le pays, en ma- 
tière de triangulation. C'est le résultat des recherches 
auxquelles je me livrai à cette occasion, et que j'ai com- 
plétées depuis, que je consigne ici, ne croyant pas pou- 
voir entrer en matière, dans une exposition (1) des travaux 
géodésiques accomplis, pour la plupart, sous ma direc- 
tion, plus convenablement qu’en traçant un aperçu histo- 


(1) Cette notice est extraite de l’Introduction d’un ouvrage que je compte 
livrer prochainement à l'impression, et qui présentera un compte rendu des 
travaux géodésiques exécutés par le dépôt de la guerre, depuis 1850 jusqu’à 
ce jour. 


( 451 ) 
rique et crilique des opérations trigonométriques exécu- 
tées sur le territoire belge par ceux qui m'ont précédé 
dans la carrière. 

Il ne fallait pas remonter bien loin dans le passé, pour 
trouver le point de départ des entreprises qui, à diverses 
époques, avaient eu pour objet la description géométrique 
de nos provinces ou de quelques-unes de leurs parties, 
puisque les premières opérations trigonométriques ne da- 
tent que du commencement du XVIF”° siècle. 

On sait qu’elles sont dues à Snellius, géomètre hollan- 
dais. Ce fut lui qui, pour évaluer le degré terrestre, d’après 
une longueur méridienne limitée à deux points dont les 
latitudes sont connues , imagina d'obtenir cette longueur 
par la méthode trigonométrique, méthode encore suivie 
aujourd'hui et qui consiste à former, dans le sens du 
méridien, une chaîne de triangles dont on trouve tous les 
éléments en partant d’une base mesurée : le calcul déter- 
mine ensuite le développement de l'arc qui traverse la 
chaîne d’un bout à l’autre. Ayant appliqué cette méthode à 
l’évaluation de la longueur méridienne comprise entre 
les parallèles d'Alckmaar et de Berg-op-Zoom, Snellius 
trouva le degré terrestre de 55021 toises. Les détails de 
cette opération curieuse par son ancienneté et parce qu'elle 
est la première de ce genre, sont consignés dans un ou- 
vrage publié par Snellius, en 4617, sous le titre Eratos- 
thenes batavus. 

En 1669 et 1670, l'abbé Picard exécuta aux environs 
de Paris, d’après la même méthode, en y employant tou- 
tefois des moyens d'observation et des procédés de caleul 
bien supérieurs à ceux du géomètre hollandais, une nou- 
velle mesure du degré terrestre, qui en fixa la valeur à 
57060 toises. L'opération de Snellius était donc fautive. 


Snellius 
1617. 


( 432 ) 
Mais Musschenbroek a fait connaître, dans un ouvrage 
publié à Vienne en 1756, sur la grandeur de la terre, 
(De Magnitudine terrae), une particularité qui tend à 
restituer à son compatriote le mérite d’avoir opéré avec 
toute l'exactitude que l’état de la science et les instru- 
ments de son temps comportaient. : 

Au dire de Musschenbroek, Snellius s'étant aperçu, 
après la publication de son livre, du peu de précision de 
ses premiers résultats, cette découverte l'avait déterminé à 
reprendre toutes ses observations. La Bibliothèque royale 
de Bruxelles possède un témoignage précieux et authen- 
tique de ce travail de révision : c’est un exemplaire de 
l’Eratosthenes batavus dans lequel l'auteur a consigné, de 
sa main, toutes les corrections apportées par lui à ses pre- 
mières observations. La mort le surprit prématurément 
en 1626, et ne lui permit malheureusement pas d’ap- 
précier l'influence que ces corrections exerceraient sur le 
résultat final de son opération. Cette satisfaction était 
réservée à Musschenbroek. 

Ce dernier était parvenu à se procurer, en Hollande, 
une copie des corrections introduites par Snellius dans ses 
observations, et 1l en tint compte pour calculer de nou- 
veau la méridienne d’Alckmaar dont le développement 
se trouva répondre, cette fois, à une valeur du degré ter- 
restre égale à 29510 perches ou 57053 toises. C'était le 
nombre de Picard à 27 toises près. 

La copie dont Musschenbroek fit usage ne comprenait 
qu’une partie de la chaîne de triangles arrêtée par Snellius : 
cette chaîne se terminait à Breda; l’exemplaire de la Biblio- 
thèque de Bruxelles la complète jusqu’à Malines, par les 
triangles (Breda, Berg-op-Zoom, Anvers), (Berg-op-Zoom, 
Anvers, Hoogstraeten), (Hoogstraeten , Anvers, Malines). 


RS 


(435 ) 


Telle est donc la première triangulation qui aït été faite 
en Belgique (1). 

La seconde est due à lillustre astronome qui le premier 
dota son pays d’une description géométrique rigoureuse 
du territoire, à Cassini de Thury. Les résultats de cette 
triangulation, qui ne comprend qu’une partie de la Bel- 
gique, sont consignés dans un ouvrage bien connu, pu- 
blié par Cassini en 1775, sous le ütre : Description des 
conquêtes de Louis XV, depuis 1745 jusqu'en 1748, à la 
suite de sa Relation d’un voyage en Allemagne, ütre même 
du livre. L'auteur y apprend qu’il opérait sur les derrières 
de l’armée française, dans le but de procurer aux ingé- 
nieurs géographes employés à lever le terrain conquis, 
des points trigonométriques exactement délerminés. Son 
œuvre dut nécessairement se ressentir de la précipitation 
avec laquelle il procédait, au milieu des événements de 
guerre qui S'accomplissaient sous ses yeux, bien qu'il eût 
fait usage, dans ses opérations, des pratiques si heureuse- 
ment suivies par lui-même dans la description géomé- 
trique de la France. C'est ce que la comparaison de son 
travail avec d’autres travaux obtenus ultérieurement, par 
des moyens plus perfectionnés, confirme pleinement. 

Cassini partit du côté Dunkerque-Cassel, emprunté au 
réseau français; 1l longea la côte, sur un petit parcours, 
puis se rabattit vers l’est, mesurant tous les angles d’une 
chaîne de triangles dont le point extrême est Tongres; il 
rattacha à cette chaîne un grand nombre de points de 
deuxième et de troisième ordre. 


(1) La triangulation de Snellius a servi à la rédaction d’une carte de la 
Nord-Hollande très-détaillée et levée aux frais des habitants pour régler les 
canaux. (Mémorial du dépôt de la guerre de France, t. 1, p. 287.) 


TomE xxinr. — II" PART. 51 


Cassini, 
1748. 


( 454 ) 
Voici le tableau des triangles principaux, extraits du 
Voyage en Allemagne, pages 155 et suivantes. 


| 
NOMS | ANGLES COTÉS COTÉS 
DES STATIONS (1). | RÉDUITS. EN TOISES. EN MÈTRES. 

| 
È m 
GR NES LES 43014 45/’ 144917 28245. 4 
PRDUDKEFQUEr CONS TPE 94 59 50 | 21071 41068.1 
DNienports 1.4 RAR 21145108 14086 274541 
hiieuport: 27200 MMS TRE 33 19 25 8163 15913.8 
LéDunkerque 247 fee 43 52 50 10304 20082.9 
lAHonschotte be RP ME 102 47 50 14491 28243.4 
[ÉNieuport MEME 72 7 10 10455 20376.9 
Honschotte 2204 0 A. 38 10 45 6791 13235.9 
éDixmude:? 20h run ee 69 42 5 10304 20082,9 
LNieuports.. 4e ete pal" 07 50e 11463 22341.8 
LDixmude- re isa eat 46 31 30 8391 16334.3 
| Ostende (hôtel de ville). . . 35 57 55 6791 13235.9 
PDixmude Re Cr 43 6 15 11071 21577.8 
Ostende. RE PO Ste 16193 31560.8 
Bruges (clocher Notre-Dame). 45 210 11463 22341.8 
éDimudes te 59 11e 13899 27089.7 
| Bruges mil RES 31 29 45 8460 16488.8 
MHoosiekicrl te PME 89 22 40 16195 31560.8 
Hoogiek st. PONT DEMO 60 13 45 12221 23819.2 
DrBrugesh OS a ORNE TPE 38 57 0 8851 17250.7 
PRIE M re QE 80 49 15 13899 27089.7 
Bruges Lens 9 ICE 47 13 55 14748 28744.4 
HDhelte ee RME LE die 95 18 50 20006 38992.4 
ER TN NE RTE ET A 12221 25819.2 
Dell NOMME A à 69 2 55 417597 34295.2 
Gand ER CRUEL 59 26 40 16227 31627.0 
MNeuthonat Me 40 2 51350 95 14748 28744.4 


(1) L’orthographe des noms de station a été maintenue telle que la donne le Voyage en Allemagne. 


( 435 ) 


NOMS ANGLES COTÉS COTÉS 
DES STATIONS. RÉDUITS. EN TOISES. EN MÈTRES. 
| à 
(Éanel SR PR EEE 30018/ 10// 9999T 17974.0 
MANeuTRONnE NAME NE LENS 4% 0 50 12700 24752.8 
HOudenove à . : . . . .| 403 4 0 17597 34295.25 
(Panel MANN nes 53 13 0 15096 29402.7 
Oudenhoye eme me nn 84 25 50 18760 36563.9 
AGE: à LE) MRENPENESEMSS CES 42 21 30 19700 24752,8 
PCA NME ET ue le el 42 32 10 13258 25840.17 
AEROSUN LE MST GRR 30 31 15 9960 19412.4 
PoOkKeLeman NO er Re 106 56 35 18760 36563.9 
AS CRE AMEN ME à LR EN) 50 31 50 10336 20145.3 
Éokeremeenalatna lon ain 47 29 55 9872 19240.9 
TAGS LR CPAS nes 81 58 15 13258 25840.1 
ASC RE NN EAN 20,70) 410 7769 15149.1 
LORS COUR POSER 86 29 30 12184 23747.1 
Ma lan es A M one A 53 58 20 9872 19240.9 
Puers den en Ur Ou Ut, 81 51 10 11274 21973.5 
Mines asp nb eu 55 7 55 9344 19240.9 
AA RS MEMONS DOTE RE ER 45 0 55 7769 15149.1 
Malines ele hum 112 49 0 24825 48384.9 
ATEN SR PR ee Lo 42 26 15 18174 35421.8 
MGR LATE AE 24 A4 45 11274 21973.5 
Mate NE MERE PER 29 50 0 9130 17794.7 
| Montaigu Ar Ca LES US 52 9 0 14492 289245.5 
Réllenbergiine st." à 98 1 0 18174 35421 .9 
MOMENT . Le 5S 52 50 13914 27118.9 
POEDEnS MAUDNU SAR EN 86 56 35 16230 31632.9 
15 AE AS SAME 34 10 35 9130 17794.7 
AVE AS NS EP El 84 115 20854 40645.0 
Mona sl RE 45 1 45 14895 29030.9 


Hongres+ host sub La 50 43 0 16230 31632.9 


Ferraris, 
1774 


L'ouvrage d’où ce tableau est tiré a été publié en 1775 ; 
mais les opérations dont il rend compte ont été faites, ainsi 
qu'on l’a vu plus haut, de 1745 à 1748. 
En 1770, le général comte De F erraris commenca l’exé- 
cution de la carte des Pays-Bas autrichiens qui porte son 


NOMS ANGLES COTÉS COTÉS 
DES STATIONS. RÉDUITS, EN TOISES. EN MÈTRES. 
| 
Qme suite pour la base de HMalines à Anvers. 

s m 
Bruges 51029/ 40/’ 160537 31287.7 
Gard. 25 44 © 8907 17560.0 
Ardenburg . 102 46 20 20006 38992.5 
Ardenburg . 38 11 15 10018 19525.5 
Gand. 43 56 50 11248 219922.8 
Assenede 97 52 15 16053 31287.7 
Gand. 67 20 10 11077 21589.5 
Assenede 56 5 20 9964 19490.2 
Lokerem. 56 34 30 10018 19525.5 
Assenede 55 12 40 10315 20104.5 
Lokerem. 62 55 0 11185 21800.0 
Hulst. 61 52 20 14077 000 21589.5 
Lokerem. 52 57 40 12880 25103.6 
Hults. 87 17 55 16120 01418.5 
Anvers . 39 44 95 10315 20104.35 

| Hults. 50 22 10 6399 12839.7 
|| Anvers . EE Ha | 65 59 0 12188 235754.9 
Rüpelmondes PORTES 80 38 50 12880 25103.6 
Anvers 50 57 50 8782 17116.4 

| 
Rupelmonde | 95 20 0 11288 22000.7 
Malines . | 35 42 50 6599 12859.7 


( 457 ) 

nom; sept années après, la gravure de celte carte étail 
complétement terminée. Si ce travail est remarquable à 
bon droit, comme œuvre topographique du temps, il ne 
l'est pas moins par l'incroyable rapidité avec laquelle il fut 
exécuté. En effet, si l’on s’en rapporte à la notice pleine 
d'intérêt, publiée par M. Gachard, Sur la rédaction et la 
publication de la carte des Pays-Bas autrichiens (tome XVI 
des mémoires de l’Académie de Belgique), le général comte 
De Ferraris a pu lever la carte des Pays-Bas, la dessiner 
et la graver, dans l’espace de sept années, et cela en trai- 
tant la partie trigonométrique de ce grand travail, par la 
méthode dont Cassini s'était servi pour la carte de France, 
et en levant tous les détails topographiques à la planchette. 
Les opérations trigonométriques, dit M. Gachard, étaient 
complétement terminées vers la fin de 1774; ainsi, au bout 
de quatre années. Toutefois, on ne peut pas supposer que 
moins de cinq ou six ans aient été nécessaires pour l’aché- 
vement de la partie topographique. 

Certes, les personnes initiées aux procédés de la géo- 
désie et de la topographie n’admettront pas sans réserve 
ces indications sur l’œuvre de Ferraris. Si quatre années 
ont été consacrées à la triangulation et six années à lever, 
au moyen de la planchette, les détails topographiques, il 
faut que les opérations trigonométriques, d’une part, et 
les levés à la planchette, de l’autre, n’aient embrassé qu’une 
irès-petite étendue de territoire; que les unes aient eu 
simplement pour objet de compléter la triangulation de 
Cassini, et que les autres aient été appliquées aux seules 
parties des possessions autrichiennes pour lesquelles on 
n'avait aucun plan. Encore semble-t-il douteux que le 
général Ferraris ait fait aucune opération trigonométrique 
de l'importance des opérations de Cassini, puisque toutes 


( 438 ) 

les recherches auxquelles on s’est livré en Hollande, en 
Belgique et à Vienne, pour en découvrir les traces, n’ont 
produit aucun résultat. Mais ce qui n’est pas contestable, 
c'est le parti que le général Ferraris a tiré de la triangu- 
lation de Cassini, au dire de Cassini lui-même, ainsi que 
le prouve l'extrait suivant du discours préliminaire du 
Voyage en Allemagne. 

« Ce n’est que depuis l'établissement du mt de Ver- 
» Sailles (1) que les cartes militaires ont pris une nou- 
» velle forme. Les ingénieurs géographes ne travaillent 
» plus que sur des points fixes; lorsque les principaux 
» lieux sont placés, ils s’attachent à la configuration exacte 
» du terrain, et la carte, en sortant de leurs mains, peut 
» être regardée comme un portrait fidèle du pays sur le- 
» quel un général peut avec sûreté former tous les projets 
» d'une campagne. 

» J'ai eu quelque part à cette réforme dans les cartes. 
» Ayant parcouru tous les Pays-Bas et les frontières de 
» France, J'ai été en état de fixer un grand nombre de 
» points, dont les ingénieurs chargés du détail devaient 
» faire usage pour les cartes particulières. Je les ai com- 
» muniqués toutes les fois que le Ministre de la guerre l’a 
» exigé, et j'ai vu avec admiration l'usage que l'on en a fait 
» pour les cartes des Pays-Bas, qui, par l'exactitude et la 
> représentation du pays, surpassent tout Ce qui a paru en 
» ce genre; j'espère que ce modèle sera suivi pour les cartes 
de l’Allemagne, dont on trouvera iei une grande partie 
des matériaux nécessaires pour leur construction. » 
Si l’on considère que le Voyage en Allemagne a été publié 


4 


st 
DA 


(1) Origine du Dépôt de la querre de France. 


( 439 ) 
en 1775, on peut supposer que ces lignes ont été écrites 
en 1774, précisément à l’époque où l’entreprise du général 
Ferraris était en pleine activité; il n’est pas douteux d’ail- 
leurs que les Cartes des Pays-Bas qu'elles désignent, ne 
soient les feuilles de la carte à laquelle ce général a donné 
son nom. 

Mais la triangulation de Cassini ne s'étend pas à toute 
la superficie qu'embrasse la Carte des Pays-Bas autri- 
chiens ; elle fait défaut dans la partie du territoire située 
sur la rive droite de la Meuse prolongée par la Sambre, 
comme aussi dans la partie de la rive gauche, qui forme le 
plateau circonserit par les villes de Louvain, Tirlemont, 
Hannut, Gembloux, Nivelles et Bruxelles, et auquel 
plusieurs grandes batailles livrées entre des puissances 
étrangères, à diverses époques de l’histoire moderne, ont 
donné de la célébrité. 

On ne sait comment, pour ces parties, le général Fer- 
raris à pu suppléer aux lacunes de la triangulation de 
Cassini; ni la notice de M. Gachard ni les renseignements 
obtenus de Vienne, par le dépôt de la guerre, ne donnent 
de renseignements sur ce point. 

Au reste, quels que soient les moyens auxquels Fer- 
raris eut recours pour coordonner les levés de détails et 
les plans particuliers, dans la rédaction de la Carte des 
Pays-Bas, 11 semble, d’après un article du Mémorial du 
Dépôt de la querre de France (1. FT, p. 295), que la partie 
trigonométrique de ce grand travail laissait beaucoup à 
_ désirer, ainsi que le prouvent les lignes suivantes, quisont 
extraites de l’article en question : « En 1774, le général 
» Ferraris publia sa carte des Pays-Bas autrichiens, ou- 
» vrage d’une exécution plus belle en général que celle 
» de la carte de France et basée sur la même échelle. Mais, 


( 440 ) 


» dans celte carte, d’ailleurs si recommandable, la géo- 
» désie n'a pas toute l’exactitude requise (1); Perny à 
» trouvé jusqu’à deux degrés d'erreur pour un seul angle. 

Le cercle répétiteur venait d’être inventé par Borda. Le 
premier essai qu’on fit de ce précieux instrument eut lieu, 
en 1787, dans une opération à laquelle Borda, Cassini et 
Méchin prirent part, et qui eut pour objet la jonction des 
observatoires de Paris et de Greenwich. Le succès avec 
lequel ces illustres astronomes employèrent l'instrument 
nouveau à la détermination des angles géodésiques et à la 
mesure des hauteurs des astres, prouvait que le cercle répé- 
titeur, si commode par ses petites dimensions, était appelé 


(1) Perny, astronome français, fut chargé de rattacher au travail de Fer- 
raris des opérations géodésiques faites par lui en Hollande. On lui doit une 
triangulation qui s’étendait sur notre territoire, du côté français Dunkerque- 
Hondschoote au côté Zierikzée-Berg-op-Zoom, situé en Zélande. Mais ce 
travail, dont les éléments n'existent pas au dépôt de la guerre à Bruxelles, 
ne paraît pas avoir offert toutes les conditions d’exactitude désirable. M. le 
général Krayenhoff avait eu la pensée de l'utiliser dans sa triangulation de la 
Hollande; cette circonstance le mit à même d’apprécier l’œuvre de Perny, 
au sujet de laquelle il s'exprime ainsi : « J’examinai, je vérifiai les tours 
» d'horizon observés par Perny à Goes et à Hulst, et je découvris à la pre- 
» mière station, une erreur qui n’était pas moindre de 1’ 12”, ce qui me 
» donnait sur la distance de Berg-op-Zoom à Zierikzée, une différence de 
» 7 mètres environ. » On comprend que le général Krayenhoff, contempo- 
rain de Delambre, ne pouvait se contenter d'observations aussi imparfaites. 
Aussi prit-il la résolution de ne rien emprunter au travail de Perny, et de 
faire sa triangulation de toutes pièces, en suivant la voie si heureusement 
tracée par ses maîtres, dans la mesure de la méridienne de France. 

En lisant, dans le Précis historique des opérations géodésiques et astro- 
nomiques faites en Hollande, le jugement porté par le général Krayenhoff 
sur Perny, qu’il trouve en défaut, à Goes, de 1” 12”’, on ne peut se défendre 
d'accueillir avec quelque méfiance l'erreur de deux degrés signalée par 
Perny, dans la triangulation sur laquelle Ferraris a basé sa grande carte des 
Pays-Bas autrichiens. 


( 444 ) 
à remplacer désormais, avec avantage, les grands secteurs 
et les quarts de cercle dont on s'était servi jusqu'alors. 
De ce progrès datait une ère nouvelle pour la géodésie. 
Elle fut inaugurée par les beaux travaux de Delambre et 
Méchin, pour la mesure de la méridienne de Dunkerque. 

C'est de 1792 à 1800 environ que cette belle opération 
fut faite avec le soin et la fidélité dont l'ouvrage publié par 
Delambre, sous le titre : Base du système métrique, donne 
une juste idée. 

Le premier, en ordre de date, après Cassini, qui ait 
formé sur notre territoire un réseau trigonométrique de 
quelque étendue, est le général baron Krayenhoff, inspec- 
teur général des fortifications en Hollande. Ses opérations, 
commencées en 18092, eurent pour but de lier entre eux, par 
des triangles, les principaux points du territoire hollan- 
dais, en vue de rattacher à ces points les détails topogra- 
phiques, et de réunir ainsi tous les éléments nécessaires à 
la rédaction d’une carte de Hollande analogue à la carte de 
France par Cassini. 

À cette époque, la mesure de la méridienne était termi- 
née. Le général Krayenhofïf ne pouvait donc mieux faire que 
de suivre, pour le travail qu'il entreprenait , les méthodes 
si parfaites appliquées en France, par Delambre et Méchin. 
C'est aussi le parti qu'il adopta. Il prit, d’ailleurs, la réso- 
lution de remonter jusqu'au dernier triangle de Delambre 
et de baser son réseau sur le côté Dunkerque-Cassel, qui 
étant peu éloigné de la base de Melun, d’où il avait été dé- 
duit, offrait une grande exactitude. Le choix de ce côté 
procurait, en outre, cet avantage de donner une latitude 
et un azimut de départ, déterminés astronomiquement. 

L'instrument goniométrique, dont le général Krayen- 
hoff fit usage dans son opération, était un bon cercle ré- 


Krayenhoff, 
1811. 


( 442 ) 

péliteur de Lenoir, du modèle des cercles dont les astro- 
nomes français s'étaient servis précédemment. 

Commencée en 1802, la triangulation de la Hollande 
fut terminée, après diverses interruptions, vers la fin de 
1811. Elle comprend 165 triangles de premier ordre, dont 
21 appartiennent à la Belgique. Voici le tableau de ces der- 
niers triangles : 1l est extrait de l'ouvrage publié par M. le 
général Krayenhoff, en 1827, sous le titre : Précis histo- 
rique des opérations géodésiques et astronomiques faites en 
Hollande, pour servir de base à la topographie de cet État, ou- 
vrage dans lequel on trouve un compte rendu, assez détaillé, 
des opérations géodésiques faites par le général hollandais. 


| ANGLES COTÉS 


DÉSIGNATION DES SOMMETS (1). | 

| RÉDUITS. EN METRES. 
m 

Dunkerque (grande tour). . . . . 420 6 9//390 19106.653 
NVattéen sen RME bad core 74 928 44.830 27458.582 
!! Mont-Cassel (tour Notre-Dame). . . 63 25 5.180 25485.506 
| Dunkerque . DIET IS ASS EN IRTTTS OT 
; Mont-Cassel 2244 RTS 2 EBO STUNT 5> 21 22.535 15919.290 
|| Hondscote (clocher) . . . . . . 93 51 54.515 27458.582 
FDunkerque … 1HMME ARS 43 51 54.099 20070.832 
Hondscote "AMEN EUSS CPE DE 102 48 10.657 28246.590 
Nieuport NS EU EN ONE MICTRE 83 20 15.244 15919.290 
Nieu portier MIE PL ÉCRIN 72 6 22.972 20365.856 
lHondseote …, : © + . …,. : ,!,|..,58 12 4.104 15234.924 
Dixmude/{clother) 24. UE eu | 69 41 32.927 20070.832 

| 
NiQupont tas eco etui ait Nine 96 51 19.678 22125.021 
DUT OP En MR RE | | 47 O0 50.102 16290.507 
HAUSIENTe CIDCRET) ARC SEEN NE 56 27 50.220 13254.924 


(4) L'orthographe des noms des sommets à élé maintenue telle que la donne le Précis historique. 


( 445 ) 


3 ANGLES COTÉS 
DÉSIGNATION DES SOMMETS. 


RÉDUITS. EN MÈTRES. 


| 
m 
DELLE 4 DR PE EEE 95 57 51//637 | 51828.729 


Dmadent Li, Liu 2, » 42 7 50.455 21402.674 
lbrusest(clocher), -#5,2% 2. . . 43 54 17.908 22125.021 
ES SERA EN EER 31 12 29.477 16493.815 
DÉMO: TUE RE Se 59 38 6.808 27465.582 
Hoogleden (clocher) . . . . . . 89 9 23.715 31828.729 
nest I SMOMNERRER EEE 38 38 56.383 17573.112 
Hopeledent ie Ur Lu 7, 60 28 54.577 24207.272 
Thielt (tour de la maison de ville). . 80 52 9.040 27465.582 
BURN UT MRETA di €u.. 1 16 46 42.288 | 28630.246 
RAP MRES 00 ANSES 0} EL 95 11 13.681 | 39128.009 
Gand (tour de St-Bavon). . . . . 38 2 4.031 | 24207.272 
ARRET AD ES € ED. à 50 54 25.277 | 31280.972 
(FLO Cie à NS ER SRE TS 25 13 3.004 | 17171.790 
Aardenbourg ( clocher) . . . . . 103 52 31.719 39128.009 
PARIS. TU IR dt. 58 11 51.450 19524.967 
(RTE Le MON ON TENTE 43 56 11.960 21911.136 
Assenede (clocher). . . . . . . 97 52 16.590 31280.972 
PDO NNOUTS Me Le ee - oo à + 18 29 45.464 31738.837 
PNSSERETe Ne AR de De ee ce à 58 56 3.186 27744.076 
| Middelbourg (clocher; . . . . . 42 354 11.350 21911.136 
Middelbourg. 33 52 6.003 21798.095 
| Assenede. 91 53 44.948 39003.310 
Hulst (clocher ). 54 14 9.049 31738.837 
IPAssenedes tt. . .: .… . .. | 111 17 52.489 34140.263 
| Gand . | 36 30 14.848 21798.095 
Hulst . | 82 11 52.663 19524.967 
Hulst . 116 57 15.491 50721.395 
Gand . à 26 10 39.445 25103.000 
Anvers ( clocher Notre-Dame) 36 52 5.064 34140.263 


ANGLES COTÉS 
DÉSIGNATION DES SOMMETS. 
RÉDUITS. EN METRES. 


m 

DAdelbourE PL MENMENEMEMENRS 77021’ 49/7279 49249 ,568 
ete ee ent Pope 5 46.137 26714.206 
Ain zée te. 2 MN NES 32 24.584 39093.310 


Zirikzée nil 00 she Gie rs 11.774 28825.859 
DÉFGISE SENS 20 OR don et 1.831 31143.071 
HPBerg-0p-Z00m : 1. Me EE NN 43.395 42249.368 


DPAUIST ECS Leo ER ADS 47.555 31474.507 
HÉANVOTS de EU ANA Le PRESS 35.706 28825.853 
[PBerg-op-Zoom . EN EPA 36.139 23103.000 


|'Berg-op-Zoom PP ENEN 37.148 32182.151 
DPAVErS SL NUE SORA RIT NE 32.739 34523.108 
l'Hoogstraten CNE RENN. ON, 30.113 31474.507 


R'HOoosstraten 0 NM CM ne 31.042 30840.900 
LÉAnvers ent. Si AAA TR 14.243 25706.835 
Herenthalss: LU Hi 2m en 14.713 32182.151 


FÉHüosstratenut dé 2 Gel n ee 1e 2 6 35.179 33905.615 
l'Eommeli{clocher) . APE OMAN 0 20.000 25706.8%1 
LeHerenthalst "2000 Ne MO Ê 4.821 45066.389 


La triangulation du général Krayenhoff, basée sur le 
triangle français Watten - Dunkerque - Cassel, sur les lati- 
tude et longitude astronomiques de Dunkerque et sur 
l’azimut du côté Watten - Dunkerque, comporte des vé- 
rifications déduites d'observations astronomiques faites 
par l’auteur en deux points du réseau, Amsterdam et 
Jever. 

À Amsterdam, la latitude astronomique a été trouvée 
de 52°,22’,50”,1286 et la latitude géodésique, déduite des 
coordonnées géographiques de Dunkerque, de 52°,22", 


( 445 ) 
30/’,1876 : la différence est de 0”,059. L'azimut (déter- 
miné astronomiquement), du côté Amsterdam-Utrecht 
est égal à 552°,41”,19”,9402; le même azimut déduit des 
triangles, est de 352°,41”,20",5497; la différence est de 
0”,4095. 
A Jever on 2 : 


Latitude astronomique . . . . . .  55°,54,25/,46111 
— géodésique. . . . . . .  59°,54,25”,45260 
DIFFÉRENCE. . . + 07,02851 


D'autre part, pour le même point : 


Latitude astronomique . . . . . . b6°,54,25”,42971 
— géodésique. . . . . . .  55°,54,25”,43260 
DIFFÉRENCE. . . — 0/,00239 


Azimut astronomiq. du côté Jever-Varel. 321°,20’,54”,9046 
= Igéodésique, . + : . 7 . . 9521°,20,95/,7551 


DIFFÉRENCE. . . 1/7,1704 


L'accord entre des résultats astronomiques et géodé- 
siques ne saurait être plus complet, on pourrait dire plus 
extraordinaire (1). 

D'un autre côté, le travail du général Krayenhoff, pré- 
senté à l’Institut de France et à l’Institut de Hollande, a 
donné lieu, au sein de ces Académies, à des rapports 


(1) Si cet accord était réel, il prouverait non-seulement que les opérations 
géodésiques et astronomiques du général Krayenhoff sont exactes au plus 
haut degré, mais aussi que les éléments adoptés par ce général, d’après 
Delambre, savoir : ; (l'aplatissement) — =, a (le rayon de l’équateur) 
— 6575737 mètres, sont rigoureusement ceux de l’ellipsoïde qui convient à 
la Hollande. 


( 446 ) 

extrêmement favorables, dans lesquels les commissaires 
appelés à porter un jugement sur la triangulation, en 
ont fait ressortir l'exactitude par la production de chiffres 
très-significatifs; de plus ils en ont exalté les mérites, 
en termes trop emphatiques peut-être, mais qui témoi- 
gnent de leur haute estime pour l’œuvre du général hol- 
landais. 

A l’Institut de France, les commissaires étaient : Beau- 
temps-Beauprés, Biot, Arago et Delambre, rapporteur; à 
l'Institut de Hollande, cétaient : MM. Jacob Floryn, 
G. Vrolik et J.-F. Van Swinden, rapporteur. 

D’après le rapport des commissaires français, 73 tours 
d'horizon sont caractérisés par les circonstances sui- 
vantes : 


x ÉFFEUT MOYENNE 207.0 0e ONCE SE 
Aucune €RFEUD N'a PASSÉE CPR 55 
2iseulement/DASSER NE NUE ROME 0 

10 passent: M ES EN EN 0 
1APpassént; 18.400. MAPS PRE 
A7 passent: 1... hs de ee NE RPG 
De plus, 
« 162 triangles donnent 174”,712 pour la somme des 
erreurs. 
Erreurimoyenne /11A4R EH 08 15 MTS TE CNET OT GR 


De ces erreurs, 


« 13 sont tout à fait nulles. 


1bis0nt au-dessous def dE 7 
44 id. de: senc NX Ref if ARR 
29 id. de. 5 
5 id. de FHÉTERNA 
LEPASSE TEEN CE | - LES, CORRE BTS 


(447) 


Cette dernière est due au déplacement d'un signal qui 
avait été abattu, puis reconstruit à quelque distance. 

D’après le rapport des commissaires hollandais, en con- 
sidérant les 165 triangles du réseau, on trouve qu’il y en a : 


« 88 dans lesquels l’erreur sur la somme des trois 


angles est plus petite que. . . . . . 1” 
29 dans lesquels elle est au-dessous de . . . 1”! 
19 id. entre das e ue ce AN IRret 27 
22 id. CNMPER SC rente IE PEL O7 
3 id. CERN AE NO NCA 
1, savoir le n° 51, où elle est un peu au-dessus de 57’ 
1, savoir le n° 107, où elle est de. . . . . 7” » 


Ces résultats sont incontestablement très-beaux; ils 
témoignent d’une précision pour le moins égale à celle 
des opérations de la méridienne de France. Et pourtant, 
malgré ces témoignages, malgré l'autorité des noms des 
commissaires français, parmi lesquels figure celui de De- 
lambre, si l’on examine de près le travail du général Krayen- 
hoîf, on est porté à concevoir des doutes sur la réalité 
d’un accord, entre toutes les parties du réseau , aussi par- 
fait que les commissaires l’ont proclamé. C’est, du reste, 
une tàche extrêmement délicate, difficile et laborieuse, 
que de porter un jugement bien motivé sur un travail 
géodésique, d’après les seuls documents écrits qui lac- 
compagnent. Selon nous, il n’existe qu’un moyen d’appré- 
cier sûrement une triangulation : ce moyen consiste à 
évaluer un ou plusieurs côtés du réseau dont on veut 
éprouver l'exactitude, d’après une nouvelle triangulation 
faite de toutes pièces, appuyée conséquemment à une base 
dont la longueur a été déterminée par une mesure directe. 
Hors de là, on acquerra bien des présomptions plus ou 
moins fondées sur le mérite de l’œuvre, mais non des 
preuves irrécusables de sa bonté. 


(448) 


Ce serait donc avec une extrême circonspection que 
nous nous permettrions de juger, à notre tour, l’œuvre géo- 
désique du général Krayenhoff, si nous n’avions à notre 
disposition que le Précis historique qui la fait connaître. 
Nous croyons, toutefois, pouvoir avancer sans témérité 
que, si, d’une part, les commissaires chargés de rendre 
compte de ce travail au sein des Instituts de France et 
de Hollande, ont exposé les circonstances les plus propres 
à donner une très-haute idée des opérations du général 
hollandais, ils ont, d’autre part, passé sous silence des 
raisons qui Sont de nature à en atténuer les mérites, ou 
tout au moins n’ont-ils pas déduit de ces raisons les consé- 
quences qu’elles recèlent. 

Pour ne citer qu'un exemple, les deux rapports et le 
Précis historique apprennent que l’auteur, pour établir 
l'accord entre toutes les parties du canevas, faisait usage 
du théorème des angles inverses, énoncé par Delambre 
en ces termes : Quand une suile de triangles forme un 
tour d'horizon autour d’un sommet commun, et que vous 
formez deux suites des angles à la base, en mettant dans 
une suite différente les angles séparés par un côté commun, 
le produit des sinus de tous les angles de la premiere suite 
sera égal au produit des sinus de la seconde suite, en sorte 
que la somme des logarithmes de ces sinus sera égale de part 
et d'autre. 

Or, on sait aujourd’hui que, pour rendre rigoureusement 
géométrique un réseau de triangles, la condition exprimée 
par ce théorème est nécessaire, mais qu’elle est insuffisante. 
Il convient, si l’on veut opérer en toute rigueur, de réa- 
liser encore une autre condition déduite de cette circon- 
stance que le rayon visuel dirigé d’un sommet vers un 
autre sommet, et le rayon inverse constituent une seule 


é ( 449 ) 

et même droite. C'est par l'introduction simultanée de ces 
deux conditions dans les calculs géodésiques, introduction 
qui exige l'intervention de la méthode des moindres car- 
rés, pour qu'elle soit rationnelle, que l’on peut seulement 
établir, d'une manière rigoureuse, l'accord parfait entre 
tous les éléments d’un réseau géodésique. Ce mode exact 
de répartition des erreurs est d'invention toute moderne : 
il n’est donc pas surprenant que le général Krayenhoff ne 
l'ait pas employé : mais 1l résulte de cette dernière cir- 
constance que les procédés à l’aide desquels le général est 
parvenu à obtenir l'accord entre toutes les parties du 
réseau, sont nécessairement empiriques. 

C'est donc bien à tort que M. Van Swinden, le rappor- 
teur à l’Institut de Hollande, a signalé tout particulière- 
ment, dans son rapport, l'exactitude de toute l’opération, 
exactitude qu'on ne saurait assez admirer et à laquelle 
M. Krayenhoff n'a pu parvenir que par un travail in- 
croyable. On serait tenté, ajoute-t-il, de dire avec Virgile : 


Tantae molis erat |... 


En définitive, cette étonnante exactitude, fruit d’un si 
pémible travail, n’est pas seulement illusoire; elle dénature 
l'œuvre, elle en altère la valeur. 

Pour obtenir une juste appréciation de cette triangula- 
tion (comme de toute autre), le plus sûr est d'en calculer 
plusieurs côtés d’après une base mesurée directement dans 
leur voisinage. C'est ce qui a été fait par le Dépôt de la 
guerre. 

Une base géodésique, mesurée en 1855 , au sud et à une 
petite distance d’Ostende, avec toute la précision que la 
science géodésique comporte aujourd'hui, a permis de 
calculer, à l’aide d’un petit nombre de triangles, les côtés 

Tome xx111. — FI" PART. 32 


( 450 ) 
Dixmude-Bruges, Ostende-Dixmude, Ostende-Bruges, qui 
ont été trouvés, savoir : 


Dixmude-Bruges de . . . . . . . . . . 51890,07 
OStende=Dixmude der. . EME ON PROD T2 A0 
OStendeBruges de... 1, AUD NEED UA NA 


Les mêmes côtés, dans la triangulation du générai 
Krayenholif, sont évalués, savoir : 


; mn 

Dixmude-Bruges 4,241) Le ERP 
Ostende-Dixmude à . : . . : . . . . 22125,02 
Ostende-Bruges 42 mu LU ER re RE 71402"67 


Les différences qu’on peut considérer ici, comme con- 
stituant les erreurs qui affectent les côtés correspondants 
de la triangulation de Krayenhoff, sont : 


Pour Dixmude-bBruüges 4746 TEE RS 1.06 
—— |. Ostende-Dixmudes 1% 2007) 21° REP ARCEU "SE 
5 \Ostende-Bruges 71 MTS RSS PEER ORERENN TT 


Cette seule comparaison dit infiniment plus, à notre 
avis, que le merveilleux accord signalé par MM. les com- 
missaires des Instituts de France et de Hollande, et, sans 
qu'il faille en déduire, avec M. Van Swinden, que de véri- 
tables Hollandais trouveront dans l'œuvre de Krayenhoff le 
droit de se glorifier de leur nation et de faire une comparai- 
son avantageuse entre la génération présente et celles de leurs 
ancêtres, on doit reconnaître que la triangulation du géné- 
ral Krayenhoïf présente, dans la partie qui traverse le ter- 
ritoire belge, assez de garanties pour pouvoir servir à 
coordonner les éléments topographiques d’une carte. Il 
est juste de faire observer que c'était là l’unique objet 
qu'avait en vue le général Krayenhoff, en entreprenant la 
triangulation de la Hollande. # 


\ ( 451 ) 

Dans le temps où le général Krayenhoïf opérait en Bel- rranchoi, 
gique, un colonel du corps des ingénieurs géographes de “ie 
France, de ce corps distingué qui s'était acquis une si 
haute réputation par les beaux travaux qu'il produisait 
durant la paix, et les éminents services qu'il rendait pen- 
dant la guerre, le colonel Tranchot, l’un des collabora- 
teurs de Delambre dans la mesure de la méridienne, reçut 
l'ordre de lever la carte connue sous le nom de Carte des 
Quatre Départements réunis de la rive gauche du Rhin. Cet 
ingénieur habile forma, en conséquence, un réseau qui 
s'appuie, d’un côté, sur un des triangles de Krayenhofif, et 
de l’autre, sur la base d'Ensisheim près Colmar. Pour 
orienter ce réseau, 11 observa, au signal Luisberg, une lati- 
tude et un azimut. 

Le côté de départ de cette triangulation est le côté 
Anvers-Herenthals de la triangulation du général Krayen- 
hofl. Les premiers triangles de Tranchot appartiennent 
done aussi à la Belgique : ils sont au nombre de huit et 
forment la chaîne suivante, dont les éléments ont été com- 
muniqués par le Dépôt de la guerre de France, au Dépôt 
de la guerre de Belgique. 


Anvers 66 17 24.52 29895.97 


| 
| | ANGLES COTÉS 
DÉSIGNATION DES SOMMETS. | 
| RÉDUITS. EN MÈTRES. 
fl 
| 
m 
Herenthais (clocher) à 68041/15//52 52182.15 
Hoogstraeten ., | 63 13 51.14 | 30840.86 
Anvers à 48 5 13.54 25706.70 
Malines (tour) . À 71 13 17.78 30840.86 
lierenthals . ù 42 29 17.70 | 22002.29 
Fr] 
| 


; ANGLES COTÉS 
DÉSIGNATION DES SOMMETS. 
RÉDUITS. EN MÈTRES. 


m 
MOntateu (Tour) 21-10 LS APS 560167 46/53 29825.27 
Hérenthalss ee ONE MERS 82 7 20.09 35319.79 
Mines er PR IEEE MROIRENESeRE 41 55 55.38 23806.53 
DRE Re de on NO an eee 53 19 58.34 23806.33 
Herenthals 240 Que Don Emo Er 59 10 27.36 31203.13 
Montaigu. 1 | 87 29 34.30 43281.97 
| 
Tongres . 55 26 13.24 |  37203.13 
Peer . M | 64 26 57.81 | 40758.62 
Montaiou: ESPN NET ARE 60 6 48.95 | 39168.86 
Siftard 11. DRAC EUR 0. 67 51 11.86 | 39168.86 
To ne 61 46 20.33 |  37348.73 
TonpRes ee a AU ANR NS 50 42 27.81 | 32806.68 
SÉLOWENDUSCH NE 77 59 30.90 | 37548.1735 
RARE 0 DA RSS ÉEPAMEE 0 EE A tr 47 22 95.90 28095.53 
MONDES ANR AU CRE SE EEE EN | 54 38 3.20 31138.26 
| 
Neederwertih. ad Viet 65 28 29.926 32806.68 
À TETE ON SA a A AC Ste SA 66 21 6G.65 33031.95 
Sittard | 48 10 24.09 26870.72 


Si la triangulation du colonel Tranchot nese recomman- 
dait en quelque sorte d'elle-même, comme étant l’œuvre 
d’un ingénieur éprouvé, il suffirait d'appliquer à ses trian- 
gles le mode de vérification dont le Dépôt de la guerre 
a fait usage pour contrôler la triangulation du général 
Krayenhoff. C’est, du reste, ce qui a eu lieu. Une base 
mesurée en 1852, au nord et à proximité du camp de 
Beverloo, avec un soin minutieux et par les moyens les 
plus précis, a servi à calculer en quelque sorte directe- 
ment un des côtés de Tranchot. Le résultat de ce calcul, 


| 
| 
| 
4 


( 455 ) 
mis en regard du résultat correspondant déduit de la 
triangulation de lingénieur français, donne ce dispositif : 


m 
Montaigu-Peer, calculé d’après la base mesurée en 1852 . 57205,52 
— calculé par Tranchot . . . . . . . S37205,15 
DiFFÉRENCE. « © : 2,19 


Cette différence, bien qu’elle soit assez considérable, 
ne dépasse pas néanmoins les limites d’exactitude de la 
triangulation française qui sert de base à la grande carte 
topographique, dite Carte de l'état-major. 

On peut donc admettre que la triangulation du colonel 
Tranchot satisfait, au même degré que la triangulation du 
général Krayenhoff, aux conditions requises pour pouvoir 
servir à coordonner les éléments d’une carte topographique. 

Reste à donner une idée de la plus considérable de toutes 
les triangulations qui ont été faites en Belgique antérieure- 
ment à 4850. C'est la triangulation d’un officier du corps 
du génie de l’armée néerlandaise , M. le capitaine Erzey. 

Il serait trop long, et peut-être serait-il superflu, de 
présenter 1e1 un aperçu historique complet de cette trian- 
gulation, la plus importante, par son étendue, de toutes 
celles qui ont eu pour objet de lier entre eux des points 
du territoire belge. D'ailleurs, les documents que possède 
le Dépôt de la guerre sur ce travail commencé, en 1814, 
sous le régime de la réunion de la Belgique à la Hollande, 
et poursuivi avec persistance jusqu'en 1830, présentent 
des lacunes assez grandes qui rendraient la tâche de Phis- 
iorien difficile, à moins que le gouvernement belge ne 
sollieitât du gouvernement des Pays-Bas la communica- 
tion de toutes les pièces dont la place est marquée parmi 
celles dont le Dépôt de la guerre est en possession, et 
qu'il doit, du moins en partie, à une circonstance fortuite. 


Erzey, 
1850. 


(454) 


Un de nos officiers d'état-major, M. le capitaine Dieden- 
hoven (1), était occupé, en 1844, à niveler quelques po- 
lygones généraux du champ de bataille de Ramillies, 
dont un plan avait été demandé au Dépôt de la guerre à 
Bruxelles, par le Dépôt de la guerre de France. Le cours 
de son travail l’amena au village de Petit-Rosière, où il 
séjourna chez un cabaretier qui lui apprit qu’un officier 
du génie hollandais, du nom d’Erzey, avait logé chez lui 
en 1830, à l’occasion de la construction d’un signal qui 
devait être érigé au village de Perwez; que les événements 


(1) Cet officier, aujourd’hui major, a acquis une grande expérience des 
théories et des pratiques de la géodésie. Les services signalés qu’il ne cesse 
de rendre, dans cette spécialité des attributions du Dépôt de la guerre, de- 
puis plus de dix ans, lui assurent la bienveillance du Gouvernement, ainsi 
que la reconnaissance et l'estime de son général. 

Un autre observateur, M. J.-C. Houzeau, notre confrère à l’Académie, dont 
les talents sont atiestés par des travaux d’un mérite évident, a bien voulu 
prêter, au Dépôt de la guerre, le secours de son expérience et de son grand 
savoir, en se chargeant des déterminations astronomiques que la nouvelle 
triangulation du pays attendait depuis longtemps. 

En 1855, un azimut et une latitude ont été déterminés par ses soins au 
signal de Lomme}, dans la Campine, non loin de la base mesurée en 1852, 
par Messieurs les officiers d'état-major du Dépôt de la guerre. En 1856, 
deux azimuts et une latitude ont été observés par le même savant : ils ap- 
partiennent , l’un au côté Vieuport-Raverzyde (tour), et l’autre au côté 
Bruæelles-Malines. La nouvelle latitude est celle de Nieuport. 

C’est pour moi un devoir et un plaisir tout à la fois que de saisir la pre- 
mière occasion qui m'est offerte de reconnaître publiquement les services 
éminents rendus jusqu'à ce jour à la géodésie belge par notre confrère, et 
de le remercier pour les soins, la patience et le dévouement dont il fait preuve 
dans l’accomplissement de la tâche ardue qu’il s’est donnée. 

Un jeune officier d'état-major, M. le lieutenant Adan, seconde M. Hou- 
zeau avec le zèle le plus louable et l'intelligence qui le distingue, en même 
temps qu’il ajoute à ses connaissances scientifiques toutes celles qu'il puise 
à l'excellente école d’un maitre aussi distingué que l’est notre astronome du 
Dépôt de la guerre, (L’auteur de la notice.) 


(459 ) 

politiques de cette époque avaient déterminé son départ 
précipité pour la Hollande, et que, par suite de cette 
circonstance, une partie de ses bagages était restée à 
Petit-Rosière et une autre partie dans un village du Hai- 
naut, dont on ignorait le nom. Des recherches faites depuis 
apprirent que ce village était Mont-S"-Geneviève, et que 
deux caisses, renfermant les parties d’un instrument et 
des papiers, y étaient conservées par un PU du 
nom de Delhaye. 

M. le capitaine Diedenhoven communiqua ces rensei- 
gnements au directeur du Dépôt de la guerre; des démar- 
ches furent faites aussitôt pour que le Dépôt entrât en 
possession des objets laissés en Belgique par le capitaine 
Erzey. Ce ne fut, qu'en 1847, toutefois, que ces démar- 
ches aboutirent, à la suite d’une correspondance dans 
laquelle intervint le gouvernement des Pays-Bas, 

Les caisses signalées par l’aubergiste de Petit-Rosière 
furent adressées au département de la guerre et ouvertes : 
tout ce qui appartenait en propre au capitaine Erzey lui 
fut rendu; quant aux papiers, tous ceux qui avaient rap- 
_ port aux travaux géodésiques furent conservés au Dépôt 

de la guerre; il en fut de même de l'instrument ; qui était 
un cercle répétiteur de Lenoir en très-mauvais état. 

Les papiers n'avaient, du reste, que peu de valeur; 
c’étaient des lambeaux d'observations, des pièces de cor- 
respondance et quelques dessins de signaux. Aussi le Dépôt 
de la guerre n’aurait-il eu qu'une connaissance très-1m- 
parfaite de la triangulation du capitaine Erzey, si une 
autre source de renseignements ne lui avait été ouverte 
longtemps auparavant. 

On savait, dès 1831, qu’une copie des triangles existait 
au Dépôt de la guerre, à Paris. M. le colonel Jolly, alors 


( 456 ) 
directeur du Dépôt de la guerre, en Belgique, sollicita et 
obtint du Ministre de la guerre l’autorisation d'envoyer un 
officier d'état-major à Paris, pour y prendre copie du ta- 
bleau. 

C’est ainsi que la triangulation des provinces méridio- 
nales est parvenue à la connaissance du dépôt de la guerre 
à Bruxelles. Par la suite, lorsque la paix fut conclue avec 
la Hollande, d’autres documents vinrent se joindre au 
tableau des triangles, notamment les registres d’observa- 
tions et de calcul, qui forment une collection précieuse. 
Malheureusement cette collection est demeurée incom- 
plète, malgré les démarches faites auprès du gouverne- 
ment des Pays-Bas pour combler les lacunes, en petit 
nombre à la vérité, que présentent ces registres. 

Ainsi qu'on l’a dit pius haut, les opérations du eapi- 
taine Erzey, en Belgique, commencèrent vers la fin de 
4814. Un ordre du lieutenant général Krayenhoff, alors 
gouverneur d'Amsterdam et inspecteur général des fortifi- 
cations et du corps du génie, ordre qui existe en original 
au Dépôt de la guerre, sous la date du 8 octobre 1814, 
enjoint à M. le capitaine du génie Erzey et à M. le lieute- 
nant du génie Baude, de faire incessamment le projet de la 
triangulation primaire sur les Provinces Belgiques, en con- 
séquence des instructions verbales qu’ils ont reçues à ce sujet. 

Le capitaine Erzey prit pour côté de départ le côté 
Mont-Cassel-Hondschoote, de la triangulation du général 
Krayenhoff, longea cette dernière jusqu’à la frontière de 
Prusse, puis se rabattit au sud en couvrant la plus grande 
partie du territoire belge d’un réseau de grands irian- 
gles généralement bien conformés, ainsi que le montre 
le tableau suivant, qui est la reproduction de la copie des 
triangles, telle qu'elle existe au Dépôt de la guerre, à Paris. 


(457) 


Ne: d’ordre ne ANGLES COTÉS 
des Désignation des sommets. | 
triangles. RÉDUITS. EN METRES, 
| 
m 
Mont-Kemmel (le pavillon sur le). 499 92/22/7302 21415.274 


1 Mont-Cassel 16 49 37.266 27612.276 
Honschote . 54 8 0.432 22981.269 | 
Dixmude More 66 12 38.244 | 927612.276 | 

2 Mont-Kemmel (le pavillon sur le). 42 26 53.265 20365.743 |} 
Honschote . 71 20 8.495 | 928588.000 | 
Hooglede 71 30 52.878 28588.000 |! 

3 Dixmude 75 18 39.403 29158.044 || 
Mont-Kemmel (le pavillon sur 1). 33 10 27.709 16494.100 
Courtrai en AIRE St tes 6i 30 52.277 29158.044% 

à Mont-Kemmel (le pavillon surie). | 39 52 19.335 21267.205 
Hooglede 18 56 48.388 32521.237 
Thielt (le clocher de la maison de ô 

ville), are 69 44 17.750 21267.205 
Courtrai 50 41 45.918 17373.116 
Hooglede . 60 13 56.332 19678.623 
Montagne-l’Enclus (la ci-devant 

chapelle sur la) . 40 33 36.904 19678.623 

6 Courtrai. 103 56 26.990 29371.807 
Thielt (le clocher de la maison 

de ville). 35 29 56.106 17515.508 
Gand (clocher de St-Bavon) . 51 32 20.315 29371.867 
Montagne-l’'Enclus (la ci-devant 

a . chapelle sur la). 49 45 20.347 28631.566 
Thielt (le clocher de la maison 

denvilte nn CAN LORS 78 36784.000 


42 19.338 


(458 ) 


N°: d’ordre 
des Désignation des sommets. 


triangles. 


Andenhoyen 410. 


chapelle surla) MS NENR ER 
Gand (clocher St-Bavon) . 


Assche . 
9 Andenhoven Lan 
Gand (clocher St-Bavon) 


cher de St-Rombaui). 


Anvers . . . 


Anvers . 
10 Assche . ü. 
Gand (ciocher St-Bavon) 
Malines (la maisonneite sur le clo- 
cher de St-Rombaut). 
11 Assche . 
Anvers . 
Herenthals (le clocher de Péglise). 
Malines (la maisonnette sur le clo- 


Montaigu 


Malines (la maisonnette sur le clo- 
cher de St-Rombaut). : 


Herenthals (le clocher de l’église). 


Lommel. 
Montaigu 


Herenthals (le clocher de l'église). 


S Montagne-l'Enclus (la ci-devant 


ANGLES 


RÉDUITS. 


100024 17//432 


41 26 18.795 
58 9 23.775 


42 20 44.872 
84 26 23.107 
53 12 52.021 


46 2 36.216 
86 44 12.364 
47 13 11.420 


4 52.932 
53 53 9.610 
57 1 57.458 


42 28 58.662 


71 1% 5.011 
66 16 56.327 


56 16 20.637 


41 56 4.207 
82 7 55.156 


59 26 12.184 
65 6 43.539 
75 27 4.471 


COTÉS 


EN MÈTRES. 


m 
36784.000 


24751.297 
23105.616 


24751.297 
86971.725 
29428.113 


36571.125 
50721.255 
31288.050 


37288.050 
21998.096 
2%763.127 


21998.096 


30840.86% 
29821.148 


29821.148 


25806.439 
35518.209 


13 
14 à 33 à 


( 459 ) 


: 


N°° d'ordre 2e L ANGLES | COTÉS 
des Désignation des sommets. ! 
triangles. RÉDUITS. EN MÈTRES, 
| 
4 3 
Peer. 750 8/56//006 | 36275.383 
15 Montaigu 22 92 52.547 14289.843 
Lommel. 82 28 11.447 37205.377 
Nederweert 27 29 29.790 14289.843 
16 Peer. 92 16 36.571 30931.521 
Lommel. 60 13 53.639 26870.974 
Sittard . 48 10 21.000 26870.974 
17 Peer. 66 21 6.000 383032,653 
Nederweert 65 28 33.000 32807.707 


18 


19 


20 


21 


| (qe 


Erkelens 
Sittard . 
Nederweert 


Hérongen (moulin à vent) . 


Nederweert 
Erkelens 


Vierlingsbeeck 


Hérongen (moulin à vent). 


Nederweert . 


Guelders 


Hérongen (moulin à vent). 


Vierlingsbeeck 


78 
49 


93 
56 


71 24.110 
26 49.729 
25 46.161 


0 56.233 
9 53.254 
49 10.513 


14 31.500 
d2 47.571 
52 40.929 


14 26.658 
1 16.928 
44 16.414 


33032.653 
45808.784 
32645.583 


15808.784 
35430.866 
31310.760 


313510.760 . 


39049.609 
27957.413 


27957.413 
23220.710 
14312,240 


( 460 ) : 


ANSE HR ANGLES COTÉS 
des Désignation des sommets. à k 
triangles. RÉDUITS,. EN METRES. 


Mont-Trinite . 450 53/48//651 
27 57 11.689 


106 28 59.660 


32521.9237 
21349.764 
43674.200 


Mont-Kemmel (le pavillon sur le). 


Courtrai 


Montagne-l Enclus (la ci-devant 
chapelle sur la) 


Mont-Trinite . 


21349.764 | 
47574.120 | 
13174.549 | 


19 
O1 


Courtrai 


| Ath . 


Montagne-l'Enclus (la ci-devant 
chapelle sur la ) 


Mont-Trinite . 


+9 
O1 


(o] 
Hs 
ps 
= 


| 

| Andenhove. 
Ath . 
| 


57 59 12.80i 


19 
Qt 


Montagne-l'Enelus (la ci-devant 
chapelle sur la). 


Vollezeele (le moulin à vent de). 
[BAR - 


| Andenhove. 


| 
| 
Assche . . . . . . . . . | 5757553655 0|\ 485252 | 
27 Vollezeele (le moulin à vent de). | 100 51 55.916 29499.400 
Andenhove. 41 10 50.549 | 19728.927 | 
| ï 
| 
Duysbourg. . . . . . . . | 51992 90.545 | 19798.097 | 
28 Vollezeele {le moulin à vent de). | 45 54 352.417 27216.750 
Assche . | 102 42 58.258 36964.450 | 


(461) 


ANGLES COTES 


des Désignation des sommets. 
triangles. RÉDUITS. EN MÉTRES. 
| 
Malines (la maisonnette sur le 
clocher de St-Rombaut). 69° 1/52//060 27216. 750 
2 | Assche . 56 21 18.892 | 24964.767 
Duysbourg. 54 56 49.048 23163.054 
Montaigu . 40 10 21.007 24264.767 
50 Malines (la maisonnette sur le 
clocher St-Rombaut). 69 3 3.331 35128.108 || 
Duysbourg. ROUE Tente 70 46 55.662 33517.170 |} 
Bertrée (signal-observatoire). . 58 45 59.492 | 35128.108 À 
31 Montaigu . ' 70 40 45.176 58168.800 
Duysbourg. - 50 33 15.332 | 31725.037 || 
| 
ROME ENS LE .  … . 50 43 17.936 31725.037 
32 Bertrée (signal-observatoire). . 84 O0 50.907 40760.730 
Montaigu . le 45 15 51.157 29113.527 
| 
Peer. 8 : : 64 26 57.807 40760.730 
33 Tongres. 55 26 15.554 31205.377 
Montaigu . . due. 60 6 46.639 in 39170.527 
SUITE Line t ENREPESERE 67 31 13.041 39170.527 
34 Tongres. : 50 42 27.109 32807.890 
LHEETE Le 00 CROP 61 46 19.850 31350.209 
An ehapele sol sur Bel- 
œil à). . 63 57 32.485 | 31350.209 
35 | Gittard. 55 30 51.876 | 34264.400 
Tongres. 60 31 35.639 36189.683 


(462) 


ANGLES COTÉS 


triangles. RÉDUITS. EN MÈTRES. 


| 


m 
840 52/ 13//466 34264.400 


| N°s d’ordre ie 
des Désignalion des sommets. | 
Beaufays 


36 os (signal sur Bel- 


œil à) - 53 25 34.937 27628.120 


| Tongres | 41 42 11.597 22886.805 
NVierSes nu LH croate 50 53 8.013 | 27628.120 
|| 37 Beaufays 81 4 58.705 35178.050 
Tongres. 48 1 53.282 | 26475.261 
| Bertrée (signal-observatoire à) . | 74 18 23.137 | 355178.050 
38 NIGrSe RAM Te Te, 52 49 22.019 29114.053 
| Tongres 52 52 12.844 29132.320 
Ghey BE EE 71 27 27.369 29132.320 
39 Bertrée (signal-observatoire à) . 26 9 48.987 13548.822 
Niersetie EN BR: Li Lu ee 82 22 43.644 50456.014 

| 


Méris(sional®) #9 0-07. ee 24 5 7.785 
Vierseth# eh QE. À, 1. AUTO PARU 
Ohey 48 45 9.857 


13548.822 
31721.530 
24961.944 


40 


Beaufays 
41 Vierset . 
Wéris (signal à) . 


54 3 59.181 24961.944 
66 43 41.910 29325.985 
59 10 38.909 | 26475.980 


| Stoumont (signal à). 
42 | Wéris (signal à) . 
Beaufays 


7 co 
(o14 Qt 
19 

ras 

re 


N° d'ordre 
des 


triangles. 


49 


(465 ) 


Désignation des sommets. 


Henri-Chapelle (signal sur Bel- 
CORAN A RE Lee 

Stoumont (signal à ). 

Beaufays 


Jalhey (signal à). 
Stoumont (signal à ). 


Henri-Chapelle (signal sur Bel- 
A lui M elite 


Wanne (signal à) 
Stoumont (signal à ). 
Jalhey (signal à). 


Tailles (signal à). 
Wanne (signal à). 
Sioumont (signal à). 


Wéris (signal à). 
Tailles (signal à). 
Stoumont ( signal à). 


Samrée (signal à) 
Wéris (signal à). 
Tailles (signal à). 


Noville (signal à) 
Samrée (signal à) 
Tailles (signal à) 


ANGLES 


RÉDUITS, 


410957 0//000 


54 
84 


20 
81 
77 


27 


7 


27.000 
33.009 


14.922 
48.810 


56.268 


19.007 
25.501 


>) 15.492 


COTÉS 


EN MÈTRES. 


m. 
18607.109 
22886.810 
27979.684: 


27979.684 
19920.205 


20086.000 


20086.000 
22093.800 
16176.430 


16176.430 
21124.844 
19653.377 


21124.844 
23598.450 
15700.565 


15700.565 
8559.926 
11935.360 


Ne: d'ordre 


| . 

Pr Es ANGLES COTÉES 

| des Désignation des sommets. . 

| triangles. RÉDUITS. EN MËTRES. 

| 

| | | 

| | St-Hubert (signal-observatoire à). | 55° 8 8//612 23329. 685 

l 50 Samrée (signal à) | 61 8 43.443 |  24893.680 
| Noyille (Signal a) EME ENT 63 43 7.945 25486.488 
| Me à hein, 

: Bras (Sional a) Pr EE de een 49 5 37.616 24895.680 | 

51 St-Hubert (signal-observatoire à). 12 12 51.099 6969.060 | 
Noville (signal à). . . . . . | 118 41 31.285 28895.653 

| Hosingen (signal à) . . . . . 18 13 57.407 6969.060 

| 52 Bras (Sionaltà)# 52e LE NON e CMAOOS EMEA 21874.855 

| Noville (signal à). . . . . . 60 49 11.262 19453.100 

| ES D be 0 Co 

Bourscheid (signal à) 69 50 58.378 | 19453.100 

353 Bras (signal à) 47 5 25.029 15176.952 

Hosingen (signal à). . . . . | 63 3 36.595 | 18472.800 

| ne 

| Neurbaurg (signal à) . . . . 54 20 56.023 | 13176.932 

El 

| 54 Bourscheid (signal à) . . . .| 5123 41.500 14593.510 

| Hosingen (signal à) . . . . . 714 16 2.477 17977.760 

RÉ RENEe EE 


La triangulation du capitaine Erzey a fait l’objet d’un 
examen très-sérieux , de la part d’une commission (1) in- 
stituée, en 4846, par le Ministre de la guerre. Le rapport 


(1) Les membres de cette commission étaient : MM. Quetelet, directeur de 
l'Observatoire royal de Bruxelles; Dandelin, colonel du génie; Nerenburger, 
colonel d'état-major, directeur du Dépôt de la Guerre; Meyer, professeur de 
mathématiques. 


( 465 ) 

de cette commission, en date du 8 juin 1847, est consigné 
au Moniteur du 14 juin de la même année. Les apprécia- 
tions contenues dans ce travail étant de nature à donner 
une juste idée de l’œuvre géodésique accomplie en Bel- 
gique, sous le gouvernement des Pays-Bas, on en présen- 
tera ici un court résumé, en renvoyant au Journal officiel 
le lecteur qui tiendrait à connaître d'une manière plus 
complète le jugement porté, en 1847, sur la triangulation 
du capitaine Erzey. 

Le rapport se divise en trois parties : la première spé- 
cifie l’objet de la triangulation, la seconde se rapporte aux 
observations, et la troisième aux calculs. 

Relativement aux observations, la commission s’est par- 
ticulièrement attachée à rechercher le degré de confiance 
qu'elles méritent. Elle a reconnu tout d’abord qu’une 
précaution bien essentielle, dans la mesure des angles à 
l’aide du cercle répétiteur, a été négligée pendant toute la 
durée des opérations : bien que le cercle dont on avait fait 
usage (c'était un cercle de Lenoir) fût muni de quatre ver- 
niers , il ne paraît pas que l’observateur en eût employé 
plus d’un pour la lecture des angles. 

L'examen des cahiers d'observations à donné lieu à de 
nombreuses remarques , tant sur le choix des séries adop- 
tées que sur les séries elles-mêmes. Dans un grand nom- 
bre de cas, les conditions requises pour qu’une triangula- 
üon de premier ordre, où le moindre écart exerce une 
influence fâcheuse sur la précision des résultats, puisse 
être digne de confiance, paraissent avoir été méconnues. 

Elles sont relatives à la stabilité de l'instrument, aux cir- 
constances atmosphériques , à la forme et à la construction 
des signaux. 

Ainsi, à Malines, l'observateur, selon ses propres ex- 

TOME xxu1. — L["° PART. 39 


( 466 ) 
pressions, est entièrement exposé à une lumière génante et 
aveuglante ; 11 procède néanmoins, dans cette circonstance, 
à deux séries de l'angle Duysbourg-Montaigu , qui donnent 
respectivement pour résultat, 
69° 9’ 57/79 
69 1 58,0. 


La différence 1” 19”,2 est si considérable que le rejet 
des séries devait s'ensuivre incontestablement; et pour- 
tant, au lieu de les annuler, l'observateur n'hésite pas à les 
maintenir, en les combinant toutefois avec le résultat 
d’une troisième série qui, encore, avait été obtenue dans 
de mauvaises conditions. 

Un angle observé, à la station d’Assche, est donné par 
quatre séries faites dans des circonstances identiques : il 
semble donc que chaque série devrait donner, à une légère 
différence près, le même résultat; or, voiei les nombres : 

86044 3” 
86 45 51,5 
86 45 50,5 
86 44 92,5. 


S1 l’on considère que c’est d’un même poini et dans des 
circonstances identiques que les quatre séries ont été 
faites, on ne peut s'expliquer les différences extraordi- 
naires qu'elles présentent. 

En poursuivant l'examen des registres, on est frappé du 
grand nombre d'observations douteuses qu’ils contiennent. 

À Stoumont, l'agitation de l'instrument , causée par le 
vent, rend les observations très-incertaines. 

À Jalhevy, le vrai signal de Henri-Chapelle a été dérobe ; 
la base en est restée : mais elle est trés-difficile à distinguer 
du toit de la maison de Belæil; ce qui reste du signal est 
faible et non distinct. 


(467) 


À Hautfays, le plancher est trop élastique pour faire de 
bonnes observations. 

À Bouillon, le vent imprime des secousses violentes au 
signal-observatoire. 

À Pousset, le signal de Noirtrou (1) est trop petit et donne 
du jeu à la croisée des fils. 

A Peer, les observations de Sittard sont très-incertaines 
A CAUSE D'UN OBJET INTERPOSÉ DANS CETTE DIRECTION. 

Et pourtant tous les résultats d'observations recueillies, 
dans ces circonstances véritablement déplorables, concou- 
rent à la formation des moyennes. 

La commission s’est donné la peine de refaire, en très- 
grande partie, les calculs de l’auteur. Par ce travail elle 
s’est proposé, surtout, de vérifier si le réseau géodésique, 
composé des cinquante-quatre triangles calculés, dérive 
rigoureusement des observations telles qu’on les trouve 
consignées dans les registres. En ce qui concerne les 
réductions , elle a trouvé : 4° que sur 208 angles réduits, 
24 sont fautifs; 2° que les erreurs sont comprises, savoir : 


Pour 7 angles, entre 1” et 2” 
— 7 — D 'AELINEO 
— _— Set 4 
—, 2 — 4 et 5 
— 1 — 55 MED 
— 1 —- get 10 
— 2 — 11 et 12 


5° enfin, que la plupart de ces erreurs sont dues à des 
fautes de calcul. 

En ne considérant que les angles des 54 triangles cal- 
culés, la commission constate d'importantes lacunes dans 
les cahiers d'observations. Ces cahiers manquent pour les 


(1) Signal français. 


( 468 ) 
stations de Hondschoote, Mont-Cassel, Duysbourg, Gel- 
ders, Erkelens, Ohey, Samrée et Neurburg; de plus, les 
cahiers d'observations existants ne donnent pas la totalité 
des angles qu’ils devraient contenir. A la station : 


Mont-Trinité-Ath. 


De Mont-Lenclos, man t le: l 
e Mont-Lenclos, manquent les angles, Ath-Oudenhoven. 


D'Ath Mont-Trinité-Mont-Lenclos. 
Mont-Lenclos-Oudenhoven. 

De Vollezeele. . . . . . . . .  Assche-Duysbourg. 

D'Assche .. 24 RNA. nVollezeele-Dyebours- 


Duysbourg-Montaigu. 


De Bertrée. É F 
et la distance zénithale de Ohey. 


. 
a, 


Bertrée-Vierset. 


De Tongres \ 
Vierset-Beaufays. 


D , 


Stoumont-Jalhey. 


De Henri-Chapelle . À Fe ; 
et la distance zénithale de Sittard. 


D 


Sur 162 angles compris dans les 54 triangles, 28 man- 
quent. C’est environ le sixième. Pour quelques angles, on 
trouve les séries qui s’y rapportent, mais le choix n’en 
ayant pas été fait par l’auteur, les calculs de réduction font 
défaut. Ces angles sont aux stations : 


Assche-Gand. 
Mont-Lenclos-Gand. 
D'Oudenhoven . . . . . . . . € Ath-Mont-Lenclos. 
Ath-Vollezeele. 
Vollezeele-Assche. 
De Bértrée: 4 Tongres-Montaigu. 
| Tongres-Vierset. 
Nederweert-Peer. 
Peer-Tongres. 
Tongres-Henri-Chapelle. 


Erkelens-Nederweert. 


Tongres-Beaufays. 


Beaufays-Stoumont. 


DES HALLE es qe SRE | 
De Henri-Chapelle . 


en tout 15 angles. 


( 469 ) 


Afin de pouvoir vérifier la plus grande partie des trian- 
gles, il a fallu faire, pour chacun de ces angles, un choix 
parmi les séries qui s’y rapportent. 

Les triangles calculés par le capitaine Erzey, au nombre 
de 54, forment deux chaînes. 

La première, composée des 21 triangles, numérotés de 1 
à 21, s'étend de l’ouest à l’est, en longeant la triangulation 
du général Krayenhoff. Elle a pour côté de départ, ainsi 
qu'on l'a dit plus haut, le côté Mont-Cassel-Hondschoote 
emprunté au Précis historique. Sa valeur est 21415",274. 

La seconde chaîne longe la première. Elle s’appuie par 
le triangle n° 22 sur le côté Courtrai-Mont-Trinité du 
triangle n° 4. Cette chaîne comprend les trente-trois trian 
gles restants. ù 

Des réclamations avaient été adressées au gouvernement 
des Pays-Bas, en vue d'obtenir les cahiers d'observations 
et de calculs manquants à la collection du Dépôt de la 
guerre. L'accueil fait à cette démarche eut simplement 
pour effet de combler quelques vides. Aussi les observations 
ne sont-elles complètes que pour trente-trois triangles. 

La commission a fait le calcul de ces triangles, après 
en avoir emprunté les angles aux registres d'observations 
mêmes, ainsi que les éléments de réductions : mais eu 
égard à ce que ces triangles ne forment pas un réseau 
continu, il à fallu emprunter à l’auteur même quelques- 
uns de ses côtés, tels qu'on les trouve calculés dans le 
tableau des triangles. 

L’extrait suivant du tableau comparatif des angles et des 
côtés des trente-trois triangles calculés par le capitaine 
Erzey, d'une part, et par la commission, d’autre part, 
donne Îles différences les plus considérables qui résultent 
de ces deux calculs. 


Numéros 
des 
| triangles, 


1. 


11 


14 


(470 ) 


Désignalion des sommets. 


s Thielt 
d Hooglede 
g Courtray 


s Gand 
d Thielt 


2° 


g Mont-Lenclos . 


s Oudenhoven 
d Gand 


g Mont-Lenclos . 


s Malines. 
d Anvers . 
g Assche 


s Hérenthals. 
d Anvers . 
g Malines. 


s Montaigu 
d Hérenthals. 
g Malines . 


s Lommel. 
d Hérenthals. 
g Montaigu 


D’après le capitaine Erzey. 


ANGLES RÉDUITS. 


3. 


699244 47//750 
60 135 56.332 
50 01 45.918 


51 32 20.315 
718 42 19.338 
49 45 20.347 


100 24 17.432 


66 16 56.327 
71 14 05.011 


COTÉS EN MÈTRES, 


| 
4. 


m. 
21267.205 


19678.623 M 
17375.716 


29371.867 
36784,000 
28631.566 


21998.096 
298921.148. 
50840.864 


; 
D | 
k 


29821 .148 É 


25806.439 
36275.383 
55996.715 


tr 07 «us 


(41) 


n D’après la Commission. 


_1 DIFFÉRENCES DIFFÉRENCES 
se > Ë des des 
m2 AN ANGLES RÉDUITS, COTÉS EN METRES, 
| colonnes 5 et 5. colonnes 4 et 6. 
| 5. 6. 
| | m. 
x M 69044 18/77 21267.12 4//020 » 
| 
5 M 60 13 55.64 19678.35 2,692 » 
5 AN 50 01 47.59 17573.74 - 1.672 » 
À 
| 
UN 51 32 17.44 29371.43 2,875 » 
NN 78 42 20.48 36783.90 1.142 » 
ki 49 45 92,08 28631.68 1,735 » 
1 100 24 16.43 36783.90 1.002 » 
MN) 58 09 22.31 23105.56 0,537 » 
x M 41 26 19,26 24751.22 0.465 
«MN 109 04 49.47 57288.05 3.462 
“MN 37 02 04.81 25764.11 7.332 * 
it | 21997 61 
| 4 
wii 22 28 59.19 21997.61 
10 66 16 56.06 29820.05 
jWMt 71 14 04.75 30839.72 
| 4 
A, 4 
| | 


7 | 56 16 20.31 29820.05 
AM 82 07 32.09 53516.92 
| 4i 56 05.60 23805.77 


| 59 26 11.52 23805.77 
| 75 27 03.88 36274.50 
65 06 44.60 33996.00 


Numéros 
des 
triangles. 


4. 


16 


17 


22 


Ë 


33 


36 


È 


Désignalion des sommets. 


2, 


s Nederweert . . 
d Lommel. 
g Peer. 


s Sittard . 
d Nederweert. 
g Peer . 


s Mont-Trinité . 


d Courtrai. 


g Mont-Kemmel. 


s Tongres. 
d Montaigu 
Abertrée ne 


SPECTRE 0 
d Montaigu . . 
HATONSrES Re ee 


s Sittard. 
d Peer 


JADONETES NOUS 


SABEAUAVS EN 
d Henri-Chapelle . 


g Tongres 


ANGLES RÉDUITS. 


5. 


27° 929/ 29//790 
60 13 53.639 
92 16 36.571 


48 10 21.000 
65 283 33.000 


45 33 48.651 
106 28 59.660 
27 57 11.689 


50 43 17.936 
45 15 51.157 
84 00 50.907 


64 26 57.807 
60 06 46.639 
55 26 15.554 


67 51 13.041 
61 46 19.850 
30 42 27,109 


84 52 13.466 
DS 25 54.957 


41 42 11.597 


D’après Le capitaine Erzey. 


COTÉS EN MÈTRES. 


4 


m 
14289.843 
26870.974 
30931.521 


26870.974 
32807.707 
33032.653 


32521.237 
43674.200 
21349.764 


31725.057 
29113.527 
40760.7350 


40760.730 
39170.527 
31205.377 


j D’après la Commission. 
| me 


DIFFÉRENCES DIFFÉRENCES 


des des 


IN ANGLES RÉDUITS. COTÉS EN METRES. 


D. 6. 


colonnes 3 et 5. colonnes 4 et 6. 


mi m 
27°29/ 50/53 14289.46 0’/740 0.583 
60 13 52.45 26869.97 1.189 1.00% 
92 16 37.02 50930.46 0.449 1.061 


48 10 21.47 26869.97 
65 28 32.11 32806.53 » 
33051.39 


_S 
Qi 
a 
) 


32521.25 
| 406 29 01.77 45674.45 2.110 » 
21349.66 


31725.04 
45 15 20.79 29107.51 50.367 6.017 
84 01 05.83 40758.56 14.923 2,170 


40758 56 
60 06 46.32 59168.55 
53 26 15.76 37203.40 


89168.55 
31548.95 
32807.06 


8% 52 14.80 34264.40 1.334 » 
53 25 54.27 27628.04 ‘0.667 » 
41 42 10.95 22886.73 0.667 » 


D’après le capitaine Erzey. 
EE 


Numéros 


Se Désignalions des sommets. 


ANGLES RÉDUITS. COTÉS EN METRES. 


2. 3. \ 7 


f| triangles. 


4. 


m 
28325.285 
23598.570 
18607.109 


83°24/ 44/0926 
55 51 07.394 
40 44 08.580 


d Beaufays 
g Weris 


ES s Stoumont . 


s Henri-Chapelle 
d Beaufays 
g Stoumont . 


s Bras. 
d Noville . 
g St-Hubert . 


s Bourscheid. 
d Hosingen 
g Bras . 


18607.109 
27979.684 
22886,810 


24895.680 
28895.653 
6969.060 


19453.100 
18472.800 
15176.952 


Ce tableau fait ressortir de nombreuses différences, soit 


entre les valeurs des angles réduits, soit entre celles des 
côtés opposés; quelques-unes de ces différences sont très- 
considérables. 

Le réseau du capitaine Erzey se raccorde, à l’est, 
avec la triangulation prussienne; au midi, avec la trian- 
gulation française; à l’ouest, avec la chaîne du général 
Krayenhoff. La commission a considéré ces divers rac- 
cordements. 

Elle à fait remarquer, à celte occasion, que le côté de 
départ du capitaine Erzey, côté emprunté au général 


—  ——————— | 
| = | | 
#ANGLES RÉDUITS. COTÉS EN MÈTRES. QE | LE | 
5. 6 | colonnes 5 et 5. colonnes 4 et 6, | 
| | | 
| 
mn Î nn 
83024 44/82 28323.30 : | 0.013 
I" 55 51 07.11 253597.34 , 1.030 | 
10 44 08.07 18607.06 » 0.049 
Î 1 | | 
s | | 
41 24 55.35 18607.06 4670 | » | 
34 07 33.72 | 29780.38 2.520 | 
54 27 29.53 22887.34 2.380 | | 
; | 
| | | 
| | 
49 03 38.72 21893.68 1.104 | » 
) 418 41 29.22 28895.66 2,045 | 
12 12 52.04 | 6969.19 0.941 | : 
Î 
| 
69 50 58.11 19453.42 0.268 | » 
63 03 53.56 18473.07 1.033 | ; 
47 05 26.033 13177.30 1,501 | p 


(475 ) 


D’après Ia commission, | ù 
DIFFÉRENCES DIFFÉRENCES 


À 
t 
L 
t 
 


Krayenhoff (Précis historique, page 87), est commun à la 
iriangulation française, et que le Mémorial du Dépôt de 
la guerre (tome VI, page 489) lui attribue une valeur 
de 21414°,40 d'après Delambre, tandis que le général 
Krayenhoff le prend égal à 21415°,27. Une différence de 
0®,87 est trop considérable, lorsqu'elle s'applique à un 
côté de départ, pour ne pas devoir être justifiée : or, c’est 
ce que ni le général Krayenhoff, ni le capitaine Erzey 
n’ont fait. 

La triangulation prussienne, sur la rive gauche du Rhin, 
n'est autre que celle de Tranchot. Les points de raccorde- 


(476 ) 


ment avec la triangulation des provinces méridionales de 
l’ancien royaume des Pays-Bas sont : Guelders, Héron- 
gen, Erkelens et Sittard. 

D'après Tranchot, 


Le côté Guelders-Hérongen est de. . . . . . . 1451 1.75 
+ Erkelens Hérongen.. .:  - CNW EE 50492907 
10 Erkelens-Sittard..#. 0, 77 RES 96%575 


Mais le chef du Bureau trigonométrique à Berlin , M. le 
général Baeyer, a soumis ces côtés à une vérification , en 
les calculant par la chaîne westphalienne : ce calcul Pa 
conduit aux résultats consignés dans la troisième colonne 
du tableau que voici : 


A DE VALEURS VALEURS DÉDUITES 
| DÉSIGNATION DES COTES. de la chaîne DIFFÉRENCE. 


d’après Tranchot. 
P Le Û WESTPHALIENNE. 


m m 
A Guelders-Hérongen . . . 14311.75 _14514.70 
| Erkelens-Hérongen . . . 35429.67 35435.70 
| Erkelens-Sittard 82645.72 32650.356 


Les différences sont considérables : mais le général 
Baeyer a fait observer que la chaine de vérification n'at- 
teint pas les meilleurs triangles de Tranchot. Quoi qu'il en 
soit, le tableau assigne aux côtés : Guelders-Hérongen, 
Erkelens-Hérongen, Erkelens-Sittard, calculés par Tran- 
chot, des valeurs trop petites comparativement aux va- 
leurs de ces mêmes côtés, déduites de la chaine west- 
phalienne. 

D'autre part, le capitaine Erzey trouve pour les mêmes 
côtés respectivement 14512".24, 55450".87, 52645".98. 


( 471) 
On a donc, en réunissant toutes les valeurs produites 
ci-dessus, ce nouveau tableau : 


VALEURS VALEURS VALEURS DÉDUITES |DIFFÉRENCE [DIFFÉRENCE! 
> Ar x Fe 
DESIGNATION DES COTES. d’a- d’après le capi- de la chaine des des 


près Tranchot. taine Erzey. WESTPHALIENNE, col, 2 et 5. | col. 3 et 4. : 
4. 2 3. 4. 


F m m m 
Guelders-Hérongen . . .| 14311.75 14319.24 14314.70 
Erkelens-Hérongen . . .| 35429.67 | 35450.87 35455.70 
| Erkelens-Sittard 32645.73 |  32645.58 32650.36 


Il en résulte que les valeurs du capitaine Erzey différent 
peu de celles de Tranchot, et que, relativement aux valeurs 
déduites de la chaîne westphalienne, elles sont trop pe- 
tites, ainsi que les valeurs de Tranchot, quoique à un 
moindre degré. Le défaut de longueur des côtés de Tran- 
chot a déjà été constaté plus haut, du moins pour Mon- 
taigu-Peer, qui est de 57205",15, tandis que ce côté, 
déduit de la base mesurée dans la Campine , a été trouvé 
de 57205",52 : il y a donc ici une différence en moins 
bien constatée, qui s'élève à 2°,19. — Le tableau des 
triangles du capitaine Erzey attribue à ce côté 537205",58 : 
cest, à 0",06 près, le nombre précédent, déduit de la 
base du Limbourg : mais la commission a trouvé, en 
partant des observations mêmes du capitaine hollandais, 
517205",40. Ce dernier nombre, et non le premier, est 
donc la valeur réelle attribuée par Erzey au côté Mon- 
taigu-Peer : elle s'accorde, à 0°,27 près, avec celle de 
Tranchot. 

La triangulation des provinces méridionales se lie, au 
nord-est, à la triangulation des provinces rhénanes et, au 
midi, au réseau français. Cette dernière jonction n’a point 
été faite par le capitaine Erzey; mais la commission à 


( AT8 ) 

trouvé, dans le travail de cet ingénieur, les éléments né- 
cessaires pour l’effectuer elle-même. Elle a calculé deux 
côtés de la partie de la triangulation qui s'étend dans le 
Luxembourg ; ce sont Bras-St-Hubert et Bras-Hamipré : 
elle à trouvé le premier égal à 28895°,65 et le second à 
18475",07. Les mêmes côtés, déduits de la triangula- 
tion française, ont pour valeurs respectives 28890",97 et 
18465",80. Les différences + 4,68 et + 7,27 sont con- 
sidérables, et montrent que, dans cette partie de la trian- 
gulation belge, les côtés sont trop grands comparative- 
ment aux côtés français contigus ou voisins. 

Vers l’ouest, le raccordement de la triangulation avec 
celle du général Krayenhoff ne laisse rien à désirer : la 
plus grande différence n’est que de 1°,52, et toutes les 
autres sont à peine de quelques décimètres. 

L'ensemble de ces considérations relatives à la trian- 
gulation des provinces méridionales, prouve incontesta- 
blement que cette œuvre géodésique n'offre pas toutes 
les garanties d'exactitude qu’on est en droit d'attendre 
d’un travail de cette importance. Aussi le Dépôt de la 
guerre a-t-il toujours hésité à faire usage de cette trian- 
gulation, pour les levés que les besoins du service ont 
réclamés jusqu’à ce jour. Cependant, tout en reconnais- 
sant l’insuffisance de la triangulation du capitaine Erzey, 
on ne peui affirmer, en se fondant uniquement sur les 
considérations développées ci-dessus, qu’elle soit absolu- 
ment impropre à coordonner les éléments d’une carte. 
On le pourrait d'autant moins que certains angles, ob- 
servés par l'ingénieur hollandais, présentent un accord : 
généralement satisfaisant avec les mesures correspon- 
dantes, obtenues par le Dépôt de la guerre ; c’est ce que 
montre le tableau suivant : 


(479 ) 


DÉSIGNATION DÉSIGNATION VALEURS VALEURS 
trouvées trouvées 


Fe Différence. 


par le capitaine par le dépôt de la 


STATIONS: ERZEYX. GUERRE. 


8 8 
Peer-Tongres. . . | 66 7925/5935 | 66 7957//865 12/7974 
Station de Montaigu. | Herenthals-Lommel. | 72 3475.155 72 3470.821 4.514 


Peer-Lommel. . . 24 8682.725 24 8689.323 


Sittard-Tongres . . | 68 6564.293 68 6369.591 
Montaigu-Tongres . | 71 6108.290 71 6104.015 
Lommel-Montaigu . | 83 4991.240 83 4985.841 
Sittard-Nederweert. | 73 7245.722 73 7241.624 


Station de Peer . 


On s'occupe en ce moment, au Dépôt de la guerre, à rat- 
iacher l’une à l’autre les deux bases mentionnées à diverses 
reprises dans cette notice, en employant à ce calcul les 
observations du capitaine Erzey. Si leur accord est trouvé 
satisfaisant, cela prouvera que la chaine formée, de l’ouest 
à l’est, par les triangles n® 7, 8, 9, 40, 41, 12, 15, 14 
et 15 de la triangulation des provinces méridionales, est 
suffisamment exacte pour pouvoir servir à la rédaction 
de la carte du pays; dans ce cas, on fera usage de cette 
chaîne immédiatement pour former les premières plan- 
cheites de ce grand travail , auquel le Dépôt de la guerre se 
prépare depuis longtemps en réunissant de précieux ma- 
iériaux : il espère pouvoir le commencer bientôt, comp- 
tant sur l'appui du Gouvernement et des Chambres, appui 
qui ne saurait manquer à une entreprise dont l'utilité est 
universellement reconnue, et dont la plupart des servi- 
ces publics réclament instamment l’exécution. 


( 480 ) 


Des observatoires du nord de l'Allemagne et de la Hollande; 
par M. Ernest Quetelet, correspondant de l’Académie. 


Dans le courant de cette année, j'ai visité quelques-uns 
des observatoires du nord de l’Allemagne, afin d'examiner 
les nouvelles méthodes d'observation et de réduction qui 
y sont employées (1). J'ai aussi profité de cette occasion 
pour prendre quelques notes sur ces établissements scien- 
tifiques. L’astronomie est extrêmement cultivée en Alle- 
magne; il suffirait, pour en donner une preuve, de dire 
que, depuis 20 ans, deux observatoires de premier ordre 
ont été construits en Prusse, et que non loin de là, à 
Gotha, un observatoire de grandes proportions est en cours 
d'exécution et sera bientôt terminé. En Hollande égale- 
ment, on vient de construire un nouvel observatoire, à 
Utrecht, et il est fortement question d’en ériger un second 
à Leyde. J'ai cru que, les plans de tous ces établissements 
n'étant point encore publiés, on verrait avec intérêt quel- 
ques notes sur leur disposition, sur les instruments nou- 
veaux qu'ils renferment et sur quelques-unes des prinei- 
pales recherches qui s’y font. 

Afin de ne pas étendre trop celle notice, je m’en rap- 
porterai, pour les parties qui n’ont pas été modifiées, aux 
descriptions données , il y a quelque temps, par MM. Gau- 
ter de Genève, Lohrmann et par mon père. 

En entrant en Allemagne, je me suis d’abord dirigé sur 
Bonn, où est l'observatoire de l’Université, célèbre par les 


(1) Cette excursion a été faite avec l'agrément du Gouvernement, qui a 
bien voulu me faciliter les moyens de voir les principaux observatoires du 
nord de l'Allemagne. 


OBSERVATOIRE DE BONN. 


'Pulltie L'Acax. 


L 
nZ 
2 


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\17 
1K1 


DD CDD 


D 


NN 


era rlere - 


. 


( 481 ) 


travaux de son directeur M. Argelander. Le bâtiment, 
dont M. Argelander à dirigé la construction, peut être 
considéré comme un modèle pour la distribution des 
salles. Il se compose (comme on peut le voir par le cro- 
quis joint à cette notice et dû à l’obligeance du directeur) 
d’un corps de logis, au centre duquel s'élève le dôme, et 
de trois ailes formant trois salles d'observation, dont deux 
sont percées dans le méridien et la troisième l’est dans le 
plan est-ouest. La lunette méridienne occupe l'aile située 
à l’est : c’est un excellent instrument construit à Berlin, 
dans les ateliers de Pistor et Martins. Il est muni de deux 
collimateurs. L'instrument est parfaitement symétrique et 
porte deux cercles divisés de 2 en 2’ et sur lesquels quatre 
microscopes lisent la 1”. Son ouverture est d'environ 
4 pouces :. La pendule est à compensation métallique. 
Pour déterminer aisément la collimation sans soulever 
l'instrument, le corps de celui-ci est percé dans un plan 
perpendiculaire à l'axe optique, de manière qu'en dévissant 
les deux couvercles, les collimateurs peuvent se voir. Celte 
disposition ingénieuse a, je crois, été indiquée pour la 
première fois par M. Airy. La coupure méridienne est 
recouverte d’un double toit, l’un se relevant par un mou- 
vement de rotation et l’autre glissant dans l'épaisseur de 
la toiture. C’est, au reste, une disposition assez générale- 
ment adoptée maintenant. Les pierres qui portent la lu- 
nette et ses collimateurs sont revêtues de bois, pour em- 
pêcher l’action de la chaleur; car M. Argelander à trouvé 
que la pierre subit une déformation sensible, quand elle 
est échauffée inégalement. Entre la pierre et le bois, il y 
a un intervalle d’un : pouce environ. 

L'instrument des passages dans le premier vertical est 
dû à MM. Ertel, de Munich. Il a une ouverture de 4 pouces 

Tone xx. — II" parr. 54 


( 482 ) 
et une longueur de 4 ‘2 pieds. Il est assuré par une lunette 
servant de mire. Il n’y a pas de collimateurs en ce moment; 
mais les pierres sont déjà placées pour les recevoir. C'est 
avec cet instrument que M. Forster, je erois, a fait des 
recherches sur la latitude de l’observatoire, sur l’aber- 
ration et la nutation. 

La troisième salle à l’ouest renferme des instruments de 
moindre dimension: un instrument universel de MM. Ertel, 
un cercle prismatique de 2 pieds de Pistor et Martins, 
d’après le système de M. Steinheil, puis d’autres instru- 
ments servant aux leçons et aux démonstrations univer- 
sitaires. 

Au centre du bâtiment, et complétement isolé, s'élève 
le pilier en maçonnerie qui porte l’héliomètre construit 
par MM. Mertz et Mahler, à Munich. Cest une magnifique 
lunette d'environ 75 lignes d'ouverture et de plus de8 pieds 
de longueur focale, montée sur un pied solide en acajou. 
Deux petits cercles, lus chacun par deux verniers, servent 
seulement à pointer la lunette; l’un donne les # de temps 
et l’autre 40” d'arc. Mais le mouvement héliométrique peut 
se lire de l’oculaire même au moyen de deux petites lu- 
nettes latérales. Toutes les parties de l'instrument sont 
contre-pesées avec un soin minutieux. 

Des deux tourelles que l’on remarque aux angles des 
trois ailes du bâtiment, l’une sert de communication, 
l’autre contient des instruments de dimension moyenne. 
Dans ceiles de l’est et de l’ouest on trouve deux réfracteurs 
de 5 et de 4 ‘2 pieds. Dans celle du sud est placé un cher- 
cheur avec oculaire orthoscopique d’une ouverture de 354 
lignes et d’une distance focale de 30 pouces. C’est avec cet 
instrument que M. Argelander, secondé par MM. Schônfeld 
et Krüger, a entrepris la révision du ciel boréal jusqu'aux 


( 485 ) 
étoiles de 9° à 10" grandeur, travail immense qui est déjà 
plus qu'à moitié fait. 

Dans l’oculaire de cette lunette se trouve un verre plan 
demi-circulaire, qui occupe la moitié gauche apparente du 
champ. Il est terminé par deux plans obliques, de façon 
que quand l'étoile atteint le verre, elle disparaît. Pour 
estimer les différences de déclinaison, sur le bord de ce 
verre sont tracés des traits noirs horizontaux, assez larges 
pour être distingués sur le ciel, quand il n’y a pas de la- 
mière. 11 y en à vingt distants de 7’ d'arc, ce qui fait une 
zone de 2° 20. 

L’observateur est dans une obscurité complète; mais 
dans un cabinet en dessous se trouve l’aide chargé de faire 
les inscriptions: c’est ordinairement un étudiant de l'Uni- 
versité; il a à côté de lui la pendule. Quand une étoile 
disparaît derrière le verre, l’astronome se borne à donner 
la déclinaison estimée et la grandeur, et l’aide prend l'heure 
à la pendule et fait l'inscription. 

Chaque étoile est observée deux fois, en ayant soin de 
changer les raccordements et de placer, pourrait-on dire, 
les zones plein sur joint; car, si l’on a observé quatre zones 
de O0 à 2° et de O° à + 4, on observera ensuite la zone 
30’, 1" 50’ et + 1° à + 5° qui couvre les joints des quatre 
premières. Il y a ensuite, au besoin, des zones de révision. 
Les cartes auront beaucoup de ressemblance avec celles 
de Berlin. Elles ne s’arrêteront pas à l’équateur, maisiront 
un peu au delà pour donner des raccordements et des véri- 
fications, quand un observatoire situé sur l'hémisphère 


austral voudra compléter cette grande revue du ciel, qui 


est destinée à faire époque dans l’histoire de l'astronomie. 
Il est inutile de parler des travaux exécutés par M. Arge- 
lander. Ses zones , ses belles recherches sur la clarté des 


(484) 


étoiles ei des planètes, sur les étoiles à mouvements pro- 
pres, sur les changeantes, etc., sont connues et appréciées 
de tous les astronomes. Mais il a, en outre, cherché à vul- 
gariser l’astronomie. Des résultats très-importants peuvent 
être obtenus par des observateurs non munis de lunettes 
ou pourvus d'instruments faibles. Comme le dit ce savant, 
dans son excellente notice insérée dans l’Annuaïre de 
Schumacher, les astronomes de profession ont à faire des 
observations régulières, assidues, de longue durée, des 
calculs pénibles, qui les empêchent de consacrer assez de 
temps à l'étude des phénomènes. Il est donc à souhaiter 
que des hommes de talent qui ont l'amour de l’astrono- 
mie s'occupent de cette partie, qui offre un vaste champ 
de découvertes. Telle est, notamment, l'étude des aurores 
boréales, de la lumière zodiacale , des étoiles filantes, des 
crépuscules, de la voie lactée, des grandeurs et des cou- 
leurs des étoiles, enfin, des changeantes. Cet appel a été 
entendu, et une vaste association s’est formée pour recon- 
naître et étudier les principales changeantes. On est déjà 
parvenu, dans cette voie, à des résultats inespérés pour la 
précision des résultats et pour la grandeur des vues qui 
en sont la conséquence. 

Malgré tous ces travaux et ceux que lui impose sa place 
à l’université, M. Argelander, pendant mon séjour à Bonn, 
a bien voulu me donner de précieux conseils, pour lesquels 
je suis heureux de pouvoir lui adresser publiquement tous 
mes remerciments. M. Schoenfeldt, le premier observa- 
teur, s’est beaucoup occupé des étoiles changeantes. Il con- 
court activement en ce moment à la nomenclature des 
étoiles du ciel boréal. Je n’ai pas eu l’honneur de voir 
M. Krüger, le deuxième observateur, qui était retenu chez 
lui par une indisposition. 


( 485 ) 


De Bonn, je me suis rendu à Dusseldorf, pour voir l'ob- 
servatoire de M. Luther, à Bilk. Cet observatoire, créé 
d’abord avec des fonds particuliers, est devenu ensuite 
propriété de la ville, qui lui alloue un subside. Îl n'est pas 
considérable, mais il est bien connu par les travaux de 
M. Luther, qui a déjà trouvé cinq des nouveaux astéroiïdes. 

L'instrument principal est une lunelte de Merz, à 
Munich, de 50 lignes d'ouverture et G pieds de longueur 
focale. Il a un mouvement horizontal et vertical. L'objectif 
est excellent et d’une pureté remarquable; il est de Fraun- 
hofer. Le dôme est monté très-simplement. Il pose sur 
trois boulets, et on le meut à la main au moyen d’un cro- 
chet qui s'engage dans des anneaux. Le mouvement en est 
très-facile, malgré la largeur, qui est de 11 pieds. 

Dans une salle en-dessous se trouvent un petit cercle 
méridien et une petite lunette méridienne de 20 lignes 
d'ouverture sur 2 pieds et ‘2 de foyer. Cette dernière sert 
simplement à régler la pendule. En outre, M. Luther em- 
ploie un instrument qui lui appartient en propre; c’est un 
chercheur de comètes de 60 lignes d'ouverture et 3 pieds 
et !/4 de distance focale, construit par M. Kellner, à Wet- 
zlar. Il est mobile et porté sur trois pieds. Il à des gros- 
sissements de 45 à 400 fois, celui de 15 donnant un 
champ d'environ 4. 

C'est avec le premier instrument placé sous le dôme que 
M. Luther a trouvé Thétis, Proserpine, Bellone, Leucothée 
et Fidès. Il s'occupe en ce moment à faire la dernière 
carte de la collection de Berlin, qui comprend l'heure O. 

À Gotha, j'ai eu l'honneur de voir M. le conseiller 
Hansen. Il m’a aceueilli avee beaucoup de bienveillance, et 
m'a permis de voir ses tables de la lune, qui sont termi- 
nées et qui bientôt seront livrées à l'impression. Elles sont 


( 486 ) 

d'une exactitude surprenante pour un corps aussi difficile 
à calculer. Il y a même des termes de la fonction pertur- 
batrice dont la théorie à tenu compte et qui ne se sont 
pas encore révélés dans les observations faites jusqu’à ce 
jour. Indépendamment de ce grand travail, M. Hansen 
vient encore de publier une méthode pour calculer les 
perturbations des petites planètes. Ce savant distingué m'a 
fait voir les travaux de construction du nouvel observa- 
toire. Celui du Seeberg n'existe plus, et ses matériaux ont 
servi, en partie, à élever le nouveau. Celui-ci n’est pas 
éloigné du palais ducal; il est dans une belle position 
et entièrement construit en fortes pierres blanches, qui 
offrent de bonnes garanties de stabilité. Le bâtiment se 
compose d’un corps de logis servant d'habitation au direc- 
teur. Le cabinet de travail s’y trouve également, et com- 
munique directement avec la tour qui renferme l’équato- 
rial. Ensuite, deux ailes sont destinées à recevoir le cercle 
méridien et le cercle est-ouest. Le bâtiment sera terminé 
l’année prochaine ; en attendant, les instruments de l’an- 
cien observatoire ont été déposés dans la demeure de 
M. Hansen. 

J'ai eu occasion de faire, chez ce savant, la connaissance 
de M. Habicht, qui, d’abord professeur de physique et 
ayant acquis une belle fortune, s'est créé un petit obser- 
vatoire près de la ville de Gotha. J'ai été le voir avec 
M. Hansen. Dans un espace assez restreint, mais dont 
M. Habicht à su tirer un excellent parti, se trouvent réu- 
nis une lunette de 52 lignes d'ouverture montée paral- 
lactiquement, une petite lunette méridienne, qui peut 
aussi être placée dans le premier vertical, un excellent in- 
strument universel de Repsold et un chercheur de comètes 
de quarante lignes à courte distance focale. Cet observa- 


( 487 ) 
toire est à peu près monté, et tout fait espérer qu'il pourra 
rendre des services à la science astronomique. 

Je me suis ensuite rendu à Goettingue. Malheureuse- 
ment l’homme que j'aurais le plus désiré de voir en Alle- 
magne, le célèbre Gauss, n'était plus, mais son ombre 
plane encore sur cet observatoire qui restera à jamais cé- 
lèbre. Si quelque chose pouvait me consoler, c'était de 
voir le savant M. Dirichlet, appelé de Berlin pour le 
remplacer. Il à bien voulu me montrer quelques-uns des 
volumes où Gauss jetait ses idées, mais tout est tellement 
concis, qu'il paraît difficile (comme M. Dirichlet me l’a 
dit) d'en tirer d’utiles renseignements pour la science mo- 
derne. 

Après la mort de Harding, en 1854, M. Goldschmidt 
lui succéda et resta pendant 46 ans à l’observatoire. En- 
suite 1! fut remplacé par M. le docteur Klinkerfues, qui le 
dirige aujourd'hui. Ce savant s’est surtout occupé du cal- 
cul des petites planètes et des orbites des étoiles doubles. 
Il s'est aussi livré avec succès à la recherche des comètes. 

L'observatoire n’a pas acquis d'instruments nouveaux, 
si l’on en excepte un appareil de Foucault pour les oscil- 
lations du pendule. Le cerele méridien a de plus été muni 
d'un appareil pour observer les fils sur le mercure et dé- 
terminer ainsi le point nadir sur le cercle. 

M. le docteur Klinkerfues se propose de reprendre les 
étoiles du catalogue de Piazzi, et de les observer de nou- 
veau dans le but principal de vérifier leurs positions et de 
reconnaitre leurs déplacements propres. 

J'aurais voulu de Goeitingue pousser jusqu’à Leipsick 
el Dresde, mais pressé par le temps, je me suis décidé à 
aller directement à Berlin. 

Aussitôt mon arrivée, je me suis présenté chez le savant 


( 488 |) 
directeur M. Encke, qui m'a accueilli avec bienveillance 
et m'a montré l’observatoire. Le bâtiment est dans une 
belle posilion, il se trouve dans le prolongement d’une 
des grandes rues de la ville, la Charlotten Strasse; vu à 
distance dans l'axe de la rue, son dôme produit un su- 
perbe effet. 

Au centre se trouve la tour qui renferme le grand ré- 
fracteur. Les logements sont situés à l’est; du côté ouest 
se trouve la salle des instruments méridiens. Le cercle est 
de la construction de Pistor à Berlin; son objectif vient 
de chez Mertz. La longueur de la lunette est de 5 pieds 
environ et son ouverture de 54 lignes. Le diamètre du 
cercle est d’un peu plus de 5 pieds; on y lit la seconde par 
quatre microscopes. Dans le prolongement se trouve une 
lunette qui sert de mire. L’oculaire, outre les sept fils 
verticaux, porte un fil vertical mobile qui, observé sur le 
mercure, permet de déterminer la collimation. 

Au nord, est la salle où se trouve la lunette dans le pre- 
mier vertical. C'est un ancien instrument construit D? 
Dollond. 

Au sud, est une salle qui fait pendant à la précédente. 
Elle renferme un instrument universel de Repsold, un hélio- 
mètre de grandeur moyenne et un grand nombre d’instru- 
ments plus petits, entre autres une fort belle collection de 
cercles à réflexion. On trouve de plus, à l'observatoire, 
d'anciens instruments parmi lesquels je citerai une lunette 
employée par Maupertuis, dans son voyage au Nord pour 
la mesure du degré. 

Sous le dôme, qui est de fort grande dimension, se 
trouve l'équatorial d’une ouverture de 9 pouces avec une 
longueur focale de 14 pieds. Les cercles donnent : en 
temps et 4’ en déclinaison. C’est un instrument analogue 


( 489 ) 
à celui de Dorpat. Il a un micromèire filaire composé de 
trois fils de déclinaison et trois fils d’ascension droite, 
et en outre d'un fil mobile. 

Je ne crois pas nécessaire d'entrer dans de plus amples 
détails, attendu qu’on pourra les trouver dans le premier 
volume de la nouvelle coMection des Annales de l’obser- 
vatoire de Berlin. 

J’ai eu l'honneur de voir, à Berlin, le père de la science 
moderne, M. de Humboldt, qui a eu la bonté de me mon- 
irer les manuscrits renfermant les notes prises pendant 
ses voyages. Aucun changement n'y a été apporté; ils sont 
tels qu'ils ont été écrits sur les lieux. Ce n’est qu'avec res- 
pect que j'ai vu ceite précieuse collection, destinée plus 
iard à l'observatoire. 

Les travaux divers de M. Encke, sur la mécanique cé- 
leste, sont irop connus pour qu'il soit nécessaire d’en 
parler ici. Je me permettrai seulement de citer l’excellent 
accord que l’on vient de trouver, cette année, à l’opposi- 
tion de Flora, entre l'observation et l'éphéméride, calculée 
par M. Encke et M. Bruhns. Comme le fait remarquer 
M. Encke, dans son article inséré aux Astronomische Nach- 
richten, 1l est à espérer que les tables de Brünnow, qui 
n'ont utilisé les observations de Flora que jusqu'à mai 
1852, et qui représentent si parfaitement sa position , suf- 
firont encore pendant un bon nombre d'années. 

M. Bruhns est particulièrement chargé de la lunette 
méridienne. Il s'occupe en ce moment à déterminer la po- 
sition des principales étoiles avec la dernière précision. 
C’est un travail qui demandera environ deux ans, attendu 
qu'il à calculé que, pour obtenir la précision désirée, 
chaque étoile devra, en moyenne, être observée une qua- 
rantaine de fois. M. Brubhns est connu comme calculateur 


( 490 ) 

habile : il à donné les éléments de plusieurs planètes et 
comètes. C'est, de plus, un infatigable chercheur de co- 
mètes, qui en à déjà trouvé plusieurs. fl vient tout récem- 
ment de publier une brochure intéressante sur l’état actuel 
de nos connaissances relativement aux astéroïides, leurs 
éléments, leur clarté, et la ranière la plus commode de 
les calculer. 

M. le docteur Forster s occupe principalement de l’équa- 
iorial, où il observe avec un zèle extrême les petites pla- 
nètes, celles surtout qui, par la faiblesse de leur lumière, 
exigent de puissantes lunettes. À cet effet, l'oculaire est 
muni d'un appareil pour rendre les fils luisants sur champ 
obscur. M. le docteur Forster à, en outre, donné les élé- 
ments de plusieurs planètes. 

J'ai fait aussi, chez M. Encke, la connaissance de M. Wi- 
necke, qui à observé, pendant quelque temps, à l’observa- 
toire de Berlin, et qui se rend maintenant à celui de Bonn. 
Il est connu par de nombreuses observations des petites 
planètes, par la découverte d’une comète, et par plusieurs 
calculs d’orbites. Il vient de publier un travail intéressant 
sur l'orbite de l'étoile double 7 Coronae. 

De Berlin, je me suis rendu directement à Hambourg, 
où j'ai eu l'honneur de voir M. Rümker, célèbre par ses 
excellents catalogues d'étoiles. M. Georges Rumker, son 
fils, qui a été attaché à plusieurs observatoires, et en der- 
nier lieu à celui de Durham, est maintenant observateur 
à Hambourg. Depuis la visite que mon père y a faite, cet 
observatoire à acquis deux beaux instruments, 4° un 
cercle méridien de Repsold ; ce cerele est double et par- 
faitement symétrique; il est divisé de 2 en 2, et quatre 
microscopes lisent la 1”. Le réticule se compose de treize 
fils verticaux distants à l'équateur d'environ 8° de temps; 


( 491 ) 
2% un équatorial de 62 lignes d'ouverture et 6 pieds de 
longueur focale, généralement employé avec un grossisse- 
ment de 90 fois; il est recouvert d’un toit tournant. 

Tout récemment on vient d'élever une tour à côté de 
l’observatoire pour y placer un équatorial de grande di- 
mension ; elle est à peu près terminée; mais la somme 
nécessaire à l'achat de l'instrument n’est pas encore com- 
plétée : on l’évalue à 60,000 francs, dont on a déjà réuni 
une grande partie. La construction en sera confiée à 
MM. Repsold, qui continuent si dignement les travaux de 
leur illustre père. L'extension qu'ils ont donnée à leur 
fabrication les à même forcés à changer la position de 
leur établissement pour trouver des ateliers plus vastes. 
Îls ont bien voulu me permettre de visiter les salles de 
modèles et de fabrication , qui offrent un vif intérêt. 

L'observatoire d’Altona, dont on trouve une description 
assez détaillée dans la Correspondance mathématique et 
physique, a subi peu de modifications. Au cercle méridien, 
les lectures se font maintenant par quatre microscopes 
au lieu des verniers qui étaient employés précédemment; 
de plus, M. Peters, l’habile directeur, a introduit un ap- 
pareil nouveau. Il a remarqué en prenant les déclinaisons, 
que souvent, entre le pointé de la lunette et la lecture des 
microscopes, l'instrument se dérangeait un peu quand 
survenait un ébranlement. Pour éviter cela, il produit, au 
moyen d'un petit marteau, un ébranlement arüficiel aus- 
sitôt que l'étoile est sous le fil, et 1l apprécie le déplace- 
ment produit; au reste, il a publié lui-même une deserip- 
tion détaillée de cet appareil. 

Dans la tour se trouve un équatorial de Fraunhoîfer et 
Reichenbach de 52 lignes d'ouverture et 6 pieds de lon- 
gueur focale. En outre, comme les arbres et les construc- 


( 492 ) 
tions voisines faisaient perdre la vue d’une partie du ciel, 
on a élevé une tourelle plus haute où se trouve un autre 
réfracteur un peu moins grand et qui domine compléte- 
ment les environs. 

Après la mort de M. Schumacher, M. Petersen a dirigé 
l'observatoire. Il a été remplacé par M. Peters, qui obser- 
vait à Poulkowa, et qui continue avec un talent apprécié 
des astronomes la publication si connue et si utile des 
Astronomische Nachrichten. 

M. Pape et M. Schumacher fils observent à Altona; ils 
ont réuni de nombreuses et bonnes observations de petites 
planètes. M. Pape est spécialement attaché, comme calecu- 
lateur, à la triangulation danoise. On a de lui des éléments 
d'orbites de planètes. 

Après Hambourg, le temps dont je pouvais disposer ap- 
prochait de sa fin. Cependant, je n'ai pas voulu rentrer en 
Belgique sans visiter rapidement la Hollande; et d’abord, 
je suis arrivé à Utrecht, où l’on vient de construire un 
nouvel observatoire, dont un croquis accompagne cette 
note. On a appelé à sa direction M. Oudemans, jeune 
homme de talent, qui était auparavant à Leyde, où il à 
beaucoup observé les astéroiïdes. Il s’est fait connaitre 
aussi par une thèse inaugurale donnant de nombreuses 
observations faites avec un instrument de passage por- 
tatif, par des calculs d'orbites de planètes et comètes, et, 
en dernier lieu, par un travail intéressant sur les chan- 
geantes. 

L'observatoire se compose d’une salle centrale et de 
deux tours. La salle principale renferme un instrument de 
passage de Troughton de dimension moyenne, une petite 
lunette est-ouest de Dollond et un cercle vertical et azimu- 
tal de Troughton. Ces instruments ne sont pas puissants, 


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( 4953 ) 

mais la disposition de l'observatoire est telle qu’on pourra, 
plus tard, les remplacer aisément par de plus grands. Il 
en est de même des tours, qui sont grandes et bien dispo- 
sées, mais qui ne renferment encore que de petits instru- 
ments. Au reste, l'observatoire vient seulement d’être 
terminé, et 1l est à espérer qu'il sera bientôt convenable- 
ment monté. 

À côté de l'observatoire astronomique se trouve l’obser- 
vatoire météorologique, confié aux soins de M. Krecke, 
qui à dirigé lui-même la construction de plusieurs de ses 
instruments et y a introduit des modifications ingénieuses. 
Une description de cet observatoire et des instruments 
qui s’y trouvent paraîtra bientôt. J’ai eu l'honneur de voir 
aussi M. Buys-Ballot, qui à la direction générale de la mé- 
téorologie et des publications; car à Utrecht se publient 
maintenant non-seulement les observations faites en Hol- 
lande et aux colonies, mais encore celles que lon y en- 
voie de divers points du globe. 

Après avoir visité Utrecht, Amsterdam, Harlem, où 
j'ai eu l’honneur de faire là connaissance de MM. Van Rees, 
Vrolik, Stamkart, Van Breda et Logeman, je suis arrivé 
à Leyde. J’y ai vu M. Kayzer, l'habile directeur de l’obser- 
vatoire, et M. Hoeck, son nouvel aide, qui a remplacé 
M. Oudemans. La disposition générale de l’observatoire 
est défectueuse, mais il contient de beaux instruments , et 
un crédit a déjà été demandé pour en bâtir un nouveau. 
Il est situé tout au haut des bâtiments de l’université, et on 
doit, pour y arriver, monter un escalier d'une centaine 
de marches. | 

L'instrument capital est un réfracteur de 8 pieds et de 
6 pouces d'ouverture. L’oculaire renferme deux fils paral- 
lèles mobiles séparément. M. Kayzer a pris ainsi de nom- 


( 494 ) 

_breuses mesures de distances des étoiles doubles. La lu- 
nette est construite par Mertz et Mahler et donne, par deux 
verniers , les secondes de temps et les 40” de déclinaison. 
M. Kayzer, frappé de l'incertitude des mesures des diamè- 
tres des planètes, et notamment d'Uranus et des anneaux 
de Saturne, y a appliqué le micromètre à double image 
d'Airy, modifié par Valz, avec lequel il entreprend une 
série d'observations dont on peut espérer d'excellents ré- 
sultats. Dans une seconde salle, se trouvent un insirument 
universel de Repsold, ainsi qu’un réfracteur de Steinheil, 
avec un objectif de 4 pouces et un grossissement utile 
de 500 fois. C’est à ce réfracteur que le directeur a l’in- 
tention d'appliquer le micromètre à double image, en em- 
ployant les deux plus forts grossissements, qui sont de 240 
et 530. 

Il y a encore plusieurs autres instruments de moindre 
dimension, parmi lesquels un chercheur très-commode, 
de petite longueur et de large ouverture, mais dont le mou- 
vement se fait autour de l’oculaire, de façon que l’obser- 
vateur n’a pas à se déranger quand il déplace sa lunette. 

Outre ses observations d'étoiles doubles, qui sont fort 
estimées, M. Kayzer est connu par les nombreuses com- 
munications qu'il a faites à l’Académie des sciences d’Am- 
sterdam et aux Astronomische Nachrichten. 

M. Hoeck vient de calculer la comète de 1556, d’une 
période estimée de 300 ans, et qui a déjà fait l’objet des 
travaux de M. Littrow et de M. Hind. 

Après Leyden, j'ai passé par Rotterdam, où jai vu 
M. Van Galen, professeur à l'École de navigation, et 
chargé de la vérification des instruments de la marine. 
Il m'a fait voir avec obligeance son observatoire, où 1l 
prend l'heure avec un instrument universel. Là se trouvent 


( 495 ) 
aussi le dépôt des chronomètres, thermomètres, baro- 
mètres, etc., de la marine, et une collection intéressante 
de cartes. 
Enfin, après une absence de quarante Jours, je suis 
rentré en Belgique. 


Sur le magnétisme de la terre dans le nord de l'Allemagne 
et dans la Hollande; par M. Ernest Quetelet. 


Depuis les travaux exécutés, au commencement de ce 
siècle, par le célèbre de Humboldt, le magnétisme a pris 
une extension extraordinaire. Dans presque tous les grands 
observatoires, on fait maintenant des recherches ayant 
pour but de déterminer la valeur actuelle des éléments 
magnétiques, leur variation progressive et, de plus, leurs 
variations périodiques en rapport avec les divisions astro- 
nomiques du temps. Cependant la précision des résultats 
obtenus ne semble pas en rapport avec les eflorts déployés. 
Dans les stations même où l’on a le plus observé, il règne 
d'assez grandes incertitudes sur la valeur des éléments 
magnétiques; et cette valeur fût-elle parfaitement connue 
pour une époque, on n'a pas encore, malgré les savants 
travaux de Hansteen, des formules sûres pour représenter 
cette variation progressive; Car il paraît prouvé aujour- 
d’hui que les lignes magnétiques tracées à la surface du 
globe se déforment en se déplaçant. 

L'incertitude des déterminations prises tient sans doute 
à ce que généralement les instruments sont de petite 
dimension et, par conséquent, moins susceptibles de pré- 
cision. La graduation des cereles, les axes des aiguilles 
peuvent laisser à désirer, puis les valeurs obtenues sont 


( 496 ) 

compliquées de variations de diverses espèces. Sans parler 
des variations diurnes el annueiles que l'on peut éviter en 
partie, en observant aux mêmes heures du jour et aux 
mêmes époques de l’année, ou en appliquant une correc- 
tion aux résultats trouvés pour les lieux où ces variations 
périodiques sont observées, 1l y a les causes locales qui 
ont une grande influence; car quelquefois un déplacement 
de quelques centaines de mètres suflit pour donner des 
résultats entièrement différents. 11 y a encore les causes 
accidentelles, les perturbations, puis les erreurs qui dé- 
pendent de l'observation proprement dite. 

Tous ces motifs font désirer que les éléments magnéti- 
ques soient déterminés à diverses reprises par des observa- 
teurs et avec des instruments différents, et, s’il est possible, 
en variant les stations et les circonstances des observa- 
tions. Aussi, ayant eu l’occasion cette année de faire une 
excursion en Allemagne, j'ai cru utile de prendre avec 
moi des appareils portatufs pour déterminer l’inclinaison 
magnétique et l'intensité relative horizontale. Ces instru- 
ments appartiennent à l'Observatoire royal de Bruxelles : 
ce sont les mêmes dont mon père s’est servi dans ses 
voyages en Allemagne et en Italie, dont la description est 
donnée dans les tomes VI et XIII des Mémoires de cette 
Académie. Il faut seulement ajouter que les aiguilles d’in- 
tensité ayant beaucoup perdu de leur force, il a été néces- 
saire de les aimanter de nouveau. L'appareil d’inelinaison 
a dû être corrigé deux fois, à Bruxelles d’abord, puis à 
Berlin ; cependant la moyenne des observations des deux 
aiguilles s’en est peu ressentie. 

Chaque détermination de l'inclinaison est, comme on 
sait, la moyenne de 16 lectures. 

Le tableau suivant présente les résultats obtenus. 


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F 


| VILLES. | DATES.  |HEURES. No I. | No 


| 


| Bruxelles. . . .| : . | 67° 29,6 | 670 43/,0 
: 67 928,8 40,7 
67 926,1 40,8 


67 33,2 36,6 
Moyenne. SET 67 


Cologne . 


Bonn (Popesdorf). 
Moyenne. 
Gotha. 
| Goettingue . 


Berlin. 


Moyennes. 


AHONASUR Me ©. 20,2 | 68 28,5 
18,4 | 63 99,8 
| Hambourg . . . 21,3 | 68 30,5 


| 
| 
| 
Bonn (Kreuzberg ). 
| 
| 
| 


Moyenne. 
Amsterdam . 


| Rotterdam 


Comme on le voit au tableau, les observations ont été 
faites chaque fois avec deux aiguilles , et l’on reconnaît que 
l’une donne toujours des nombres plus forts que l’autre (1). 


(1) La différence moyenne entre les deux aiguilles, d’après les seize couples 
d'observations, est de 7/; la différence minimum est 0; la différence maæxi- 
mum est 14’. On peut, approximativement, regarder d’après cela les erreurs 
d'observation comme pouvant monter à À 3/,5. 


TOME xxi. — I["° PART. 35 


( 498 ) 


Avant mon départ, je les avais comparées avec l’excel- 
lente aiguille qui appartient au grand appareil de Trough- 
ton employé à l'Observatoire. Deux déterminations avec 
cet appareil m'ont donné 67° 56,9 et 67° 58,5, ou en 
moyenne 67° 57,6. Il paraîtrait d’après cela que l'ai- 
guille [ donne des nombres moins précis que l'aiguille FF, 
dont les indications seraient un peu trop fortes. D’un autre 
côté, on remarquera une très-grande concordance entre les 
moyennes des observations de chaque jour dans une même 
station. Si donc on ajoute à chaque moyenne, par station, 
la correction trouvée pour Bruxelles, on aura la valeur de 


linclinaison pour l’époque moyenne, 1° septembre 1856. 


VILLES. HOYENNES. 
BTUXENESS LS se ne di. Lie er DOCSNED 
Goniogne, 271 6 MERE ER RE TERA 
Bon ARS PRE MEUNE CE NES iie A GTR 
Gobha : PA EVER RE LAS ETIENNE 
COEUR ST A ve et vou den ne 2 SAGE ON 
ie to) ne FOR CET TES 
Aliona-Hambourg: #: 4 |.5:. . . <hi.! GS127,2 
Amsterdam és. LRU COR RNES MES 
Rokterdam 0,00 Gi LU LME ER CORRE 


L'appareil qui a servi à déterminer l'intensité est celui 
de Hansteen; 1l est basé sur la comparaison des temps 
employés à faire un même nombre d’oscillations. Je ne 
m'arrêterai pas à décrire l'instrument n1 la méthode d’'ob- 
servation qui sont connus. Je dirai seulement que les 
oscillations étaient comptées, à partir du moment où l’am- 
plitude totale était de 50°, et quand l'aiguille passait 
devant le point zéro; l'amplitude à la fin était encore de 
8 à 9 degrés. Le temps a été compté sur un chronomètre 


(499 ) 


de poche, dont la marche a été comparée à Berlin, à 
Altona et à Leyde. 

Le temps de 100 oscillations étant corrigé pour la varia- 
tion du chronomètre et pour la température, par la for- 
mule connue T= T” [1 +a(t —#)], où «— 0,00057195, 
on à reconnu que les aiguilles avaient perdu un peu de 
leur force. Cette perte a été répartie proportionnellement 
au temps , et l’on a obtenu les nombres consignés dans le 
tableau suivant : 


VILLES. HEURES. 5 No II. 


DBauselestenenns LE | & août. | 9h5/4 357.24 
Adobe AMEN OURS 1 — 3 12 356.95 
TOUR CORP ENONEEE — 2 1}2 357.01 
DR 0 + = 557.26 
EUGENE EEE. . 3 354.51 
| Bonn (Kreusberg) . . . . ; 353.14 
| Bonn (Popesdorf) . . . . | 1! 556.05 
HE M less 2, 5 354.92 
RO A Re ae LT — 
Can NE CORRE" 353.62 
Goeïtingens . . . . . . 556.98 
TANT ECS FOOT — 
1er Ve CONS NE 5 357.77 
ANTENNES 362.97 
LL EE ER SNESSREE 363.03 


PAARDOUEDA AMEN NU UD T : 5 363.04 
| Amsterdam . . . . . . 359.49 
MOticram 2.7 0. — 360.59 
|... 12, TONER 2 octob. 357.35 
PA ER ri. 5 — 356.91 


A Bonn, les valeurs observées sur le Kreuzberg, le 
*.- 45 août, différaient assez notablement de celles obtenues 
| le surlendemain dans le jardin de Popesdorf. Cela m'a 


( 500 ) 

décidé à faire une troisième épreuve dans un lieu complé- 
tement isolé, devant le château de Popesdorf. Comme ce 
nombre a concordé fort bien avec celui du 17, j'ai partagé 
les observations de Bonn en deux parties. Plus tard, on 
pourra vérilier s'il y a réellement une cause locale, ou 
si une perturbation ou une perte réelle de force magnéti- 
que dans les aiguilles a causé cette différence. À Altona, 
M. Peters, directeur de l'observatoire, m'avait fait craindre 
qu'une fabrique qui a été établie depuis peu dans le voi- 
sinage de l’observatoire, ne püt influer sur la détermina- 
tion. Pour contrôler les valeurs observées en ce point, 
J'ai déterminé la durée des oscillations à Hambourg, et 
comme les résultats se sont assez bien accordés, j'ai pris 
la moyenne. On remarquera une anomalie entre Amster- 
dam et Rotterdam. Les jardins où ces observations ont été 
faites n'étant pas très-vastes, 1l est fort à craindre que ces 
résultats ne soient entachés d’une cause d'erreur locale. 

Voici les moyennes, puis les intensités relatives par 
aiguilles et par stations; enfin, les intensités relatives 
Ce à , Celle d’Altona étant 1. 


MOYENNES. 
| 


| 

|| Bruxelles . . . 360.23 EE 357.12 1.034 1.033 1.034 || 

| Cologne 357.60 | 3554.51 1.050 1.049 1.049 

| Bonn ho 555.94 | 553.14 | 1.059 | 1.057 | 41.058 || 

| Bonn A 359.60 | 355.48 | 1.038 1.043 1.040 
Gotha . 357. 87 | 353.62 1.048 1.054 1.051 
Goettingue 360.58 | 556.98 | 1.032 1.034 1.055 
Berlin . 361.15 | 557.77 1.029 1.029 1.029 
ours. 366.56 | 363.01 1.000 1.000 1.000 | 

[| Amsterdam 364.76 | 359.49 1.009 1.020 1.014 

|| Rotterdam 365.86 | 3560.59 1.003 1.013 1.008 


( SOI ) 

Il reste à indiquer les points sur lesquels les observa- 
tions ont été faites dans chaque ville : à Bruxelles, dans le 
cabinet magnétique situé dans le jardin de l'Observatoire; 
à Cologne, dans le Jardin Botanique, nommé aussi Jardin 
des Jésuites, dans l’intérieur de la ville; à Bonn, la pre- 
mière a été faite dans un jardin public, Zür schôünen Aus- 
sich, sur le Kreuzberg , et les deux autres près du château 
de Popesdorf; à Gotha, dans le jardin de M. le conseiller 
Hansen ; à Goettingue, dans le jardin de l'Observatoire, 
à peu près à mi-distance entre la terrasse et le cabinet 
magnétique ; à Berlin, à Hambourg et à Altona, dans le 
jardin de l'Observatoire; à Amsterdam, au Treppenhuys, 
dans le jardin des bâtiments de l’Académie royale; à Rot- 
terdam, dans le jardin de M. Van Galen, op de nieuwe 
Plantagie. 

Je saisis cette occasion pour adresser mes vifs remer- 
ciments aux savants qui ont bien voulu seconder mes 
efforts. M. le professeur von Riese, chargé des observa- 
tions magnétiques à Bonn, et qui, avec une grande com- 
plaisance , m’a facilité l’accès du jardin de Popesdorf 
en me mettant en relation avec l’inspecteur; M. le con- 
seiller Hansen, qui m’a reçu d’une manière vraiment pater- 
nelle; M. le docteur Klinkerfues à Goëttingue; M. Encke 
à Berlin, M. Rümker, à Hambourg, M. Peters à Altona, 
M. Krecke à Utrecht, où je n'ai pu terminer les obser- 
vations à cause de la pluie. À Amsterdam, M. Vrolik, 
secrétaire de l’Académie royale, m'a mis en rapport avec 
M. Stamkart, vice-directeur, savant distingué qui a assisté 
aux observations et a bien voulu même y prendre part; 
enfin , à Rotterdam, M. Van Galen a été plein d'obligeance 
et a mis Son jardin à ma disposition. 

Je ne dois pas omettre de dire qu'à Hambourg, M. 


(302 ) 


Georges Rümker m'a fait faire la connaissance de M. Neu- 
mayer, qui va bientôt partir pour l'Australie. Il a une belle 
collection d'instruments pour observer les éléments ma- 
gnétiques et une fort bonne lunette. M. Rümker , après 
mes observations, m'a communiqué l’inclinaison trouvée à 
Hambourg par M. Neumayer; elle est de 68° 24,2. 


Note sur un Trématode nouveau du Maigre d'Europe; par 
P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. 


À la séance du 22 septembre 1852 (1), j'ai fait con- 
naître linnombrable quantité de parasites que logeait, 
sur sa peau comme dans l'épaisseur de ses organes, un 
Maigre d'Europe (Sciaena aquila) qui était venu se jeter 
dans le filet des pêcheurs de Slykens, à l'entrée du port 
d'Ostende. 

Au milieu des grandes écailles, qui ont fait donner à ce 
poisson, par nos pêcheurs de la côte, le nom de poisson 
de Sainte- Vierge (Onze Lieve Vrouwe vis), se trouve un 
joli Trématode, de la grandeur de ces mêmes écailles, 
maigre et aplali comme elles, qui n’est pas sans ressem- 
blance avec une Hirudinée, à cause de la large ventouse 
qui termine le corps en arrière. 

C'est de ce ver, tout nouveau pour la science, qu'il 
s’agit dans la courte notice que j'ai l'honneur de com- 
muniquer aujourd'hui à la classe. Il appartient au beau 
genre Epibdella, établi par de Blainville sur la Hirudo hip- 


(1) Tome XIX, n°9 des Pulletins de l’Académie royale, p. 98. 


( 205 ) 
poglossi de O. Fr. Muller. Nous lui avons donné le nom de 


EPIBDELLA SCIÆNÆ, V. B. 


Nous avons donné ailleurs une description anatomique 
complète de la première et, pendant longtemps, l'unique 
espèce du genre; aussi nous bornerons-nous à signaler 
ici les caractères distinctifs, surtout ceux que l’on peut 
découvrir sans recourir au scalpel. 

Cette espèce se distingue de l’Épibdelle de l’'Hippoglosse 
par divers caractères extérieurs tellement importants, 
qu'on ne pourrait les confondre, même à la suite d’un 
examen superficiel. 

Sous le rapport de la forme, l'Épibdelle du Maigre a le 
corps plus allongé que celle du Flétan; la partie antérieure 
du corps se distingue aussi par une séparation nette et 
tranchée des deux ventouses céphaliques, qui n’existent 
qu’à l’état rudimentaire dans l’autre espèce. Ces ventouses, 
vues par leur face inférieure, sont circulaires au lieu d’être 
allongées, et montrent des replis circulaires régulière- 
ment disposés depuis le centre jusqu’à la circonférence. 
Ici ce sont des ventouses véritables sur la nature des- 
quelles personne ne peut se tromper; dans l’Épibdelle du 
Flétan , au contraire, si ce n’était par analogie, on recon- 
naîtrait à peine leur nature ou leur importance. 

Ce qui n’est pas moins tranché dans ces deux espèces, 
c'est que l’une, comme le dit Baster, qui le premier la 
observée, ressemble à un morceau de poisson visqueux 
(als een stukje slymige vis) et est en effet complétement in- 
colore des deux côtés, tandis que l’autre, celle que nous 
faisons connaitre, tout en étant blanche par la face ventrale, 
présente une riche et élégante coloration sur la face dor- 
sale du corps, comme des ventouses céphaliques et cau- 


( 504 ) 


dales. Vus à l'œil nu, ces vers ont le dos couvert d’une même 
couche de carmin; à la longue, on voit le pigment épar- 
pillé, comme une mosaique sur un fond blanc. Sur le 
milieu du dos on distingue une bande plus foncée assez 
large en avant et qui se rétrécit en arrière, pour se perdre 
à la racine de la nageoire caudale. 

Il est à remarquer, au sujet de cette différence de colo- 
ration, que l'espèce du Flétan n’habite que la surface 
blanche du corps qui est soustraite à la lumière, tandis 
que celle du Maigre habite toute la surface du corps, le 
dos aussi bien que le ventre et les flancs. 

En enlevant ce parasite, qui est accolé à la peau comme 
une écaille, le derme qui est en dessous est sans pigment, 
et on distingue facilement la place où le ver habitait, 
quand il est enlevé depuis longtemps. Aussi faut-il une 
grande attention pour découvrir ce parasite, et plus d’un 
naturaliste aura eu des individus sous les yeux sans les 
reconnaître. Ici comme ailleurs, une fois qu’on l’a vu, on 
le trouve constamment. Comme on apporte aujourd'hui 
assez régulièrement ces poissons au marché à Paris, 1l 
sera fort aisé de retrouver ce parasite. Ce n’est pas en 
lavant le poisson qu’on en détachera les Épibdelles. 

La taille du ver et la ventouse postérieure sont fort 
semblables, sauf, toutefois, les remarquables crochets qui 
arment ce redoutable organe d'adhésion, et que Baster 
avait pris pour la tête, comme il avait pris les tubes ovi- 
fères des Caliges pour les antennes. 

Il existe trois paires de pièces dans l’une comme dans 
l’autre espèce, mais quant à leur forme, leur volume rela- 
tif et leurs rapports, 1l y a les plus grandes différences. 
Dans l'Épibdelle de la Sciæne, il existe, en effet, une grosse 
pièce , assez semblable, en petit naturellement, à une dent 


( 505 ) 


canine de mammifère, qui porte une longue racine enga- 
gée dans la peau et dont la couronne seule fait saillie à la 
surface. Cette pièce est assez semblable à celle qui occupe 
la même place dans l’autre Épibdelle. 

Derrière cette grande pièce sont logées deux stylets assez 
minces, presque de longueur égale, placés obliquement de 
dedans en dehors et d’arrière en avant, et dont l'extrémité 
postérieure fait saillie pour servir d’organe d'adhésion. 
Ces deux pièces sont complétement différentes dans l’autre 
Épibdelle, 

Il existe des différences non moins grandes sous le rap- 
port anatomique. 

Ainsi, la cavité de la bouche présente dans ses pa- 
rois un aspect festonné qu’on n’observe pas dans l'espèce 
du Flétan. 

Le canal déférent, immédiatement après la confluence 
des deux conduits qui sortent du testicule, montre un 
renflement comme une vésicule de dépôt et dont nous ne 
voyons pas de traces dans l’autre ver. 

La poche du pénis, au lieu d’être double, comme dans 
l'Épibdelle de Hippoglosse, est, au contraire, unique, à 
parois minces et transparentes, ayant de la ressemblance 
avec une blague de tabac, et assez semblable au testicule 
de quelques mollusques céphalopodes. Cette poche corres- 
pond, en même temps, à la vésicule séminale externe des 
Trématodes en général, et verse son contenu dans le con- 
duit du pénis, à côté du canal déférent. 

Dans le germigène, nous ne trouvons pas ce sac à 
germes mürs prêts à être évacués, comme dans la première 
espèce. Nous n'avons pas pu découvrir non plus, cette 
remarquable vésicule séminale interne sur le trajet de 
l’'oviducte, qui complique si singulièrement cet appareil 
dans l’Épibdelle du Flétan. 


( 506 ) 

L'appareil excréteur urinaire est disposé au fond de la 
même manière dans les deux espèces, avec cette différence 
toutefois, que les canaux opaques en fer à cheval, si dis- 
tüincis dans la première espèce, sont peu visibles dans la 
seconde et que tout cet appareil est moins facile à découvrir. 

A la gauche de l'appareil sexuel se trouve, dans l’une el 
l'autre Épibdelle, une glande fort distincte qui s’abouche 
à côté des orifices sexuels qui n'a rien de commun avec 
l'appareil précédent. Tout en ayant trouvé ce même organe 
dans plusieurs autres grandes Trématodes (lEpibdella hip- 
poglosse, l'Axine bellones, l'Onchocotyle appendiculata), nous 
ignorons complétement son importance et son rôle. Cette 
glande correspond-elle avec une glande observée, dans ces 
dernières années, à la partie antérieure du corps des vers 
nématoides ? C’est ce que nous ignorons encore. 

Nous résumerons ainsi les caractères propres à cette 
espèce : 

Corps fortement aplati, de forme ovale, allongé, ter- 
miné antérieurement par deux ventouses, creusées au 
milieu et de forme circulaire; toute la partie supérieure 
du corps couverte de taches de pigment rouge; la partie 
inférieure incolore; la face interne de la ventouse caudale 
armée de trois crochets, un antérieur grand et fort, et 
deux postérieurs semblables de forme, d'une longueur égale 
et placés à côté l’un de l’autre dans la même direction. 

Il habite toute la surface du corps du Maigre d'Europe. 

Sa longueur totale est de 20 à 25 millimètres ; sa lar- 
geur, de 12 à 15. 

Quelles sont les affinités de ces parasites? 

Ce ver, apprécié si diversement par les naturalistes, 
appartient-il, au genre Tristome, comme quelques hel- 
minthologistes le pensent ? 


(HOT. ) 


Le genre Tristome, créé par Cuvier pour une espèce 
colorée en rouge vif (Trist. coccineum) et qui habite, d’après 
ce savant , divers poissons de la Méditerranée, comprend 
aujourd’hui plusieurs espèces : la première a été recueillie 
par Lamartinière, dans le voyage de Lapeyrouse autour du 
monde; les dernières ont été observées par MM. Diesing, 
Blanchard et Valenciennes. 

S'il s'agissait de conserver au mot genre la même va- 
leur que Linné lui accordait, nul doute qu’il ne fût ques- 
tion ici d’un Tristome; mais il y a aujourd'hui une tribu 
de Tristomiens, et l’Épibdelle forme, dans cette tribu, 
une coupe générique. 

Cette opinion est fondée sur l’état rudimentaire des ven- 
touses antérieures, qui ne sont jamais protractiles; sur la 
disposition des testicules, qui, au lieu d’être formés de 
plusieurs lobes, comme dans les Tristomes, sont formés 
de deux vésicules sphériques ; sur la disposition de la ven- 
touse postérieure, qui termine le corps postérieurement et 
qui porte dans l'épaisseur de ses parois ses crochets cor- 
nés; enfin, sur l'absence complète d’alvéoles ou de rayons 
à la ventouse postérieure. 

Ces caractères nous paraissent justifier suffisamment 
l'établissement d’un genre pour les vers qui nous occupent. 

Il n’en reste pas moins vrai que Rathke, en plaçant cet 
animal dans le genre Tristome, a le premier indiqué ses 
véritables affinités. 

Parmi les divers noms génériques proposés, nous avons 
cru devoir choisir celui de Blainville, parce que les autres 
entraînent avec eux une signification qui pourrait induire 
en erreur. [l n'y a jusqu'à présent que ces deux espèces 
connues dans ce genre. 


( 508 ) 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 


EPIBDELLA SCIAENAE. 


Fig. 1. Le ver, de grandeur naturelle, vu du côté du dos. 
Fig. 2. Le même, vu du côté opposé. 
Fig. 5. La partie antérieure du corps vue par la face inférieure ou ven- 


Fig. 4. 


trale. 


aa. Ventouses antérieures. 


L 


b 
c. 
d. 
e. 
f. 
g 


Bouche. 

Cavité buccale. 

Testicule. 

Canal déférent. 

Vésicule de dépôt. 

Canal déférent commun, s’ouvrant en avant dans la gaine 
pénmiale. 

Glande péniale avec son canal excréteur. 

Vitelloducte, 

Vitellosac. 

Germigène. 


. Germisac. 


Germiducte supposé conduisant à l’oviducte. 
Oviducte. 

Matrice. 

Vagin. 

Glande spéciale. 

Son orifice. 


 Vulve. 


Orifice mâle. 


a face interne de la partie postérieure de la grande ventouse. 


aa. Grands crochets antérieurs. 
bb. Petits crochets postérieurs. 


C. 


Bord libre avec les deux échancrures. 


— La classe s’est occupée ensuite de différents objets 
relaufs à la prochaine séance publique. 


Bull de l'cad. | Tom. XXL, 2€ part. page 306 


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( 509 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 35 octobre 1856. 


M. le baron DE GERLACHE, directeur. 
M. À. Querecer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents: MM. le chevalier Marchal, Grandgagnage, 
De Smet, de Ram, Roulez, Gachard, Borgnet, Paul De- 
vaux, Schayes, Bormans , Leclercq, Polain, de Witte, 
Arendt, Faider, membres; Mathieu, Chalon, Defacaz, 
Th. Juste, correspondants. 

MM. Stas , Alvin, Éd. Fétis, membres des deux autres 
classes, assistent à la séance. 


CORRESPONDANCE. 


— M. le Ministre de l’intérieur envoie un exemplaire 
du quatrième rapport triennal sur l'instruction primaire 
en Belgique. 

— M. le Ministre de la justice fait parvenir également les 


procès-verbaux de la Commission royale pour les anciennes 
lois et ordonnances du pays. 


— M. le secrétaire perpétuel fait connaître que M. Siret 
vient d'envoyer à la commission administrative de l’Aca- 


( 510 ) : 

démie la table générale des quarante-trois premiers vo- 
lumes des Bulletins de la Compagnie, comprenant les tx »- 
vaux des vingt-quatre dernières années, et il s'attache à 
faire ressortir les soins que l’auteur a mis à composer ce 
travail. | 

La classe, sur la proposition de M. Faider, exprime ses 
remerciments, en même temps que le désir de voir les 
deux autres classes de l’Académie témoigner leur recon- 
naissance à leur honorable correspondant. 


— MM. de Ram, de Saint-Genois, Polain, Gachard et 
Serrure sont priés de se rappeler la promesse qu’ils ont 
bien voulu faire, d’orner l’Annuaire de l'Académie des 
notices des anciens membres, Heylen, Vander Vyncki, 
Paquot, Crumpipen et Van Wyn. 


— L'Académie reçoit différents ouvrages qui lui sont 
offerts par M.J. de Witte, Adrien de Longpérier, R. Chalon 
et Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l’Académie. 


CONCOURS EXTRAORDINAIRE. 


Sur la proposition d’une personne qui désire garder 
l'anonyme, la classe des lettres a accepté d'inscrire dans 
son programme et de juger les mémoires qui lui seront 
adressés en réponse aux deux questions suivantes : 


PREMIÈRE QUESTION. 


Charlemagne est-il né dans la province de Liège? 


| 


( 511 ) 
Un prix de trois mille francs, payables en numéraire, 
sera décerné à l’auteur du mémoire renfermant une solu- 
toin affirmative ou négative de la question. 


DEUXIÈME QUESTION. 


La famille carlovingienne est une famille essentielle- 
ment belge et même liégeoise. Cette origine n’est cepen- 
dant pas suffisamment constatée : français ou allemands, 
les historiens qui ont traité cette importante période des 
annales du moyen âge ont cédé à l'influence du sentiment 
national , et vu, dans la glorification de Charlemagne et 
de ses illustres ancêtres, la glorification de l’un ou de 
l’autre des deux grands peuples qui nous avoisinent. Dési- 
reuse d'obtenir un livre où les titres de notre pays soient 
discutés avec impartialité, et dans lequel les faits soient 
envisagés à un point de vue belge, l’Académie propose la 
question suivante : 


Exposer l’origine belge des Carlovingiens. Discuter les 
faits de leur histoire qui se rattachent à la Belgique. 


Le prix réservé à cette seconde question est un capital 
de six mille six cents francs, inscrit, au nom de l’Acadé- 
mie, au grand-livre de la dette publique belge à 2 *} p. %, 


s: 


et avec la jouissance des intérêts à partir du 1° juillet 
1856. 


Les mémoires en réponse à ces questions doivent être 
écrits lisiblement en latin, en français ou en flamand. 

Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, 
mais seulement une devise, qu'ils répéteront sur un billet 
cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Les ouvrages 
remis après le terme prescrit ou ceux dont les auteurs se 


( 512 ) 
feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront 
exclus du concours. 

L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, 
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils 
sont déposés dans ses archives, comme étant devenus sa 
propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer 
des copies à leurs frais, en s'adressant au secrétaire per- 
pétuel. 

L'Académie exige la plus grande exactitude dans les 
citations; à cet effet, les auteurs auront soin d'indiquer les 
éditions et les pages des livres qu’ils citeront. 

Les mémoires en réponse à la question concernant le 
lieu de naissance de Charlemagne, devront être remis, 
francs de port, avant le 1* février 1858, et ceux en 
réponse à la question concernant les Carlovingiens, avant 
le 1° février 1859. 


RAPPORTS. 


Cent proverbes tamouls, traduits et expliqués par M. Van 
der Haeghen. 


apport de M. Arendt. 


« Dans la notice que M. Van der Haeghen a présentée à 
la classe, sur l'étude du tamoul et que celle-ci a accueillie 
dans ses Bulletins (1), l’auteur avait pris l'engagement de 


(1) Tome XXII, n° 8. 


| 


( 915 ) 

contribuer à faire connaitre cet idiome et sa littérature, 
soit par la publication de textes originaux ou de mémoires 
analytiques, soit par la traduction d'œuvres inédites. En 
exécution de cette promesse, M. Van der Haeghen, dans 
la lettre qui accompagne l'envoi, sujet du présent rap- 
port, nous dit avoir commencé divers travaux importants 
qu'il a dû abandonner ou tout au moins ajourner, parce 
que, d'une part, nos bibliothèques ne renferment aucun 
des ouvrages qui lui sont indispensables et que, d’autre 
part, il n’a pu obtenir les encouragements nécessaires 
pour avancer dans une voie aussi ardue que dispendieuse. 
Voulant toutefois tirer tout le fruit possible des ouvrages 
qu'il s’est procurés, M. Van der Haeghen a extrait d’un 
dictionnaire tamoul, publié récemment à Madras, une cen- 
taine de proverbes qu'il a traduits aussi littéralement que 
le permet le génie si différent du français et du tamoul et 
dont il s’est appliqué à déterminer le sens et la portée, en 
les comparant en même temps, toutes les fois que l’occa- 
sion s’en présentait, à des proverbes tirés d’idiomes, tant 
indiens qu'européens. 

Le travail de M. Van der Haeghen n'est pas un travail 
philologique proprement dit; l’auteur ne donne que fort 
rarement l'explication grammaticale ou lexicographique 
des sentences qu'il a réunies. Il se borne à une traduction 
littérale des textes, et cherche ensuite à fixer, au moyen 
d’une paraphrase et de rapprochements souvent ingénieux, 
le sens moral du proverbe quelquefois très-obscur et difli- 
cile à saisir. Il à soin, en outre, de citer presque toujours 
des locutions proverbiales analogues empruntées à un 
grand nombre d’autres idiomes, tels que l'allemand, le 
hollandais, le danois, l’anglais, l'italien, l'espagnol, le 
russe, etc. Cette partie du travail de M. Van der Haeghen 

Tome xxux, — [["° parT, 50 


( 914 ) 
présente un intérêt réel; elle montre encore une fois 
combien ce que l’on est convenu d'appeler la sagesse des 
nations, le résultat de leurs observations et de leur expé- 
rience dans la vie morale, se ressemble chez les peuples 
les plus étrangers les uns aux autres, les plus éloignés 
entre eux par le temps et par l’espace. 

Il y aurait certainement lieu d'accueillir la notice de 
M. Van der Haeghen dans nos Bulletins, la littérature parcæ- 
miaque s’en enrichirait, et l’auteur y trouverait un juste 
encouragement à continuer ses efforts dans cette woie, 
dont l'utilité pour l'avancement des lettres orientales est 
incontestable. Malheureusement, un obstacle matériel s’op- 
pose à ce que je conclue à impression du travail de M. Van 
der Haeghen. Il faudrait nécessairement reproduire les 
textes tamouls que l’auteur explique, et 1l n'existe point, 
que je sache, des types tamouls dans nos imprimeries. Je 
dois donc, à regret, me borner à proposer à la classe 
d'adresser à M. Van der Haeghen tous ses remerciments 
de la communication qu’il lui a faite. 

À la suite des cent proverbes tamouls, M. Van der 
Haeghen a placé une courte notice étymologique sur l’ori- 
gine du mot gothique Guth, qui est devenu, dans les lan- 
gues germaniques , le type des expressions servant à dési- 
gner l’idée de Dieu. L'auteur ramène ce mot à la racine de 
D'hüs, splendidum , pulchrum reddere, et lui trouve ainsi 
une signification qui rappelle celle que plusieurs philolo- 
gues attribuent au mot par lequel les langues romanes 
expriment la même idée. » 


Les conclusions de M. Arendt sont adoptées. 


(515) 


Sur une découverte d'antiquilés à Saint-Gilles-Waes. 
Bapnort de BE, Hioule:. 


« La classe m’a chargé de lui rendre compte d’une dé- 
couverte d’antiquités, sur laquelle M. le Ministre de l’inté- 
rieur l’a consultée en lui communiquant deux rapporis 
adressés à son département. 

La découverte en question à eu lieu au mois de mai 
dernier dans la commune de Saint-Gilles-Waes, arrondis- 
sement de Saint-Nicolas. En extrayant de la terre ferru- 
gimeuse d'un champ, on y rencontra, à la profondeur d’un 
mètre environ, une quarantaine d’urnes de diverses gran- 
deurs, remplies d’ossements calcinés. Toutes, à l'exception 
de deux, sont tombées en pièces. Au rapport de notre 
savant confrère, M. Schayes, qui s’est rendu sur les lieux, 
ces urnes sont en terre noire, grossièrement faconnées à la 
main, séchées simplement au soleil ou au moins n'ayant 
subi qu'un commencement de cuisson. Aucune arme, 
aucun ornément n’a été trouvé avec les urnes. 

Ces sépultures doivent remonter à une époque antérieure 
à la conquête romaine, et appartenir à la population celte 
ou germanique qui était échelonnée le long de PEscaut. 
Il est à remarquer, en effet, qu'elles sont placées sur une 
hauteur qui, avant l’endiguement du polder de Saint-Gilles- 
Broeck, en 4615, formait le bord du fleuve. M. Schayes 
pense qu’en fouillant au delà du champ déblayé, on déter- 
rerait probablement d’autres urnes encore, mais il doute 
que le résultat des fouilles en compense les frais. Je suis 
aussi d'avis qu'il n’y a pas lieu de faire des recherches ulté- 
rieures dans un but exclusivement archéologique. Quelques 
urnes de plus, dans les mêmes conditions, n’auraient par 


( 516 ) 
elles-mêmes qu'une mince valeur et ne nous apporteraient 
pas des notions nouvelles. » 


Les conclusions de ce rapport seront communiquées à 
M. le Ministre de l'intérieur. 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


a 


Assassinat de Guillaume le Taciturne par PBalthasar Ge- 
rard (1); par M. Gachard, membre de l’Académie. 


Balthasar Gérard était né, vers 1557, à Vuillafans, 
petit bourg du comté de Bourgogne, dans le bailliage de 
Dôle. Il était le neuvième des enfants de Jean Gérard, chà- 
telain et juge de Vuillafans, et de Barbe d'Emskercke, dite 
d'Anvers, qui tirait son origine du comté de Hollande. 
Deux de ses frères avaient embrassé l’état ecclésiastique; 
une de ses sœurs s'était alliée à une famille noble d’Ar- 
bois ; une autre avait épousé le receveur de la seigneurie 
de Vuillafans. Toute cette famille professait un grand atta- 
chement à la foi catholique et à ses souverains. 

Balthasar Gérard annonça de bonne heure un esprit 
exalté. [l avait à peine douze ans, qu’entendant parler, 
au greffe du parlement de Dôle, où il était employé, des 
maux causés par les gueux aux Pays-Bas, et de l’appui que 
leur avait donné le prince d'Orange, il dit qu'il le tuerait. 


——— 


a ——_—_—— — ee 


(1) Ce fragment fait partie de la préface du 6° volume de la Correspon- 
dance de Guillaume le Taciturne, qui ne tardera pas à voir le jour. 


| 
| 
| 
| 


( 517 ) 
Il le disait même si souvent, el avec tant de véhémence, 
que ses parents durent l’en reprendre (1). 

Cette exaltation , cette haine instinctive pour le prince 
d'Orange, s'accrurent chez Gérard avec l’âge. Elles se 
manifestèrent en 1577, lorsqu'on apprit, au comté de 
Bourgogne , la rupture qui avait éclaté entre les états des 
Pays-Bas et don Juan d'Autriche, rupture qu’on attribuait 
aux artifices du chef de la maison de Nassau. Gérard, se 
trouvant en ce temps à Dôle, dans une maison particulière, 
et tenant à la main une dague, la lança avec force contre 
une porte : « Je voudrais — s’écria-t-1l — que ce coup-là 
» eût été donné dans le cœur du prince d'Orange! » Quel- 
qu'un qui était présent lui remontra que ce n’était pas à 
lui de tuer ni de menacer les princes; que, quand le roi 
le voudrait, 1l se débarrasserait du prince d'Orange, qu'il 
était assez puissant pour cela, qu'il n’aurait qu'à le com- 
mander, mais qu'il ne se priverait pas légèrement d’un si 
bon capitaine, lequel il pouvait encore espérer de ramener 
à son service. 

Cette remontrance fit une certaine impression sur Gé- 
rard , et depuis son esprit sembla s'être calmé. Mais lédit 
du 45 mars 1580, qui proscrivait Guillaume comme « seul 
» auteur et promoteur des troubles des Pays-Bas, princi- 
» pal perturbateur de tout l'État, et en somme peste pu- 
» blique chrétienne, » réveilla ses premiers instincts. 

Au mois de février 1582, voyant que le ban publié contre 
le prince restait sans effet, il partit du comté de Bourgogne, 


(1) Renon de France, qui nous fournit ces détails, dans son Æistoire 
(inédite) des Troubles des Pays-Bas, nous paraît digne de confiance, 
d'autant plus qu'il dit les tenir des condisciples de Gérard et des grefliers 
‘lu parlement de Dôle. 


( 518 ) 

résolu d’être lui-même l’exécuteur de la sentence émanée 
du roi. Quand il arriva à Luxembourg, on venait d’y rece- 
voir la nouvelle de l'attentat de Jauregui; presque tout le 
monde, dans cette ville, croyait le prince d'Orange mort. 
Gérard déclara depuis — et la chose paraît fort vraisem- 
blable — qu'il s'en était réjoui, parce qu’ainsi justice 
était faite, sans qu’il fût dans la nécessité de s’exposer à 
un danger certain, Il se mit alors, en qualité de clerc, au 
service de Jean Dupré, son cousin et bourguignon comme 
lui, qui était secrétaire du comte Pierre-Ernest de Mans- 
felt, gouverneur de la province de Luxembourg. 

Il sut, bientôt après, que Guillaume n'avait pas suc- 
combé à sa blessure. Cela le fit revenir au projet pour 
lequel il avait quitté son pays, et il se promit fermement 
de l’accomplir, quoi qu'il pût en résulter. [Il espérait en 
trouver l’occasion, quand le comte de Mansfelt serait ap- 
pelé à l’armée du roi, pour y exercer sa charge de maré- 
chal général : son plan était de s'éloigner en secret du 
camp, dès que l’armée approcherait d’un lieu où l’on aurait 
signalé la présence du prince d'Orange, et d'aller trouver 
ce prince sous un faux nom. Afin de s'insinuer dans ses 
bonnes grâces, il ferait montre d'une grande ferveur pour 
la religion évangélique; en outre, 1l lui présenterait cer- 
tains cachets volants que, à l'insu de son cousin, il avait 
faits en cire rouge, avec l'anneau du comte de Mansfelt. 

Le comte quitta Luxembourg le dernier novembre 
1582 (1), se rendant au quartier général d'Alexandre Far- 


(1) C’est ce que Mansfelt lui-même annonce au prince de Parme, dans une 
lettre du 50 novembre : « Je délaisseray — lui dit-il — d’escrire à Vostre 
» Altèze plus amplement jusques à ma venue devers elle, où je m’achemine 
» pour y arriver en peu de jours. » (Archives du royaume.) 


na le Er ti Et 


( 519 ) 

nèse, qui venait de prendre Ninove, et s’avançait jusque 
dans le Brabant, du côté de Bruxelles. Il l’'accompagna à 
Tournay, où ce prince alla passer l'hiver. Au printemps 
de 4585, il fut chargé d'appuyer les opérations du comte 
Charles, son fils, qui faisait le siége d’'Eindhoven : il ar- 
riva, vers le milieu d'avril, à Weert, où il séjourna jus- 
qu'au 40 mai. Il en partit sur l’ordre quil reçut de Far- 
nèse de se rendre maître de Turnhout et de Diest : il força 
successivement ces deux villes à capituler après une courte 
résistance. Mansfelt croyait avoir à se plaindre du prince 
de Parme. Après la reddition de Diest (26 mai), il pré- 
texta sa santé et ses affaires pour reprendre le chemin du 
Luxembourg (1). 

Balthasar Gérard l'avait suivi à l’armée; il fut vive- 
ment contrarié en apprenant que son maître s’en retour- 
nait, car l’occasion sur laquelle il avait compté lui échap- 
pait ainsi. Ce motif le détermina à demander son congé; 
toutefois, sur les instances de son cousin, il consentit à 
rester encore avec lui, dans l'espoir que le comte repar- 
tirait bientôt pour le camp : on lui en donnait l’assu- 
rance, et il pouvait d'autant plus y croire, que Mansfelt 
lui-même annonçait sa prochaine arrivée au prince de 
Parme (2). 

_ Cependant l’état des affaires publiques ne permit pas 
au gouverneur du Luxembourg de s'éloigner de cette pro- 
vince. Gérard alors imagina quelque fâcherie avec son 
cousin, afin d'y trouver matière à une séparation. A la 


(1) Lettres de Mansfelt à Farnèse, des 26 el 28 mai 1583; lettres de 
Farnèse à Mansfelt, des 27 et 29 mai. (Archives du royaume.) — Lettre de 
Farnèse au roi, du 6 juin. (Archives de Simancas, Estado, liasse 586.) 

(2) Lettre du 10 juin 1583, écrite de Luxembourg. (Archives du royaume.) 


( 520 ) 
suite de cette querelle, il présenta à la signature du comte 
de Mansfelt un passe-port qu'il avait fait pour lui; mais, 
avant de le signer, le comte voulut avoir l'avis de son se- 
crétaire, qui l'en dissuada. Gérard demeura forcément, 
de la sorte, à Luxembourg. 

Depuis, il essaya d’autres expédients pour en partir, 
sans y réussir mieux. Sur ces entrefaites, il arriva qu’on 
prit, dans le coffre du secrétaire Dupré, quatre cent cin- 
quante écus : Gérard, craignant que la malveillance ne 
lui imputät ce larcin, s'il insistait sur sa démission dans 
une pareille conjoncture, résolut de continuer provisoi- 
rement son service. Quelque temps après, l'argent volé 
se retrouva : alors il ne songea plus qu'à profiter de la 
première circonstance qui pourrait favoriser sa retraite. 
Deux compagnies d'infanterie wallonne cantonnées dans 
le Luxembourg , et qui appartenaient au régiment du 
comte Octavio de Mansfelt, fils du gouverneur, ayant été 
mandées par le prince de Parme (1), il se disposait à les 
accompagner : une maladie qui survint à son cousin, et 
qui dura plusieurs semaines, l'en empêcha. C'était en dé- 
cembre 1583. Enfin, au mois de mars de l’année suivante, 
il prit son congé de lui-même, partant à l'insu du comte 
de Mansfelt, et contre le gré de son cousin, à qui il dit 
qu'il se rendait en Espagne. 

Il n’était pas cependant sans scrupules sur l’action qu'il 


(1) Sur ce fait, comme sur tous les précédents, à partir du mois de mars 
1582, date de l’arrivée de Gérard à Luxembourg, nous avons consulté la 
correspondance du comte de Mansfelt avec le prince de Parme et d’autres 
documents officiels, et nous les avons trouvés en parfait accord avec la Con- 
fession de Gérard. Ainsi nous voyons, par une lettre de Farnèse au marquis 
de Roubaix, du 17 janvier 1584, que les deux compagnies wallonnes du 
comte Octavio de Mansfelt venaient d'arriver de Luxembourg à Tournay. 


( 21 ) 

voulait commettre, et il craignait aussi de faire quelque 
chose qui nuisît au service du roi. Pour tranquilliser sa 
conscience, 1l alla à Trèves déclarer, en confession, à un 
père de la compagnie de Jésus , régent du collége de cette 
ville, le projet dont son esprit était agité. Le père jésuite 
l’encouragea , lui dit qu'il prierait Dieu pour lui, et que, 
sil mourait dans cette entreprise, il serait mis au nombre 
des martyrs (1); mais il lui conseilla, avant tout, de com- 
muniquer son dessein au prince de Parme. Disons, en 
passant, qu'Alexandre Farnèse montrait beaucoup de sym- 
pathie pour la société de Jésus; qu'il faisait tout ce qui 
était en son pouvoir pour l’introduire dans les provinces 
des Pays-Bas où l’autorité du roi était reconnue, et que, 
dans ce temps-là même, il s’occupait de l'érection d'un 
collége de la société à Luxembourg (2). 

Gérard se rendit, sans perdre de temps, à Tournay, où 
le prince de Parme tenait sa cour. Admis le 21 mars (1584) 
en présence du prince, il lui délivra un écrit où, après 
avoir exprimé son étonnement de ce que, depuis le biscaïen 
Jauregui , nul des vassaux, soldats, serviteurs et sujets du 
roi ne s'était mis en devoir d'exécuter la sentence rendue 
contre Guillaume de Nassau , il annonçait l'intention bien 
arrêtée de s’en charger lui-même : « Jay maintes fois, et 
>» quasi par inquiétude d'esprit, — disait-1l — pourpensé 
» aux moyens qui seroient propres pour satisfaire de ma 
» part à ce devoir et service deu à Dieu, au roy et à la 


(1) Nous suivons ici l’aveu fait par Gérard, après qu’il eut été mis à la tor- 
ture, et qui nous paraît plus vraisemblable que ce qu’il dit là-dessus dans 
sa Confession. 

(2) Voir sa correspondance avec le comte de Mansfelt, aux Archives du 
royaume. 


( 522 ) 

» république; finalement me suis advisé de donner une 
» amorce à ce renard pour avoir accès vers luy, afin de le 
» prendre en temps opportun, et si proprement qu'il n'en 
» puisse échapper. » Il ne s’expliquait pas sur le plan qu'il 
avait concu; mais il offrait d'en donner connaissance au 
prince, s’il approuvait son entreprise, et 1l lui déclarerait 
en même temps comment on pourrait découvrir quelques- 
uns des espions des ennemis, ainsi que les traîtres qu'il y 
avait dans le parti du roi. Îl terminait en assurant qu'il 
« ne pourchassoit de faire cet exploit pour raison du prix 
» et faveur mentionnés en ladite sentence », mais parce 
qu’il voulait servir Sa Majesté de tout son possible et d’une 
sincère affection. 

Le prince de Parme tint d’abord assez peu de compte 
de l’offre de Balthasar Gérard, « la disposition du person- 
>» naige — ainsi l’écrivit-il plus tard au roi (1) — ne lui 
» semblant promettre emprinse de si grande impor- 
» tance: » Gérard, en effet, était petit de taille et d’une 
complexion grêle. Néanmoins Farnèse chargea le con- 
seiller d'État Christophe d’Assonleville de l'entendre sur 
les deux points articulés dans son écrit. 

Gérard exposa avec détail à ce ministre les moyens qu’il 
avait imaginés pour approcher le prince d'Orange et ga- 
gner sa confiance; 1} lui expliqua de même le parti qu'on 
pouvait, selon lui, tirer de l'emploi qui serait fait par les 
rebelles des cachets volants, anx armes du comte de Mans- 
felt, dont il était muni, et qu'il se proposait de leur délivrer. 
Il protesta derechef que son attachement à la religion ca- 
tholique et au roi était son seul mobile. Il demanda que le 
prince de Parme lui accordàt rémission de la faute qu'il 


(1) Lettre du 12 août 1584. 


( 525 ) 

avait faite, en fabriquant lesdits cachets volants, et de celle 
qu'il allait faire encore, par la destination qu’il leur don- 
uerait ; 11 sollicitait instamment cette grâce, afin de pou- 
voir se confesser et recevoir la communion pendant les 
fêtes de Pâques. T1 suppliait aussi le prince d’impétrer pour 
lui du pape nn bref d'absolution , à raison de ce qu’il lui 
faudrait « converser pendant quelque temps avec les héré- 
» tiques et athéistes, et aucunement s’accommoder à leurs 
» façons. » 

Le conseiller d’Assonleville fit quelques objections à 
Gérard; 1l lui représenta, surtout, le danger auquel l’expo- 
serait son entreprise, car le prince d'Orange était au centre 
de la Hollande, environné de ses gardes, de ses parents, 
de ses plus intimes amis. Gérard répondit qu'il en était 
bien certain, mais qu'il avait offert à Dieu le sacrifice de 
sa personne, afin de venir à bout de « ce monstre et peste 
» publique, » et qu'il souffrirait volontiers toutes les peines 
qui lui seraient infligées, pourvu qu'il délivrât le pays d’un 
tel tyran. I} était persuadé que Dieu l'avait choisi pour 
exécuteur de la sentence de mort de Guillaume de Nassau, 
et rien n’était capable désormais de le détourner de la ré- 
solution qu'il avait prise. 

Le prince de Parme, à qui d'Assonleville rapporta cet 
entretien, revint de son opinion première sur Gérard. fl 
comprit qu'il avait affaire à un homme énergique et dé- 
terminé. Alors non-seulement il n’hésita plus à approuver 
son projet, mais encore il le fit exhorter à y donner exé- 
cution (1). D’Assonleville, dans une dernière conférence 


(1) Dans sa lettre française au roi, du 12 août, Farnèse dit seulement : 
« Je le laissay aller, après lavoir fait exhorter par quelques-ungz &e ceulx 
» qui servent icy; » mais, dans sa lettre espagnole du 26 juillet, il est plus 


( 524 ) 

avec Gérard, lui garantit, au nom du prince, pour lui ou 
ses héritiers, les récompenses qui, selon l’édit de proserip- 
tion, devaient être le prix de l'assassinat; il lui recom- 
manda, s’il avait le malheur d’être arrêté, de ne faire au- 
cun aveu qui püt compromettre le prince. Il Tui dit enfin, 
en le congédiant : « Allez, enfant, si vous parachevez ce 
» fait, le roi vous tiendra tout ce qu'il a promis, et serez 
» immortalisé. » 

Avant de se mettre en route, Gérard se confessa au 
gardien du couvent des Cordeliers de Tournay, à qui il 
laissa copie des deux écrits par lui présentés au prince 
de Parme et au conseiller d’Assonleville (1). Frère Géry— 


explicite : « Le encaminé à ello , — ainsi s’exprime-1-il — c’est-à-dire « je le 
» dirigeai vers cela. » 

Herrera, Âistoria general del mundo, etc., partie IX, liv. XIV, ch. IX, 
dit que le prince de Parme fit endoctriner Gérard par le seigneur de Haulte- 
penne (Claude de Berlaymont) et le comte Charles de Mansfelt : nous ne trou- 
vons cette particularité dans aucun de nos documents ; mais Herrera pouvait 
l’avoir tirée de lettres qui ne sont pas parvenues à notre connaissance. 

Le président Renon de France prétend que le prince de Parme ne voulut 
faire donner à Gérard aucun argent, et pas même cinquante écus, pour son 
voyage, et que, aënsi rebuté, celui-ci déclara qu’il délibérait partir sur sa 
bourse. Cette assertion n’est guère admissible, en présence de la lettre de 
Farnèse du 26 juillet. Le président de France paraît s'être trompé sur ce 
point, comme il se trompe, lorsqu'il avance que l'accueil fait à Gérard fut 
« plus propre pour le retirer et divertir, que pour l’encourager à une em- 
» prinse si hazardeuse. » 

(1) Dans un voyage littéraire que dom Anselme Berthod, bénédictin de la 
congrégation de Saint-Vannes, fit aux Pays-Bas en 1774 (voir le Messager 
des sciences et des arts de la Belgique, t. VI, 1838, pp. 25-72), il parcourut, 
entre autres manuscrits, à Tournay, des recueils formés par dom Cambiez, 
prévôt de l’abbaye de Saint-Martin. Il nous apprend lui-même qu’il trouva, 
dans ces recueils, les deux écrits de Balthazar Gérard; mais il ne nous dit 
pas si c’étaient les originaux ou de simples copies. Si les recueils de dom 
Cambiez existaient encore quelque part, il serait curieux de vérifier ce point, 


| 
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( 92 ) 


tel était le nom de ce religieux — s'était fait connaître 
par l’ardeur de son zèle pour la gloire de Dieu et pour les 
intérêts du roi d'Espagne : au mois de mai 1566, étant à 
Lille, il avait prêché contre les gentilshommes signataires 
du compromis et auteurs de la requête contre l'inquisi- 
tion et les placards, en des termes tels que la duchesse 
de Parme s’en était inquiétée (1); pendant le siége de 
Tournay par Alexandre Farnèse, il avait travaillé active- 
ment à détacher la population catholique du parti des 
états (2). Il applaudit à l’entreprise de Gérard, le bénit, 
lassura qu'il ne l’oublierait point dans ses prières. Il 
exalta ainsi son fanatisme, et le fortifia dans sa résolution. 
On ne sait quel chemin prit Gérard, pour se rendre de 
Tournay en Hollande, ni de quels stratagèmes il usa, afin 
d'obtenir l'entrée des places qu’occupaient les troupes des 
Provinces-Unies, ou qui tenaient leur parti : dans sa Con- 
fession, dont nous aurons à nous occuper Bientôt, il dit 
seulement qu'il vint jusqu'à Delft, où se trouvait en ce 


temps le prince d'Orange, « en grand hasard des gens de 
_» guerre, tant d'un costé que autre ». On peut toutefois 


induire de quelques mots contenus dans la relation offi- 
cielle de l'assassinat (5), qu'il passa par Anvers, au risque 


_ d'éveiller les soupçons de Sainte-Aldegonde, qui avait, 


comme premier bourgmestre , le principal gouvernement 
de cette ville. 


(1) Voir les lettres de la duchesse au seigneur de Rassenghien et à l’aumé- 


| nier Hangouart, du 21 mai 1566, dans la Correspondance de Flandre, Ar- 
| tois, Lille et Tournay, t. VIII, aux Archives du royaume. 


(2) Le Petit, Grande chronique de Hollande, etc, liv. XIT, p. 456. 
(5) « Et lui conseilla ledit d’Assonleville, entrant en Anvers, qu'il lui 


| » monstrast lesdicts cachets, etc. » 
| 


( 926 ) 

Arrivé à Delft au commencement du mois de mai, 
Gérard s’adressa au ministre calviniste Pierre l'Oyseleur, 
plus connu sous le nom de Villiers, et lui fit voir les blancs 
seings qui étaient en sa possession. Il en fat bien accueilli. 
Villiers voulut même qu’il fût traité aux dépens du prince : 
il s'était imaginé qu’on tirerait de ces blancs seings, dont 
il se fit remettre quelques-uns, un très-grand parti. 

Guillaume habitait, à Delft, l'ancien couvent de Sainte- 
Agathe, devenu le Prinsenhof. Gérard s’y rendit, et pré- 
senta au prince une lettre où il disait avoir à l’entretemir 
de choses qui intéressaient à un haut degré le service de 
l'État et le bien de la religion évangélique. IL n’obtint 
pas d'abord de réponse, malgré ses pressantes sollicita- 
tions, et ce fut seulement après plusieurs jours que le 
prince chargea Villiers de l'entendre. Gérard déclara à 
celui-ci : qu'il s'appelait François Guyon, et était natif de 
Besançon; qu'il avait été toujours affectionné au prince, 
dans la personne duquel il honorait le vicomte de Besan- 
çon et le seigneur le plus considérable de toute la haute 
Bourgogne; qu'il était depuis longtemps animé du désir 
de lui en donner des preuves, mais surtout depuis la mort 
de son père, lequel , après l’entreprise du sieur de Beaujeu 
sur la ville de Besançon, au mois de juin 1575 (1), avait 
élé arrêté comme religionnaire et exécuté; que, dès lors, 
autant pour le déshonneur qui en rejaillissait sur lui, que 


(1) Dans la nuit du 21 juin 1575, les réformés bannis de Besançon, assistés 
de plusieurs de leurs coreligionnaires, allemands et français, et conduits par 
un gentilhomme lorrain, nommé Paul de Beaujeu, pénétrérent dans cette 
ville par escalade. Ils arrivèrent jusqu’à la place de Saint-Quentin : mais là, 
le sire de Vergy, gouverneur de la Franche-Comté, et l'archevêque Claude IH] 
de la Baume, ayant réuni à la hâte tout le monde dent ils pouvaient dispo- 


( 927 ) 

pour satisfaire à sa conscience, 1l avait formé le dessein 
d'abandonner sa patrie et de venir offrir ses services au 
prince; que, dans cette intention, il était parti de chez 
lui, deux années auparavant, avec un bon cheval et des 
armes; qu'en passant par le pays de Luxembourg , il voulut 
voir un sien Cousin, qui était secrétaire du comte de 
Mansfelt; que ledit cousin l’engagea à demeurer avec lui 
quelque temps, et qu’il y consentit; que, chaque fois qu'il 
résolut ensuite de le quitter, il survint des circonstances 
qui y mirent obstacle, mais qu’enfin, aux dernières fêtes 
de Pâques, il y fut absolument contraint. Il raconta, à ce 
propos, qu'il y avait, en la maison du comte de Mansfelt, 
un prêtre de Bruxelles qui était fort rigoureux contre ceux 
qu'il soupconnait de professer la religion réformée; que 
ce prêtre exerçait sur lui une surveillance inquisitoriale; 
que, pour s’y soustraire, il alla passer les fêtes de Pâques 
à Trèves; qu’il feignit, à son retour, de s'être confessé et 
d'avoir reçu la communion en l’église des PP. Jésuites de 
cette ville; que le prêtre en question, ayant découvert la 
vérité, entreprit de se saisir de sa personne, et qu'en se 
défendant, il le tua; qu’alors, il se sauva à Trèves, d'où il 
s'était dirigé vers la Hollande. Il ajouta qu'il était en posi- 
tion de rendre de notables services au prince, et, à l'appui 
de ses dires, il tira de sa manche un paquet rempli de 
cachets volants du comte de Mansfelt. 


ser, les combattirent et les mirent en fuite, Un grand nombre fut massacré ; 
d’autres périrent dans le Doubs, en essayant de se sauver à la nage, Ceux 
qui tombèrent aux mains du gouverneur et de l’archevêque furent, ou 
pendus, ou décapités, ou écartelés, ou trainés sur la claie. (Voy. l’Æis- 
| toire de la Franche-Comté, par M. Eugène Rougebief, Paris, 1851, in-8, 
| p. 467.) 


( 928 ) 

Ce récit, débité avec assurance par Gérard, était, à 
de légères variantes près, conforme au plan qu'il avait 
développé dans l'écrit remis au conseiller d’Assonleville. 
Tout y était faux, à l'exception du séjour fait chez le secré- 
taire Dupré et du voyage de Trèves. On comprend pour- 
quoi Gérard avouait qu'il avait demeuré avec son cousin; 
il lui fallait justifier l'existence entre ses mains des blancs 
seings du comte de Mansfelt : on ne s'explique pas aussi 
bien le motif qui l’engageait à parler de son voyage à 
Trèves, et à imaginer la fable dans laquelle il l’enveloppait. 

Le prince d'Orange, sur le compte qu'on lui rendit du 
discours de Gérard, voulut qu'il indiquât lui-même le 
parti qu'on pouvait tirer des cachets dont il était posses- 
seur. Gérard répondit qu'on s’en servirait avec fruit pour 
quelque entreprise sur l’une ou l’autre ville du pays de 
Luxembourg, et en tout cas pour les espions qu’on enverrait 
dans les lieux occupés par l’ennemi. Le prince ne trouva 
pas qu’il fût possible de tenter quelque chose d'important 
par de tels moyens : il demanda seulement un certain nom- 
bre de cachets, qu'il se proposait de faire passer à Bruxelles, 
où ils seraient délivrés aux messagers qui allaient de cette 
ville à Cambrai, et vice versa. Quant au reste, après en 
avoir conféré avec le S' des Pruneaux, ambassadeur du duc 
d'Anjou près les Provinces-Unies, il jugea que peut-être 
le maréchal de Biron, qu'on désignait alors comme de- 
vant être appelé au gouvernement de Cambrai, serait 
bien aise de les avoir, afin de les utiliser pour des passe- 
_ ports. Les états généraux députaient en France Noël Caron, 
S" de Schoonewalle, ancien bourgmestre du Franc de 
Bruges : le prince lui commanda d'emmener Île prétendu 
Guyon, que Villiers avait disposé à faire ce voyage. 

Ce n'était pas que Gérard ne s’éloignat à regret de Delft; 


(1529: ) 
mais il lui imporlait d’écarter de lui toute défiance. Dans 
le même but, à peine arrivé en France, il écrivit qu'on 
lui promettait de le présenter bientôt au S' de Beaujeu, 
qui voudrait sans doute récompenser en sa personne Îles 
services de son père. Cependant, il n'avait ni repos ni 
sommeil, tant il était tourmenté du désir d'exécuter son 
entreprise : afin d'être renvoyé en Hollande, 1l cherchait 
querelle, à tout propos, aux serviteurs du S' de Schoone- 
walle, et il n’était sorte de mauvais tours qu'il ne leur jouàt. 

Sur ces entrefaites, le duc d'Anjou mourut à Château- 
Thierry (10 juin 1584). Le S' de Schoonewalle, à l’instante 
prière de Gérard, le chargea, le 12 juin, des lettres par 
lesquelles il informait le prince d'Orange et les états géné- 
raux d’un événement qui pouvait avoir pour les Provinces- 
Unies de si graves conséquences. Guillaume était encore 
au lit, lorsqu'il reçut ces lettres : il fit venir en sa chambre 
celui qui les avait apportées, et l’interrogea sur les parti- 
cularités de la mort du duc. Selon ce qu'il confessa depuis, 
Gérard regretta de n’avoir pas en ce moment une dague, 
un couteau, ou même un canif, pour le plonger dans le 
cœur du prince. 

Dés lors, il ne cessa plus de songer aux moyens de 
mettre son projet à exécution. Îl fréquenta régulièrement 
les prêches, donnant des marques d’une dévotion outrée, 
ayant toujours à la main des psaumes ou quelque autre 
livre de piété. Le plus souvent on lui voyait lire le fameux 
poème de la Semaine du seigneur du Bartas, « auquel — 
» dit l’historien Le Petit — l'endroit le plus usé estoit 
» celuy de l’histoire de Judith, où y a quelques traicts 
» pour animer les cœurs à extirper les tyrans (1). » Quel- 


——————————————————————— 


(1) Grande chronique de Hollande, liv. XII, p. 492. 
Tome xxu1, — J["° parT, 91 


( 230 }) 
quefois 1l priait le portier de lui prêter sa Bible, et il en 
lisait devant lui l’un ou l’autre chapitre. Il cherchait ainsi 
à s'insinuer de plus en plus dans la maison du prince. 

Il n'avait qu’à s’'applaudir de ses artifices : car nul des 
ministres ni des serviteurs de Guillaume n’avait conçu le 
moindre soupçon de lui. Cependant, comme on se propo- 
sait de le renvoyer en France avec des dépêches, on lui 
dit de se préparer à partir (1), et qu'il n’avait plus que faire 
au Prinsenhof. Là-dessus 1l demanda quelque argent, mon- 
trant le mauvais état de ses chausses et de ses souliers. Le 
prince ordonna qu’on satisfit à sa requête. Une douzaine 
d’éeus lui furent comptés le dimanche 8 juillet. 

Le moyen auquel Gérard s'était définitivement arrêté 
pour l’assassinat du prince d'Orange, était de lui tirer un 
coup de pistolet, soit lorsqu'il se rendrait au prêche, soit 
quand il irait se mettre à table, ou en sortirait. Avec 
l'argent qu'il venait de recevoir, il acheta, le 9 juillet, 
un pistolet d’un soldat de la garde du prince, nommé 
René : l'ayant essayé, et trouvant qu'il ratait, 1l en acheia 
deux autres du sergent de la Forest, qui servait dans la 
compagnie du capitaine Caulier; il éprouva ceux-c1 trois 
ou quatre fois, pour s'assurer de leur bonté (2). Il tenta de 
se procurer aussi des balles ramées, et il se querella avec 
un autre soldat de la garde, qui refusa de lui en faire. Il 
avait l'intention de tuer le prince ce jour-là même; mais, 
voyant qu'il lui serait impossible de s'échapper, il ne l'osa 
point. 


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(1) Je suis ici la Grande chronique de Le Petit. Cet historien était à Delft, 
et l’on ne doit pas s'étonner s’il donne quelques détails qui manquent dans la 
relation officielle. 

(2) Le Petit, Grande chronique de Hollande, p. 492. 


( 91 ) 

Le lendemain, sa résolution se raffermit, et il se rendit 
au Prinsenhof, décidé irrévocablement à frapper sa vic- 
ume. [l voulut d’abord s'assurer si le prince dinerait dans 

la salle à manger d'en bas : il l’attendit au pied de l’esca- 
lier qui y conduisait de sa chambre. Lorsque Guillaume 
parut, 1l lui adressa la parole, le priant de lui faire déli- 
vrer le passe-port dont il avait besoin. Tout déterminé que 
fût Gérard, la princesse d'Orange, Louise de Coligny, re- 
marqua que sa voix était tremblante; elle lui trouva aussi 
une mauvaise mine : elle en fit faire l'observation à son 
mari, en demandant qui était cet homme. Le prince ré- 
pondit qu’il sollicitait l'expédition d’une dépêche, et passa 
dans la salle à manger. Gérard sortit aussitôt pour aller 
prendre ses pistolets, qu'il chargea : l’un de deux balles, 
et l’autre de trois. Un peu après, on le vit du côté des 
écuries, situées derrière le Prinsenhof, dans la direction 
des remparts de la ville, Ensuite il vint se placer près de 
la porte de la salle où le prince était à table, s'appuyant 
contre un des piliers de la galerie : il avait les deux pis- 
tolets à sa ceinture, du côté gauche, laissant pendre son 
manteau du côté droit, afin de détourner les soupçons. 

Guillaume avait retenu à dîner le bourgmestre de Leeu- 
warden, Rombert Uylenburgh , que les villes de Frise lui 

| avaient envoyé, pour négocier quelque affaire qui les inté- 
| ressalt ; c'était le seul convive étranger à la famille, qui 
| se composait, ce jour-là, de la princesse d'Orange, de la 
comtesse de Schwarzbourg, sœur du prince, et de trois de 
ses filles, les deux aînées et la plus jeune. Pendant le 
repas, Guillaume s’entretint avec le bourgmestre de Leeu- 
warden de l’état de la Frise. Le diner fini, et comme il 
| se levait, il vit entrer dans la salle le colonel anglais 
| Morgan avec plusieurs autres personnes, IT rappela Uylen- 


( 032 ) 
burgh, qui se tenait en arrière, pour lui parler de diffé- 
rentes choses; 1l échangea ensuite quelques mots avec le 
colonel Morgan ; puis il se dirigea vers la porte (1). 

Il était à peine sorti de la salle, que Balthasar Gérard, 
s'approchant, et feignant de lui rappeler sa requête, lui 
déchargea en pleine poitrine le pistolet dans lequel il avait 
mis trois balles. Le coup fut si soudain que personne ne 
put l’apercevoir ni le prévenir. Guillaume se sentit frappé 
à mort. Le malheureux prince ne dit que ces seuls mots : 
« Mon Dieu, aie pitié de mon àme, je suis fort blessé; 
» mon Dieu, aie pitié de mon âme et de ce pauvre 
» peuple! » et les deux derniers expirèrent presque sur 
ses lèvres. Son écuyer, Jacques de Malderen, le voyant 
chanceler, le soutint et l’assit sur les degrés de l'escalier. 
Là son regard, près de s’éteindre, se porta avec tristesse 
sur la princesse sa femme et la comtesse sa sœur. La com- 
tesse lui ayant demandé, en allemand, s'il ne remettait 
pas son âme entre les mains de Jésus-Christ, 1l répondit 
que oui dans la même langue. Il ne proféra plus une seule 
parole. Peu d'instants après, on le déposa sur un lit dans 
la salle où il avait diné, et il y rendit le dernier soupir, 
au milieu des sanglots de sa famille et de ses serviteurs. 

Cependant le meurtrier n'avait pas négligé les moyens 
de se soustraire aux conséquences de son crime. Il avait 
étudié les lieux avec soin; il portait sur lui deux vessies 
et un chalumeau destiné à les enfler; il comptait s'en 
servir, ne sachant pas nager, pour traverser les fossés, 


2 


(1) Ces détails sont empruntés à une lettre que le bourgmestre Uylenburgh 
écrivit, le jour même, au magistrat de Lecuwarden, et qui a été publiée 
dans les Pijdragen voor vaderlandsche geschiedenis en oudheidkunde, de 
M. Nijhof®, t. Il, p. 120. | 


( 555 ) 

remplis d’eau, qui baignaient les murs des remparts; il 
tenait hors de la ville un cheval tout sellé (1). Aussitôt 
qu’il eut lâché son coup, il s'enfuit vers la cour de der- 
rière qui communiquait avec les écuries. Il avait à des- 
cendre quatre ou cinq degrés de la galerie; il les franchit 
d'un saut. Dans ce moment, le second pistolet qu'il portait 
à la ceinture, et dont il avait vraisemblablement l’inten- 
tion de se servir contre ceux qui l’auraient approché, 
tomba à terre; il ne le ramassa point, afin de se sauver 
plus vite. Il traversa rapidement les écuries, et prit la rue 
de l'École, qui menait aux remparts. Il était déjà bien avant 
dans cette rue, lorsque, passant sur du fumier pour rac- 
courcir son chemin, il tomba. S’'étant relevé promptement, 
il reprit sa course. Il allait monter sur le rempart, d’où il 
se serait jeté dans les fossés, lorsqu'il fut atteint par un 
laquais et un hallebardier du prince qui s'étaient mis à sa 
poursuite, et que d’autres serviteurs de la maison d'Orange 
reJoignirent presque en même temps (2). 

Dans le premier moment, il manifesta quelque appré- 
hension ; mais, voyant qu’on ne le tuait pas sur-le-champ, 
il se remit. Un de ceux qui l'avaient arrêté lui ayant dit : 
« Tu es bien méchant! — Je ne suis point méchant, ré- 
» pondit-il; j'ai fait ce que le roi m'a commandé. — Quel 
» roi, répliqua l’autre? — Le roi d'Espagne, mon maître. » 
On le ramena au Prinsenhof. Arrivé à la porte par la- 


(1) Cette derniere particularité ne se trouve ni dans la relation officielle, 
ni dans Le Petit, ni dans Van Meteren ; nous la tirons du Glorieux et triom- 
phant martyre de Balthazar Gérard , dont l’auteur paraît avoir été bien 
renseigné. 

(2) Le Petit, Grande chronique de Hollande, liv. XHIT, p. 493. — Van 
Meteren, Æistoire des Pays-Bas, lix. XIT, fol. 238. 


(534) 


quelle il était sorti, il s’écria : « Ah! porte, porte, tu m'as 
» trompé, je vois bien que je suis mort! » 

Au bruit de l’assassinat, le magistrat de la ville était 
accouru au Prinsenhof; il se mit en devoir d'interroger 
l'assassin, qu'on venait de conduire en la chambre du con- 
cierge. Gérard demanda du papier et de l'encre, promet- 
tant de dire toute la vérité; on satisfit à son désir. I écrivit 
alors cette fameuse Confession qu’on n'avait connue, jus- 
que dans ces derniers temps, que par une analyse impar- 
faite, et dont j'ai eu le bonheur de recouvrer le texte tout 
entier. 

Lorsqu'on lit attentivement cette pièce, 1l est impos- 
sible de n'être pas frappé de la sérénité de l'assassin, dans 
un moment où tout est douleur et confusion autour de lui; 
de sa fermeté, en présence du supplice inévitable qui Pat- 
tend; de sa véracité même car, s'il se tait sur ses rapports 
avec le prince de Parme et le conseiller d’Assonleville, pour 
rester fidèle à la promesse qu'il a faite, et s’il s’abstient, 
par un motif facile à comprendre, de rappeler les encou- 
ragements que le jésuite de Trèves et le cordelier de Tour- 
nay ont donnés à son entreprise, Il dit tout le reste, 
depuis le temps où il a conçu la première pensée de l’as- 
sassinat jusqu’au jour où il la perpétré. Après cela, pas le 
moindre repentir de l’action abominable qu'il vient de 
commettre : au contraire, 1] manifeste le regret de n’avoir 
pu, à cause de la résistance des hallebardiers, décharger 
son second pistolet sur le prince (1); 1l déclare que, s’il 


(1) Cette particularité est consignée dans la confession de Gérard, et c’est 
pourquoi nous la rapportons ici; mais elle n’est pas d'accord avec les détails 
de l'assassinat, tels qu’ils sont racontés par Le Petit et par les auteurs de la 
relation officielle, 


( 535 ) 

était à mille lieues de Delft, il s’efforcerait d'y revenir, 
pour le tuer. Il ajouta, après avoir remis sa confession au 
magistrat, que, le prince eût-1il été accompagné de cin- 
quante mille hommes de troupes, s’il eût pu l’approcher, 
il aurait fait ce qu'il venait de faire, et le ferait encore. 
On voulait lui laisser ignorer que le prince était mort; il 
demanda s'il était blessé : ayant reçu une réponse aflir- 
mative, 1} en témoigna sa joie, et dit qu'il n’en réchapperait 
pas. Jusqu'au dernier instant, 1l ne démentit pas une seule 
minute cet effroyable caractère. 

Nous essayerions en vain de peindre la consternation 
que répandit dans Delft, et bientôt après dans toutes les 
Provinces-Unies, la nouvelle de l'assassinat de Guillaume : 
« Par toute la ville — écrivait un témoin oculaire (1), — 
» l’on est en grand deuil, tellement que les petits enfants 
» en pleurent par les rues. » L'émotion fut d'autant plus 
grande qu'on craignit, dans le premier moment, que le 
coup ne fût parti d'un autre côté. Les états généraux don- 
nèrent avis du fatal événement, le jour même, à la reine 
Élisabeth, à leurs ambassadeurs en France, à Henri IE et 
à Catherine de Médicis. Ils en informèrent aussi les pro- 
vinces et les principales villes de l'Union, les exhortant 
à ne pas se laisser décourager par la perte que le pays 
venait de faire, quelque grande qu’elle fût. Ils supplièrent 
Henri IT de leur accorder un appui efficace, en leur en- 
voyant sans délai, avec les forces nécessaires pour tenir 
tête à l'ennemi, un seigneur de qualité et de suffisance, 
auquel 1ls promettaient d’obéir fidèlement. [ls deman- 
dèrent à la reine Élisabeth, « comme protectrice de la 


(1) Lettre de Cornélis Aerssens au magistrat de Bruxelles, du 11 juillet 
1584, 


( 536 ) 
» vraie parole de Dieu, » de leur continuer une assis- 
tance dont ils avaient plus besoin que jamais. 

Mais revenons au meurtrier. 

De la chambre du concierge du Prinsenhof, oùon l'avait 
gardé d’abord, Gérard fut transféré à la prison de la ville. 
Arrivé là, et soumis à un second interrogaloire, il con- 
firma, par de nouveaux aveux, ceux que renfermait sa 
confession : il dit, de plus, que, dans le cas où il lui aurait 
été impossible, cette fois, d'exécuter son projet, il serait 
retourné en France, qu'il s’y serait agrégé à quelque église, 
et S'y serait conduit de manière à obtenir de ceux du con- 
sistoire des lettres qui, en lui fournissant l’occasion de 
revenir en Hollande, lui donnassent un accès plus facile 
auprès du prince. Il se vanta d'avoir fait une œuvre agréable 
à Dieu, au roi et à tout le peuple chrétien; il ajouta qu’il 
en avait bien pesé les conséquences; qu’il s'attendait à être 
livré au bourreau, et qu’ils" y soumettait volontiers : « Quant 
» est de moy, — poursuivit-il — j'ai parfaict ce que, par 
» la grâce de Dieu, j'avoy proposé; vous autres, faictes ce 
» que vous semblera estre de vostre office; j'en suis très- . 
» content. » On l’appliqua à la question le soir même. 
Après l'avoir, cinq fois et à outrance, battu de verges, le 
bourreau lui enduisit de miel tout le corps, et fit venir un 
bouc , pour qu'il le léchât de sa langue âpre et raboteuse, 
de façon à lui enlever la chair (1). Ensuite on le mit dans 
un van, les pieds liés et garrottés avec les mains en forme 
de boule. D’autres tourments, tels qu'il s’en pratiquait à 
cette époque où les formes de la procédure criminelle 
étaient si barbares, furent encore employés, afin de le 


(1) Selon l’auteur qui nous fournit ces détails, le bouc, plus humain que 
les bourreaux, ne voulut pas toucher au corps de Gérard. 


( 587 ) 
forcer à déclarer les complices qu'on lui supposait, et ceux 


qui l'avaient instigué à commettre le crime : il avoua 
alors les rapports qu’il avait eus avec le prince de Parme, 
le conseiller d'Assonleville et le cordelier frère Géry. Le 
11 juillet, la question lui fut donnée une seconde fois. Son 


impassibilité au milieu des plus cruelles épreuves remplit 


_ de stupéfaction tous les assistants : « Je n’ay ouy de ma vie 


— écrivait aux bourgmestres et échevins de Bruxelles le 
conseiller pensionnaire Aerssens, — » je n’ay ouy de ma 
» vie une plus grande résolution d'homme ni constance. Il 
» n'a oncques dict ay my; mais en tous tourmens il s’est 
tenu sans dire mot, et sur tous interrogatoires a res- 
pondu bien à propos et avec bonne suyte, disant quel- 
quefois : Que voulez-vous faire de moy? Je suis résolu de 
mourir, aussy d'une mort cruelle. Je n'eusse laissé mon 
entreprinse, ni encores, si j'estois libre, la laisseroye, 
» combien que je deusse mourir mille morts. » 

Les états de Hollande, à qui il fut fait rapport du 
résultat de ce second examen, ainsi que du peu d’appa- 
rence quil y avait d’arracher, par la torture, d’autres 
aveux au prisonnier, délibérèrent sur le point de savoir 
s’il ne serait pas procédé immédiatement à sa condamna- 
tion. Comme on attendait encore les députés de plusieurs 
des villes de la province, ils décidèrent qu'on la différerait 
de quatre ou cinq jours, et qu'on manderait le bourreau 
d'Utrecht, pour prêter son assistance à celui de Delft, 
dans une troisième épreuve à laquelle le prisonnier serait 


GE AU er TE 


| SOUMIS. 


Cette épreuve eut lieu le 43. Les deux bourreaux, ja- 


| Joux de se surpasser (4), imaginèrent à l’envi les tortures 


PAL fut payé à maître Jacob Michielsz., bourreau d'Utrecht, soixante 


(538) 


les plus affreuses. Le patient fut hissé en Pair, les mains 
liées derrière le dos; on suspendit à chacun de ses orteils 
un poids de cent cinquante livres, et on le laissa pendant 
une demi-heure dans cette position. Au bout de ce temps, 
on le descendit; on le plaça nu devant un grand feu; on 
lui mit aux pieds des souliers de cuir très-rude huilés 
fortement; on fit couler sur son corps de la graisse ar- 
dente; on le brûla sous les aisselles; on lui endossa une 
chemise trempée d’eau-de-vie, à laquelle on mit le feu. Il 
resta ainsi deux heures durant, Après, on lui enfonça de 
longues aiguilles entre les ongles et la chair des doigts. 
Rien de tout cela (1) ne put vaincre son énergie : seule- 
ment il confessa que le jésuite de Trèves et le cordelier 
frère Géry l'avaient animé à accomplir son dessein. Comme 
il ne poussait aucun cri, et ne donnait aucun signe de 
douleur, les bourreaux crurent qu'il avait un charme; ils 
usèrent de quelque moyen pour le rompre. Voyant qu'ils 
n'y réussissaient pas, ils lui demandèrent où étaient ses 


livres, et à maître Willem Willemsz., bourreau de Delft, cinquante livres pour 
leurs vacations. Comme le fait remarquer M. Arendt ( Recherches critiques 
et historiques sur la confession de Balthazar Gérard, p.51), ces sommes 
sont exorbitantes pour l’époque : il fallut, pour qu’on les allouât aux deux 
maîtres des hautes œuvres, qu’ils eussent fait un service tout à fait extraor- 
dinaire et inusité. 

(1) Notre savant confrère M. Arendt (Recherches , ete. p, 25) exprime 
quelque doute sur la réalité des tortures dont nous donnons le détail, d'apres 
le manuscrit de frère Jean Ballin. Nous voudrions douter comme lui, car de 
telles atrocités nous font horreur. Mais, après avoir lu bien attentivement la 
relation reproduite par ce moine, nous la considérons comme l’œuvre de 
quelqu'un qui était en effet sur les lieux, ainsi qu'il l’atteste, qui fut bien 
informé , et qui dit la vérité en tout ce qui concerne l'arrestation, le juge- 
ment et l'exécution de Balthazar Gérard. 

On remarquera, d’ailleurs, que plusieurs des détails dans lesquels entre cet 
auleur anonyme sont confirmés par les lettres de Cornélis Aerssens. 


( 539 ) 


pensées, lorsqu'on le tourmentait : « Bon Dieu, patience!» 
fut sa seule réponse. Ils voulurent savoir comment il pou- 
vait être insensible aux peines qu'on lui faisait endurer; il 
repartit que c'était par le bénéfice des saints et de leurs 
prières. Parmi les magistrats qui assistaient à son examen, 
il yen eut quil entendit s’émerveiller de sa constance : 
« La constance, — leur dit-il — vous la pourrez voir à 
» ma mort. » Il répondit toujours fort doucement à ses 
juges, lesquels il remercia de la nourriture qu'ils lui avaient 
fait donner en prison, promettant, pour les en récompen- 
ser, de leur servir d'avocat dans le paradis. L’un d’eux lui 
ayant demandé de quel paradis 1l parlait : « Je n’en con- 
» nais qu'un, » répliqua-t-il. 

Les députés du conseil provincial de Hollande, ceux de 
| la justice de Delft et les échevins de la ville, qui ensemble 
| avaient été commis pour l'examen et le jugement du pri- 
| sonnier, rendirent leur arrêt le 14 juillet. Le crime de 
| Gérard était exécrable, la sentence fut atroce. Elle portait 
| que le criminel serait exécuté devant la maison de ville ; 
| que sa main droite, qui avait servi à la perpétration de 
| l'assassinat, serait froissée et brûlée dans un gaufrier ar- 
| dent; qu'on le tenaillerait et brûlerait, au moyen de te- 
nailles rougies au feu, jusqu’à six fois, aux bras, aux jambes 
| et dans les endroits les plus charnus; qu'il serait écartelé 
| vif; qu'on lui ouvrirait le ventre, et qu'on en tirerait le 
| cœur, pour le lui jeter au visage: que les quatre quartiers 
| de son corps seraient appendus aux boulevards des portes 
| dites Haechepoorte, Oostpoorte, Ketelpoorte et Waterloo- 
Schepoorte , et sa tête exposée au haut d’une pique, sur le 
| Schooltorn, derrière le Prinsenhof. 
| Les historiens protestants ne sont pas d'accord avec les 
écrivains catholiques sur l'impression que fitau meurtrier 


| 
R 


( 540 ) 


la lecture de cette sentence : « De prime face — dit Le Petit, 
répété par Van Meteren — il fut fort perplexe, maudis- 
sant l'heure qu’il aprint jamais la pratique à Dôle; qu'il 
eût bien voulu avoir esté un pauvre meschanique et 
simple homme de mestier, pour ne point estre tombé 
en ce désastre; il déploroit grandement sa mort; toutes- 
» fois il dit enfin, puisque la folie en estoit faite, qu'il 
» falloit qu’il souffrît la folle enchère (1). » Selon l’auteur 
d’une relation anonyme, reproduite par frère Jean Ballin, 
dont le manuscrit est à la bibliothèque de Mons, «il ouit 
» fort patiemment et doulcement la sentence, et, icelle 
» finée, il dist ce que le très-sainct martyr sainct Cyprian 
» avoit dit autrefois : Deo gratias. » La seconde version, 
nous devons le déclarer, nous paraît la plus vraisemblable. 

Quoi qu'il en soit, l'exécution de la sentence eut lieu 
immédiatement après. Nous en connaissons tous les détails 
d’une manière certaine, car 1ls nous ont été transmis par 
trois témoins oculaires : par Cornélis Aerssens, conseiller 
pensionnaire de la ville de Bruxelles et l’un des députés 
du Brabant à l'assemblée des états généraux, par l’histo- 
rien Le Petit (2) et par l’auteur anonyme que nous avons 
cité il n’y a qu'un instant. Gérard fut conduit au supplice, 
entre les deux bourreaux qui l'avaient torturé. La ques- 
tion qu'il avait subie la veille lui avait mis les pieds en 
lambeaux : 1l n’en marchait pas moins fermement; il avait 
l'œil vif et la contenance assurée. On lui avait rasé les che- 
veux, la barbe et tous les poils du corps, présumant qu’il 
avait quelque sort sur lui. 


UT EE a 


(1) Grande chronique de Hollande, liv. XIII, p. 496. — Æistoire des 
Pays-Bas, liv. XII, fol. 238 v. 
(2) Grande chronique de Hollande, liv. XI, p. 496. 


( 94€ ) 

Monté qu'il fut sur l’échafaud, on le lia à un poteau qui 
avait été dressé : de là, dit Le Petit, e il voyoit à œil 
descouvert embraser le gaufrier et les tenaiiles qui de- 
voient servir à l'office; il voyoit le blanc charnier sur 
lequel 1l devoit estre taillé en quartiers, les cousteaux 
et la cognée, sans toutesfois s’en esmouvoir en rien. » 
Les deux bourreaux commencèrent par rompre, sur une 
enclume, avec des marteaux de fer, le pistolet qui avait 
_ servi à l’assassinat: comme le marteau de l’un d'eux, s'étant 
démanché, effleura les oreilles de son compagnon , ‘des 
rires éclatèrent parmi le peuple, et Gérard sourit aussi. 
Cela fait, les bourreaux le délièrent , lui ôtèrent son pour- 
point, firent tomber son haut de chausses sur ses pieds, 
en rapprochant et réunissant les pans de sa chemise à l’en- 
droit des parties honteuses; puis ils l’attachèrent derechef 
au poteau. Alors, lui prenant la main droite, ils la mirent 
dans le gaufrier, qui était tout rouge, et l’y laissèrent jus- 
qu'à ce qu'elle füt presque entièrement brülée; le patient 
eut néanmoins encore la force de la lever, comme pour 
dire : « Voilà la main qui à fait le coup! » 

Les bourreaux, continuant leur office, le tenaillèrent 
à l'extrémité du bras droit, aux muscles des deux bras, 
aux cuisses et aux jambes. [l subit ces horribles tourments, 
sans retirer ni mouvoir un seul membre, sans faire en- 
tendre de plainte, sans changer un instant de couleur. Il 
récitait, pendant ce temps-là , les sept psaumes de la pé- 
pitence, On le vit aussi faire des signes de croix, et en 
envoyer aux spectateurs qu'il avait devant lui. Lorsque les 
bourreaux le délièrent une seconde fois, pour le mettre 
sur le banc où l’attendaient des tourments plus horribles 
encore, il alla s’y placer de lui-même, après avoir jeté ses 
hauts de chausses hors de ses pieds, - 


WW) M S Wir 


( 542 ) 

À ce moment, 1l s'éleva quelque tumulte parmi la foule 
qui occupait le Marché. Une femme du peuple, émue de 
l'affreux spectacle qui s’offrait à ses yeux, dit à ceux qui 
l'entouraient: « Que veut-on tant faire de mal à ce pauvre 
» homme, quand tout est dit ? Il n’a tué qu'un homme, et 
» on le fait mourir de mille morts! » Les bourgeois aux- 
quels elle s'adressait, irrités de ce langage , la poussèrent 
en arrière, avec toute sorte d'injures. Ceux qui étaient un 
peu plus loin, entendant du bruit, et ne sachant ce que 
c'était, commencèrent à Ss'agiter; quelques-uns crièrent 
aux armes; 1l y en eut même qui battirent le tambour. 
L’assassin était déjà couché sur le banc : les bourreaux se 
prirent de peur, et furent sur le point de le quitter ; mais 
le magistrat leur eria que ce n’était rien; qu'ils fissent 
leur devoir. Rassurés par là, 1ls se remirent à l’œuvre. 
D'abord ils coupèrent les génitoires du criminel; ensuite, 
avec un couteau qui avait la forme d’une croix, ils lui 
ouvrirent le ventre, et en arrachèrent les entrailles ; ils 
firent de même de la poitrine, dont ils tirèrent le cœur, 
pour le lui jeter au visage. Durant cette cruelle exécution, 
à laquelle les bourreaux procédaient avec une lenteur 
calculée, Gérard disait des prières bien bas, ainsi que le 
manifestait le mouvement de ses lèvres ; pas un cri, pas 
un soupir ne sortit de sa bouche. Il avait cessé de vivre, 
lorsqu'on le mit en quatre quartiers. 

Telle fut la fin de Balthasar Gérard. À Rome, en Es- 
pagne et dans les Pays-Bas catholiques, on célébra sa 
mémoire comme celle d’un martyr. L'histoire, qui juge 
sans passion et dont les arrêts se fondent sur les prin- 
cipes immuables de la morale, ne peut le placer qu'au 
rang des assassins. Citons, toutefois, la remarque d'un 
écrivain dont l'opinion ne sera pas suspecte : « Le-crime 


( 943 ) 

de Gérard — dit Voltaire — était le crime du temps. 
Les anabaptistes avaient commencé. Une femme en 
Allemagne, pendant le siége de Munster, avait voulu 
imiter Judith... Poltrot de Meré avait assassiné Fran- 
çois, duc de Guise, par les mêmes principes. Les mas- 
sacres de la S'-Barthélemy avaient mis le comble à ces 
horreurs. Le même esprit fit ensuite répandre le sang 
de Heori [IL et de Henri IV... (1). » 

Les premières nouvelles que le prince de Parme et les 
ministres qui formaient son conseil reçurent de l’assas- 
sinat du prince d'Orange, étaient assez confuses; aussi 
Farnèse n’y voulut-il pas croire d’abord : mais des lettres 
écrites de Hollande, et qui furent interceptées, vinrent 
dissiper ses doutes. Depuis, des informations plus précises 
le mirent au courant de tout ce qui s'était passé (2). 

Il instruisit Philippe IT, le 26 juillet, de la mort de son 
plus implacable ennemi, se félicitant « qu'un homme si 
» pernicieux, et qui pouvait causer tant de mal à la chré- 
» tienté, au service de Dieu et à celui du roi, » eût reçu 
enfin la punition de ses méfaits. Il exalta l'acte du meur- 
trier; il déclara cet acte « digne de grande louange et 
» même héroique. » [l annonça au roi l’intention de s’in- 
former des parents du défunt, afin qu'il leur fût fait « la 
» mercède que méritait une si généreuse résolution (3). » 


D + A8 2 CS CN Où, Cy 


(1) Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, ch. CLXIV. 

(2) Lettre de Farnèse au roi, du 26 juillet. 

Il avait écrit précédemment, de sa main, au cardinal de Granyelle, une 
lettre que nous regrettons de n’avoir trouvée ni à Simancas, ni à Paris, ni 
à Bruxelles. Peut-être existe-t-elle dans la collection des papiers de Gran- 
velle, à Besancon. | 

(5) Lettre française au roi, du 12 août; lettre espagnole du 15 aout. 


( 44 ) 

Le cardinal de Granvelle, qui avait applaudi en des 
termes indécents à l'attentat du biscaien Jauregui, ne 
pouvait manquer d'approuver le crime du franc-comtois 
Gérard : « Alençon et Oranges — écrivit-il à son cousin le 
» prieur de Bellefontaine — sont bien où ils sont. L'on 
» debvra recognoistre, à l’endroit des parens, le martire 
» qu'a souffert nosire bon Bourguignon qu’a si bien exécuté 
» ledict d'Oranges, qui méritoit mieulx la peine que celui 
» qu'a entrepris et si bien exécuté un acte si héroïque (1).» 
Les sentiments de ce ministre, à qui la politique fit trop 
souvent oublier les devoirs et la mission de l’homme 
d'Église, éclatent encore dans sa lettre à don Juan de Idia- 
quez que contient notre recueil : « Alençon — dit-il au 
» principal secrétaire d'État de Philippe IE — est mort 
» le 10 juin; Orange est mort le 40 juillet ; si, le 40 août, 
» Jour de Saint-Laurent, la reine, mère d'Alençon, pou- 
» voit mourir, la perte serait petite. » 

Tout ce qui est connu et avéré de Balthasar Gérard, — 
l'écrit présenté par lui au prince de Parme, sa déclaration 
au conseiller d’Assonleville, sa confession, — prouve que 
la eupidité ne fut pour rien dans les moufs qui armèrent 
son bras contre le prince d'Orange; et si, quand les juges 
le firent appliquer à la question, 1l lui échappa de dire 
« qu'étant un pauvre compagnon, il avoit cherché pour 
» avoir quelque moyen, » nous attachons peu d'impor- 
tance à ces paroles, arrachées à l’assassin par la force des 
tourments, ou imaginées par lui pour donner le change 
sur ses véritables intentions. 

De tout autres sentiments étaient ceux des membres de 


EE 


(1) MS. conservé à la Bibliotheque impériale, à Paris. 


( 545 ) 

sa famille, et à peine l'événement de Delft parvint-il à 
leur connaissance qu’ils se mirent en mesure de recevoir 
le prix de l'assassinat. Plusieurs des frères de Gérard ac- 
coururent aux Pays-Bas, pour réclamer du prince de Parme 
les 25,000 écus d’or et les lettres de noblesse offerts par 
l’édit du 15 mars 1580 à celui qui tuerait le prince d'Orange, 
ou à ses héritiers. Farnèse les accueillit avec faveur, et, 
dans une lettre du 20 février 1586, il appuya leur requête 
auprès du roi. Cinq raisons devaient, selon lui, déterminer 
le monarque à y faire droit : premièrement, les récom- 
penses demandées avaient été solennellement promises ; 
2 le défunt avait exécuté son entreprise avec tant de génc- 
rosité et de détermination , que sa mémoire méritait d'être 
honorée; 5° il avait montré une telle constance dans sa 
passion et dans sa mort, qu'il avait rempli d'admiration 
tout le monde et étonné jusqu'aux tyrans eux-mêmes 
(c'était ainsi que Farnèse qualifiait les membres des états 
en révolte contre le pouvoir royal); 4 une consolation 
était due à la mère et aux frères et sœurs du défunt: 
9° enfin, l’autorité des princes voulait un exemple qui, à 
l'avenir, en de pareilles occurrences, portât ses fruits. 

Mais, à cette époque de misères publiques et privées, 
le trésor royal aux Pays-Bas était toujours vide. Farnèse 
voyait donc l’impossibilité de trouver es 25,000 écus qu'il 
| fallait payer à la famille de Balthasar Gérard, et il pro- 
posa au roi de lui donner, à titre d’équivalent, quelqu'une 
| des terres du prince d'Orange confisquées en Bourgogne. 
La chancellerie de Madrid n’était guère expéditive. Plus 
| de deux années se passèrent avant que le roi eût pris une 
résolution , quoique les frères Gérard se fussent rendus en 
| Espagne pour la solliciter directement, et cette résolution 
| ne faisait pas cesser l'incertitude des solliciteurs : Philippe 
Tome xxur, — IF part, 35 


(546) 


chargeait son neveu de lui désigner les biens du prince 
d'Orange qui pourraient être cédés aux héritiers Gérard , 
en propriété ou en engagement, ou même exposés en 
vente, au cas que les intéressés, se fondant sur l'édit de 
proseription, prélendissent être payés en deniers clairs. 

L'affaire traîna jusqu’en 1590. Alors, et par des lettres 
patentes du 20 juillet, Philippe IT transporta à la mère, 
aux frères et aux sœurs de Gérard, conjointement, les 
seigneuries de Lièvremont, Hostal et Dammartin, situées 
au bailliage d’Aval, siége de Pontarlier, dans le comté de 
Bourgogne, avec les mêmes droits et prérogatives dont 
avait Joui le prince d'Orange, sur qui elles avaient été con- 
fisquées vingt-trois années auparavant. Le roi se réservait, 
et à ses successeurs , la faculté de les reprendre, en payant 
aux héritiers Gérard la somme de 25,000 écus. Ceux-ci 
n'en pouvaient aliéner aucune partie; et, lorsque les 
25,000 écus leur seraient remboursés, ils devraient rendre 
les trois seigneuries dans le même état qu'ils les auraient 
reçues. Jacques Gérard, qui était resté à Madrid, avait 
accepté la donation, aux conditions y attachées. Le préam- 
bule des lettres du 20 juillet exalte la « généreuse résolu- 
» tion »et le « grand courage » de Balthasar Gérard. Le 
roi y déclare textuellement « qu’un acte si généreux mérite 
» d’être célébré de louange bien extraordinaire, et la mé- 
» moire du défunt d’être honorée. » 

La famille Gérard avait dépensé 6,000 écus de son patri- 
moine, dans la poursuite de la récompense qu'elle venait 
enfin d'obtenir : Philippe If lui accorda, pour l’indem- 
niser en partie, une gratification de quatre mille francs (1). 


———_—— EE 


(1) Lettres patentes du G décembre 1590; lettre close dy roi au duc de M 
Parme, de la même date. 


( 947 ) 

Il n'avait pas attendu jusque-là pour conférer aux frères 
ei aux sœurs de l’assassin la distinction honorifique con- 
voiiée par eux avec non moins d'ardeur que la récompense 
pécuniaire. Les lettres qui les anoblissent portent la date 
du 4 mars 1589. Quatre frères et trois sœurs de Balthasar 
Gérard étaient encore vivants à cette époque : Le diplôme 
porte qu'eux tous et chacun d’eux, leurs enfants el posté- 
rité, et les descendants d'eux, et chacun de ceux-ci, nés 
et à naître de léal mariage, jJouiront et useront, comme 
sens nobles, en tous lieux, actes et besognes, des honneurs, 
prérogatives, prééminences, libertés, franchises et exemp- 
tions dont les nobles des pays et seigneuries du roi ont 
accoutumé de jouir et user; qu’ils Seront tenus et réputés 
pour nobles en tous leurs faits et actes; qu’eux et leur pos- 
térité pourront en tous temps acquérir et posséder tous 
nobles ténements, de quelque qualité et condition qu'ils 
soient ; qu'ils seront francs et exempits des tailles, aides et 
impositions, comme les autres nobles. « En signe et pour 
» mémoire des sincérité, magnanimité et constance de 
» Balthasar Gérard, » Philippe IT leur octroie des armes 
ainsi composées : un écu pari, en contre-bande, d'argent 
et de gueules , au lion de l’un et de l’autre, armé et lam- 
passé de sable, tenant en sa patte la foudre de Jupiter, de 
gueules, élancée d'azur, le timbre ouvert, les hacherments 
et le bourrelet des métal et couleur de l’écu, et pour 
cimier un lion naissant de gueules, tenant aussi en sa 
patte la même foudre. Enfin le roi, voulant mettre le sceau 
à sa libéralité, exempte les frères et sœurs Gérard de toute 
finance. 

Un célèbre écrivain a fait remarquer que les lettres de 
noblesse accordées à la famille de Gérard étaient pareilies 
à celles que Charles VIE donna à la famille de la Pucelle 


( 548 ) 

d'Orléans, et par lesquelles le ventre anoblissait (4). Je 
n'ai pas sous les yeux le texte de ces dernières lettres; mais 
j'oserais bien affirmer que, à la chancellerie de Madrid, 
on ne songea pas le moins du monde à suivre le protocole 
de la cour de France; on dut y songer d'autant moins, que 
le diplôme du 4 mars 1589 est, dans son dispositif, con- 
forme aux autres actes du même genre (2). 

Les lettres patentes qui transportèrent aux Gérard les 
seigneuries de Dammartin, Hostal et Lièvremont sont 


mises en lumière dans mon recueil pour la première fois; 


les historiens paraissent en avoir ignoré jusqu'à l’exis- 
tence : ce sont nos propres archives qui me les ont révé- 
lées (5). Du diplôme du 4 mars 1589, on ne connaissait 
que la date : le roi d'armes Le Roux l'avait citée dans son 
Nobiliaire publié à Lille en 1705 (4); Vander Vynckt l'avait 
reproduite, en altérant d’une manière ridicule les indi- 
cations de son devancier (5). J'ai été assez heureux pour 


(1) Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, ch. CLXIV. 

(2) On peut s’en assurer en consultant, aux Archives du royaume, dans la 
collection des papiers d'État et de l'audience, le registre intitulé Anoblisse- 
menis, Lettres patentes, 1530-1655. 

(5) J'ai appris depuis peu, par une lettre de M. Babey, archiviste du dé- 
partement du Doubs, qu’elles se trouvent aussi au dépôt dont la garde lui 
est confiée, dans le registre IV de la Chambre des comptes de Dôle, fol. 552. 

(4) Recueil de la noblesse de Bourgogne, Limbourg, Luxembourg, 
Gueldre, Flandres , etc., in-4°. 

(5) Le Roux avait dit : « Par lettres patentes dépéchées à Madrid le 4 mars 
» 1589, ont, par le roi Philippe IE, été anoblis les frères et sœurs de feu Bal- 
» thasar Gérard, tyrannicide d'Orange. » (Recueil, etc., p. 96.) 

Van der Vynckt s'exprime ainsi : « On trouve, dans la liste de la chambre 
» des comptes, des lettres patentes de Madrid du 4 mars 1589, portant ano- 
s blissement de Balthasar Gérard, ses frères et sœurs, sous le nom de 
» Tyrannicide. » (Histoire des troubles des Pays-Bas, édit. Raiffenberg, 
t. 11, p. 104.) 


( 549 } 

découvrirle document même dans une bibliothèque privée. 
Je désespérais presque de le trouver jamais, car j'avais 
infructueusement exploré les archives de Bruxelles et de 
Simancas, et à Besançon l’on ne pouvait venir à mon 
secours, le registre LXITI de la Chambre des comptes de 
Bourgogne, où le diplôme avait été transcrit, manquant 
depuis longtemps dans la collection à laquelle il apparte- 
nait. La bibliothèque dont je veux parler est celle de M. le 
comte de Ribaucourt. Que l'honorable sénateur me per- 
mette de lui témoigner publiquement ma gratitude, pour 
l’accès si obligeant qu’il m'y a donné. 

La famille Gérard jouit des domaines qui lui avaient 
été concédés, jusque sous le règne des Archiducs. Le prince 
d'Orange Philippe-Guillaume, fils du Taciturne, le même 
qui, étant comte de Buren, avait été enlevé de l’université 
de Louvain par ordre du duc d’Albe et transporté en 
Espagne, était revenu aux Pays-Bas, avec l'agrément de 
Philippe IT; il sollicita et obtint la restitution des biens 
qui avaient été confisqués sur son père. Le 2 avril 1607, 
Albert et Isabelle lui firent rendre les terres de Lièvre- 
mont, Hostal et Dammartin. Les héritiers Gérard reçu- 
rent, par compensation, une somme de trente mille francs, 
et, de plus, la seigneurie de Vuillafans, qui leur fut donnée 
à titre d'engagère. En 1609, le marquis de Varambon 
retira de leurs mains cette dernière seigneurie, en leur 
comptant 25,000 francs, prix pour lequel elle leur avait 
été engagée (1). 

Quant à la noblesse héréditaire, Voltaire assure que la 
famille Gérard en fut dépossédée lors de la réunion de la 


(1) Je suis redevable de ces renseignements à M. Babey, archiviste du 
département du Doubs, 


( 550 ) 
Franche-Comté à la France; il va plus loin : il dit que, la 
famille Gérard ayant osé présenter ses lettres d’anoblisse- 
ment à lPintendant de la province, M. de Vanolles, il les 
foula aux pieds. Mais l’auteur de l'Essai sur les mœurs et 
l'esprit des nations ne fait pas connaître la source où il a 
puisé ces renseignements. À ma demande, des hommes 
dont on ne réclame jamais en vain le concours, quand il 
s'agit de résoudre une question historique (1), ont bien 
voulu, pour les vérifier, interroger les dépôts littéraires de 
Besançon; 1ls n'y ont rien rencontré qui fût de nature, 
soit à confirmer, soit à démentir les faits rapportés par 
Voltaire. M. Babey, archiviste du département du Doubs, 
a pris la peine, en particulier, de compulser les actes de 
l’intendance de la Franche-Comté qui sont parvenus jus- 
qu’à nous; ses investigations sont demeurées sans résultat. 
On peut donc, me semble-t-il, penser tout ce qu’on voudra 
de l’assertion du grand écrivain. 


Recherches sur les projets de partage des Pays-Bas, en 1566 
et en 1571; par M. Théodore Juste, correspondant de 
l’Académie. 


Il ne m’appartient point de signaler comme une œuvre 
remarquable le rapport fait par M. le général Renard, au 
nom du jury chargé de décerner le prix quinquennal d’his- 
toire nationale (2). Je dois me borner à constater que ce 


(1) Je nommerai surtout, pour leur exprimer ma vive reconnaissance, 
M. Édouard Clerc, président de l’Académie de Besancon, et M. Babey, archi- 
viste du département du Doubs. 

(2j Voir les Bulletins de l’ Académie, t. XXI, pp. 684 à 700. 


(551 ) 


travail a ramené l'attention publique sur l’un des épisodes 
les plus intéressants et les moins connus des annales des 
Pays-Bas au XVI®° siècle. 

L'honorable rapporteur, dont la franchise égale le sa- 
voir, a été frappé des projets ambitieux que la Correspon- 
dance de Philippe IT, ainsi que les Mémoires du maréchal 
Gaspard de Saulx-Tavannes attribuent au prince d'Orange 
et aux comtes d'Egmont et de Hornes. Là, ils sont for- 
mellement accusés de se couvrir du masque de la tolérance 
pour travailler au démembrement des Pays-Bas. Ces graves 
inculpations jaisseraient supposer , en outre, que le prince 
d'Orange fut plus tard le complice sinon l'inspirateur de 
Louis de Nassau , son frère, lorsque ce dernier proposait 
ouvertement le partage des Pays-Bas pour obtenir l’inter- 
vention armée de la France et de l'Angleterre contre Île 
due d’Albe. 

Inspiré par un sentiment patriotique, l'honorable rap- 
porteur souhaite, avec raison, que des reproches d’égoisme 
et de convoitise ne puissent ternir la réputation des pro- 
moteurs et des chefs de notre grande et mémorable révolu- 
uon du XVI” siècle. Il émet le vœu que de pareilles 
accusations, parlies de si haut, soient complétement ré- 
futées. 1l nous exhorte à peser de nouveau les titres du 
| prince d'Orange et de ses amis au respect et à l'admiration 
de la postérité. [l pose enfin les questions suivantes, sans 
chercher, dit-il, à en préjuger la solulion : 

_4° Est-il vrai que le prince d'Orange et les principaux 
seigneurs de son parti aient eu, dès 4565 ou 15606, le 
dessein de se rendre maîtres de l’État, et, pour atieindre 
ce but, ne se proposaient-1ls pas de partager les Pays-Bas, 
| soit entre eux, soit avec leurs protecteurs étrangers ? 
2° Peut-on affirmer que le prince d'Orange n'eut pas 


( 552 ) 
connaissance du projet de partage que Louis de Nassau 
soumit au roi Charles IX en 1571, et que Guillaume le 
Taciturne n'avait pas donné son assentiment à cetie com- 
binaison ? 

En énonçant en ces termes les doutes scrupuleusement 
exprimés par l'honorable rapporteur du jury, nous croyons 
avoir bien saisi sa pensée. Or, de pareilles questions, il 
serait puéril de vouloir se le cacher, ont une très-grande 
importance. Elles intéressent non-seulement l'honneur 
d'hommes illustres dont la Belgique s’est glorifiée jusqu’à 
présent, mais encore elles permettent de tenir en suspi- 
cion la légitimité même de la résistance que les Pays-Bas 
opposèrent à la tyrannie de Philippe Il. « Tous ces faits 
» importants méritent d’être expliqués et commentés, dit 
» le rapport, car il est évident que la participation ou la 
» non-participation du prince d'Orange et des principaux 
» seigneurs belges à ces projets de démembrement chan- 
» gerait du tout au tout l'appréciation de leurs actes et le 
_» caractère des troubles dont notre pays a été le théâtre. » 
Il faut donc rechercher si le prince d'Orange et ses coopé- 
rateurs étaient seulement des ambitieux ou s'ils étaient 
« des hommes aimant leur patrie, animés des sentiments 
» les plus purs, sacriliant leurs biens et leurs vies pour 
» conquérir la tolérance religieuse et le maintien de nos 
» antiques priviléges. » | 

Puisqu'on nous convie à cette noble étude, examinons 
si le fondateur de la république des Provinces-Unies des 
Pays-Bas ne fut pas aussi grand, je veux dire aussi magna- 
nime dans son dévouement et son abnégation, que lil- 
lustre fondateur de ces autres États-Unis dont la puissance 
domine aujourd’hui le nouveau monde. Recherchons si 
les Belges auraient tort de vouer à la mémoire des comtes 


( 555 ) 
d'Egmont et de Hornes, ces grandes victimes de la tyran- 
nie de Philippe IT, le respect profond que la libre Angle- 
terre n’a cessé de témoigner au souvenir de lord Russell 
et d’Algernon Sidney, courageux adversaires et victimes 
funestes du gouvernement corrompu de Charles IT. 

Je me propose d'aborder successivement les deux ques- 
tions indiquées ci-dessus , et je m'elforcerai de les résoudre 
impartialement, n'ayant en vue que la découverte de la 
vérité. 


L. 
Vues de la haute noblesse. 


Les historiens catholiques, qui les premiers entrepri- 
rent de retracer les troubles des Pays-Bas, ne se firent 
pas faute de signaler l’ambition coupable de Guillaume le 
Taciturne comme le mobile réel de l'opposition que ce 
personnage éminent dirigea contre la domination de l’Es- 
pagne. Qu'il nous suffise de citer ici le P. Strada et le car- 
dinal Bentivoglio. 

Strada tempère pourtant par quelques restrictions la 
rigueur de son jugement. Il ne trouve pas que Guillaume 
d'Orange eût d’abord médité sa rébellion par un dessein 
formé; mais il oserait néanmoins assurer, dit-il, que, dès 
l’avénement de Philippe IT, le prince tramait quelque 
chose de nouveau pour affaiblir la domination royale, 
renverser la puissance des Espagnoïs, fomenter le parti 
des hérétiques, établir son autorité par des moyens justes 
ou injustes, et saisir tout ce que la fortune lui présente- 
rait (4). Bentivoglio est plus violent. Assimilant Guillaume 


(1) De Bello belgico. d. F, lib. 1 (a 1569). 


( 554 ) 

d'Orange à l'amiral de Coligny, il les accuse l’un et l’autre 
d’avoir été dévorés d’ambition et avides de fonder leur for- 
tune particulière sur les débris de la fortune publique (1). 
I! dépeint encore ailleurs, sous des couleurs odieuses, le 
plus redoutable des adversaires de Philippe EF. « C'était, 
» dit-il, un homme sans foi, sans bonté, sans honte, sans 
» religion, sinon en apparence; d’un esprit inquiet et 
> souverainement ambitieux; et on ne vit jamais homme 
» qui sût mieux tourner le peuple ni mieux couvrir ses 
» ambitions particulières du zèle du bien public (2). » 

Quant aux comtes d'Egmont et de Hornes, on veut bien 
reconnaître qu’ils étaient moins artificieux que Guillaume 
le Taciturne; mais ils eurent le tort, prétend-on, de favo- 
riser ses desseins et de devenir les instruments de sa 
rébellion contre lautorité de Philippe IT. Les Mémoires 
de Tavannes les accusent même de n'avoir invoqué sans 
cesse les priviléges du pays que pour parvenir à substituer 
leur propre domination à celle du souverain légitime. 
« Leur but estoit de rendre la Flandre comme l’Empire, 
» les grandes villes hors de servitude, ainsi que les impé- 
» riales, et eux avec semblable authorité que les ducs de 
» Saxe, comte palatin et autres princes d'Allemagne... (5) » 

Mais quelle importance faut-il attribuer au témoignage 
de ce capitaine français? Il est d’abord à remarquer que 
les mémoires publiés sous le nom de Gaspard de Saulx- 


(1) Æistoire des guerres de Flandre, liv. 1°. 

(2) Relations du cardinal Bentivoglio, fol. 60. 

(5) Mémoires de très-noble très-illustre Gaspard de Saulxz, seigneur 
de Tavannes, maréchal de France, admiral des mers du Levant, gou- 
verneur de Provence, etc. (a° 1565, règne de Charles IX). Nous rous 
sommes servi.de l'édition publiée dans le Panthéon littéraire, par M. Buchon. 


( 595 ) 

Tavannes, un des inspirateurs de la Saint-Barthélemy, 
furent écrits par le vicomte Jean de Saulx, son fils, entre 
les années 4600 et 1629, donc longtemps après la chute 
du cardinal de Granvelle et le Compromis de la noblesse 
des: Pays-Bas. En 1566, Jean de Tavannes n'avait que 
onze ans, et son père, le célèbre maréchal, était à Dijon, 
où il organisait une ligue catholique à laquelle il donnait 
le nom de Confrérie du Saint-Esprit. Gaspard de Tavannes 
était certainement initié à la politique de Catherine de 
Médicis; mais connaissait-il aussi bien les projets des sei- 
gneurs belges? Et, en tout cas, est-ce lui qui révéla leurs 
desseins secrets? Le passage suivant de la Dédicace du 
vicomte Jean de Saulx est très-explicite : « …. Jay veu, 
» Jay sceu partie des faicts de M. de Tavannes, mon père, 
» non du tout par luy, qui, à la forme des anciens Fran- 
» Çois, S'employoit à faire, non à dire; si peu curieux de 
» vanité qu'il refusoit ses mémoires à ceux qui vouioient 
» (disoient-ils) immortaliser son nom... » 

Gardons-nous toutefois de ne point priser, sous d’autres 
rapports, la valeur réelle des mémoires de Jean de Saulx- 
Tavannes. Ils contiennent, comme nous Île verrons, des 
renseignements très-dignes d'attention sur les tentatives 
qui furent faites près de Charles IX pour l’engager à 
prendre les armes contre l'Espagne, tentatives qui abou- 
ürent à la Saint-Barthélemy. Rappelons aussi que ce ca- 
tholique inflexible, de qui son père avait exigé le serment 
de combattre les protestants à outrance, ne persista point 
jusqu’au terme de ses jours dans ses rêves d’extermination. 
Forcé de déposer son épée, lors du triomphe d'Henri IV, 
et racontant les luttes terribles auxquelles les Tavannes 
avaient pris une si grande part, Jean de Saulx laisse 
échapper, sur la politique de Philippe IT et les causes dé- 


( 6 } 

terminantes de la révolution des Pays-Bas, ces paroles 
solennelles : « L’offence est à Dieu, de vouloir par les 
» armes, combats, feux et cruautés, reconduire les héré- 
» tiques en la vraye créance, ainsi que (comme) si Nos- 
» tre Seigneur n'estoit assez puissant, sans les secondes 
» causes, pour les réduire à leurs devoirs... L'opinion, 
» la mauvaise créance, est une maladie qui ne s’arrache 
» par la force : il convient la desraciner par les Escritures 
» sainetes, raisons, Sciences, enseignements, éducations, 
joint aux bonnes œuvres des ecclésiastiques et prédica- 
teurs, estant le moyen de la force du tout contraire 
(l'appliquant furieusement), lorsque l’humilité, la dou- 
ceur et le sçavoir sont requis. De quoy ont servy tant de 
cruautés, d'hommes gehennés, bruslés et martyrisés, 
tant de sang espandu, et tant de guerres de toutes parts, 
puisque cette hérésie en augmente plutôt qu’elle n’en 
diminue, et que la despence et mort de tant d'hommes 
dans la Flandre n’ont servy qu’à faire perdre la souve- 
raineté de Zélande et Ollande, pour estre trop oppres- 
SéS..……. » 

Strada, plus réservé que le vicomte Jean de Saulx (1), 
laisse à peine planer des soupeons sur les comtes d’Egmont 
et de Hornes; 1l accuse les confédérés, envisagés comme 
part. « Les confédérés, dit-il, firent alliance avec l’élec- 
» teur palatin et tous les autres princes hérétiques d’Alle- 
» magne, ennemis de la maison d'Autriche, et d'autant 


LORIE" 0 PL PR PSS CCC CE 7 PS 


(1) Il importe de ne pas le confondre avec Guillaume de Tavannes, qui se 
prononça contre la Ligue et combattit contre les adhérents de cette redou- 
table association, sans excepter son frère. Guillaume de Tavannes laissa éga- 
lement des souvenirs sous Île titre de : Æémoires des choses advenues en 
France ès querres civiles, depuis l’année 1560 jusqu’en l'an 1596. 


( 297 ) 

plus affectionnés à ce parti, qu'ils espéraient, comme 
la gouvernante l’écrivit au roi, d'enlever par ce moyen. 
à Philippe IE la domination des Pays-Bas. Le comte de 
Meghem fit même savoir à la gouvernante que Wes- 
terholt (un ritmaitre allemand) avait déjà commencé, 
en Saxe, de lever 1,200 hommes par l’ordre du prince 
d'Orange (1). » 

Jetons maintenant les yeux sur les célèbres réquisitoires 
de Jean Du Bois, procureur général du conseil des trou- 
bles. Celui-c1 affirme que les « faultes, crimes et délicts 
tant grands et détestables », reprochés aux comtes d’Eg- 
mont et de Hornes, avaient tous leur source dans le des- 
sein de changer de prince et de partager les Pays-Bas entre 
eux et les autres seigneurs de leur parti. C’était l'accusation 
fondamentale : assertum, fundamentum criminis laesae ma- 
jestatis. « En premier lieu convient icy considérer, disait 
le procureur général dans son réquisitoire contre Eg- 
mont, que ledit deflendeur, le prince d’Orainges, les 
comtes de Hornes, de Hooghstraete, Lodovic de Nassau, 
feu marquis de Berghes, les S*° de Montigny, Bréderode 
et quelques autres, ont de piéçà désiré de venir en chan- 
gement de prince et plustost par rebellion et tyrannie 
déjecter le propre roy et prince de ses Pays-Bas, et 
(comme faict à croire) s’en saisir, et après les départir 
entre eulx, comme leurs propos et actions assez l'ont 
démonstré.... » Toute la conduite des deux seigneurs, 
depuis leur opposition au cardinal de Granveile, tendait 
donc, selon le procureur général du conseil des troubles, 
à diminuer le pouvoir du roi « pour plus seurement mener 


ESS RS 2 SE 7 


SA A AE CS OV DL CG CS, ©. 


(1} De Bello belgico , lib. V (a° 1566). 


( 298 ) 
» en fin leur dicte conspiration faiele contre S. M. » (1). 

Mais où étaient les preuves de ce crime de lèse-majesté? 
Les comtes d'Egmont et de Hornes n'ayant jamais été con- 
frontés avec leurs dénonciateurs, on ignorait, avant la 
publication de l’importante Correspondance de Philippe I 
sur les affaires des Pays-Bas, les rapports malveillants 
qui avaient aigri Philippe, et servi sans aucun doute de 
base à l’inique et monstrueuse procédure intentée par le 
conseil des troubles. 

En 1566, un changement radical s'était accompli dans 
les dispositions de Marguerite de Parme, à l'égard de cette 
fraction si influente du conseil d'État qui avait triomphé 
momentanément du cardinal de Granvelle. Après avoir 
soutenu d’abord le prince d'Orange et ses amis, après avoir 
arraché à Philippe Il le rappel du célèbre ministre, la 
régente, effrayée des manifestations de la noblesse inlé- 
rieure et des progrès des religionnaires , jugea qu'il élait 
temps pour elle de regagner à tout prix la confiance du roi. 
De là surtout la facilité avec laquelle Ja sœur de Philippe 
accueille les rapports intéressés d’espions stipendiés et les 
méchants propos d'adversaires jaloux; de là encore l’em- 
pressement avec lequel la trop crédule princesse transmet 
maintenant à l’Escurial ces dénonciations ténébreuses qui 
devinrent comme l'arrêt de mort ou d’exil des seigneurs les 
plus illustres des Pays-Bas. | 

C'est André d'Anderlecht, majordome du comte de 
Meghem, qui dévoile secrètement à la gouvernante les 
prétendus projets des confédérés et des seigneurs qui les 
ont pris sous leur patronage. La première relation en- 


(1) Voir Supplément à Sirada , 1, 1°, pp. 24 et suiv.; id. pp. 105 et suiv. 


( 29 ) 

voyée par la duchesse de Parme à Philippe IE, au mois de 
mars 1566, tend à révéler qu'il y a bien deux mille gen- 
tilshommes qui ont signé le Compromis; qu'ils prennent 
pour prétexte l'inquisition et les placards, mais que leurs 
vues s'étendent plus loin ; qu'ils veulent se rendre maîtres 
du pays, qu'il y à parmi eux des seigneurs principaux, 
et même des chevaliers de l'Ordre, etc. (1). Est-il besoin 
de signaler ici la fausseté de cette dernière rumeur? Est-il 
nécessaire de rappeler qu'aucun des chevaliers de l’ordre 
de la Toison d’or ne signa jamais le Compromis? Quant 
à limputation la plus grave contenue dans le premier 
rapport secret d’Anderlecht, celui-ci l'atiénue singulière- 
ment dans une seconde relation du 24 mars. Là, il ne 
croit plus que le but des confédérés soit de changer de 
prince, à moins, dit-il, quon ne veuille user de rigueur 
envers eux et confisquer leurs corps et leurs biens (2). 
Dans un troisième avis du 24 juillet, Anderlecht informe 
la gouvernante que M. de Meghem, son maître, a reçu une 
lettre d’un des confédérés certifiant que le prince d'Orange 
el le comte d'Egmont sont de leur ligue, et qu'ils ont pro- 
messe de ces seigneurs, pourvu qu'on n'excède point le 
contenu de la première requête solennellement présentée 
à la duchesse de Parme (5). 

Ce dénonciateur, qui paraissait si bien informé, agis- 
sait-il du moins par dévouement au roi et sans aucune 
préoccupation d'intérêt personnel? On ne pourrait même 


(1) Correspondance de Philippe T1, publiée par M. Gachard d’apres les . 
criginaux conservés dans les archives royales de Simancas, t. Ier, p. 599. 

(2) Zbid., 1. I, p. 400. 

(3) Zbid., t. 17, p. 454: Il s’agit de la requête présentée le 5 avril 
1566. 


( 60 }) 

pas lui attribuer ce mérite. Après avoir reçu les premières 
relations d’Anderlecht, la régente lui fit compter cent 
écus, et le conseiller d'Assonleville lui promit d’autres 
marques de la gratitude royale, s’il continuait à donner 
avis de tout ce qu'il apprendrait (1). Le délateur fut, en 
effet, récompensé plus tard par diverses charges qu’il tint 
de la main du duc d’Albe (2)! 

Instigateur et complice d'Anderlecht, le comte de Me- 
ghem confirme insidieusement les révélations de son 
majordome et demande le secret sur ces dénonciations. 
Philippe IT répond à Marguerite de Parme, le 12 mat 1566, 
et de sa main : « Le secret sera gardé sur les billets et 
» avertissements envoyés par la duchesse (5), » Encore 
ne se borne-t-il point à garder le secret : 1l continue à 
donner au comte d'Egmont et aux autres seigneurs sus- 
pects des marques de la plus haute confiance. Nouvel 
exemple de cette duplicité redoutable qui formait comme 
le génie de Philippe I. 

Assuré de la discrétion du roi et de la faveur de la gou- 
vernante, le comte de Meghem continua aussi de jouer 
le rôle honteux de délateur. Le 26 août 1566, il fit savoir 
à la duchesse de Parme que le prince d'Orange et le comte 
d'Egmont avaient écrit au duc de Clèves qu'ils se propo- 
saient uniquement d'établir aux Pays-Bas la confession 
d'Augsbourg, et qu'ils tiendraient la main à l’accomplis- 
sement de ce projet (4). 


(1) Correspondance de Philippe IT, t. Ir, pp. 400 et 401. 

(2) Plus tard encore, André d’Anderlecht adhéra cependant à la cause des 
états, lorsque les Espagnols semblaient vaincus. Voir Correspondance de 
Guillaume le Taciturne, publiée par M. Gachard, t. IV, p. 58. 

(5) Correspondance de Philippe 17, &, Le, p. 415. 

(4) Zbid., t. Lx, p. 432. 


( 961 ) 

Nous avons vainement cherché cette prétendue lettre 
au duc de Clèves. Forgée ou non, on ne pourrait en tirer 
la conséquence que le comte d'Egmont eût l'intention de 
s'ériger eu champion des doctrines luthériennes. Le vain- 
queur de Gravelines (tous ses actes, jusqu’à sa dernière 
heure, l’attestent hautement) était un catholique con- 
vaincu. Il avait demandé et demandait encore l’abolition 
de l’Inquisition et la modération des édits dirigés contre 
les hérétiques; mais ses vues religieuses n'allaient point au 
delà. Quant au prince d'Orange, élevé dans les doctrines 
nouvelles et ramené au catholicisme pour pouvoir servir 
Charles-Quint, il inclinait de nouveau vers la religion qui 
lui avait été enseignée dans son enfance. Toutefois, quoi- 
qu'il fût redevenu luthérien au fond du cœur, la prudence 
et d’autres raisons, également impérieuses, lui comman- 
daient de dissimuler encore son penchant secret. Au sur- 
plus, dans une lettre du 15 novembre 1566, adressée au 
landgrave Guillaume de Hesse (1), le prince lui-même 
exposa les motifs sérieux qui l’empêchaient de se déclarer 
pour la confession d’Augsbourg. 

Noircarmes , comme on devait l’attendre de sa nature 
envieuse, enchérit bientôt sur les accusations du comte 
de Meghem. Plein d’ambition et dévoré de jalousie, l'im- 
populaire grand bailli du Hainaut ne garda aucune me- 
sure. Le 27 août, il vint dire à la régente, et celle-ci 
s'empressa d'annoncer au roi, « que le sieur d'Esquerdes 
» (Eustache de Fiennes), le comte de Hornes, le comte 
» de Hoogstraeten et le sieur de Backerzeele, secrétaire 
» du comte d'Egmont, avaient élé en conférence avec ce 


(1) rchives de la maison d'Orange-Nassau, L 11, p. 459. 
Loue xx, — EH part. 99 


( 962 ) 

» dernier; qu'il y avait eu entre eux de grands discours, 
» et qu'enlin Hornes et d'Esquerdes avaient opiné pour 
» que, dans les six Jours, les confédérés et les sectaires 
» tuassent tous les prêtres el les religieux du pays, si Pon 
» ne leur donnait la sûreté et la satisfaction qu’ils deman- 
» daient, et que l'on fit ensuite autant de tous ceux qui 
» voudraient prendre la défense du roi (4). » 

On demeure confondu devant de pareilles ineulpations. 
Ou Noircarmes abusait des terreurs dont était accablée la 
duchesse de Parme à la vue du saccagement des églises 
par la populace hérétique, ou la régente elle-même abu- 
sait sinon de la crédulité de Philippe IT du moins de ses 
incurables défiances à l'égard des principaux membres de 
la noblesse des Pays-Bas. Il était inique de confondre d'il- 
lustres conseillers d'État et des gentilshommes d'honneur 
avec la lie des sectaires: il était odieux de leur attribuer 
des projets que les anabaptistes les plus forcenés pouvaient 
à peine concevoir. Loin de comploter le massacre des pré- 
tres et des royalistes, Egmont, Hornes, Hoogstracten, 
secondés par Eustache de Fiennes et par Backerzeele, 
allaient employer tous leurs efforts pour apaiser les trou- 
bles , rétablir le culte catholique et réprimer les violences 
des iconoclastes. 

Dans cette même dépêche du 27 août (1566), la régente 
faisait encore savoir à Philippe IT que le dessein du prince 
d'Orange, — on le lui avait assuré, — était de se rendre 
maître de l'État et de partager les villes avec les autres 
seigneurs. Le 50 août, elle ajoutait : « …. On changerait 
» totalement l'esprit et la forme du gouvernement pour 


(1) Correspondance de Philippe IZ, 1. 1‘, p, 452. 


| 


| 
| 


( 965 ) 
mettre celut-e1 entre les mains des trois (Orange, Eg- 
mont, Hornes).... On réformerait le mode observé jus- 
qu'à cé jour dans ce qui concerne les magistrats des 
villes, là justice et d’autres points; de manière que le 
roi serait en réalité exclu de ces États, son ancien pa- 
trimoine (1)... » Enfin, le 15 octobre, elle complète 


UN 2 NL ERR S —, 


ces informations sur les projets de partage attribués aux 


principaux seigneurs : « On lui a dit que la Frise et l'Over- 
» Yssel séraient pour le duc Auguste de Saxe, la Hollande 
» pour Bréderode. Le Brabant, à ce qu’on présume, se- 
» rait pour lé prince d'Orange. La Flandre, l’Artois, le 
» Hainaut seraient pour le roi de France; mais, en ce 
» cas, elle pense que le comte d'Egmont en voudrait être 
» gouverneur perpétuel. Tout cela lui vient de bon lieu, 
» et, quoiqu'elle ait peine à y croire, son devoir lui impose 
» l’obligation d’en rendre compte au roi... (2). ». 

On le voit clairement, la régente, toujours si crédule 
ou si méfante, se fait violence cette fois; elle hésite à 
répéter une accusation dont elle discerne fort bien la faus- 
seté ou tout au moins l'exagération manifeste. Mais cette 
accusation capitale n’en reste pas moins consignée dans 
les archives secrètes de Philippe IF, qui saura plus tard en 
faire usage, sans se soucier de s'enquérir plus amplement 
de la vérité. Essayons de la rétablir, en opposant aux com- 
munications mystérieuses de Marguerite de Parme les rap- 
ports également confidentiels de Guillaume le Taciturne 


avec les princes d'Allemagne, ses alliés. 


Les Archives de la maison d’Orange-Nassau nous four- 
niront des documents précieux et authentiques. 


(1) Correspondance de Philippe IT, t. 1‘, p. 456. 
(2) Zbid., L. I, p 475. 


( 64 ) 

Dés le mois de janvier 1566, le prince d'Orange s'était 
ému des levées faites par le duc Éric de Brunswick, à 
l'instigation du gouvernement espagnol, et dans le des- 
sein, disait-on, de « chastier aulcungs rebelles » des 
Pays-Bas, c’est-à-dire les chefs et les adhérents du parti 
national (1). Quelque temps après, le 10 février, Guil- 
laume envoie à Louis de Nassau, son frère, qui se trouvait 
alors en Allemagne, des lettres de créance pour le due de 
Saxe et le duc de Wurtemberg. A cette occasion, 1l ex- 
prime sa pensée tout entière, et certes le langage qu'il 
tent n’est pas celui d'un rebelle, d’un ennemi du souve- 
rain légitime. Il charge le comte Louis de faire connaitre 
aux princes allemands la situation périlleuse que la poli- 
tique espagnole a créée aux Pays-Bas, les complications 
qui peuvent résulter d’un pareil état de choses, et le désir 
ardent du prince d'Orange de prévenir tout tumulte qui 
entrainerait sa propre ruine avec celle du pays. Du reste, 
il n'invoque point les armes des princes allemands ; il 
se borne à les supplier humblement « de lui mander, en 
» amis, comment il faut se régler et se conduire en cetle 
» affaire (2). » 


(1) Archives de la maison d’Orange-Nassau , t. Il, pp. 25 et 175. 

(2) Cette lettre est trop importante pour que nous ne citions pas textuel- 
lement le passage le plus remarquable. Guillaume disait donc à son frère : 

« .… [II convient] que les remonstrances que leur ferez soient tels que, le 
» sachant et venant en lumiere, l’on ne pourroit présumer autre chose, que 
» en vérité la chose est en soy-même, et me sembleroit après que leur’aurez 
» à part (sans beaucoup de leurs conseillers) dit comme nous avons négocié 
» depuis le partement du roi et les remonstrances que avons fait à S. M., 
» que nonobstant {out cela, sadite Majesté, par mauvais conseil et par pure 
» envie que les Espagnols nous portent, s’est résolu que, en toute rigueur, 
» Îles placards soient exécutés, et que les inquisiteurs fassent et exercent 
» leur office sans nulle dissimulation : ce que sans nulle faute aliène telle- 


( 265 ) 

Le 19 mars, le G juillet, et à d’autres époques encore, 
Guillaume insiste pour que les princes allemands s’inté- 
ressent au sort des Pays-Bas, et qu'ils intercèdent auprès 
du roi d'Espagne , afin que ces provinces conservent leurs 
anciennes libertés et jouissent de la paix religieuse. « Leur 
» intercession, dit-il, sera une œuvre agréable à Dieu. » 
Jl se porte garant des loyales intentions des luthériens, 
et déclare, en outre, que les calvinistes sont également 
disposés à respecter le droit du souverain (1). 

De leur côté, les princes d'Allemagne donnaient-ils à 
Guillaume de Nassau des conseils révolutionnaires? Lui 
proposaient-ils d’arracher les Pays-Bas à Philippe IT et 
d'opérer le partage de ce magnifique territoire? Aucun 
des nombreux documents émanés de Guillaume de Nas- 
sau et de ses alliés, pendant les troubles qui signalèrent 
l'administration de la duchesse de Parme, ne fournit des 
indices d’un accord tendant au démembrement et au 
partage des Pays-Bas. Les princes protestants d’au delà du 
Rhin se montraient moins hardis encore que Guillaume 
d'Orange, dont la conduite, cependant, était pleine de 


Si 


circonspection. [ls proposaient à leur tour d'invoquer 


» ment les cœurs des sujets, qu'il est à craindre de quelque tumulte ou 
» révolte, ce que, de nostre côté, vouldrions bien empécher, sachant 
» fort bien que advenant ung tel changement, serons les premiers 
» ruinés et gâtés; mais nos remonstrances, oires qu’elles procèdent de bon 
» cœur et pour éviter toute ruine et empêcher que tant de sang des inno- 
» cents ne soit répandu, sont interprétées, tant de S. M. comme de ceulx de 
» son conseil, tout au contraire, même à demi à rebellion et de inobéis- 
» sance, de sorte que nous nous trouvons à grande peine; car d’un côté est 
» la ruine tout évidente se taisant , de l’autre côté, contredisant, recepvons 
le mauvais gré du maistre, et estre noté de contrevenir à nostre devoir. » 
( Archives de la maison d’Orange-Nassau, t. NE, pp. 27-50.) 
(1) Archives, etc., t. IE, pp. 66, 482, 487, 498, etc. 


= 


» 


( 566 ) 

l'intercession de l'Empereur ou de présenter à la diète 
une supplique au nom des Pays-Bas, et afin que ces pro- 
vinces pussent participer à la paix de religion qui avait 
été octroyée à l'Empire. Après beaucoup de délais, ils 
consentirent, en outre, à envoyer une députation à la 
duchesse de Parme, pour S'interposer en faveur des seuls 
adhérents à la confession d’Augsbourg. Encore cette dé- 
putation vint-elle trop tard : les confédérés et les pro- 
testants étaient vaincus, et l'autorité de la régente venait 
d'être restaurée par l'épée de Noirearmes. Les représenta- 
tions des princes luthériens, de même que les interces- 
sions de l’empereur Maximilien IT, furent tout à fait sté- 
riles. Philippe répondit hautainement « qu'il ne changerait 
>» rien à sa politique, alors même qu'il risquerait la souve- 
» raineté du pays, et que le ciel viendrait à tomber sur 
» sa tête (1). » 

Mais, objectera-t-on, il est avéré que le prince d'Orange 
ne resta pas étranger aux armements que le comte Louis, 
son frère, préparait en Allemagne. En effet, lorsque les 
députés des confédérés vinrent pour la seconde fois à 
Bruxelles, ils s’'émurent de la réponse tout à la fois éva- 
sive et menaçante de la duchesse de Parme, et Louis de 
Nassau écrivit immédiatement à son frère : « Nous avons 
» arresté icy entre nous, à vostre correction toutefois, de 
» tenir quatre mille chevaux noir harnois et quarante 
enseignes de piétons en wartgelé, et si longuement que 
» nous avons résolution de S. M. (2). » On doit croire 
que le prince d'Orange ne refusa point l'assentiment qui 


© 


(1) Correspondance de Philippe IT, passim. 
(2) Lettre datée de Bruxelles, 26 juillet 1566, dans les Archives de la 
maison d'Orange-Nassau, t. I, .179. 


( 567 ) 

lui était demandé; car, le 30 août suivant, intervint un 
accord formel entre le comte Louis de Nassau, agissant 
au nom de la noblesse confédérée, et le capitaine Wes- 
terholt pour une levée de mille chevaux (1). Mais quel était 
le but de cet armement? Était-ce de combattre l'autorité 
du souverain, de le renverser et de s'emparer du pays? 
Nullement. Il s'agissait d'obtenir le redressement des 
oriefs exposés dans la requête des confédérés, l'abolition 
de l’Inquisition et la tolérance pour cette fraction consi- 
dérable de la population qui était sans cesse exposée aux 
horribles supplices mentionnés dans les placards; il s’agis- 
sait de défendre les priviléges nalionaux contre un parti 
intraitable dont le due d’Albe personnifiait les tendances 
effrayantes; il s'agissait, enfin, de contraindre Philippe H 
à sanctionner des concessions que l'état des Pays-Bas 
exigeait impérieusement, et d'empêcher, par un dernier 
effort, l’asservissement de ces provinces aux Espagnols (2). 

Marguerite de Parme exagérait singulièrement l'audace 
et les espérances des princes allemands lorsqu'elle soup- 
connait ceux-ci d'aspirer au partage des Pays-Bas. Le duc 
de Clèves, gendre de l’empereur Ferdinand, n'avait la 
confiance ni des protestants n1 des catholiques entre les- 
quels il oscillait presque toujours. Quant au duc Auguste 
| de Saxe, quoique le plus dangereux de tous, il était dé- 
| pourvu de prévoyance et manquait aussi de toute initiative 
| chevaleresque. Croirait-on que, au mois de février 4567, 
| alors qu'il n’était plus possible de mettre en doute l’ar- 


(1) Ærchives de la maison d’Orange-Nassau, t. IE, p. 256. 

(2) Louis de Nassau écrivait au prince d'Orange, le 2 septembre 1566 : 
| « Tout cecy fera mettre au roy ung pen d’eau en son vin.» Æ#rchives de la 
| maison d'Orange-Nassau, t. Il np 272: 


( 268 }) 

rivée prochaine du duc d’Albe, alors que le landgrave 
Philippe de Hesse recommandait instamment au prince 
d'Orange de ne pas se fier aux paroles mielleuses des Es- 
pagnols et de se mettre en sûreté, croirait-on que, dans 
ce moment même, le duc de Saxe conseillait tranquille- 
ment au prince de rester dans les Pays-Bas et d’embras- 
ser ouvertement la confession d’Augsbourg (1)! 

Disons maintenant que le comte d’'Egmont ignorait 
complétement les levées qui se faisaient en Allemagne 
pour les confédérés. Celte ignorance est attestée dans une 
lettre qu'il adressa au prince d'Orange, le 7 septembre 
1566 (2). 

En vain aussi cherchons-nous des preuves d’une corres- 
pondance clandestine et coupable des principaux seigneurs 
avec la cour de France, en 1565 et en 15606. Impliquer le 
comte d'Egmont dans un complot qui aurait eu pour objet 
d'attribuer trois provinces belges au fils de Henri IT, cela 
était bien étrange! Toute la carrière du comte d'Egmont, 
la part glorieuse qu'il avait prise aux guerres de Charles- 
Quint, la vaillance héroïque qu'il avait déployée à Saint- 
Quentin et à Gravelines, enfin ses préventions invétérées 
contre les anciens ennemis des Pays-Bas, tout protestait 
de nouveau contre une pareille inculpation (5). 

Qu’'aurait-il gagné d’ailleurs au partage des Pays-Bas? 
Le gouvernement perpétuel des provinces qu’il s'agissait 
de céder à la France! Mais il était déjà gouverneur de la 
Flandre et de l’Artois: il était membre du conseil d'État, 


(1) drchives de la maison d'Orange-Nassau, t. IT, pp. 52 et 48. 

(2) Zbid., t. If, p. 280. 

(5) « Il nous estoit fort ennemy. » Mémoires de Brantôme (2e partie, 
Capitaines estrangers). 


{ 369 ) 


chevalier de la Toison d’or, capitaine d’une des bandes 
d'ordonnance, etc. Et le prince d'Orange, stathouder de 
Hollande, de Zélande et d'Utrecht; gouverneur de la 
Franche-Comté de Bourgogne, burgrave d'Anvers, baron 
de Diest, etc., chevalier de la Toison d'or, conseiller 
d'État, le prince d'Orange, revêtu des plus hautes dignités 
el possesseur des plus vastes domaines, aurait tout hasardé 
pour l’expectalive très-incertaine du gouvernement du 
Brabant !.… 

Au milieu de ses terreurs, Marguerite de Parme pous- 
sait quelquefois la crédulité jusqu'aux dernières limites. 
Le 13 septembre, elle informe Philippe IT que, d’après 
les dires du comte de Mansfeldt, « tous les princes protes- 
» tants d'Allemagne sont ligués avec les confédérés et 
» veulent non-seulement expulser de leur pays tous les 
» catholiques réfugiés des Pays-Bas, mais encore provo- 
» quer une révolution générale, détrôner les souverains, 
» ruiner la maison d'Autriche, et faire en sorte, finale- 
» ment, que les autres hérétiques en agissent de même en 
» France, en Angleterre et partout ailleurs où ils seront 
» les plus forts (1)... » Une révolution en Allemagne pour 
détrôner Maximilien fl, empereur tolérant et populaire, 
qui passait pour adhérer lui-même à la confession d’Augs- 
bourg! Une révolution dirigée par les hérétiques d'Angle- 
terre contre Élisabeth, contre la reine protestante qui les 
avait délivrés de la sanglante oppression de Marie Tudor!.… 
Pour détruire de pareilles suppositions, il suffit de les 
énoncer. 

Du reste, la duchesse de Parme abandonna bientôt 


(1) Correspondance de Philippe IT, 1. Ie, p. 460. 


( 570 ) 

l'accusation qui tendait à représenter la noblesse oppo- 
sante dés Pays-Bas, comme l'ennemie mortelle de toute 
la maison d'Autriche. Le 15 octobre 1566, elle commu- 
niqua à Philippe IT les informations qu’elle avait recueil- 
lies sur la célèbre assemblée tenue à Termonde douze 
jours auparavant. « L’entrevue eut lieu à Termonde entre 
» le prince d'Orange, les comtes d'Egmont, de Hornes 
» et d'Hooghstraeten, le comte Louis et d’autres confé- 
» dérés. On y traita des moyens d'empêcher le roi d’ar- 
» river en force aux Pays-Bas, et de ceux qu'il y aurait à 
» employer pour faire passer ces provinces sous la domina- 
» tion de l’empereur (1). » 

On peut effectivement constater, par les propres aveux 
du prince d'Orange, que, pour sauver la liberté des Pavs- 
Bas , il voulait s'opposer à l'entrée d’une armée espagnole 
dans ces provinces. Le gentilhomme envoyé par le prince 
au comte d'Egmont, afin de convier celui-ci à une entre- 
vue, était chargé aussi de lui ouvrir les yeux sur les funestes 
desseins du conseil d'Espagne qui, sous prétexte de défen- 
dre le catholicisme, se proposait de plonger le pays dans 
une servitude sans exemple jusqu'alors. Le prince annor- 
çait que, pour ne pas être témoin et victime des maux qu'il 
prévoyait , 1} avait l'intention de se retirer. « Néanmoins, 
» ajoutait-1l, si M. d'Egmont et M. l'amiral (comte de 
» Hornes) ne trouvent pas bon qu'on soit mis en telle 
» Subjection, s'offre le prince de Ss'employer, luy et les 
» siens, en tout ce que sera par leur avis résolu pour 
» l’éviter. À quoy semble pourtant grandement servir l’ad- 
» jonclion el déclaralion des états généraux sur le méme 


(1) Correspondance de Phil'ppe TI, t. 1, p. 475. 


( O7 ) 

» point. » Cette instruction, dictée par le prince au comte 
Louis, contenait encore ce conseil salutaire : « Toutefois, 
si la [chose] devroit trainer longtemps, fauldroit mieux 
résoudre nous trois avec nos amis que nous laisser 
couper l'herbe peu à peu dessous les pieds et tant Lem- 
poriser qu'il n’y auroit enfin plus nul remède (1). » 
Malheureusement Egmont, moins politique et moins 
| sagace que le prince d'Orange, ne désespérait pas encore 
de la mansuétude de Philippe IT. Il dépendait du comte 
d'Egmont, selon le jugement des écrivains catholiques les 
mieux informés, de changer la face des choses : si le vain- 
queur de Gravelines s'était déclaré ouvertement chef de la 
Ligue, « vous l’eussiez veu, dit un contemporain, mar- 
» cher en campaigne avec une armée de cinquante mille 
» hommes, et, après avoir réduict en sa puissance la 
» ville de Bruxelles par un exploit soudain, se fust aisé- 
» ment emparé de la principaulté du Pays-Bas (2). » En 
refasant son appui décisif aux confédérés, en refusant aussi 
de seconder les desseins du prince d'Orange, c’est-à-dire 
d'arrêter les Espagnols aux frontières, tout en maintenant 
la suzeraineté de Philippe If, en poussant enfin jusqu'à 
l’aveuglement des serupules qui n'étaient plus justifiés par 
les circonstances, le comte d'Egmont « espoir du Pays- 
» Bas » livra fatalement ces provinces au due d'Albe. 

Dans de pareilles dispositions , l’infortuné seigneur de- 
vait rejeter bien loin aussi l’idée d'appeler l'empereur 
Maximilien ÎE au secours du pays, de même que la propo- 
sition de lui transmettre la souveraineté. Or, ce change- 


> 


24 


(1) Archives de la maison &'Orange-Nassau , t. 11, p. 395. 
(2) Relation inédite. Elle est attribuée à Pontus Payen, S% des Essarts 
(MSS. de la Bibliothèque royale.) 


(9727 

ment dynastique était désirable, car 11 aurait pu écarter 
de nos provinces de grands et terribles désastres. Faire 
passer les Pays-Bas à la branche collatérale de la maison 
d'Autriche, remplacer l’implacable Philippe HI par le prince 
tolérant que, du vivant même de Charles-Quint, les Belges 
désiraient déjà pour leur souverain : n’était-ce point là 
une mesure que l’état désespéré du pays indiquait et jus- 
tifiait? Et cependant, n1 le comte d'Egmont ni le comte 
de Hornes, accusés avec tant de véhémence par le procu- 
reur général du conseil des troubles, ne voulurent prêter 
la main à ce projet. On a pour garants de leur conduite 
loyale mais faible leurs déclarations solennelles et cette 
confiance même qui les rendit victimes de l'astuce espa- 
gnole (1). 

Les défenses personnelles des deux seigneurs, écrites 
par eux-mêmes lorsqu'ils étaient captifs au château de 
Gand, méritent sans aucun doute plus de créance que les 
dénonciations intéressées et calomnieuses d’Anderlecht, 
les méchantes inculpations de Noircarmes et les inven- 
tions extravagantes du comte de Mansfeldt. 

Or, voici comment s’exprimait le comte de Hornes : 
« Le deffendeur dit et déclaire.... n'avoir oncques eu envie 
» de changer de prince ne moins luy usurper ses Estats et 
» pais. Mais, au contraire, à toujours ledit deffendeur 


=. 


(1) Lorsque le duc d’Albe fut entré dans le pays, le comte d'Egmont reçut 
plus d’un avertissement sur les desseins sinistres du nouveau lieutenant de 
Philippe IT; des capitaines espagnols mêmes lui firent entendre qu'il était 
temps pour lui de se mettre en sûreté. Tous ces avertissements purent à peine 
l’'émouvoir. « Le bon S5', qui n’estoit des plus rusés du monde, dit Pontus 
» Payen, leur faisoit response qu’il sentoit sa conscience nette et que s’il 
» estoit à cent lieues de Bruxelles il y viendroit par la poste pour se jus- 
» tifier des cas que lon luy vouldroit imposer... » 


( 278 ) 

» procuré le service de Sa Majesté, y ayant consacré la 
» pluspart de ses ans et son bien patrimonial, comme à 
» tout le monde est notoire, et ne a le cœur si bas qu'il 
» veuille avoir autre prince que son naturel, estant lung 
» des plus grands Roys de la chrestienté (1)... » Écoutons 
maintenant le comte d'Egmont : « Quant au premier arti- 
» cle de mesdites charges, je maintiens qu'il est couché 
» contre toute vérité. Car je n'ay traïclé ny jamais pensé 
» traicler chose contre le service de Sa Majesté, ny aussi 
» tâché à rien du contenu en icelluy : ains ay tousjours 
» rendu peine tout ce qu'un bon vassal et serviteur est 
» tenu de faire pour le service de son roy, comme est el 
» sera tousjours trouvé véritable... » [| ajoutait : « Dad- 
» vantaige je dis n'avoir jamais escripl ny envoyé messaige 
» ny aussi (enu correspondance avecq roi ny roynes, princes, 
» seigneurs, villes, corronels ny capitaines estrangers, ny 
» mesmes avecq mes parents ny alliez d'aultres pays. EL 
» quant à ce pays de par dechà, que l’on s’informe de tous 
» gouverneurs de places tant de mon gouvernement que 
» d'aultres, de capitaines et soldats, tant vieux que nou- 
» veaulx officiers de Sa Majesté, et que se veuille manière 
» de gens, si jamais ils ont peu entendre par ma bouche 
» ou par lettrèés miennes ou par aultres démonstrations 
» chose qui tendoit aux fins que dict le procureur géné- 
» ral... (2). | 


(1) Défense personnelle de Philippe de Montmorency, comte de Hornes, 
chevalier de l’ordre de la Toison d’or, etc., dans le Supplément à Strada , 
t. Le, pp. 159 et suiv. 

(2) Mémoire de défense remis par le comte d'Egmont au capitaine Salinas, 
le 12 février 1568 , etc. Voir Procès du comte d’Egmont et pièces juslifica- 
tives, d’après les manuscrits (rouvés à Mons, par M. de Bavay, procureur 
général pres la Cour d'appel de Bruxelles (1854, in-8°), pp. 121 et suiv. 


(274) 

L'accusation capitale, qui servit de prétexte à la con- 
damnation des comtes d'Egmont et de Hornes, n’est point 
reproduite dans l’édit de proscription décrété, en 1580, 
contre le prince d'Orange. Guillaume le Taciturne y est 
dépeint, à la vérité, comme le prineipal et même l’unrque 
auteur des troubles du pays. Il y est accusé d'avoir, dès 
l’avénement du roi, « attiré à soi ceux qu'il savait être 
» mécontents, chargés de deites, ennemis de la justice, 
» désireux de nouveautés, et surtout ceux qui étaient sus- 
» pects dans la religion. » Guillaume publia son Apologie 
ct avoua qu'il avait fait tous ses efforts pour chasser du 
pays les Espagnols, abolir l’Inquisition et les placards, et 
conserver les anciens priviléges; mais que ces efforts ne 
tendaient qu’à prévenir la guerre civile en empêchant les 
projets de tyrannie religieuse et politique du conseil d'Es- 
pagne; qu'il agissait en vue du bien public et en acquit de 
ses devoirs et de son serment. Il déplorait avec amertume 
de n'avoir pu obtenir le concours de « ses frères et com- 
» pagnons de l'Ordre et du conseil d'État » pour s'opposer 
à l'entrée du duc d'Albe... « Si mes frères et compagnons 
» de l'Ordre et du conseil d'Estat, disait-il, eussent mieux 
» aimé conjoindre leurs conseils avecq les miens, que de 
» faire si bon marché de leurs vies, nous eussions tous 
» employé corps et biens pour empescher le due d’Alve 
» et les Espagnols de rentrer dans le pays (1)... » 

Détourner des Pays-Bas cette tempéte de sang (2) qu'a- 
menaient le duc d’Albe et ses bandes espagnoles, ce n’eût 
point été crime de rébellion. L'histoire aurait glorifié une 


(1) Apologie ou défense de très-illustre prince Guillaume, etc. (De 
imprimerie de Charles Sÿlvius, 1581, 1 vol. in-4°}, p. 54. 
(2) Expressions de Strada. 


( 79 ) 
pareille détermination comme un acte inspiré par le plus 
noble patriotisme. Fallait-il donc laisser détruire les anti- 
ques priviléges des provinces? Fallait-1l laisser décimer 


- Ja noblesse? Fallait-il exposer le pays aux effroyables chà- 


timents qu'annonçaient la sourde et longue irritation de 
Philippe IF, ainsi que le choix même qu'il avait fait du duc 
d'Albe, pour dompter, par le fer et le feu, un peuple qui 
avait osé revendiquer la tolérance et la liberté? 

Heureux les comtes d'Egmont et de Hornes, s'ils avaient 
eu les desseins prévoyants et hardis de leur illustre col- 
lègue ! Mais quelle que soit l'opinion que l’on se forme du 
caractère et des actes de ces trois personnages, 1l est im- 
possible, ce semble, de ne voir en eux que des chefs 
ambitieux, cherchant avant tout leur avantage personnel 
dans les troubles populaires. Les faits démontrent l'inexac- 
titude de cette appréciation. En défendant contre le parti 
espagnol les institutions des Pays-Bas, c’est-à-dire les 
anciennes prérogalives de la noblesse nationale et son 
intervention légale dans le gouvernement, de même que 
les droits et les libertés assurés aux provinces et aux villes 
par des chartes solennellement jurées et confirmées; en 
proposant, en outre, de mitiger linflexible et cruelle ri- 
gueur des édits qui frappaient les sectateurs de la Réfor- 
mation, dont le nombre balançait presque celui des catho- 
liques , et en exprimant le vœu de faire participer les ha- 
bitants des dix-sept provinces à la paix religieuse dont 
Jouissait l'Empire, le prince d'Orange et ses amis ne ser- 
vaient-ils point une juste cause? Et l’histoire ne doit-elle 
pas les louer ? 

Nous disons que c'était leur devoir et leur droit d'exiger 
le gouvernement du pays par le pays, cette antique tradi- 
tion de nos provinces. Or, dans la première période des 


(5416. ) 
troubles, le parti national ne réclamait pas autre chose. Il 
demandait que la noblesse indigène exerçàt un pouvoir 
réel dans les conseils du prince ou de son lieutenant; que 
les provinces et les communes conservassent leurs privi- 
léges; enfin, que tous les ordres régulièrement convoqués 
en élats généraux, comme sous le règne de Charles-Quint, 
pussent faire connaître leurs sentiments et leurs vœux, 
notamment sur le mode de répression des hérésies, ce 
grief permanent de l'opposition. 
Non, les hommes célèbres qui dirigèrent ou favorisé- 
rent une opposition aussi légitime n'étaient point des am- 
bitieux égoistes et vulgaires. Ces citoyens illustres étaient 
avant tout sincèrement dévoués aux Pays-Bas : leurs efforts 
avaient pour but de conserver l’ancienne grandeur et Pan- 
cien éclat de ces provinces, qu'une domination funeste 
voulait abaisser jusqu’au rang de simple fief de l'Espagne. 


( 571 ) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


Séance du 6 novembre 1856. 


M. DE KEYzER, directeur. 
M. Querecer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Féus, Leys, 
Madou, Navez, Roelandt, Suys, Van Hasselt, J. Geefs, Érin 
Corr, Snel, Fraikin, Baron, Éd. Fétis, De Busscher, Por- 
taels, membres; Balat, Siret, correspondants. 


CORRESPONDANCE. 


M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la commis- 
sion administrative a ordonné l'impression de la table des 
matières des quarante-trois premiers volumes des Bulletins 
de l’Académie, rédigée par M. Siret, correspondant de la 
classe, pour rendre ce recueil plus accessible aux lec- 
teurs. 


M. Alvin adresse, au nom de la classe, des remerci- 
ments à l’auteur pour cet utile travail, et la classe appuie 
ses suffrages par de chaleureux applaudissements. 


TouE xxir. — I["° PART, 40 


RAPPORTS. 


M. F. Fétis fait connaître les obstacles qui se sont 
opposés à la rédaction des rapports sur la question rela- 
tive aux poèmes des concours de musique : le travail 
sera présenté dans une prochaine séance. (Commissaires : 
MM. F. Fétis, Baron et Van Hasselt.) i 


— M. Portaels communique quelques observations qu'il 
a rédigées avec M. Alvin sur l’école belge de peinture à 
tome : « En 1817, dit-il, l'administration des Pays-Bas 
jeta les fondements de l'institution nationale dont le siége 
est à Anvers. D’heureux développements y ont été apportés 
depuis peu de temps : la peinture, la sculpture, la gravure 
et l'architecture fournissent annuellement un pension- 
naire belge que le pays entretient à l'étranger. 

» La musique participe aussi à cet avantage assuré aux 
arts sur le budget de l'État. 

» Deux pensionnaires sont encore entretenus à Rome 
par la fondation d’Archis, dont la disposition appartient 
à la ville de Liége. D'autres villes, Gand, par exemple, et 
certaines associations, qui ont pour objet l’encouragement 
des beaux-arts, ont quelquefois accordé à leurs jeunes 
concitoyens des pensions dans le même but, de sorte qu'il 
y a toujours, à l'étranger, un certain nombre d'artistes 
belges occupés à se perfectionner dans leur art, au moyen 
des ressources que la munificence des institutions du pays 
met à leur disposition. » 

M. Portaels insiste sur la nécessité de créer une insti- 
tution permanente pour nos artistes; il s'attache à en dé- 


(EN ) 

montrer les avantages « qui seront, dit-il, sans doute, 
appréciés par le Gouvernement. Je crois qu’il faut d'autant 
plus songer à mettre les jeunes artistes à même de mé- 
nager leur temps et leur argent, que le séjour de Rome est 
aujourd'hui, pour nos pensionnaires, réduit à deux ans 
au lieu de quatre; car presque tous commencent par passer 
un an à Paris, et emploient à voyager dans divers pays la 
quatrième année. Or, un séjour aussi court ne peut être 
profitable qu’à certaines conditions. » 

Les moyens qui semblent pouvoir concourir le plus di- 
rectement au but sont indiqués el résumés dans les termes 
suivants : 

« 4° Il y a quelque chose à faire dans l'intérêt des 
pensionnaires belges à Rome; 

» 2° Les moyens de réalisation ne sont pas difficiles à 
trouver; 1l faut principalement s'entendre avec les admi- 
nistrations des diverses fondations ; 

» 5° Il est de la dignité de notre classe de proposer au 
Gouvernement une mesure qui est appelée à exercer une 
salutaire influence sur l'étude des beaux-arts. » 

M. Portaels appelle lattention de l'Académie sur ces 
propositions et sur d’autres qu'il ni soumet, relativement 
aux envois faits par les artistes belges. 

La classe nomme une commission composée des dix 
membres suivants : MM. Navez, F. Fétis, De Keyser, Corr, 
Simonis, Roelandt, Suys, J. Geefs, Portaels et Alvin, 
pour lui faire un rapport sur les propositions énoncées. 


( 580 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


an 


Artistes belges à l'étranger : SAGQUES FouQUIÈRES ef JEAN 
Roos; par M. Edouard Fétis, membre de l’Académie. 


JACQUES FOUQUIÈRES. 


Les biographes nous apprennent peu de chose de l’en- 
fance et des premiers travaux de Jacques Fouquières, 
peintre de paysage très-vanté par ses contemporains, el 
type original s’il en fut. Le lieu de sa naissance est incon- 
testable et incontesté : c'est Anvers. On ne peut pas être 
aussi affirmatif quant à l’année. La date la plus générale- 
ment admise est 1580; mais nous sommes obligé de dire 
qu'aucun document authentique n’en garantit l’exactitude, 
tandis que diverses circonstances semblent en démontrer 
la fausseté. 

Le premier maître de Fouquières fut Josse Momper, 
selon de Piles, et, suivant Félibien, J. Breughel. Ne vou- 
lant pas, faute de renseignements certains, choisir entre 
ces deux indications, la plupart des historiens de la pein- 

ture se sont décidés à les adopter collectivement. Ils disent 
donc que Fouquières fut élève de Momper et de Breughel. 
Füsshi a été plus prudent. Craignant de se compromettre 
en donnant un renseignement inexact, il commence la 
notice de Fouquières en disant que Rubens, son troi- 
sième maitre, lui fit peindre souvent les fonds de ses 
grandes pages historiques. Sa réserve, cependant, n’a pas 
été aussi complète qu'il le croyait, car Rubens ne peut pas 


(581) 


avoir été le troisième maître de Fouquières, sans que 
celui-ci n'ait eu précédemment les conseils de deux autres 
peintres. Nous revenons donc à un double enseignement 
reçu par notre artiste de Josse Momper et de J. Breughel. 
Si, en effet, Fouquières a eu des leçons de Momper, il 
faut adopter pour sa naissance une date postérieure à 1580; 
car c'est dans cette même année que naquit le peintre qu’on 
lui donne pour premier maître, et il n’est guère présu- 
mable qu'il se soit placé sous la direction d’un artiste de son 
âge. Un autre fait, mieux établi, donne la presque certitude 
que Fouquières est né plus tard que ne le disent ses bio- 
graphes. Il paraît hors de doute qu'il travailla dans l’ate- 
lier de Rubens; or, le prince de nos peintres ne revint 
d'Italie se fixer à Anvers qu'en 1609, et n’imprima que 
plusieurs années après à ses travaux l’activité qui l’obli- 
gea à se donner des aides. Fouquières aurait eu environ 
trente-cinq ans lorsqu'il entra dans l'atelier de Rubens, 
quittant , dit-on, celui de Breughel. Est-il vraisemblable 
qu'il ait autant prolongé le temps de ses études? Pour être 
admis à servir d'interprète au génie de l’immortel auteur 
de la Descente de croix, il devait avoir un talent réel; mais 
ce talent ne s'était pas encore révélé par des œuvres em- 
preintes d’un cachet personnel. La supposition la plus 
fondée qu’on puisse former, c’est que J. Breughel, son 
maître, le recommanda à Rubens, avec lequel on sait qu'il 
entretenait depuis longtemps des relations d'amitié. 
Fouquières était donc jeune encore et sans réputation, 
quand Rubens le reçut au nombre de ses disciples, où pour 
mieux dire des interprètes de sa pensée. Il fut chargé, con- 
curremment avec Momper, Wildens et Lucas Van Uden, 
de peindre les fonds de paysages des tableaux du maitre. 
Si Rubens tirait parti pour sa fortune et pour sa gloire 


| 
À 


( 282 ) 

du talent des artistes qu’il employait à donner une forme 
matérielle aux conceptions de son inépuisable génie, de 
quel prix ne payait-il pas les services qu’il en recevait? En 
sortant de son atelier, la plupart étaient des maîtres. Ceux 
en qui ne s'était pas développée la faculté créatrice, avaient 
du moins acquis une science du coloris et une force d’exé- 
cution qui n’appartenaient aux peintres d'aucune autre 
école. Quand Rubens appelait à son aide des pinceaux 
étrangers, ce n’était point, on le sait, qu’ils fussent plus 
capables que le sien de traiter une partie quelconque de 
ses tableaux pour laquelle il aurait fallu des études parti- 
calières préalables. Ce qu'il voulait faire par lui-même, 
il le faisait mieux du premier coup que ceux qui avaient, 
comme on dirait aujourd'hur, la spécialité du genre. Une 
seule chose lui manquait, c'était le temps d'exécuter toutes 
les compositions dont sa féconde imagination improvisait 
les projets. Il lui fallait non des collaborateurs, mais des 
instruments, exprimant non leur pensée, mais la sienne, 
et se conformant rigoureusement au modèle qui leur était 
donné. Fouquières fut un de ces instruments. Combien 
de temps passa-t-1l dans latelier de Rubens? on Flignore. 
Par suite de quelles circonstances s’éloigna-t-il d'Anvers? 
on ne le sait pas davantage. Nous avons dit que toute 
cette partie de sa biographie est enveloppée d’obseurité. 
Un moment sera venu, sans doute, où il aura éprouvé le 
besoin d'échanger son rôle obseur d’interprète contre celui 
d'inventeur, et où il aura voulu travailler à jeter les fon- 
dements d’une renommée dont il prouva par la suite qu'il 
était fort jaloux. 

Il est parlé par les biographes d’un voyage de Fou- 
quières en Îtalie et même d’un long séjour qu'il aurait 
fait dans les villes de Rome et de Venise, où il aurait laissé 


( 585 ) 
de nombreux ouvrages. Cette assertion est dénuée de fon- 
dement. D'une part, il n'existe aucun tableau de notre 
artiste dans les villes où l’on prétend qu'il se serait arrêté; 
de l’autre, nulle mention de ce prétendu voyage en Italie 
n’est faite par l'auteur de l’Abecedario pittorico, qui était à 
même de recueillir des renseignements précis sur cet inci- 
dent de la carrière de Fouquières, s'il avait eu quelque 
apparence de réalité. Orlandi tire, pour beaucoup de pein- 
tres flamands, ses indications de Sandrart qu'il copie pres- 
que textuellement ; mais 1l n'aurait pas manqué de parler 
des travaux de Fouquières à Rome et à Venise, dans le cas 
où ces travaux auraient{ existé, ce que nous croyons pouvoir 
pier formellement. L'auteur de l’Abecedario ajoute à l’énu- 
mération des qualités prêtées à Fouquières par Sandrart, 
celle d’un talent supérieur dans l'exécution de la fresque. 
C’est une erreur, car jamais ce genre de peinture n’a été 
traité par lartiste anversois; mais la peinture à fresque 
était si généralement considérée, en Italie, comme l’expres- 
sion la plus élevée de l’art, qu'Orlandi n’aura pas cru possi- 
ble qu'un maître pompeusement loué ne l’eût point abordée. 
_ Fouquières n’alla donc point en Italie; mais il voyagea, 
et ce fut à la cour de l'électeur palatin qu’il se rendit en 
quittant Anvers. Son séjour près de ce prince est men- 
tionné par ses biographes avec beaucoup plus de fonde- 
ment que celui de Rome et de Venise. Frédéric V faisait 
élever à Heidelberg, en l'honneur de son épouse Élisa- 
beth d'Angleterre, un palais qui complétait l’ensemble 
des magnifiques résidences bâties par ses prédécesseurs. 
Fouquières fut chargé d'y exécuter de grands travaux de 
décoration, et passa plusieurs années à s'acquitter de cette 
tâche. L’électeur lui témoignait beaucoup de considération, 
et l’aurait conservé à son service, si les malheurs de la 


( 584 ) 

guerre qui devait se terminer, pour l'infortuné Frédérie, 
par sa mise au ban de l'Empire et par la perte de ses États, 
n'avaient dispersé tous ceux qui s'étaient attachés à sa 
fortune. Les peintures faites par Fouquières au château 
d'Heidelberg , ont été ensevelies plus tard sous les ruines 
de cette somptueuse demeure des électeurs palatins dé- 
truite par les soldats de Louis XIV. 

Fouquières vint à Paris. On place généralement à l’an- 
née 1621 son arrivée dans cette capitale. Mariette, dans 
ses annotations manuscrites de l’Abecedario, indique cette 
date d’après Félibien; mais sans la garantir exacte. « Fou- 
quier, dit-il, quitta Rubens pour s’en aller en Allemagne 
où il travailla pour l'électeur palatin. Félibien assure qu’il 
y vint en 1621. Ce qui est vray, c’est qu'il y existoit fort 
considéré, lorsque le Poussin y vint en 1641. » Tout porte 
à croire que l’arrivée de Fouquières à Paris eut lieu effec- 
tivement en 4621. C’est le 8 novembre 1620 que l’armée 
de Frédéric V fut défaite près de Prague. N’est-il pas na- 
turel de supposer que Fouquières aura pris, peu de temps 
après, le chemin de la France, dans l'espoir de remplacer 
le Mécène qu’il avait perdu ? 

Papillon de la Ferté assure que Fouquières vint en 
France par ordre de Louis XIII. Cela n’est point. Notre 
artiste n'avait pas alors une réputation qui l’exposât à cet 
appel par ordre, très-flatteur du reste. Sa démarche fut 
toute spontanée. [l alla offrir ses services à M. de Noyers, 
secrétaire d'État et surintendant des bâtiments, qui, pour 
faire sa cour au cardinal de Richelieu, dont l'ambition 
élait d'illustrer ce qu’on peut appeler son règne par les 
beaux-arts comme par les lettres, accueillait avec faveur 
tous les hommes de mérite. Il n’y avait point en France, 
il faut le dire, de paysagiste qui pût disputer le premier 


( 585 ) 
rang à Fouquières. M. de Noyers, faisant droit à sa de- 
mande d'emploi, le chargea, au nom du roi, avec l’agré- 
ment du cardinal, de travaux considérables et particuliè- 
rement de peindre, dans la grande galerie du Louvre, 
des vues des principales villes de France. 

Notre artiste partit pour une tournée dans les provinces 
de la France, afin de rassembler les matériaux indispensa- 
bles pour l'exécution de la tâche qui lui avait été confiée. 
Cest vers le Midi qu’il dirigea d’abord ses pas. Mariette a 
tracé ces lignes dans ses annotations de l’Abecedario : 
« Fouquier étoit à Marseille en septembre 1629. Extrait 
d’une lettre écrite à M. Langlois, dit Ciartres, par une per- 
sonne de Marseille. » Ce passage suflisait pour dissiper 
les incertitudes du savant iconographe sur l'époque de 
l’arrivée de Fouquières en France, et l’on est en droit de 
s'étonner qu'il n’ait pas fixé ses indécisions. 

Les écrivains qui se sont occupés de Fouquières ont été 
à peu-près unanimes à signaler la négligence que mit 
notre artiste à remplir sa mission. D’Argenville s’ex- 
prime ainsi : « Îl entreprit le voyage de Provence par 
ordre du roi, pour en dessiner les principales villes; mais 
au lieu de peindre d’après nature, Fouquières se livra 
uniquement au plaisir, et ne fit que des dessins très-peu 
arrêtés. » Papillon de la Ferté traite Fouquières plus sévè- 
rement encore. Il l’accuse de s'être amusé à boire au lieu 
de travailler, et d’être revenu à Paris sans avoir rien ou 
presque rien fait. Nous n'avons pas à interroger ici la vie 
privée du peintre anversois, ni à rechercher s’il aima plus 
que de raison le vin du Midi; mais il nous semble que s’il 
s'était aussi mal acquitté qu’on le prétend de la tâche dont 
l'avait chargé le surintendant des bâtiments, il n’aurait 
pas reçu pour prix de sa négligence la plus haute marque 


( 586 ) 
de faveur qui pût être accordée à un artiste. Nous voulons 
parler de son anoblissement. 

La vanité formait le trait dominant du caractère de 
Fouquières. Si ce que disent ses contemporains était vrai, 
il aurait affiché la ridicule prétention de descendre des 
fameux Fugger d’Augsbourg, profitant d'une erreur de pro- 
nonciation qui altérait le nom de ces riches négociants. 
Mariette prend note de ce bruit d'atelier recueilli par la 
crédulité d’an biographe qui s'en est fait l’éditeur, et trace 
ces lignes en marge de l’Abecedario : «& M. Vleughels m’a dit 
qu'il avait souvent oui dire à son père, qui était Flamand, 
ami de Fouquier et de la même profession, que bien loin 
d’être né gentilhomme, il était d’une fort médiocre con- 
dition, et que Juste d'Egmont ne le mortifioit jamais tant, 
que lorsqu'il lui reprochoit d'être fils d’un charron et de 
n'être riche que de nom. C’est que les Fugger, ou, comme 
on les appelle en Flandre, les Fokkiers, ont formé une 
maison puissamment riche et que, lorsqu'on veut désigner, 
dans ce pays-là, un homme qui jouit d’une grande fortune, 
on dit assez volontiers : C’est un Fokkiers. » Tout cela 
concerne l’homme plutôt que l'artiste, et nous pourrions 
passer sous silence une fable qui n’est que ridicule ; st elle 
ne nous semblait avoir été inventée par les artistes fran- 
çais pour venger le Poussin des déboires que lui suscitè- 
rent les intrigues du peintre anversois. 

Peut-on supposer que Fouquières ait vouiu se faire 
passer comme étant de la famille des Fugger, dont le nom 
n'avait pour ainsi dire pas de rapport avec le sien, sur cette 
seule et frivole apparence que les célèbres négociants 
avaient eu un comptoir à Anvers? S'il avait été un deseen- 
dant des Fugger anoblis par l'empereur Maximilien, quel 
besoin aurait-il eu de solliciter du roi de France des let- 


( 587 ) 

tres de noblesse? Enfin, il restait de son temps un héri- 
tier légitime du nom des Fugger, général au service de 
l'Espagne, grand maître de l’artillerie et honoré par Phi- 
lippe IV du collier de la Toisor d'or, en récompense de ses 
services; or, admettra-t-on que Fouquières ait eu l'impu- 
dence de vouloir usurper un blason si vaillamment porté? 
Nous le répétons, c'est un ridicule qui lui a été prêté 
gratuitement par les biographes français ; et il en eut assez 
de réels, pour qu'on dût s'abstenir de lui en forger d'ima- 
ginaires. 

Le premier ridicule de Fouquières, celui qui témoigne 
le plus hautement de l’excès de son orgueil, fut de se croire 
supérieur à Nicolas Poussin, et d'entreprendre contre lil- 
lustre chef de l’école française une lutte d’intrigues qui 
aboutit au départ définitif de celui-ei pour lItalie. 

Après avoir longtemps résisté à toutes les instances 
faites pour le rappeler en France, le Poussin s’était enfin 
décidé à quitter Rome, où il avait cependant espéré achever 
sa carrière. Le roi Louis XIIT lui avait écrit de sa main 
pour l’engager à venir travailler à la décoration des mai- 
sons royales, l'appelant son « cher et bien aimé » et lui 
faisant entrevoir le plus brillant accueil. Le Poussin arrive 
à Paris. Il faut lire l'énumération qu’il fait, dans une lettre 
adressée au commandeur del Pozzo, des prévenances de 
toute espèce dont il est l’objet. On le conduit dans le car- 
rosse du ministre au logement, c’est-à-dire au petit palais, 
suivant ses expressions, qu'on lui a préparé et qui est 
situé au milieu du jardin des Tuileries. Ce petit palais est 
meublé avec richesse, entouré de jardins plantés d'arbres 
fruitiers et de parterres fleuris. Rien n’a été oublié, pas 
même un tonneau de vin vieux. Poussin à une audience 
de Louis XII. Le roi le comble de témoignages affectueux, 


( 588 ) 


lui commande de grands travaux, et dit en se tournant 
vers ses courtisans : Voilà Vouet bien attrapé! A peine le 
Poussin est-il rentré chez lui, qu'on lui apporte de la 
cour une belle bourse de velours bleu contenant deux 
mille écus en or nouvellement frappés. 

Voilà comment on en usait jadis à l'égard des grands 
artistes. D'une autre part, la vérité nous oblige à dire 
qu’alors, comme aujourd'hui, l'intrigue faisait au mérite 
une guerre redoutable. La manière dont le Poussin avait 
été reçu par le roi dut lui faire croire qu'il allait désor- 
mais avoir la direction des travaux de peinture des rési- 
dences royales. C'était compter sans les influences de la 
médiocrité, et sans les rancunes de la vanité blessée. 
Vouet, qui avait eu jusqu'alors la haute main sur ces 
travaux, mit tout en œuvre pour empêchér la ruine de son 
crédit. Ne voulant pas être bien attrapé, comme avait dit 
le roi, il se ligua avec Lemercier, l'architecte des palais , et 
avec Fouquières, qui était très en faveur, pour abreuver le 
Poussin de dégoûts et pour l'obliger à la retraite. Fou- 
quières avait été chargé, ainsi qu'on l’a vu plus haut, de 
peindre les vues des principales villes de France, desti- 
nées à être placées entre les fenêtres de la galerie du 
Louvre. « Il crut, dit Félibien, que cet ouvrage, qui véri- 
tablement eût été considérable, devoit le rendre maître de 
toute la conduite des ornements de la galerie, et comme 
cela ne réussissoit pas selon son désir, il fut un de ceux 
qui se plaignirent le plus du Poussin. » Mariette parle de 
ce dissentiment des deux artistes dans les termes sui- 
vants : « Îls eurent ensemble (Fouquières et le Poussin) 
quelques contestations au sujet des peintures de la grande 
galerie du Louvre. Foucquières prétendoit que le travail 
qu'il y devoit faire étoit assez considérable pour que ce 


(589 ) 


fût à luy à ordonner toutes les autres peintures qui de- 
voient orner celte galerie, et trouvoit fort mauvais que le 
Poussin eût commencé les dessins de la voûte sans les lui 
avoir communiqués. » Dans une lettre adressée à M. de 
Noyers, le Poussin rend compte lui-même de ses démêlés 
avec le peintre flamand : « Le baron Fouquières, dit-il , est 
venu me parler avec sa grandeur accoustumée ; 1l trouve 
fort estrange de ce qu’on a mis la main à l’œuvre sans lui 
avoir communiqué aucune chose; il dit avoir un ordre du 
roy, confirmé du ministre, prétendant que les paysages 
soient l’ornement principal de ce lieu, le reste n'estant 
seulement que des incidents. » 

Le Poussin ne put résister à la ligue ourdie par Vouet, 
Fouquières et Lemercier. Il prit le parti de leur céder le 
terrain et d'aller chercher le calme dans sa chère Italie. 
ses ennemis avaient lancé contre lui un manifeste. Il y 
répondit dans une longue lettre au ministre où se trauvait 
ce passage significatif: « L'impertinence de mes calomnia- 
teurs n’est fondée que sur le gain considérable qu'ils se 
proposent de faire. » Avant de partir, il voulut laisser un 
témoignage éclatant de la lutte qu'il avait eu à soutenir et 
sur laquelle il appelait le jugement de la postérité. Il pei- 
gnit le célèbre tableau qui à pour sujet : « Le temps fai- 
sant triompher la vérité. » L’orgueil de Fouquières fut une 
des causes de l'apparition de ce chef-d'œuvre. 

On ignore par quel concours de circonstances le peintre 
flamand, après cette triste victoire qui lui laissait toute sa 
liberté d'initiative, ne poursuivit pas l’exécution des pein- 
tures de la galerie du Louvre. Ce n’était pas le talent qui 
lui manquait. Les critiques qui ont jugé le plus sévèrement 
les bizarreries de son caractère, rendent justice au mé- 
rite de ses ouvrages, Félibien le qualifie d’excellent paysa- 


( 990 ) 

giste, et, après s'être moqué de sa ridicule vanité, ajoute: 
« Il est vrai que, pour ce qui regarde ses tableaux, il en à 
fait de très-excellents, et qu'il avoit une manière bien plus 
vraye et meilleure que son maître (Breughel). Ce qu'il a 
peint d'après le naturel ne peut être plus beau et mieux 
traité, Il y à quantité de ses ouvrages à Paris que vous 
pouvez avoir vus. Un de ses disciples nommé Rendu er a 
beaucoup copié. » De Piles s'exprime sur son compte d’une 
manière plus flatteuse encore: « Jacques Fouquières, dit- 
il, a été un des plus célèbres et des plus savants paysagistes 
qui aient paru jusqu'ici. Ses tableaux ne sont différents de 
ceux du Titien que par la diversité des pays qu'ils repré- 
sentent; car, pour les principes, 1ls, sont les mêmes et 
les couleurs également bonnes et bien entendues. » Le 
talent de Fouquières est aussi très-bien apprécié dans cette 
note du catalogue de la célèbre collection Crozat, rédigé 
par un habile connaisseur : « L’on ne connoît aucun 
peintre flamand qui ait mis dans ses paysages plus de frai- 
cheur que Fouquier, ni qui ait exprimé avec plus de pré- 
cision et d'intelligence la diversité des objets qui se pré- 
sentent dans les campagnes. Ses dessins ne le cèdent point 
en cette partie à ses tableaux. Les dégradations et les dif- 
férents plans y sont merveilleusement bien observés, et 11 
s’y trouve, sur les devants, des plantes et des broussailles 
traitées avec une vérité qu'on ne voit presque jamais dans 
les dessins des autres paysagistes. Un peu moins de ma- 
nière dans la façon de feuiller les arbres, et les dessins 
des paysages de ce maître ne laisseroïent, ce semble, rien 
à désirer. » 

Mariette, dont nous avons cité déjà quelques passages 
relatifs à Fouquières tirés de ses annotations de lAbece- 
dario, marque également une haute estime pour ses ou- 


| 


(591 ) 

vrages. « Ce furent, dit-il, les excellents préceptes de ce 
srand maître (Rubens) qui rendirent Fouquier un des 
meilleurs paysagistes qui eussent encore paru. Il excelloit 
à représenter des enfoncements de forêts où il faisoit ré- 
sner un sombre et une fraicheur merveilleuse. Il enten- 
doit très-bien les lointains, touchoit les plantes, les pierres, 
les roches et les montagnes dans leur véritable caractère, 
et peignoit avec beaucoup de vérité les eaux dormantes, 
Les figures champêtres qu'il introduisoit dans ses tableaux 
s'y trouvent placées à propos et avec toute la grâce et la 
vraysemblance possibles. De Piles ne craint pas de le mettre 
en parallèle avec le Titien. Il faut avouer pourtant que sil 
a fait d'excellents tableaux où le bon goût de couleur et 
l'intelligence des lumières sont poussés à un haut degré, 1} 
en a peint d’autres où un même verd domine trop, et que 
s'il a eu une bonne manière de toucher les arbres, les 
ioufles en sont aussi quelquefois découpées avec sécheresse. 
Au reste, 1! avoit une grande pratique de peindre en grand, 
et Rubens l’employa plusieurs années dans les grands 
ouvrages qu'il étoit obligé de faire. » 

Ce n’est pas, on le voit, l'engouement d’un appréciateur 
trop bienveillant qui attribue à Fouquières des qualités 
imaginaires. Les critiques les plus justement accrédités 
sont unanimes à lui assigner le premier rang parmi les 
paysagistes de son temps, du moins parmi ceux dont les 
ouvrages étaient connus en France. Si nous avons cité 
textuellement les passages de leurs écrits quise rapportent 
à Jacques Fouquières, c'est que le mérite d’un peintre est 
relatif à l'état de l’art au temps et dans le pays où il a 
vécu , et qu'on ne peut concevoir une juste idée de ce mé- 
rite, sans consulter l'opinion des contemporains. 

Fouquières, avec les grandes qualités qu’il tenait de la 


( 292 ) 

nature et qu'avait développées l’enseignement de Rubens, 
aurait pris, parmi les peintres du XVIF”® siècle, une place 
plus élevée encore, si les bizarreries de son caractère ne 
l'avaient rendu en quelque sorte ennemi de sa gloire. En- 
tiché de la noblesse que lui avait conférée la trop grande 
bienveillance du roi, il tranchait du gentilhomme, ne 
peignait, dit-on, que l’épée au côté et considérait comme 
une humiliation l'exercice de son art. « Il étoit si fier, dit 
Mariette, qu'il aimoit mieux souvent ne point travailler 
que de n'être pas considéré comme il le prétendoit. » 

Les tableaux de Fouquières sont aujourd’hui très-rares. 
Par les raisons que nous venons de dire, il travaillait peu 
et se faisait payer très-cher. De toutes les galeries de l’'Eu- 
rope, celle de Berlin est la seule qui possède une œuvre de 
sa main. C'est un paysage peint sur bois où l’on voit un 
village qui se reflète dans un étang et des chasseurs pour- 
suivant un chevreuil sur le penchant d’une colline éclairée 
par le soleil couchant. Il y avait dans l’ancienne collection 
de France cinq tableaux de notre artiste, savoir : un Hiver, 
un Paysage avec marché, un Cavalier à la porte d'un caba- 
ret , une Chasse avec la vue d’un château sur un rocher. On 
n’en retrouve plus un seul au musée du Louvre. Ce musée 
n’a de Fouquières qu'un dessin. Mariette, dont nous invo- 
querons encore une fois le témoignage, loue beaucoup ses 
productions de ce genre : « Il dessinoit volontiers, dit le 
célèbre connaisseur, et s’en acquittoit très-bien. 11 manioit 
parfaitement la plume. Je n’en connoïs point de plus moel- 
leuse. Personne, que je pense, n’a dessiné les broussailles 
dans un plus grand détail et avec plus d'intelligence. 
Quoyque faits à peu d'ouvrage , ce n’en sont pas moins des 
portraits de la nature rendus dans une fidélité surpre- 
nante. Il y règne une telle variété dans le port des bran- 


( 595 ) 

ches, les feuilles et les fleurs prennent des tours si heureux 
et des formes si justes, que chaque objet avance ou recule 
suivant qu’il est nécessaire. Il ne se sert pourtant que d'un 
lavis assez léger sans trait; quelquefois, il y mesle quel- 
ques couleurs fort légères et mises à propos. Ce qui me 
charme dans ce maître, c’est qu'il est expressif et qu'il 
entre merveilleusement dans le détail des formes. Il n’ou- 
blie rien. Il y a dans la plupart de ses dessins des effets 
de lumière étonnants. Sa manière de dessiner favorite est 
le lavis sur un trait extrêmement léger fait au crayon noir, 
seulement pour arrêter sa première idée. » 

Plusieurs des paysages de Fouquières ont été gravés. 
Les artistes dont le burin reproduisit ses compositions 
furent Arnoud de Jode, Perelle, A. Voet, Mathieu Mon- 
tagne, Ignace Van der Stock, J. Coelemans et Morin. 
Celui-ei fut son meilleur interprète. Les quatre grands 
paysages qu'il a gravés d’après le peintre flamand sont, 
ainsi qui le font remarquer Huber et Rost, dans leur Jfa- 
nuel, d’un travail si pittoresque, qu'ils donnent une idée 
exacte du peintre et même du coloris de ses tableaux. Les 
estampes d'Ignace Van der Stock sont également tout à 
fait dans le sentiment du maître. A la suite de la courte 
notice consacrée à Fouquières, dans son Dictionnaire des 
graveurs, Basan ajoute : « Il à gravé à l’eau-forte plusieurs 
paysages de sa composition, » Huber et Rost s'expriment 
d’une manière moins positive : « Fouquières, disent-ils, 
doit avoir gravé à la pointe plusieurs petits paysages. » Le 
fait est que dans aucune collection publique ou privée, on 
ne voit de pièces de notre artiste qu’on a peut-être con- 
fondu avec Hector Foulquier, auteur de petits paysages 
gravés à l’eau-forte, vers le milieu du X VITE" siècle. Quel- 
ques amateurs penchent à lui attribuer un des paysages 

Tome xx, — EL" paRT, 41 


( 294 ) 
compris dans l'œuvre de Morin et qui ne porte pas de 
marque; mais la parfaite similitude du travail avec celui 
des planches signées par Morin, prouve suffisamment 
qu'il est de la même main. | 

Notre artiste eut une vieillesse malheureuse. Nous avons 
dit qu'une sotte vanité avait fini par lui faire regarder la 
pratique de la peinture comme une dérogation à sa no- 
blesse. Cet orgueil insensé lui avait aliéné successivement 
ses protecteurs et ses amis. Il tomba dans une profonde 
misère et fut recueilli par un peintre obscur nommé Syl- 
vain, qui demeurait au faubourg Saint-Jacques. C’est là 
qu'il mourut vers 1659. Van Plattenberg, connu en France 
sous le nom de Plate-Montagne, assista seul à ses der- 
niers moments et fit son portrait. Mariette fait mention de 
cette circonstance dans la note suivante : « Fouquier a été 
ami de M. Montagne, et celui-ci dessina son portrait après 
sa mort. Je l'ai vu entre les mains des enfants de Montagne 
avec plusieurs dessins de Fouquier. J’appréhende que tout 
cela n'ait été dispersé. Ceux qui avoient ces dessins sont 
tous morts. C'étoient de vrais ours qui ne communiquoient 
avec personne et qui auroient laissé périr dans la poussière 
des morceaux qui méritoient d’être mieux conservés. Je 
regrette entre autres choses le portrait de Fouquier. » 
Ce portrait paraît s'être perdu ; on ignore du moins dans 
quelles mains il à pu passer. 

D'Argenville, en donnant, sur la mort de Fouquières, 
des détails qui concordent avec ceux contenus dans l’Abe- 
cedario de Mariette, ajoute que Montagne, compatriote et 
ami du paysagiste flamand, le fit enterrer à ses frais dans 
l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas. 

Il y à eu plus d’une erreur commise par les biographes 
relativement à la date et au lieu de la mort de Jacques Fou- 


( 295 }) 

quières. Papillon de la Ferté, qui était cependant à la 
source des renseignements, dit que l'électeur palatin, qui 
faisait grand cas des talents de Fouquières, l’attira et le re- 
unt à sa cour, où il mourut. Cette erreur, qui changeait 
l’ordre des faits de la carrière de l'artiste flamand, puis- 
qu'elle reculait de près de trente ans son voyage en Alle- 
magne, a été répétée par plusieurs écrivains. 

Par la date constatée de la mort de Fouquières, on peut 
rectitier celle de sa naissance, dont plusieurs circonstances 
démontraient déjà l'incertitude, ainsi que nous l'avons 
dit plus haut. Ni Mariette n1 d'Argenville, qui nous ont 
laissé des détails précis sur les derniers moments du pein- 
tre flamand, ne disent qu'il soit parvenu à un âge très- 
avancé; or, S'il était né en 1580, comme on l’a imprimé 
partout, il serait mort dans sa quatre-vingtième année. 

Parmi les élèves de Fouquières, on cite deux peintres 
aujourd'hui fort obscurs, Bellin et Rendu, et un maître 
célèbre, Philippe de Champagne, qui étudia, dit-on, sous 
sa direction. Nous n'attribuons pas à Fouquières l’hon- 
neur d’avoir fait un grand peintre de Philippe de Cham- 
pagne, qui le serait certes devenu sans lui; mais nous 
prenons soigneusement note d’une circonstance qui ratla- 
che à l’école nationale, par ses premières études, un artiste 
qui lui appartenait déjà par sa naissance, et que certains 
écrivains ont voulu naturaliser français. | 

Encore un mot sur le nom de notre artiste. On l’a 
appelé Focquier, Fouquier et Fouquières. Il serait difficile, 
pour ne pas dire impossible, de remonter à l'orthographe 
véritable. Nous nous sommes arrêté à celle qui est le plus 
généralement adoptée dans le pays où l'artiste a vécu, et 
où il a fondé sa renommée. Ce qui a contribué à nous y 
déterminer , c'est que les biographes anversois, qui n'ont 


( 096 ) 
donné d’ailleurs sur l'artiste auquel nous avons consacré 
cetle notice, que des indications vagues et incomplètes, 
l'ont également nommé Fouquières. 


a 


JEAN ROOSs. 


L'histoire ne nous a transmis sur l'artiste dont nous 
allons nous occuper qu'un petit nombre de détails biogra- 
phiques; mais ce qu’elle nous apprend de ses travaux suffit 
pour lui faire assigner une place honorable parmi les pein- 
tres qui ont rehaussé à l'étranger l'éclat de l’école nationale. 

Né à Anvers en 1591, Jean Roos, appelé Rosa par les 
Italiens, reçut les premières lecons de peinture de J. de 
Wael, et fut ensuite, pendant quatre années, l'élève de 
Fr. Snyders. Il avait vingt-quatre ans quand son père, qui 
exerçalt la profession de marchand dans notre métropole 
commerciale, l’envoya en Italie. Il s'arrêta d’abord à Gênes, 
puis il se rendit à Rome, où il fit un séjour de deux années. 
Tout en étudiant les chefs-d'œuvre des maîtres, il se fit 
connaître par des productions qui obunrent les suffrages 
des connaisseurs. S'il faut en croire Lanzi, il fut un des 
peintres flamands qui jouirent de la renommée la plus 
étendue dans les États de l’Église, renommée qu’il dut à 
des tableaux d'animaux où il déploya un rare talent. « On 
prétend, poursuit l'historien de la peinture italienne, qu'il 
renouvela les prodiges de Zeuxis tant vantés par Pline, en 
représentant des lièvres auxquels des chiens se trompèrent. 
Il existe dans la galerie Bolognetti deux de ses tableaux, 
les plus grands et les mieux peints, auxquels est joint un 
portrait. Je ne sais si c'est celui du peintre ou de quelque 


( 597 ) 
autre personnage. » Sans croire précisément au miracle 
opéré par le peintre flamand, miracle qui aurait prouvé 
que les chiens italiens ont la vue meilleure que l’odorat, 
nous trouvons dans l’exagération même des éloges de 
Lanzi, un témoignage du crédit qu’obtinrent à Rome les 
œuvres de Jean Roos. | 

Quoi qu’il en soit, le peu de temps que notre artiste avait 
passé à Gênes, avait suffi pour lui inspirer, à l'égard de 
cette ville, un sentiment de prédilection qui l’y ramena 
bientôt et qui l'y fixa. Ce sentiment, Rubens l’avait égale- 
ment éprouvé. On sait, en effet, que le grand maître ne 
fit dans aucune ville d'Italie un séjour aussi prolongé qu’à 
Gênes. La beauté du climat, l’aspect grandiose des monu- 
ments qu'il se plut à dessiner et dont il nous a laissé une 
précieuse série de reproductions, l’'aménité des mœurs, 
tout le charmait dans cette ancienne et puissante rivale 
de Venise. Il y multiplia ses chefs-d'œuvre, et il ne fallut 
pas moins que la nouvelle qu'il y reçut de la maladie mor- 
telle de sa mère, pour l’en arracher. 

Gênes était encore pleine des souvenirs laissés par Ru- 
bens, quand Roos y revint. Il fut redevable à ces mêmes 
souvenirs, autant peut-être qu'à son mérite personnel, de 
l’accueil qu'il reçut de la noblesse génoise, portée de tout 
temps à encourager l’art de la peinture. Selon ce que rap- 
porte Soprani, dans ses Vite de pittori, scultori ed architelti 
genovesi, son intention n'était pas d’abord de s'établir dé- 
finitivement à Gênes. Plusieurs fois même il parla de 
regagner sa patrie; mais les instances des amateurs le 
retinrent. Les commandes des tableaux se multiplièrent : 
« Qu'avait-il besoin, ajoute le biographe italien, de cher- 
cher une autre position? Il resta parmi nous et s'y maria 
à l’âge de trente-deux ans. » 


( 598 ) 

Des liens intimes se sont formés, à plusieurs époques, 
entre l’école génoise et l’école flamande. Elles ont exercé 
de l'influence l’une sur l’autre; mais, dans cette action 
réciproque, les parts ne furent point égales. L'école fla- 
mande a prêté à l'école de-Gênes plus qu’elle ne lui a em- 
prunté. Les historiens de la peinture italienne l'ont publi- 
quement reconnu, et il faut prendre acte de leurs loyales 
déclarations comme de témoignages bien flatteurs pour 
nos artistes. 

L'école de Gênes est au nombre des écoles secondaires 
de l'Italie; pour n'être pas sur la ligne de celles de Rome, 
de Florence, de Venise, de Bologne, elle n’a cependant 
point été sans éclat. Créée longtemps après ses glorieuses 
émules, elle a été lente à se développer, puis on lui à vu 
prendre un rapide essor. Elle conserva les formes de l’art 
du XV” siècle jusqu’au jour où plusieurs des élèves de 
Raphaël, chassés de Rome par les désastres qui affligèrent 
la capitale de la chrétienté, vinrent la modifier en lui fai- 
sant adopter le style du peintre des Loges. 

La noblesse de Gênes, riche et puissante , se faisait hon- 
neur de donner aux arts une vive impulsion. Ses palais ma- 
gnifiques, qui ne le cédaient point aux demeures royales, 
s’'emplirent de tableaux, de tapisseries et de statues; leur 
ornementation réclama le concours d'un nombre considé- 
rable de peintres et de sculpteurs. Gênes produisit surtout 
des maîtres habiles à traiter la fresque, car c’est vers ce 
genre que se dirigèrent d'abord toutes les études, tous 
les efforts. Toutefois, Lanzi fait remarquer que l’école de 
Gênes n’a pas non plus manqué de gloire dans ce qui tient 
à la vigueur et à la vérité du coloris. « Ce mérite, elle le 
dut en premier lieu, dit-il, à Perino del Vaga, puis aux 
Flamands, et elle l’a conservé depuis lors de manière à 


( 599 ) 


n'être surpassée par aucune autre école d'Italie, à l’excep- 
tion de celle de Venise. » De l’aveu de Lanzi, les Flamands 
ont donc enseigné aux peintres génois la science du coloris. 
Ce n’est pas la seule allusion que l’auteur italien fasse à 
leur influence. Nous aurons encore à en citer d’autres 
preuves d’après lui. 

Nous avons rappelé la préférence accordée par Rubens 
à Gênes sur les autres villes de l'Italie; nous avons dit que 
l'aménité des mœurs génoises fut une des causes de cette 
préférence. En effet, nulle part peut-être il n'existait, entre 
les artistes et les classes élevées de la société, des rapports 
aussi suivis, aussi intimes qu'à Gênes. Paggi, peintre et 
littérateur, ayant publié un écrit où il élevait très-haut la 
dignité de l’art de la peinture, fit rendre un décret pu- 
blie par lequel le gouvernement autorisait la noblesse à 
cultiver cet art comme étant libéral et digne de ceux qui 
sont le plus favorisés par le hasard de la naissance. Cette 
autorisation ne fut pas accordée en vain. Plusieurs per- 
sonnages appartenant à de grandes familles se livrèrent 
à la pratique de la peinture avec ferveur, et qui plus est 
avec succès. D'une autre part, les artistes ne restaient pas 
étrangers aux lettres et aux sciences. On comprend le 
charme que dut trouver Rubens, esprit si délicat et si 
cultivé, dans cette société polie qui faisait une si large 
part à la vie intellectuelle. 

L'école de Gênes, qui avait imité, comme on vient de le 
voir, le coloris des peintres flamands de la première moitié 
du XVI®* siècle, et qui avait dû en grande partie sa gloire 
aux qualités dont elle avait recu la transmission de ces 
maîtres, finit par décliner. Il lui fallait une impulsion 
nouvelle. Ce furent encore des artistes flamands qui la lui 
donnèrent. Elle dut sa renaissance, c’est Lanzi qui parle, 


( 600 ) 

au concours de plusieurs peintres étrangers, mais surtout 
à Rubens et à Van Dyck, qui laissèrent, tant dans les édi- 
fices publics que chez les particuliers , des traces brillantes 
de leur passage. Le même écrivain dit encore : « D'autres 
flamands , desquels j'ai vu, dans plusieurs palais, des toiles 
fort grandes et qui semblent avoir été exécutées sur la 
place même, doivent être demeurés moins longtemps à 
Gênes; mais je les considère comme de dignes soutiens 
d’une école qui s’est attachée surtout à parfectionner l’habi- 
leté pratique. » 

Lanzi nous fournit d’autres preuves de l'influence exer- 
cée directement ou indirectement par les artistes flamands 
sur le caractère imprimé aux travaux des peintres génois. 
C’est ainsi qu'en parlant de Dominico Piola , 1l dit : « Cet 
artiste eut pour peindre les enfants un talent singulier 
qu'il dut à l'imitation du Fiammingo (Du Quesnoi). » C'est 
ainsi encore qu'après avoir vanté Sinibaldo Scorza, pay- 
sagiste de l’école de Gênes, Lanzi ajoute, comme pour 
faire de son mérite un éloge plus concluant que tous les 
autres :« On aurait de la peine à trouver en Italie un pin- 
ceau qui ait aussi bien amalgamé le goût flamand avec le 
goût national. » 

Le crédit dont les peintres flamands jouissaient à Gênes 
s’accrut des succès de Jean Roos. Soprani nous apprend 
qu'il excella dans plusieurs genres de peinture. Il déployait 
un si rare talent dans l'exécution du paysage, des fruits, 
des fleurs et des animaux de toute espèce, que, suivant 
les expressions du biographe italien, on ne pouvait pas 
distinguer ses imitations de la nature. Il ne se montra 
pas moins habile, dit encore Soprani, à peindre la figure 
humaine, et se distingua particulièrement dans le portrait, 
où 1l ne fut guère inférieur à Van Dyck, son compatriote, 


( 601 ) 
sous le rapport du coloris. Ses productions lui valurent une 
grande renommée, et furent très-recherchées non-seule- 
ment à Gênes, mais à Rome, en France et en Espagne. De 
toutes parts, 1l lui venait des commandes, et le grand-duc 
de Toscane, ainsi que les princes de Modène, lui don- 
naient à l’envi des marques de considération. 

Un seul des édifices publics de Gênes possède une œuvre 
de Jean Roos. C’est un tableau placé dans une chapelle 
de l’église SS. Cosme et Damien. Il a pour sujet le Christ 
déposé de la croix, et suffit, au dire de Soprani, pour 
montrer en quelle estime devait être tenu Île talent de son 
auteur. On remarque surtout les portraits des donateurs 
qui sont agenouillés devant l'image du Sauveur et que 
la vie semble animer. En parlant de ce même tableau, 
l’auteur d’une Description des beautés de Génes s'exprime 
ainsi : « Le Christ mort de Jean Roos serait un chef- 
d'œuvre, s’il était mieux conservé. » 

Si les peintres de l’école de Gênes empruntèrent aux 
maîtres flamands leur brillant coloris, nos artistes, en re- 
vanche, puisèrent parmi eux le sentiment des conceptions 
élevées. On en à un exemple dans le développement qu'a 
pris le talent de Roos devenu peintre d'histoire, alors 
que ses premières éludes avaient été faites en vue d’un 
senre beaucoup moins relevé. Rubens lui-même a ressenti 
cette influence; car dans le caractère grandiose de l’archi- 
tecture dont il a enrichi un grand nombre de ses compo- 
sitions , on trouve des réminiscences du dessinateur des 
palais de Gênes. 

Van Dyck reconnaissait, dit-on, lui-même Putilité du 
séjour qu'il avait fait à Gênes. Il vint dans cette ville en 
quittant Venise, où il s'était livré à des études assidues, 
mais où son pinceau restait improductif. Il en fut tout 


( 602 ) 
autrement à Gênes. Tous les nobles, tous les riches mar- 
chands de l’opulente cité voulurent être peints par lui. 
Pour peu qu’on jette les yeux sur une ancienne deserip- 
tion de Gênes, on demeure stupéfait du nombre de por- 
traits qu'y à laissés le jeune et vaillant élève de Rubens. 
Il n’y avait point de palais où l'on n'en vit plusieurs, et 
des plus importants et des plus beaux. Outre ces portraits, 
combien de peintures religieuses, de tableaux d'histoire 
et de brillantes esquisses faites pour des dessus de portes. 
Doué de cette facilité singulière qui a toujours distingué 
les maîtres de l’école flamande, Van Dyck trouvait encore 
le temps de peindre des tableaux d’autel pour des églises 
de village. Dans le bourg de Multedo, aux environs de 
Gênes, on admire une sainte Anne du fécond artiste, et 
près de là encore, dans le village de Pagana, un Christ 
sur la croix, avec le portrait du fondateur de la chapelle. 

Jean Roos et Van Dyck se rencontraient souvent chez 
Sophonisbe Anguissola , l’une des femmes qui ont cultivé 
la peinture avec le plus d'éclat, et qui, devenue aveugle 
dans sa vieillesse, réunissait autour d'elle les artistes el 
les écrivains les plus distingués de Gênes. « Elle ne cessa 
point, nous dit Lanzi, même dans ses dernières années, 
de rendre des services à l’art par les conversations qu’elle 
se plaisait à avoir avec les peintres. Aussi Van Dyck di- 
sait-il qu'il apprit de cette vieille femme aveugle plus de 
choses que de tous ceux qui avaient bonne vue. » 

Jean Roos tira également de grands avantages, pour le 
développement de son talent, des conversations instruc- 
tives de Sophonisbe Anguissola. [l mit plus de noblesse 
dans ses compositions et plus d'élévation dans son style. 
Son ardeur pour le travail altéra sa constitution. Il fut 
atteint d'élisie et mourut, en 1658, à l’âge de 47 ans. Sen- 


( 605 ) 
tant depuis longtemps sa santé décliner, il avait eu la 
triste et singulière fantaisie de faire construire son tom- 
beau dans l’église S'-Catherine. C’est là qu'il fut inhumé 
avec tous les honneurs rendus en Italie aux hommes qui 
se sont signalés par leur mérite dans la noble carrière des 
arts, 

Soprani et Lanzi parlent d’un beau-frère de Jean Roos, 
Flamand comme lui, disent-ils, son élève et peintre de 
fleurs distingué, qui mourut jeune à Milan, où il était 
allé dans l'espoir de rétablir sa santé. Les deux biogra- 
phes italiens désignent cet artiste sous le nom de Jacques 
Legi, nom qu'ils traduisent, sans doute, conformément à 
l'usage trop généralement suivi dans leur pays , et dontil 
ne nous à pas été possible de rétablir l'orthographe fla- 
mande. Serait-ce d’un Jacques de Liége qu'il s'agit ? 

Jean Roos n’est cité dans aucune biographie des pein- 
tres flamands. Nous aurions ignoré l'existence de ce maître 
né dans nos provinces, si les historiens de la peinture 
italienne, par une loyauté dont il faut leur savoir gré, 
n'avaient enregistré soigneusement les titres de gloire 
des artistes étrangers fixés d’une manière temporaire ou 
définitive dans leur belle patrie. 


De l'art nouveau; notice de M. Siret, correspondant 
de l’Académie. 


Je veux esquisser un sujet grave et délicat. Je dis 
esquisser, parce que je ne me reconnais ni le talent ni 
l’expérience nécessaire pour le traiter à fond avec la per- 
fection qu'il exige et qu’exige aussi l'honorable assemblée 


( 604 ) 
à laquelle je m'adresse. Mais une réflexion vient m'en- 
hardir : c’est qu'il s’agit de défendre les intérêts de l’art 
plutôt que de déployer une certaine somme de grâces lit- 
téraires. Cette considération me vaudra certainement votre 
attention et votre indulgence. 

L’affaiblissement de l’art sérieux est un fait qui se con- 
somme tous les jours de plus en plus. Le grand art, Part 
sévère, celui qui a illuminé le monde, semble disparaître 
et faire place à un art nouveau qui puise ses éléments d’at- 
traction dans une foule de procédés vulgairement nommés 
ficelles. 

Telle est la situation; on ne peut le nier. Elle à déjà, si 
je ne me trompe, éveillé l'attention et fait naître des 
alarmes chez quelques écrivains dont la mission est de 
veiller à la conservation des traditions du beau, du bon 
et du vrai. 

Le mal s’est propagé, il à fait irruption en Belgique; 
seulement 1l a plus de peine à s'y acelimater, peut-être à 
cause du caractère national, qui n’adopte qu'avec certaines 
difficultés les idées venues du dehors. Mais le germe de 
l'art nouveau est planté chez nous, il y à pris racine, il 
a porté ses fruits, et si l’on n’y prend garde, il nous en- 
vahira. 

Mais j'entends demander ce que c’est que l’art nouveau; 
essayons d'en donner une définition : 

L'art nouveau qu’on a cru expliquer en l'appelant d’un 
nom sur lequel nous aurons à revenir, réalisme, l’art nou- 
veau est né de l’impuissance. En effet, l'impuissance de 
faire bien en même temps que rapidement, l’impuissance 
de se renfermer dans des règles impitoyables, mais qui 
font loi, d'arriver en peu de temps à une haute réputation, 
à une grande fortune, en un mot, l’impuissance d’avoir du 


( 605 ) 
génie, a fait croire à certaines gens que l’art ancien, avec 
son sublime code, était semblable à une institution hu- 
maine viciée dans son principe et qui avait fait son temps. 

Cette première hardiesse accomplie, c'est-à-dire cette 
première pensée conçue, on se demanda par quoi rem- 
placer ce qu’il fallait abattre, car il ne suffit pas de ren- 
verser une religion , il faut y substituer quelque chose. 

Il arriva que les prêtres du nouveau culte trouvérent 
bon de supprimer l'unité, l'harmonie et la pensée, toutes 
choses usées , flétries; vieille défroque moisie au fond des 
armoires poudreuses des académies, et de remplacer cela 
par les principes dissolvants qui dominent notre époque : 
la licence, une soi-disant harmonie, qui trouve tout beau 
et qui n’a pu encore être définie, et une vérité brutale, 
c'est-à-dire ce qui est, n'importe où, quand, comment el 
de quelque nature que ce soit. 

Donc l’art nouveau c'est la méthode pour se passer de 
l'art ancien; l’art nouveau, c'est l’absence de toute règle, 
de toute loi; l’art nouveau, c’est le beau remplacé par le 
vrai que vous savez; l’art nouveau, c’est, en définitive, l'art 
de séduire les sens du public par tous les moyens possibles. 

De ces diverses définitions choisissez celle qui vous 
convient, elles se valent; mais gardez-vous d'adopter le 
mot de réalisme qu'on à laborieusement puisé dans le 
chartrier historique de l’ancienne philosophie, et dont on 
a faussé la signification pour essayer d'expliquer par un 
seul mot lart nouveau. Réalisme est le nom donné à un 
système philosophique qui avait pour opposition le no- 
minal, et qui n’a rien à voir dans l’art ni même dans la 
| philosophie de l’art. C’est simplement une querelle scolas- 
| tique qui à donné lieu à des divisions sanglantes dans les 
universités du moyen âge. 


( 606 ) 

Réalisme s'entend encore en Allemagne d'un système qui 
a pour objet la suppression des langues anciennes dans 
l'enseignement, en leur substituant l'étude des sciences 
pratiques et industrielles. Ici on pourrait commencer à se 
comprendre, en appliquant ce système à l’art nouveau 
pour ce qui regarde la pratique et l’industrie; mais il n’est 
pas probable qu'on l’entende ainsi; bornons-nous à consi- 
dérer ce rapport accidentel comme une mordante épi- 
gramme. Reste à supposer, si l'on veut, que le mot réalisme 
signifie dans le dictionnaire des néologismes ce qui est, 
le vrai, la réalité. 

L'art nouveau a done fait irruption. Il a peuplé le monde 
d'une quantité innombrable d’artistes qui brossent, badi- 
geonnent et plâtrent des tableaux. La foule regarde, elle 
voit ce qu’elle n’a jamais vu; elle trouve drôle, elle hésite; 
mais voilà que viennent les apôtres de l’art nouveau qui 
exaltent, patronnent, divinisent et finissent par entraîner 
les masses, ce qui, en plein XIX"° siècle, n’est pas très- 
difficile. Voilà comment, de Jour en jour, nous assistons 
à ce spectacle douloureux de la corruption du goût. 

Qu'un système domine pendant quelque temps dans une 
école, que des procédés aient une vogue inexpliquée et 
inexplicable, qu’un genre devienne tout à coup l’idole du 
public, tout cela n'est rien, c'est un nuage qui passe, le 
temps fera justice de tout ce qui n’est pas réellement du- 
rable; mais que l’on attaque aussi ouvertement les bases 
d’une constitution immortelle et qui est l’œuvre de toutes 
les harmonies de la nature et de la création, que l’on 
vienne cyniquement nous prouver ce que l’on a dit cyni- 
quement, le laid c’est le beau, voilà certes un blasphème 
contre lequel il faut non-seulement protester, mais dont 
il faut s'attacher à détruire les funestes ellets. 


( 607 } 

La protestation est facile de la part des hommes de 
cœur; aussi avOns-nous souvent vu une sainte indignation 
accueillir les tendances du culte nouveau, mais cela ne 
suffit pas. Ce culte, il ne faut pas se le dissimuler, a des 
chances d'existence, il est facile à honorer, ses dogmes se 
prêtent volontiers aux caprices de ses adeptes; 1l explique, 
il justifie, il admet tous les travers , il va même jusqu'à en 
faire des perfections instantanées; il s'impose à la foule 
avec une incroyable audace, et il lui arrive très-souvent 
de remporter des victoires bruyantes, grâce au nombre 
considérable d’adorateurs, j'allais dire des romains, que 
cette nouvelle religion possède. 

J'entends autour de moi des gens qui disent : «Cela tom- 
bera tout seul. » C’est possible, c’est certain même, mais il 
faut hâter cette chute, sinon, au lieu de devenir une ma- 
ladie, cet art nouveau pourrait devenir une longue dé- 
cadence, et prenons-y garde ! on doit se rappeler ce que 
fut la Belgique aux époques de décadence artistique, et 
quel triste spectacle elle présentait. Dieu nous garde de 
voir se reproduire de pareilles misères ! 

J'avoue qu'il est quelquefois impossible d'arrêter cer- 
tains torrents et de leur opposer une digue salutaire; il 
est des épidémies qu'il faut savoir laisser passer, mais il 
est au moins du devoir de ceux qui se portent bien de 
préparer des moyens préventifs et des palliatifs. 

Le principal moyen, paraît-il, ce serait d'encourager 
d'une manière éclatante la peinture historique et reli- 
gieuse; car c'est là que frappe cruellement l'ennemi; on 
en aura la preuve si l’on veut bien jeter un regard investi- 
gateur sur les huit dernières années, et compter le nombre 
des travaux de l’espèce. 

Cet encouragement doit partir de haut, c’est l’interven- 


( 608 ) 

tion du Gouvernement qui doit précipiter la réaction , c'est 
Jui qui doit montrer l'exemple. Il faudrait que, dans un 
temps donné, nos musées, nos expositions publiques, nos 
cérémonies populaires, montrassent des œuvres magis- 
trales, traitées selon les règles du goût, du beau et de 
l'harmonie; il faudrait que cette protestation fût prise au 
sérieux par les chefs d'école et les artistes de talent si 
nombreux dans le pays, de manière à présenter à la foule 
une comparaison déterminante entre l’art véritable et l’art 
faux ; 1l faudrait que la presse elle-même secondàt ce 
mouvement qui pourrait trouver à se manifester à l’ex- 
position de 1857; il faudrait, en un mot, un déploiement 
de forces imposantes, car, Je le répète, l’ennemni est puis- 
sant, et Sa puissance s’augmente tous les jours de notre 
inaction. 

L’ennemi est puissant : il à pour lui absence de toute 
mesure, de toute modération, de toute pudeur : son école, 
et en même temps son grand moyen, est le sensualisme. 
I plaît, il excite, il corrompt; il a pour lui le procédé 
grossier, facile, et qui uüre du hasard ses plus ingénieuses 
combinaisons : demandez-le plutôt aux hommes de l'art; 
il a pour lui son ignorance qui fait que, ne sachant pas 
méditer les grands faits sociaux qui ont façonné le monde, 
il se rejette sur tout ce qui l'entoure et reproduit, non ce 
qu'il pense, mais ce qu'il voit; or, la foule, la grande 
foule, la masse, se réjouit de trouver une œuvre à son ni- 
veau; de là ce succès bourgeois et de bas étage qui nourrit 
et entretient les décadences; il a pour lui le dévergondage 
du temps qui aime à retrouver son image débraillée dans 
une œuvre débraillée, croyant y trouver une espèce d'ex- 
cuse à ses propres égarements; il a pour lui les agitations 
rapides et fiévreuses de la: vie du jour qui exige le drame, 


( 609 ) 
le palpitant, l’imprévu, l'impossible partout; il à pour lui, 
l'éternel et grand corrupteur, l'argent ! 

Je n’avance rien d’exagéré, et l’on n’a qu'à rattacher ses 
souvenirs à l’énumération qui précède. Sous le rapport du 
sensualisme, je me bornerai à rappeler deux œuvres étran- 
gères faites pour l’époque et qui la caractérisent si bien, 
l'Orgie romaine et l’'Orgie parisienne. On se rappellera que 
le succès de ce dernier tableau fut si grand qu’on se vit 
obligé d’en faire le dessin d’un papier d'ameublement pour 
qu'il pût pénétrer partout et faire probablement ainsi 
l'éducation des familles. Pour le procédé, Je renverrai mes 
auditeurs aux œuvres asphaltées et macadamisées qui ont 
souillé nos dernières exposilions : on se rappellera, sans 
doute, qu’il y avait là des peintures en relief dont l’em- 
pâtement, j'allais dire le plâtrage, formait des ombres. 
Pour ce qui concerne l'ignorance, J'en appelle à toute 
cette nature morte, terne et flétrie, que l’on a pu voir 
depuis quelques années s’étaler partout, et dans laquelle 
il n’y à ni idée ni sentiment quelconque. Cela s'explique : 
l’histoire demande à être méditée; mais une chambre, 
une maison, un tronçon de chou, un cuir mordoré, voire 
même un rayon de soleil, cela se photographie, puis celz 
se copie, et tout est dit, et le tour est fait (1). Quant au 
dévergondage du temps et aux agitations fiévreuses de la 
vie, regardez autour de vous les maladies du siècle, exa- 
minez tous les âges, parcourez tous les rangs, pénétrez 
dans tous les intérieurs, et osez nier ! 

Il est donc bien avéré que l’art nouveau est l'enfant du 


(1) Cette observation me fait exprimer, en passant, l'opinion que l’art 
nouveau peut bien imputer quelque chose de son origine à la photographie. 
C’est une question intéressante qui vaudra la peine d’être étudiée. 


Tome xxrr1. — II parT. 49 


( 610 ) 


siècle. S'il doit mourir avec lui, ce ne serait que demi- 
mal , et nous pourrions nous borner à le siffler jusque-là; 
mals qui nous dit que ses traditions faciles et séduisantes 
ne tenteront pas les générations suivantes ? Qui nous dit 
que l'incident d'aujourd'hui ne deviendra pas l'événement 
plus tard ? 

J'ai parlé tout à l'heure de la peinture historique et 
religieuse. Nos rares, nos trop rares tableaux d'histoire 
n’ont plus d'accès que dans le palais des princes. Cest là 
seulement que ce grand art peut crier asile ! Nos tableaux 
religieux... qui donc oserait encore en faire ? et pourtant 
l’art est dans ces deux genres et dans ceux qui en décou- 
lent directement. Là est la pensée, là est l’âme qui crée, 
en dehors vous pourrez avoir d’'admirables spécialités , 
mais ce ne seront jamais ce que l’on peut appeler de véri- 
tables artistes. 

Ainsi donc, dans l’envahissement de l’art nouveau, 
dans ce débordement d’un fleuve aux eaux furibondes et 
empoisonnées, il ne faut pas crier : Sauve qui peut ! Non, 
il faut dire à l’école belge, en lui montrant Anvers et 
Bruges, Rubens et Van Eyck : Souviens-toi ! 


— Les sections de sculpture et de gravure, de concert 
avec le bureau de la classe, ont déposé ensuite la liste des 
candidats pour les places vacantes d’associés dans les sec- 
tions de gravure et de sculpture. 


(611 ) 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Observations des phénomènes périodiques. (Extrait du t. XXX 
des Mémoires couronnés de l’Académie royale de Belgique.) 
Bruxelles, 4856; 1 broch. in-4°. 

Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, 
ou recueil de ses Bulletins. °° série, tome VIIT, 2° Bulletin. 
Bruxelles; 1856; 1 broch. in-8°. 

Synopsis actorum ecclesiae Antverpiensis et ejusdem dioeceseos 
status hierarchicus ab episcopatus erectione usque ad ipSiUs SUp- 
pressionem; liber prodomus tomi tertii synodici Belgici; par 
P.-F.-X. de Ram. Bruxelles, 1856; 1 vol. in-8°. 

Revue des Opera diplomatica de Mirœus, sur les titres repo- 
sant aux archives départementales du Nord, à Lille; par A. Le 
Glay. Bruxelles, 1856; 1 vol. in-8°. 

Rapport triennal sur la situation de l'instruction primaire en 
Belgique. IV" période triennale. Bruxelles, 1856 ; 1 vol. in-4°. 

Procès-verbaux des séances de la Commission royale pour la 
publication des anciennes lois et ordonnances de la Belgique. 
IIIe vol., 2° cahier. Bruxelles, 1856; 1 broch. in-8°. 

Université catholique de Louvain. Programme des cours de 
l'année académique 1856-1857. Louvain, 1856; 1 feuille in- 
plano. | 

Imitation d'une monnaie de Hainaut, par Arnold de Stein ; — 
Poids monétiformes du midi de la France. Un demi-quarteron 
de Gaillac portant la date de 1341 ; — Monnaies belges trouvées en 
Irlande. Esterlins d’Agimont, de Weert, de Staite (Huy), d'Yves, 
etc.; par R. Chalon. (Extraits de la Revue de la numismatique 
belge.) Bruxelles, 1856; 3 broch. in-8&. 

Mémoire historique et littéraire sur le collège des Trois-Lan- 

ques à l'université de Louvain; par Félix Nève. (Extrait des 


( 612) 
Mémoires couronnés de l’Académie.) Bruxelles, 1856; 1 vol.in-4°, 

Catalogue des accroissements de la Bibliothèque royale. I" 
série, 4e livr. Année 1855. Bruxelles, 1856; 1 broch. in-&°. 

Notice sur la vie et les travaux de Michel Pagani; par P. Gil- 
bert. Louvain-Bruxelles, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

Levensschets van Michiel Boudewyns; door GC. Broeckx. An- 
vers, 1856; 1 broch. in-8°. 

Guerre à l'Y? Essai historico-philologique sur le nom de 
Tournai, par Fréd. Hennebert. Tournai, 14856 ; 1 broch. in-8°. 

Frithiofssage uit het zweedsch vertaeld; door Ph. Vander 
Haeghen. Bruxelles, 1856; 1 broch. in-8°. 

Concrétion polipyforme dans le ventricule gauche du cœur d'un 
jeune porc, etc.; par M. Thiernesse. Bruxelles, 1856; 1 broch. 
in-8°. 

Annales d'oculistique ; fondées par le docteur FI. Cunier, 
Tome XXXV, 1r° à 4e liv. Bruxelles, 1856; 4 broch. in-8°. 

Annales de médecine vétérinaire. V®e année, 6e à 10e ca- 
hiers. Bruxelles, 1856; 5 broch, in-&. 

La Santé. VII année, n°% 4 à 10. Bruxelles, 1856; 10 
feuilles in-4°. 

Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliogra- 
plie de Belgique. Année 185€, 3% iv. Gand, 1856; 1 broch. 
in-8°. 

Revue de l'instruction publique en Belgique. IV®® année. Août 
à décembre. Mons, 1856; 5 broch. in-8°. 

Une lecture par semaine. Recueil historique hebdomadaire, 
publié sous la direction de Ph. Vander Haeghen. 11° à 29m 
iv. Bruxelles, 1856 ; 11 broch. in-12. 

Journal de l'imprimerie et de la librairie en Belgique. 3° 
année, n® 8 à 12. Bruxelles, 1856 ; 5 broch. in-8°. 

Verhandlingen der koninkligke Akademie van Wetenschappen. 
IIIe deel. Amsterdam, 1856; 1 vol. in-4°. 

Verslagen en mededeelingen der koninklijke Akademie van 
Wetenschappen. — Afdeeling Natuurkunde. HI deel, 3% stuk; 


(613) 


IVe deel, 15t-3% stuk; Ve deel, 15*° stuk. — Afdeeling Letter- 
kunde. IS deel, 15'e-3% stuk; II deel, 15° stuk. Amsterdam, 
1855-1856; 9 broch. in-8°. 

Lycidas Ecloga et Musae invocatio, carmina quorum auctori 
Johanni Van Leeuwen, e vico zegwaart certaminis poetici proe- 
mium secundum e legato Jacobi Henrici Hoeufft adjudicatum est 
in concessu publico Academiae regiae scientiarum. Die 13 maji, 
anni 1856. Amsterdam, 4856; 4 broch. in-8°. 

Mémoires de l'Académie impériale de médecine. Tome XX. 
Paris, 1856; 1 vol. in-4°. 

Bulletin de l'Académie impériale de médecine. Tome XXI. 
Paris, 1856; 1 vol. in-8°. 

Revue numismatique; publiée par J. de Witte et Adr. de 
Longpérier. Nouvelle série. Tome [, n° 1 et 2. Paris, 1856; . 
2 broch. in-8°. 

Sur l’action physiologique et thérapeutique du courant galva- 
nique constant sur les nerfs et les muscles de l'homme; par 
M. Remak. Paris, 1856 ; 1 broch. in-4. 

Note additionnelle à ce mémoire; par le même. Paris, 1856; 
4 broch. in-4°. 

De l'origine des diverses variétés ou espèces d'arbres fruitiers; 
par Alexis Jordan. Paris, 1853; 1 broch. in-8°. 

Mémoire sur l'Ascicors Trtricoines ; par le même. Paris, 1856; 
4 broch. in-8°. 

Note sur la forme de la lettre E dans les légendes de quelques 
médailles gauloises; par Adr. de Longpérier. Paris, 1856; 
4 broch. in-8°. 

Mémoires de l’Académie impériale des sciences, belles-lettres et 
arts de Lyon. Nouvelle série. — Classe des sciences. Tomes III, 
IV, V et VI Lyon, 1853 à 1856; 4 vol. in-8°. — Classe des 
lettres. Tomes IIT et IV. Lyon, 1853 à 1855; 2 vol. in-S8°. 

Annales de la Société linnéenne de Lyon. Nouvelle série. 
Tome II. Lyon, 1855; 1 vol. in-8°. 

Annales des sciences physiques et naturelles, d'agriculiure et 


( 614 ) 
d'industrie, publiées par la Société impériale d'agriculture de 
Lyon. Il" série, tome VI et tome VIF, 1"° partie. Lyon, 1854- 
1855 ; 2 vol. in-8°. 

Mémoires de la section des sciences de l’Académie des sciences 
et lettres de Montpellier. Tome IT, 2° fascicule. Montpellier, 
14856 ; 1 vol. in-4°. 

Archives historiques et littéraires du nord de lu France et du 
midi de la Belgique; par A. Dinaux. II" série, tome IV, 4e liv. 
Valenciennes, 1856; 1 broch. in-8c. 

Berichte über die Verhandlungen der küniglich Sächsischen 
Gesellschaft der Wissenschaften zu Leipzig. Mathematisch-phy- 
sische Classe. IE, 1854; I-If, 1855; 1, 1856. — Philologisch- 
historische Classe. TI-IV, 1855; I-I, 1856. Leipzig, 1856; 6 
broch. in-8&. 

Nachträge zur Theorie der musikalischen Tonverhältnisse ; 
von M.-W. Drobisch. — Auseinandersetzung einer zweckmäüs- 
sigen Methode zur Berechnung der absoluten Siôrungen der 
kleinen Planeten; von P.-A. Hansen. — Ælektrodynamische 
Maassbestimmungen insbesondere Zurückführung der Stromin- 
tensitäts- Messungen auf mechanisches Maas; von R. Kohlrausch 
und W. Weber. — Resullate aus Beobachtungen der Nebel- 
flecken und Sternhaufen; von H. d’Arrest. 15° Reïhe. — Die 
Stadtrechte der latinischen Gemeinden Salpeñsa und Malaca in 
der Provinz Baetica; von Th. Mommsen. Leipzig, 1855-1856; 
à broch. in-4°. 

Abhandlungen, herausgegeben von der Senckenbergischen 
naturforschenden Gesellschaft. II? Bandes, 15° Lieferung. 
Frankfurt S/M., 1856; 1 cahier in-4°. 

Kaiserlich-küniglichen geologischen Reichsanstalt.— Abhand- 
lungen. 11% Band. Vienne; 1856; 1 vol. in-4°. — Jahrbuch, 
Vide Jahrgang, n° 3 et 4; VII Jahrgang, n° 1. Vienne, 1855- 
4856 ; 3 broch. in-8°. 

Novus codex diplomaticus Brandenburgensis; von D' Ad.-Fr. 
Riedel, X-XI% Band. Berlin, 1856 ; 2 vol. in-4°. 


( 60 ) 

Die Rathsverfassung von Erfurt im Mittelalier. — Urkund- 
licher Ausgang der Gra/fschaft Orlamünde. Hauptsächlich nach 
Urkunden der Hofmann- Heydenreichischen Handschrift. Her- 
aussgegeben von A.-L.-J. Michelsen. Jena, 1855-1856; 2 broch. 
in-4°. | 

Notices of the meetings of the members of the Royal Institution 
of Great-Britain. Vol.2, part. VI. Londres, 1856; 1 broch. in-&. 

The royal Institution of Great-Britain, 1856. À List-of the 
members, officers, etc., with the report of the visitors for the 
year 1855. Londres, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

Chronological table of cyclonic hurricanes; by Andrés Poey. 
Londres, 1856 ; 1 broch. in-8°. 

The transactions of the royal irish Academy. Vol. XXII, 
part. 1. — Science. Dublin, 1856; 1 vol. in-4°. 

Proceedings of the royal irish Academy for the year 1855- 
1856. Vol. VI, part. 3. Dublin, 1856; 1 vol. in-8°. 

Giornale astronomico e meteorologico del r. Osservatorio di 
Palermo; pubblicato dal prof. Domenico Ragona, vol. 1. Pa- 
lerme, 1855; 1 vol. in-4°. 

Almanaque näutico para 1857, calculado de ôrden de S. 51. 
en el observatorio de Marina de la ciudad de San Fernando. 
Cadix, 1855; 1 vol. in-8°. 

Époques des débäcles et de la prise par les glaces de la Dwina, 
à Arkhangel; par M. Vessélovsky. S'-Pétershourg, 1854; 1 broch. 
in-8°, | 


ERRATUM. 


Page 375, ligne 22, au lieu de Douai, lisez Cambrai. 


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BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, 


1856. — N° il Er 12. 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance du 29 novembre 1856. 


M. Dumonr, directeur. 
M. An. Querecer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, Wesmael, 
| Martens, Cantraine, Stas, De Koninck, Van Beneden, 
| Ad. De Vaux, Nyst, Gluge, Nerenburger, Melsens, Schaar, 
Liagre. Duprez, Brasseur, membres ; Schwann, Lamarle, 
| associés ; Donny, Mareska, Houzeau, Ern. Quetelet, d'Ude- 
kem, correspondants. 
M. Ed. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste 
à la séance. 
TOME XXII, — [["° PART. 45 


(648) 


CORRESPONDANCE. 


a 


$ 
M. le Ministre de l'intérieur fait connaître qu'aux 
termes de l’article 1% du Réglement pour les prix quinquen- 
naux de liltérature et des sciences , la seconde période de 
cinq années finira le 51 décembre prochain pour les 
sciences naturelles. 
. Les candidats du jury seront nommés, en liste double, 
dans la prochaine séance. 


— M. le Ministre de l’intérieur transmet également 
deux envois de livres, l’un provenant de l’université im- 
périale de Kazan et l’autre de la Société royale de Londres. 


— M. le marquis de Rodes fait parvenir cent trente 
cartes permanentes pour la tribune réservée du Sénat; pa- 
reil envoi est fait par MM. le comte de Baillet-Latour et le 
baron de Sécus, questeurs de la Chambre des représentants. 


— La Société royale des sciences de Goettingue et luni- 
versité de Kazan remercient la Compagnie pour l'envoi de 
ses publications. 


— M. Paul de Balogh, docteur en médecine, de Pesth, 
écrit pour proposer un échange de publications avec l’Aca- 
démie royales des sciences de Hongrie. Cet échange est 
accepté. 


— M. Moreau, jardinier en chef, à Dijon, et M.Schramm, 
administrateur du Jardin botanique à Bruxelles, font par- 
venir les résultats de leurs observations sur les plantes, 
pendant l’année 1856. 


( 619 ) 
— M. Alexis Perrey, professeur à Dijon, transmet le 
. manuscrit d'un mémoire Sur les tremblements de terre en 
1855. (Commissaires : MM. Quetelet et Duprez.) 


# 

— M, Ign. Carbonelle envoie une Démonstration du 
postulatum d'Euclide. (Commissaires : MM. Lamarle et 
Schaar.) 


RAPPORTS. 


Note présentée par M. le docteur Valérius et intitulée : Sur 
l'accommodation de l'œil aux différentes distances. 


M. Duprez donne lecture d’un rapport de M. Plateau sur 

cette note. M. le professeur Schwann présente quelques 

_ renseignements à cet égard, et l’Académie le prie de se 

_ Joindre aux commissaires déjà nommés, MM. Plateau et 

 Duprez, pour présenter le rapport définitif dans la pro- 
_ chaine séance. 


M. Schaar fait connaître que la notice de M. Charles 
: Willich, Sur la vie moyenne, n’est pas de nature à exiger 


un rapport. 
| 


— MM. Schaar et Timmermans présentent ensuite un 
| rapport favorable sur un mémoire de M. Lamarle, portant 
| pour titre : Notions fondamentales sur plusieurs points élé- 
| mentaires de géométrie, de dynamique et d’algébre trans- 
| cendante. 


Hémoire sur l'état actuel des lignes isocliniques et isodyna- 
miques dans la Grande-Bretagne, la Hollande, la Bel- 
gique et la France, d'apres les observations de l'auteur; 
M. Mahmoud-Effendi, astronome égyptien. 


Rapport de HF. Ad. @uetelet. 


« Il y a une trentaine d'années au plus la Belgique était 
un des pays les plus arriérés pour les connaissances ma- 
gnétiques du globe. A l'exception d’une observation faite, 
il y a plus de deux siècles, dans la ville d'Anvers, et de 
quelques essais tentés pendant le siècle dernier par un des 
membres étrangers de l’ancienne Académie de Bruxelles, 
nous ne possédions absolument rien sur la déclinaison du 
magnétisme terrestre. 

Aujourd'hui non-seulement la déclinaison se trouve 
déterminée, mais nous connaissons avec une précision 
dont peu de pays offrent l'exemple, linclinaison et l'in- 
tensité de l'aiguille magnétique en même temps que ses 
variations diurnes et annuelles. Par un heureux conr- 
cours de circonstances, la plupart des physiciens les plus 
renommés de notre époque ont fait successivement des 
observations dans ce pays, et ont trouvé le moyen de les 
comparer entre elles. M. le colonel Sabine le premier, en 
1828, s'occupa d'observer le magnétisme dans le lieu ou 
l’on bätissait l'Observatoire. MM. Nicollet et Plateau, en 
1851, eurent la complaisance de déterminer avec moi la 
différence de Paris et de Bruxelles; puis les recherches 
successives de MM. Rudberg d'Upsal, Forbes d'Édimbourg, 
Bache de Philadelphie, Langberg de Christiania, Lamont 
de Munich, Mahmoud du Caire, etc., ont déterminé cet 


| 


( 621 ) 
élément avec la plus grande précision. Dans ces détermi- 
nalions, nous ne rangeons pas celles qui ont été obtenues 
par plusieurs autres physiciens distingués, et particuliè- 
rement par M. Kæmtz d'Upsal, parce que nous n’en con- 
naissons pas encore exactement les valeurs. 

Le savant directeur de l'observatoire de Christiania, 
M. Hansteen, vous a témoigné tout le prix qu'il attache, 
de son côté, aux observations recueillies en Belgique, et 
son suffrage est de nature à faire autorité (1). 

Dans ces derniers temps, trois déterminations nou- 
velles ont encore été données; elles méritent de fixer 
votre attention, puisqu'elles se contrôlent mutuellement 
et vous offrent une preuve nouvelle de lexactitude à 
laquelle nous sommes parvenus. Elles sont dues à M. La- 
mont, qui renouvelait ses observations, avant de se diriger 
vers l'Espagne, pour en recueillir les éléments magné- 
tiques, à mon fils, Ern. Quetelet, qui se rendait en Alle- 
magne, où 1l à fait des travaux analogues, et à M. Mah- 
moud , qui venait également renouveler ses observations 
et vous présenter les recherches qu'il a recueillies. 

Le travail du savant Égyptien a pour objet de comparer 
ses observations à celles entreprises précédemment, et de 
faire connaître les directions que les lignes isocliniques et 
isodynamiques suivent actuellement dans la Grande-Bre- 
tagne, la Hollande, la Belgique et la France. Cest ce 
travail important que vous avez bien voulu soumettre à 
notre examen. 

Les expériences de M. Mahmoud se sont étendues sur 


(1) Voyez les Zulletins de l’Académie royale du Belgique , tome XX, 


- Sue partie, pages 146 et suivantes. 


(622) 
un terrain de 44° environ en longitude et de 7° en latitude; 
c’est-à-dire des bords du Rhin jusqu’à Dublin en longi- 
tude, et, en latitude, de Paris jusqu’à Édimbourg. 

La première partie de l'ouvrage traite de l’inelinaison 
de l'aiguille aimantée. Une petite carte jointe au mémoire 
fait mieux comprendre les résultats auxquels l’auteur est 
parvenu. Ïl s'est occupé d’abord d'examiner la méthode 
d'observation qu'il convenait d'employer, et il semble pen- 
cher en faveur de la méthode désignée par M. Kæmtz, 
qu'il a eu occasion de rencontrer à Bruxelles, pendant le 
cours de l’année précédente. Il cite ensuite les résultats 
obtenus dans les différentes localités qu’il a parcourues, et 
finit par rechercher la variation annuelle de linclinaison. 
Il constate que cette variation s'accroît à mesure qu’on 
s'éloigne du pôle nord et qu'elle est, à Paris, le double à peu 
près de ce qu’elle est à Édimbourg. Ainsi, en calculant 
les valeurs pour 1846, il trouve, conformément à ce que 
M. Hansteen de Christiania avait observé déjà, que la dimi- 
pution actuelle de l’inclinaison est de 2°,45 pour Londres, 
2°,61 pour Bruxelles, 5’,16 pour Paris, tandis qu’elle n’est 
que de 4’,66 pour Glasgow et 4’,75 pour Édimbourg. 

M, Mahmoud a remarqué que la carte qu'il a construite 
diffère, comme on pouvait s'y attendre, de celle donnée, 
pour 4857, par M. le colonel Sabine : les lignes se sont 
rapprochées du pôle en se relevant vers l’est plus que du 
côté de l’ouest, et comme si elles pivotaient autour d'un 
point occidental assez éloigné. 

L'auteur s’est aussi occupé de chercher les valeurs que 
donnent les aiguilles en particulier; car, malgréles précau- 
tions prises pendant les observations, l'expérience montre 
que les aiguilles, observées par la méthode ordinaire, 
peuvent donner des valeurs assez dissemblables. Voici, par 


( 625 ) 
exemple, les différences qu'il a obtenues dans plusieurs 
localités, en comparant ses aiguilles à celles qu’il y a trou- 
vées : 


« L'appareil de Paris moins le mien — + 4,40 


à de Bruxelles » — — 0,17 (1) 
» de Greenwich  » —= + 7,98 
» de Kew » — — 9,21 
» de M. Hansteen » — — 2,47 


» donc, si l’on transportait les six appareils à Greenwich, 
par exemple, et qu’on y déterminât linclinaison, on aurait 
(pour le 10 août 1855) : 


Par lappareil de Greenwich, inclinaison — 68° 38/50 
» de Paris » — 68 54,72 

» de Bruxelles » — 68 30,15. 
» de Kew È — 68 28,11 
” de M. Hansteen  » —=168,27,85 
et par le mien ” — 68 50,52 
La MOYENNE . .. . . — 68 51,57 


» Ces résultats étant plus ou moins en discordance 
entre eux, il faut s’en rapporter à leur moyenne : or, cette 
moyenne se rapproche le plus des résultats correspondant 
à Pappareil de M. Quetelet (2) et au mien. Voilà donc une 
quatrième preuve de l’excellence de ces deux appareils. 


(1) « Voir les Bulletins de l’Académie royale de Belgique, t. XXII, 
2me partie, p. 14. » 

(2) Le grand appareil anglais de Troughton dont il est ici question, est eelui 
dont je me sers habituellement dans mes observations sédentaires. Il diffère 
sensiblement de l'appareil de voyage, dont mon fils s’est servi en Allemagne 
et qui donne des résultats sensiblement différents pour ses deux aiguilles : Pune 
valeur est trop grande et l’autre trop petite, en sorte que la moyenne donne 
à peu prés la même valeur donnée par le grand instrument de Troughtôn, 


( 024 ) 
Mais les quatre derniers résultats s'accordent entre eux à 
2’ près, on peut donc en conclure à la fois la bonté des 
appareils des observatoires de Bruxelles et de Kew, ainsi 
que celle de l'appareil de M. Hansteen et du mien. » 

L'auteur fait connaître ensuite la marche qu’il a suivie 
pour disposer les nombres et les soumettre à un caleul qui 
lui donne les principaux éléments d’après lesquels il dé- 
termine les lignes de sa carte magnétique. Il trouve, en 
nommant M et N, les accroissements de l’inclinaison par 
kilomètre suivant les deux axes rectangulaires : « 4° Que 
l'accroissement M, par kilomètre et en suivant le parallèle 
terrestre, est presque le même dans les contrées en ques- 
tion ; 2° que l'accroissement N, suivant le méridien astro- 
nomique, augmente en mesure que la latitude diminue; 
5° que les lignes isocliniques se rétrécissent à mesure que 
la latitude diminue (il faut 205 kilomètres perpendicu- 
lairement à la ligne isoclinique pour former un degré 
d'inelinaison en Écosse; 185 kilomètres en Angleterre ; 
et, enfin, 1452 kilomètres en France); 4 que ces lignes 
s'élargissent en allant vers l’est. » 

La seconde partie du mémoire de M. Mahmoud fait con- 
naître les intensités horizontales, considérées en mesures 
absolues, d'après l'unité de Gauss (le millimètre étant l'unité 
de longueur, le milligramme celle du poids). L'appareil 


dont il s’est servi est l'appareil portatif de Weber. L’expé- . 


rience, comme on sait, consiste dans la détermination des 
déviations ou écarts que le barreau fait subir à laiguille 
de la boussole, et dans la détermination de la durée d’os- 
cillation du barreau. 

L'auteur cite les différentes valeurs qu’il a obtenues dans 
les pays où 1l à voyagé; il soumet ses nombres à des équa- 
tions de condition qui lui donnent les accroissements de 


Le: 


( 625 ) 
l'intensité dans un kilomètre suivant le méridien astrono- 
mique (du midi au nord) et sa perpendiculaire (de l’est à 
l’ouest). 

Il déduit de ses recherches que l'intensité totale est au- 
jourd’hui telle qu’elle était il y à une trentaine d'années : 
« Mais il n’en est pas ainsi, ajoute l’auteur, pour linten- 
sité horizontale. En effet, la comparaison des nombres 
1,842, 1,772 et 1,716 obtenus, en 1844, pour Paris, 
Bruxelles et Londres (voir Poggendorff"s Annalen der Physik, 
t. LXIX), avec les nombres correspondants à ces trois villes 
dans le tableau précédent, fait voir immédiatement que 
cette partie de l'intensité croit sensiblement avec le temps. 
Ce fait a déjà été démontré (Bulletins de l’Académie royale 
de Belgique, 1. XXT, n° 9) par plusieurs comparaisons que 
j'ai faites entre les déterminations que j'ai obtenues en 
1854 et celles observées un quart de siècle auparavant. » 

On pourra juger, par cette rapide analyse que le travail 
de M. Mahmoud mérite, sous tous les rapports, de fixer 
l'attention de l’Académie. On ne saurait trop engager l’au- 
teur à persévérer dans la voie utile où il s'est engagé. Il 
peut rendre de nombreux services en mettant à exécution, 
dans son pays, tous les utiles procédés qu'il a recueillis 
dans le nord de l’Europe, et en reportant ainsi sur le sol 
natal les sciences qui y ont pris leur premier développe- 
ment. Nous concluons, par conséquent, à ce que l’Aca- 
démie imprime dans son recueil le mémoire qu'il a bien 
voulu lui présenter. » 


Ces conclusions, admises par M. Duprez, second com- 
missaire, sont adoptées par la classe des sciences. 


Sur l'existence d'une atmosphère autour de la lune; par 
M. Geniller. 


Happort du capitaine Liagre. 


« Dans la note qu'il a communiquée à l’Académie, 
M. Geniller examine les objections que beaucoup d’astro- 
nomes élèvent contre l'existence d’une atmosphère autour 
de la lune; il expose les considérations par lesquelles il 
croit pouvoir détruire ces objections, et cherche à établir 
directement l'existence de l’atmosphère lunaire. 

Tobie Mayer est, à notre connaissance, le premier qui 
ait soulevé cette intéressante question. Comparant les deux 
valeurs du diamètre lunaire, obtenues par des mesures 
directes et par la durée de l’occultation des étoiles, cet 
excellent observateur ne trouva pas entre elles de diffé- 
rence appréciable : il en conclut avec justesse que la lune 
est dépourvue d’atmosphère. 

En eïlet, tous les gaz que nous connaissons sont doués 
de la propriété de réfracter la lumière : or, si un gaz quel- 
conque enveloppait le corps de notre satellite, 1l infléchi- 
rait les ravons stellaires qui le traversent, et nous conti- 
nuerions à voir une étoile, lorsqu’en réalité elle serait déjà 
plongée dans le cône circonserit au disque lunaire, et 
ayant notre œil pour sommet. De même, nous commen- 
cerions à apercevoir l'étoile avant qu’elle n’émerge réel- 
lement du cône; et, pour ce double motif, la durée de 
l’occultation observée serait plus courte que sa durée 
calculée. 

L'opinion de Tobie Mayer a été partagée et défendue par 
De Fouchy, De l'Isle, La Hire, et par la généralité des 


à, 


( 627 ) 


astronomes modernes; elle à été combattue par Cassini, 
Bianchini, Euler, Boscowich, Ulloa, Duséjour, et notam- 
ment par Schrôter. L’habile astronome de Lilienthal pré- 
tend avoir observé à plusieurs reprises (1), sur le croissant 
de la lune, un crépuscule dont l'élévation le conduit à 
l'existence d’une atmosphère réfringente, vingt-neuf fois 
moins dense que celle de notre terre. Ce chiffre s'accorde 
parfaitement avec celui qui a été calculé théoriquement 
par Melanderhjelm : le savant Suédois admet (2) qu'a la 
surface des planètes , la densité de l'atmosphère est pro- 
portionnelle au carré de la pesanteur; et comme consé- 
quence de cette vue théorique, il trouve que la densité de 
l'atmosphère lunaire doit être à celle de l'atmosphère 
terrestre dans le rapport de 4 à 28. 

Nous devons déclarer que les observations les plus ré- 
centes , faites avec le secours d'instruments d’une grande 
puissance et d’une grande perfection optiques, n’ont pas 
confirmé celles de Schrôter : jusqu’aujourd’hui, l'opinion 
de ceux qui attribuent à la lune une atmosphère sensible, 
n'est appuyée , disons-le, par aucune preuve positive, par 
aucune donnée scientifique certaine. 

Ainsi Herschel, observant l’éclipse solaire du 5 sep- 
tembre 1795, porta particulièrement son attention sur la 
forme de la corne aiguë résultant de l'intersection des 
limbes de Ia lune et du soleil. Cet angle lui sembla tou- 
jours parfaitement régulier. Il croit (3) que s’il y avait eu, 
vers la pointe de la corne, une déviation d’une seule 
seconde, occasionnée par la réfraction de la lumière so- 


(1) Voyez Selenotopographische Fragmente. 
(2) Pulletin de Férussac , t. Ier. 
(5) Trans. phil., t. LXXXIV. 


( 628 }) 
laire dans l'atmosphère de la lune, elle ne lui aurait pas 
échappé. 

Ainsi encore le plus grand astronome de notre époque, 
Bessel, après avoir mürement examiné la question, et 
soigneusement discuté les observations les plus précises, 
trouve que, si l'atmosphère lunaire existe, elle doit avoir 
une densité égale, tout au plus, à + de celle de l'atmo- 
sphère terrestre. Cette quantité est inappréciable à nos 
moyens d'observation; aussi, Bessel conclut-il par les 
paroles suivantes (1) : « Je ne connais d'autre moyen d’at- 
» tribuer une atmosphère à notre satellite que de la sup- 
» poser non réfringente... Aucun argument en faveur de 
» l’existence d’une atmosphère lunaire ne peu’ être consi- 
» déré comme plus solide que celui qu’on déduit, contre 
cette existence, de l’absence de toute réfraction. » 
Nous avons dit déjà, dans les premières lignes de ce 
rapport, que M. Geniller donne de nouveaux arguments 
en faveur de l'opinion de Schrôter. La note dans laquelle 
il les expose est bien écrite, et les raisons y sont déduites 
avec habileté : c’est évidemment l’œuvre d’un homme qui 
connaît son sujet. Aussi, est-ce le mérite même que nous 
reconnaissons au travail de M. Geniller, qui nous a engagé 
à l’examiner de près, et à faire voir, s'il est possible, que 
les considérations qu'il apporte à l’appui de sa thèse ne 
sont pas tout à fait concluantes. | 

La première objection que rencontre l’auteur est celle 
qui est relative à l’absence de réfraction. Pour concilier ce 
fait avec sa théorie, il remarque d’abord que la masse de 
la lune est très-faible, et que l'air doit être très-raréfé à la 


C2 


“ 


1} Astron. Nachricht., n° 263. 


(629: ) 

surface de ce corps. En second lieu, dit-1l, lorsqu'une 
étoile est occultée, elle est encore très-éloignée de la sur- 
face des parties basses de la lune. En effet, notre satellite 
est couvert de montagnes nombreuses et élevées, dont 
l’ensemble forme à nos yeux une nouvelle surface sphéri- 
que, plus élevée que le niveau moyen du globe lunaire, 
les gorges des montagnes qui bordent le limbe étant mas- 
quées, pour l'observateur terrestre, par d’autres montagnes 
placées antérieurement ou postérieurement. L’occultation 
est donc produite par les sommets des montagnes, où l'air 
est irès-raréfié. 

Cette dernière remarque peut présenter quelque jus- 
tesse, mais elle n’est pas aussi neuve que l’auteur le croit. 
Bessel, en traitant le même sujet, a dit (4) : « Si la lune a 
» une atmosphère, les rayons lumineux doivent s'y réfrac- 
» ter, à moins qu'on n’admette que ce globe soit hérissé 
» de montagnes d'une hauteur telle que les étoiles, à l'in- 
» stant de l'immersion et de l’émersion, sont vues à travers 
» un air déja si raréfié, que leur lumière ne souffre plus 
» de réfraction sensible. » Du reste, la conclusion de 
l’illustre astronome, que nous avons rappelée plus haut, 
prouve qu'il n’admet pas l'existence de ces montagnes, 
assez hautes et assez rapprochées, pour entourer la lune 
d'un faux limbe par simple voic de projection. 

À l'appui de sa manière de voir, l’auteur cite ensuite un 
phénomène très-curieux , que plusieurs astronomes ont eu 
l’occasion d'observer. Il arrive parfois, dans les occulta- 
tions, que l'étoile, avant de disparaître, semble dépasser 
le bord de la lune, et s’avancer sur le disque, quelquefois 


(1) Astron. Nachricht., n° 265. 


( 650 ) 

même assez loin. L’explication de M. Gemiller consiste à 
supposer que le faisceau de lumière envoyé par l'étoile 
pénètre alors jusqu’à nous à travers une série de gorges 
formées par les montagnes lunaires, série de gorges qui 
peut offrir un passage en ligne droite à un rayon de lumière, 
sans que les gorges soient rigoureusement dans la même 
direction. C’est ainsi que l'étoile parait être entrée derrière 
le disque, avant qu’on l'ait encore perdue de vue. 

L’explication est ingénieuse, bien qu’elle diffère peu de 
celle de J. Herschel , qui suppose que, dans ce cas, l'étoile 
se laisse voir derrière une des profondes fissures qui sil- 
lonnent le corps de la lune. Je me demande, toutefois, 
comment 1l se fait que l'étoile, dont les rayons rasent ici 
le fond des vallées lunaires, ne paraît changer ni de forme, 
ni d'éclat, ni de couleur. Cette circonstance me semble 
inconciliable avec l’hypothèse d’une atmosphère sensi- 
ble dans les parties basses. D'ailleurs, l’explication de 
M. Geniller ne rend pas compte d’un autre phénomène, 
qui doit avoir avec le précédent une intime connexité, et 
dans lequel l'étoile ne s’avance pas sur le disque (soit bril- 
lant, soit obscur) de la lune, mais semble, au contraire, 
y rester adhérente pendant plusieurs secondes, pour dispa- 
raitre ensuite instantanément. 

La plupart des astronomes modernes contestent l’exis- 
tence de véritables mers à la surface de la lune, et cela 
pour deux raisons. La première, c’est qu’en l'absence de 
toute pression atmosphérique, l’eau se transformerait rapi- 
dement en vapeur, et donnerait bientôt naissance à une 
atmosphère réfringente. La seconde, c’est qu’on remarque 
sur les taches qui sont considérées comme des mers, des 
inégalités de relief inconciliables avec la surface des eaux, 
nécessairement plane. 


( 681 ) 

L'auteur de la note que nous analysons admet l’exis- 
tence des mers lunaires. El répond à la première objection 
que la lune à une atmosphère dont la pression est suffisante 
pour maintenir l’eau à l’état liquide; et à la seconde, que 
les inégalités que l’on observe dans les mers ne provien- 
nent pas d'un véritable relief, mais constituent un phéno- 
mène optique dû à un mélange de glace et de liquide. La 
glace ayant un pouvoir réfléchissant beaucoup plus grand 
que celui de l’eau, les parties liquides doivent paraitre, 
dit-1}, comme des cavités, et les glaces comme des émi- 
nences. Voilà, suivant lui, comment se concilie l'existence 
des mers avec les inégalités apparentes qu’on observe à 
leur surface. 

Ici notre réponse sera brève : les inégalités dont parle 
l’auteur sont réelles, elles portent des ombres très-visibles, 
très-nettes, elles sont mesurables et ont été mesurées. 

_ Après avoir cherché à réfuter les objectious qu’on élève 
contre l’existence d’une atmosphère lunaire, l’auteur ap- 
porte des preuves pour établir directement cette existence. 

La première est tirée des volcans lunaires. Que sont 
devenus , demande-t-il, les gaz qu'ils ont dû dégager, et 
que quelques-uns dégagent peut-être encore ? 

Avant de poser cette question, il serait bon de prouver 
qu'il existe , à la surface de la lune, des volcans dans la 
véritable acception du mot. Or, malgré l'opinion qui a 
généralement cours, rien n'est moins certain. 

D'abord, aucune observation positive n’a jamais con- 
staté, sur notre satellite, le fait d’une éruption volcanique, 
ni la présence d’un feu quelconque. Il est reconnu aujour- 
d'hui que les points rougeâtres que quelques observateurs, 
et le grand Herschel lui-même, ont pris pour des volcans 
en activité, ne sont que des points doués d’un grand pou- 


( 632 }) 
voir réfléchissant : illuminés par la terre dans la portion 
cendrée de la lune, ils dominent par leur éclat la faible 
teinte des régions voisines. 

Quant à la constitution générale des montagnes lunaires 
el à la nature de la force expansive qui les a soulevées, 
voici ce que dit à ce sujet Madler, un des astronomes mo- 
dernes qui se sont occupés avec le plus de succès de la 
sélénographie (1). 

« La forme fondamentale des montagnes lunaires, 
> ainsi que leur distribution, diffèrent totalement de celles 
» des montagnes terrestres. Les mots de volcans, de 
» cratères que l’on a transportés dans la topographie de 
» Ja lune, n’impliquent pas l’idée d’une similitude com- 
» plète avec les objets terrestres qui ont la même désigna- 
» tion. Les volcans, dans la signification propre que ce 
» mot a chez nous, n'existent pas sur la lune. Si (comme 
» cela est très-probable) les massifs qu’on y observe ont 
» été soulevés et déchirés par le travail intérieur d’une 
» force expansive et éruptive, ce n’est pas une raison pour 
» les croire de nature proprement volcanique. Les plus 
» grands cratères de notre globe (celui de l'Etna, par 
» exemple) sont à peine comparables aux plus petits de 
» ces objets que l’on voit sur la lune. » 

Il est donc inutile, nous semble-t-il, de rechercher ce 
que sont devenus, à la surface de notre satellite, les gaz 
produits par des éruptions qui n’ont de volcanique que le 
nom. 

La seconde preuve de M. Geniller est tirée de la com- 
munauté d'origine de toutes les planètes. Il en résulte que 


RE — —— = pret ere 


(1) Populäre Astron., 6% Abschn. 


( 633 ) 

les substances constitutives sont les mêmes pour le globe 
lunaire que pour le globe terrestre; que tous deux ont 
passé par les mêmes phases de formation; que, par consé- 
quent, Ja lune a d’abord été à l’état gazeux; puis, qu’elle 
s'est condensée en un noyau liquide entouré d'une épaisse 
atmosphère ; que le noyau s’est ensuite recouvert d’une 
écorce solide, s’épaississant de plus en plus; enfin, que 
l'atmosphère, d’abord très-chargée, s’est peu à peu raré- 
liée et purifiée, en laissant déposer à la surface de la lune, 
avec les progrès du refroidissement, un grand nombre de 
substances, soit à l’état liquide, soit à l’état solide. 

Nous admettons volontiers l’analogie de constitution 
entre la terre et la lune : mais la différence de leurs masses 
a suffi pour établir une différence notable dans le refroi- 
dissement des couches successives, dans la pression qu’elles 
ont éprouvée, et, par suite, dans l'énergie et dans l’ordre 
de succession des phénomènes qui ont signalé les diffé- 
rentes phases de la formation de ces deux globes. Dès lors, 
les gigantesques réactions chimiques qui ont purifié l’at- 
mosphère terrestre, ont fort bien pu, en s’exerçant sur la 
lune pendant des périodes non similaires, fixer tous les 
gaz et tous les liquides de l’atmosphère lunaire, en les 
engageant dans des combinaisons solides. 

Enfin l’auteur termine son mémoire par le développe- 
ment d’une proposition qu'il formule ainsi : « L'air est 
universellement répandu dans l’espace. » La conclusion 
qu'il en üre est que chaque globe, plongé dans ce fluide 
universel , doit en condenser autour de lui une quantité 
proportionnelle à sa masse. 

Nous éprouvons quelque difficulté à concevoir cette at- 


-mosphère générale, illimitée, décroissant indéfiniment de 


densité à parür de chaque corps céleste; et à concilier 
Tome xx, — Il" paRT. 41 


( 654 ) 
son existence avec celle des atmosphères particulières 
appartenant à ces corps, pesant sur eux et les accompa- 
snant dans leurs mouvements de rotation et de transla- 
tion : de toute nécessité, ces atmosphères mobiles doivent 
être limitées. 

L'auteur demande où serait cette limite, puisque l'air 
est doué, suivant lui, d’une dilatabilité indéfinie. J'avoue 
que, dans l’état de nos connaissances sur la constitution 
des régions supérieures de l’atmosphère terrestre, 1l est 
impossible d’assigner la limite à laquelle l'air doit cesser 
de se dilater et de s'épancher dans l’espace; mais ce n’est 
pas une raison pour nier que celte limite existe, et pour 
affirmer que l'air est indéfiniment dilatable. « Il est né- 
cessaire, dit au contraire Laplace (1), que le ressort du 
» fluide atmosphérique diminue dans un plus grand rap- 
» port quele poids qui le comprime, et qu’il existe un état 
» de rareté dans lequel ce fluide soit sans ressort. C’est 
» dans cet état qu’il doit être à la surface (supérieure) de 
l'atmosphère. » 

L'état électrique et thermométrique de l'atmosphère 
terrestre, dans ses couches supérieures, nous étant in- 
connu, nous ignorons quelle est la loi de variation de sa 
force élastique. Tout ce que nous pouvons dire, avec Wol- 
laston (2), c’est que « l'air doit cesser de se dilater là où 
>» la pesanteur d’une molécule est égale à la force avec la- 
» quelle elle est repoussée par les molécules inférieures. » 


D'après Graham (5), cette limite est déterminée par le 
froid. 


Ÿ 


(1) Mc. cél., Liv. HIT. 
(2} Trans. phil., 1896. 
(5) Phil, mag., 1827, fév. 


É 


( 635 ) 


Une autre considération conduit l'auteur à admettre 
que l’air est universellement répandu dans l’espace : c’est 
la constance de la composition de l'atmosphère terrestre, 
malgré les causes physiques qui tendent à troubler la pro- 
portion des gaz qui la constituent. Suivant lui, cette con- 
stance ne se maintient que grace à un échange continuel 
entre l'air des espaces planétaires et celui de chaque pla- 
nète. 

Quelque ingénieuses que soient les déductions de M. Ge- 
niller, nous croyons que le fait d’une constance rigou- 
reuse dans la composition de la masse totale de notre 
atmosphère n'est établi par des analyses n1 assez con- 
cluantes, ni assez anciennes, ni assez générales, pour 
qu'on doive regarder comme insuffisantes les raisons par 
lesquelles la science montre que la composition de lat- 
mosphère peut se maintenir, pendant très-longtemps, 
dans un état moyen d'équilibre. 

On voit que nous sommes loin de partager en tous 
points les idées de M. Geniller. Toutefois , comme le sujet 
est très-discutable, et comme l’auteur, par la manière 
dont il l'a traité, à fait preuve de talent et de connais- 
sances, nous avons l'honneur de proposer à la classe d’in- 
sérer sa notice dans les Bulletins de l'Académie. » 


Ces conclusions, adoptées par M. Nerenburger, se- 
cond commissaire, sont admises par la classe. 


Horloges électriques; par M. Gérard, horloger à Liége. 
Rapport de M. De Vaux, 


« Les derniers perfectionnements tentés par M. Gérard, 
horloger-mécanicien à Liége, dans l’organisation des hor- 
loges électriques, portent sur trois points principaux : 

Premièrement, emprunter directement à un pendule à 
compensation simple, l’action intermittente d’un contact 
par friction, dont l'effet se borne à soulever deux petites 
palettes qui, abandonnées aussitôt que le courant cesse, 
pèsent légèrement sur le pendule et en entretiennent le 
mouvement oscillatoire. 

Le mécanisme de conduite des aiguilles est aussi rendu 
très-simple; 11 n’exige qu'un courant très-faible, capable 
seulement d’écarter un peu de la verticale deux très-pe- 
ttes masses de cuivre suspendues à un axe, et dont le re- 
tour en position à chaque solution du circuit suffit pour 
conduire l’échappement régulateur. 

Secondement, remédier, par l'addition d’un pignon et 
d'une roue aux quadratures ordinaires, au défaut de fixité 
des aiguilles, défaut qui, pour des cadrans de grandes di- 
mensions, peut devenir une cause notable de dérangement, 
attendu que les grandes aiguilles, même lorsqu'elles sont 
équilibrées, sont sujettes à agir comme volant. 

Troisièmement, composer une pile d’un emploi com- 
mode, d’un entretien facile et économique, d’une énergie 
régulière, durable et proportionnée au travail qu’on en at- 
tend, et douée avant tout de la propriété de ne produire, 
au contact des métaux, nt oxydalion, ni adhérence nui- 
sibles. 


( 657 ) 

Ayant eu l’occasion d'examiner en détail, chez M. Gé- 
rard , appareil dit pendule-électro-moteur, qu'il a construit 
et mis en activité d’après les principes ci-dessus exposés, 
nous devons dire que nous avons été frappé du soin et de 
l'intelligence qui ont présidé à cette installation. Une expé- 
rience prolongée peut seule résoudre la question d’avenir 
de ce système, mais on peut, dès aujourd’hui, féliciter 
M. Gérard de son zèle persévérant et de ses efforts pour 
améliorer le système des horloges électriques et le dégager 
des nombreuses causes d'erreur et autres difficultés pra- 
tiques qui en ont retardé jusqu'ici la propagation. » 


Après avoir entendu la lecture de cette note, qui n’exige 
aucune délibération de sa part sur le travail de l’auteur, 
l’Académie ordonne l’impression de léerit de M. De Vaux. 


a 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


——— 


Démonstration du rosruLatTum d’Euclide (Note addition- 
nelle); par M. Lamarle, associé de l’Académie. 


Nous avons dit, à la page 422 du Bulletin précédent, 
en note : « Au lieu de recourir à l’image d’un fil tendu, 
» l’on peut s’en tenir à l’image de la tangente tournant, 
» sans glisser, autour du point de contact, et s'appli- 
» quant ainsi sur la courbe. L'image du fil est moins 
» géométrique : si nous l'avons préférée, c'est qu'elle 
» nous à paru plus évidente. » 

Parmi les moyens de démonstration très-nombreux 


( 658 ) 
que peut fournir la considération de la tangente, nous 
allons en indiquer un qui nous paraît remplir tontes les 
conditions désirables. Ce sera, pensons- nous, aller au- 
devant de certaines objections qu’on songerait, peut-être, 
à nous opposer. 


Concevons que la droite PBQ tourne, à parür du point 
B, dans le sens qui rapproche la partie BQ de Parc BS, et 
qui, par conséquent, écarte la partie BP de l'arc BR. 

A l’origine, la rotation commence autour du point B. 

Concevons, en outre, que la rotation se continue et 
s’accomplisse de manière à avoir constamment pour centre 
le point, où, par le fait même de son déplacement, la droite 
PBQ vient rencontrer la courbe RBS. 

Je dis, d’abord, que, si la rotation s'effectue autour d’un 
point quelconque a, elle ne peut s'établir ensuite autour 
d'un autre point b, sans avoir eu lieu préalablement, au- 
tour de chacun des points intermédiaires. 

Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que la direc- 
trice (4) pût, en tournant autour du point a, atteindre le 
point b, et, néanmoins, rester tout entière au-dessus de la 
courbe BS, dans l'intervalle ab. Or, partant du point a et 
devant rester au-dessus de l’arc ab, la directrice ne peut 
que coincider avec la tangente ac ou s'élever au-dessus, 
suivant une direction quelconque al. Dans le premier cas, 


a. —————_——__—_———— 
© 


(1) Je désigne par le nom de directrice la droite mobile PBQ. 


( 639 ) 


elle ne peut aboutir au point b, puisque l'arc ab est tout 
entier au-dessous de la tangente ac; dans le second, elle le 
peut encore moins, puisqu'elle est séparée de l'arc ab par 
la tangente ac. On voit donc qu'il y à continuité non in- 
terrompue dans le déplacement que subit, le long de l'arc 
BS, le centre de rotation de la directrice. 

Je dis ensuite que la directrice, lorsqu'elle commence à 
tourner autour d'un point quelconque a, est nécessaire- 
ment dirigée suivant la tangente ac qui passe par ce point. 

Il est d'abord évident qu’elle doit coïncider avec cette 
tangente, ou bien s'élever au-dessus d'elle. Mais, dans ce 
dernier cas, le prolongement ag de la directrice descen- 
drait au-dessous de la courbe à partir du point a. Or, cela 
est précisément impossible, ei voici pourquoi : 

Tant que la directrice est située tout entière au-dessus 
de la courbe, et qu'elle tourne autour du point où elle la 
touche, la partie de la directrice située en deçà de ce point 
ne fait que s’écarter de la courbe. Bien plus, elle laisse entre 
elle et la courbe La position qu'elle abandonne. Élevée au- 
dessus de cette position, elle ne peut passer de l’autre côté, 
ni par conséquent descendre au-dessous de la courbe. 1! suit 
de là que, si la directrice est d'abord au-dessus de la courbe, 
à partir du point autour duquel a lieu sa rotation et en deçà 
de ce point, elle conserve nécessairement el toujours cette 
méme situation relative. Or, telle est la position de la di- 
rectrice à l’origine de sa rotation autour du point B. Il est 
done impossible qu'elle affecte jamais la position al où son 
prolongement ag descendrait au-dessous de la courbe, 

Voici, pour ce second point, une autre démonstration 
plus directe et, je crois, aussi satisfaisante. 

S1 la directrice, lorsqu'elle parvient en a, s'élevait au- 
dessus de la tangente ac, son prolongement ag descen- 


( 640 ) 


drait au-dessous de la courbe. Si, d’ailleurs, on arrêtait la 
directrice en a, et qu’on la fit rétrograder par une rotation 
inverse, il faudrait qu’elle se détachât immédiatement du 
point a, et que le centre de rotation rétrogradât lui-même, 
de a vers B sur la courbe, de a vers g sur la directrice. 
Or, bien loin que cette rotation inverse püût rapprocher, 
l’une de l’autre, les parties prises sur aB et ag dans le 
voisinage du point a, elle ne ferait, au contraire, que les 
écarter davantage. [l faut donc, nécessairement, que le pro- 
longement de la directrice reste au-dessus de l’are aB, et, 
conséquemment, que la directrice soit toujours tangente à 
cet arc. 


Résumé général et observations. 


En publiant ce travail nous nous sommes proposé deux 
objets principaux. 

Le premier consistait à résoudre la difficulté offerte par 
le postulatum d'Euclide; le second, à montrer, par cette 
solution d’un problème considéré, jusqu'ici, comme ina- 
bordable, la puissance des ressources qui s'empruntent à 
l'analyse transcendante, lorsqu'on en saisit nettement les 
principes fondamentaux. 

On objectera, peut-être, que notre démonstration du 
postulatum d’'Euclide n'offre pas, sous la forme que nous 
lui avons donnée, toute la simplicité désirable. L’impor- 
tant est qu’elle soit exacte, et, si l’on peut la rendre plus 
simple et plus rapide, il suffit, pour nous, qu’elle offre par 
elle-même les éléments d’une solution meilleure. A d’au- 
tres plus habiles et plus exercés nous laissons le soin de 
modifier, sil y a lieu, et d'améliorer ce premier travail. 
Toutelois, ce serait, pensons-nous, se faire illusion que 


Vis 


( 641 ) 

d'espérer traiter et résoudre, en quelques lignes, un pro- 
blème qui a déjoué, pendant si longtemps, les efforts de 
tant de géomètres. Les détails étendus, dans lesquels nous 
avons dû entrer, étaient nécessaires pour mettre en évi- 
dence et rendre sensible le mode de génération de la 
courbe RBS par le double mouvement simultané d’un 
point et d’une droite. Si l’on admettait a priori que toute 
courbe, par cela seul qu’elle n'est ni droite ni composée 
de parties droites, comporte nécessairement ce mode de 
génération , notre démonstration se réduirait à quelques 
pages et ne laisserait, croyons-nous, plus rien à désirer. 

On à proposé d'introduire en géométrie élémentaire la 
notion des quantités infinitésimales, et d'adopter pour la 
ligne courbe cette définition : 

La courbe est un polygone d'un nombre iNFINI de côtés, 
chacun de ces côtés étant INFINIMENT pelit. 

Des scrupules s'étant élevés, pour ce qui concerne la 
géométrie proprement dite, on sest borné à faire usage 
de ces notions et de cette définition dans l’enseignement 
élémentaire de la mécanique. 

Lorsqu'on les dit infiniment petits, entend-on, par là, 
que les côtés de la courbe polygone ont de l'étendue ? En 
ce cas, la définition est fausse. Entend-on, au contraire, 
qu'ils n’en ont point? elle est inintelligible et absurde. 

S'il faut, comme on l’a dit avec raison , ne point altérer, 
dans les masses, ce bon sens droit et sur qui vit des choses 
communes, cette raison sage et modérée qui répugne aux 
chimères (1); s’il est interdit au professeur de se servir de 


(1) Voir le rapport, en date du G avril 1847, adressé, par la Faculté des 
sciences de Paris, à M. le Ministre de l’intérieur, sur l’état de l’enseignement 
scientifique dans les colléges et dans les écoles de degré inférieur. 


( 642 ) 


termes dont les élèves ne pourraient pas bien comprendre le 
sens (1); s'il doit éviter qu'ils apprennent de lui à se payer 
de mots (2) : comment justifier de pareils errements? Nous 
n'entendons pas ce qu'est un infiniment petit, diraient les 
élèves à leur professeur , ef celui-ci serait obligé d'avouer 
qu’il ne l'entend pas davantage (3). | 

D'un autre côté, si l’on définit simplement la ligne 
courbe une ligne qui n’est ni droite ni composée de par- 
ties droites, on se borne à énoncer deux négations, qui ne 
peuvent mener & rien et qui n'ont aucun rapport avec la 
nature intime de la ligne courbe (4). 

Mieux vaut, sans doute, une définition insuffisante 
qu'une définition fausse ou inintelligible et absurde. Tou- 
tefois, nous croyons qu'entre ces deux extrêmes, 1l y a 
un milieu à tenir, et qu'il serait très-avantageux, sous 
tous les rapports, d'adopter l’une ou l’autre des définitions 
suivantes : 


La courbe est la trace d’un point qui se meut suivant une 
direction incessamment variable. 


La courbe est la trace d’un point qui se meut sur une 
droite mobile, le point glissant sur la droîte, et la droite 
tournant autour du point. 


St l’on admettait a priori l’une ou l’autre de ces deux 
définitions, et qu'on la prit pour point de départ, non- 


(1) Znstruction générale sur l'exécution du plan d’études des lycées, 
par H. Fortoul, ministre de l'instruction publique et des cultes. Paris, 
15 novembre 1854. 

(2) Idem. 

(5) Dictionnaire philosophique (article Géométrie). 

(4) Znstruction de M. Fortoul, en date du 15 novembre 1854 (déjà 
citée plus haut}, 


AR ET à 


\! 

( 645 ) 
seulement on serait à même de démontrer, immédiate- 
ment et sans la moindre difficulté, le postulatum d'Eu- 
clide, mais, en outre, on disposerait, dès le début, des 
ressources les plus fécondes et les plus précieuses pour 
tous les développements ultérieurs, soit en mathémati- 
ques élémentaires, soit en analyse transcendante. Sous ce 
double rapport, au point de vue du postulatum d’Euclide, 
comme à celui des autres applications, notre méthode 
défie la méthode infinitésimale, Elle peut toujours autant, 
souvent plus, et cela sans jamais rien perdre en sim- 

plicité. 

Elle a, d’ailleurs, cet avantage essentiel d'être, constam- 
ment et partout, dans ses principes comme dans leurs 
conséquences, logique, rationnelle, intelligible et lucide. 


Note sur l'Ocrororarium du Merlan et sur l'AxiNE de l'Or- 
phie; par M. Van Beneden , membre de l'Académie. 


Cette notice a pour objet deux beaux vers trématodes 
monogenèses, encore très-imparfaitement connus des 
helminthologistes, vers qui vivent sur deux poissons de 
nos côtes, le Merlan et l'Orphie, et que nous avons soumis 
à une nouvelle étude anatomique. 

Ayant pu nous procurer ces poissons très-frais, et quel- 
ques heures seulement après leur mort, nous nous som- 
mes trouvé dans des conditions plus favorables que Ja. 
plupart de ceux qui ont parlé de ces vers. 

C'est à cause de cet avantage que nous pouvons ajouter 
quelques détails qui intéresseront, pensons-nous, Îles na- 


( 644 ) 
turalistes qui s'occupent de celte partie AE de la 
zoologie. 


OCTOBOTHRIUM MERLANGI. 


Ce parasite du Merlan a été vu d’abord par Kuhn, et est 
décrit dans les Mémoires du Muséum (1850). Nordmann 
l’a étudié quelques années plus tard; mais 1l ne semble 
avoir eu à sa disposition que des individus de la collection 
de Rudolphi et, par conséquent, conservés dans la li- 
queur. Îl ne paraît pas que ce ver ait été étudié par d’au- 
tres. 

Diesing a fait un genre nouveau pour ce parasite; le 
peu de données positives que l’on possédait auraient dû 
cependant l’engager à s'abstenir. 

Tous les caractères des Octobothridm se retrouvent 
dans ces vers jusqu'aux ventouses antérieures, la plaque 
à crochets au milieu du cou, etc., etc. 


Syn. — OCTOSTOMA MERLANGI, Kuhn, Mém. du Muséum d’hist. 
nat., 1850. 
Ocrorotrium? MERLANGI, Nordmann. Mikrog, Beilrüge , 
t. 1, p. 78, tab. VIE, fig. 1-5 
— — Du Jardin, Hist. nat. des Heln., 
p. 914. 


Dicrinopxora LoNGicozis, Diesing, Syst. Helm., p. 417. 


Longueur : 14-15", 


Il habite sur les branchies des Merlans (Gadus merlan- 
 gus).Sur quinze Merlans, j'ai trouvé, au mois de décembre, 
trois individus; en janvier, j'en ai trouvé un sur six pois- 
sons. 

La couleur est d'un brun grisâtre. Nordmann l’a repré- 


( 645 ) 
senté trop rouge, si Jen juge par les vers que j'ai vus 
vivants. 

Le nom spécifique de merlangi doit évidemment être 
conservé à cette espèce; c'est le plus ancien. Nous déplo- 
rons cette manie de changer les noms. 

La bouche s'ouvre tout près de l'extrémité antérieure 
du corps, à la face inférieure; elle est suivie de près du 
bulbe œæsophagien que l’on distingue dans tous ces genres ; 
vient ensuite l’æsophage, qui est assez court et qui bientôt 
s'ouvre dans les deux troncs du tube digestif. Chacun de 
ces troncs présente des branches ramifiées qui donnent 
un aspect arborescent à cet appareil. Chaque tronc s'étend 
jusqu'à la base des pédicules qui portent les pinces. La 
couleur de tout l'appareil est d’un rouge-brique. 

Cette description correspond avec celle que Nordmann 
a déjà donnée de cet appareil et que M. Rathke a reconnue 
exacte. 

On n’a pas décrit d'abord des ventouses à côté de la 
bouche; mais comme on en a trouvé, dans d’autres espèces, 
placées dans le même genre, on s'est demandé si ces ven- 
touses n'avaient pas échappé à l'examen. Ce doute est même 
exprimé par ceux qui d'abord ne les avaient pas observées 
et est parfaitement justifié. A côté de la bouche, on voit 
les deux ventouses que l’on a observées depuis longtemps, 
dans l’Octobothrium lanceolatum. L'Octostoma merlangi et 
l’espèce que Rathke a trouvée sur l'Hippoglosse (Octob. 
digi.), sont, sous ce rapport, voisines l’une de l’autre. 

L’orifice génital se trouve non loin de la bouche, sur la 
ligne médiane, à la hauteur de la bifurcation du tube 
digestif. On voit, comme dans l’Octobothrium de l'Alose, 
une plaque cornée en forme de disque qui a échappé jus- 
qu'ici à l'examen. Elle est parfaitement arrondie et montre 


( 646 ) 
à sa surface quinze crochets de même grandeur et de 
même forme, disposés en cercle, en laissant seulement un 
peu d'intervalle en dessous. 

Vers le milieu du corps, on distingue à travers les pa- 
rois une glande arrondie, assez volumineuse, de couleur 
blanche et sur laquelle on voit un petit canal tortueux, 
une partie du vitelloducte. Une autre glande, de forme 
ovale, de la même couleur, mais plus petite, est située au- 
devant de la première , et elle la recouvre de sa moitié. Ces 
organes appartiennent évidemment à lappareil sexuel. 
L’antérieure, ou la petite vésicule transparente, correspond 
au testicule, qui est unique, si nous ne nous trompons; 
l’autre grande vésicule médiane est le germigène. L'une 
moitié renferme des vésicules germinatives formées; l’autre 
moitié n’en renferme qu'en voie de formation. 

Le corps est terminé en arrière par quatre appendices 
de chaque côté, et au bout de chacun d’eux, on voit un 
appareil corné particulier propre à remplacer les ven- 
touses. Cet appareil consiste dans deux anneaux placés à 
côté l’un de l’autre. Le côté par lequel 1ls se touchent est 
droit, et ils se meuvent comme s'ils étaient réumis par une 
charnière, En se rapprochant, ces anneaux peuvent former 
la pince et le ver peut se fixer. Ces organes ne sont donc 
aucunement disposés comme Nordmann les a représentés, 
mais 1ls sont semblables à ceux que M. Rathke a observés 
dans l’Octobothrium digitatum et que nous avons vus dans 
l’'Octobothrium lanceolatum. 

Le tube digestif est facile à reconnaître, dans tout son 
trajet, à sa couleur foncé-rougeûtre. 

La bouche est petite, presque terminale, flanquée de 
deux ventouses, entre lesquelles on distingue le commen- 
cement du tube digestif. Puis on voit un énorme bulbe 


PORC En ne, 2 


( 647 ) 
œsophagien , dans lequel on distingue facilement les 
fibres musculaires qui lui donnent l'aspect d’un gésier. 
Vient ensuit l’œsophage, qui descend tout droit jusque 
dans le voisinage du pore génital et qui de là s'ouvre en 
deux tubes marchant parallèlement jusqu’à ce qu’ils pénè- 
trent dans la portion élargie du ver. 

Les deux tubes digestifs se terminent en arrière en cul- 
de-sac , et présentent de nombreuses ramifications sur leur 
trajet. Ces ramifications envahissent, avec le vitellogène, 
toute la partie élargie du ver. Ces branches n'offrent au- 
cune anastomose entre elles, 

Les organes sexuels sont très-développés et, avec le tube 
digestif, ils remplissent tout l'animal. 

Nous avons reconnu les principaux organes de cet ap- 
pareil reproducteur. 

Le vitellogène occupe presque tout le corps. Il consiste 
en vésicules de forme ovale que l’on découvre dans lin- 
terstice des autres organes, depuis l'endroit de la bifur- 
cation de l'intestin jusqu’à la base des huit appendices 
postérieurs. On les voit partout entremêlés, au milieu des 
cœcums digestifs avec lesquels on pourrait les confondre. 

Les vitelloductes se réunissent à la hauteur et vers le 
milieu du germigène; on les distingue facilement dans la 
plupart des individus. Quand ils sont pleins ils se détachent 
des autres organes. Ce vitellogène se dilate souvent en 
avant pour constituer là un vitellosac, qui envoie une 
branche au-dessous du testicule antérieur. 

Germigène. — Vers le milieu du corps, on aperçoit, une 
grande vésicule arrondie, dont on peut très-bien distin- 
guer le pourtour; elle occupe à peu près la ligne médiane : 
c’est le germigène. À droite et à gauche, elle ne présente 
pas exactement le même aspect : du côté gauche, les 


( 648 ) 
germes sont peu volumineux, et celle parue semble en 
effet servir de vésicule de dépôt ou de réservoir. 

Vers le milieu, surtout à la partie postérieure, cette vé- 
sicule présente un aspect différent, comme si une autre 
slande lui disputait la place dans cet endroit. Il n'est pas 
impossible que ce soit le second testicule, d'autant plus 
que nous croyons avoir vu en avant un canal excréteur qui 
croise le vitellosac. 

Testicules. — La glande arrondie et blanche située au- 
devant du germigène, est probablement le testicule anté- 
rieur. Nous n'avons pas vu de spermatozoïdes. Elle est 
située tantôt un peu au-devant, tantôt au-dessous du ger- 
migène. C’est d’après son aspect et la consistance de son 
enveloppe que nous regardons cet organe comme tes- 
uicule. 

Le testicule postérieur, s’il y en a un, est situé à la hau- 
teur du germigène et semble se confondre quand le ver 
est comprimé. 

La ponte des œufs a lieu par le milieu de la plaque, qui 
est membraneuse. 

Le pore génital est terminé par une ne membra- 
neuse que le ver fait saillir et dont la base est entourée 
d'une couronne de crochets. On en compte à peu près 
quatorze. Chaque crochet se compose d’une lame forte- 
ment recourbée en forme de faucille, et d’un manche. 
Nous avons représenté ces organes de profil, de face et 
puis isolés et vus à un plus fort grossissement. 

OEufs. — Les œufs sont très-volumineux et ressemblent 
à ceux de l’Octobothrium lanceolatum. Is sont de forme 
ovale, pourvus d’une coque, qui est terminée aux @ezx 
pôles par un filament assez massif et court. Il n’y a qu'un 
seul œuf à la fois dans l’oviducte. 


( 649 ) 


AXINE BELLONES. 


Au milieu de toutes ces grandes et belles espèces, qui, 
indépendamment de leurs nombreuses bouches d'attache 
ou ventouses, portent encore des stylels aigus ou des cro- 
chets en forme de hameçon, se trouve un ver qui a pour 
habitat les branchies de lOrphie commune et dont le 
nombre d'organes d'adhésion est tellement grand, qu'il 
dépasse de beaucoup le nombre le plus élevé dans tous les 
genres connus. 

Nous avons été assez heureux de découvrir ce parasite 
à deux reprises différentes, et de compléter son histoire 
anatomique par des observations qui en feront beaucoup 
mieux apprécier les affinités. 

Ce ver n’a encore été vu que par un petit nombre d’hel- 
minthologistes, ce qui dépend sans doute de ce que ce 
parasite est loin d'être abondant et que le poisson qui 
l’héberge n’est guère porté au marché. 

Abildgaard l’a observé le premier vers la fin du siècle 
dernier. Les détails incomplets qu’il a donnés de son orga- 
nisation ont suffi cependant pour faire supposer à Otto et à 
Leuckaert que ce ver appartient au groupe des Trématodes. 

Puis Diesing à étudié ce même ver, mais à l’aide des 
exemplaires recueillis par Kollar sur des poissons con- 
servés dans la liqueur. Il avait cru d’abord devoir admettre 
deux espèces différentes qu'il à réunies avec raison dans 
son Système helminthologique. I lui a donné le nom géné- 
rique de Heteracanthus. 

Enfin Creplin a eu l’occasion d'étudier ce même animal, 
et le résultat de ses observations, qu'il a promis de publier 
depuis 1859, ne semblent guère s’accorder avec celui du 
célèbre helminthologiste viennois. 

Tome xxur, — IE" paRT. 45 


( 690 ) 

Les autres auteurs qui ont fait mention de l’Aæine, 
comme Oken, de Blainville, MM. Dujardin et Moquin- 
Tandon , ne l'ont connu que par les recherches des natu- 
ralistes cités plus haut. 

Il est curieux de voir Oken confondre l’appendice pté- 
roide de ce parasite avec le tube ovifère des Lernées et de 
réunir ces parasites dans un même groupe. M. Moquin- 
Tandon le comprend, dans sa dernière division des Hiru- 
dinées, sous le nom d'Hirudinées planériennes. Diesing, 
malgré l’état incomplet de ses exemplaires, en a reconnu 
le premier les véritables affinités. 

Ce ver se distingue par ses deux ventouses buccales, qui 
le rapprochent des Octobothrium, par le prolongement 
ptéroide unique, qui termine le corps en arrière et qui 
porte un nombre considérable de boucles à crochets sur 
tout son bord libre. Le pore génital est garni d’une double 
couronne de crochets et de deux plaques symétriques car- 
dées sur leur bord. | 


Syn. — AXINE BELLONES, Abildgaard, Shift of naturhistor. Selskab. , 
t. LIT, 59, tab. VI, fig. 5, a, b (1794). — 
HETERACANTHUS PEDATUS cé SAGITTATUS, ÎVov, act. nat. cu- 
rios., t. XVIII, T, p.510, tab, XVII (1856). 
—Creplin, Encyclop. de Ersch et Grube, 
t. XXXII, p. 219. — Du Jardin, Æist. 
nat. helmint., p. 517. — Dicsing, Syst. 
helmint., not. 1, p. 495. 


Ce ver est long de 12", IL habite les branchies du Bel- 
lone vulgaris (1). 
Ce nom d’Axine a été donné plus tard, par Kirby, à un 


ee 


(1) On prend ce poisson en assez grande quantité dans l'Escaut ,en faisant 
la pêche des anchois. 


(651) 


genre particulier de Coléoptère clavicorne. I a été adopté 
par Latreille, qui le place entre les Priocères et les Eu- 
rypes. L’Axine d’Abildgaard ayant la priorité doit être 
maintenu. 

Le corps de ce ver est étroit et très-allongé, comme celui 
de l'Octobothrium lanceolatum de l’'Alose, avec lequel il a 
quelque ressemblance au premier abord. Il a une couleur 
sale d’un jaune pâle-grisâtre. En avant, il se termine en 
une pointe très-eflilée, tandis qu’en arrière il s’élargit assez 
brusquement, et prend la forme grossière d’un marteau. 
Il se forme, dans cette région du corps, une aile membra- 
neuse simple, dont tout le bord libre se couvre de boucles 
de forme semblable, de grandeur égale, régulièrement 
serrées les unes contre les autres et qui ne sont pas sans 
ressemblance avec celles du Diplozoon paradoxum. Ces 
boucles sont sessiles : nous en avons complé au moins une 
soixantaine. Creplin dit que le nombre varie de cinquante 
à soixante et dix. On distingue le tube digestif à travers les 
parois dans toute la longueur du ver. 

Le tube digestif est en tout semblable à celui de l’Octo- 
bothrium lanceolatum, avec cette différence toutefois que 
nous n’avons pas observé de bulbe buccal. La bouche est 
petite et terminale, à peu près. Un peu en arrière de la 
bouche, on voit en dehors deux ventouses assez grandes 
entre lesquelles on distingue l’œsophage, qui est très-court 
et étroit. À peu de distance de la bouche, l'œsophage 
s’'élargit tout d’un coup, descend jusqu’au pore génital, et 
là se bifurque en deux tubes assez larges et irréguhère- 
ment ondulées sur toute la longueur. A l'extrémité posté- 
rieure du corps, au milieu du prolongement ptéroïde, les 

deux tubes se réunissent de nouveau, et se terminent en 
un cul-de-sac unique. 


mn 


EE CU LE ee 22 D 


a I CT 
sic ne = 


( 092 ) 

L'appareil sexuel, pour autant que nous avons pu l'étu- 
dier sur l'animal frais, est conforme, quant à ses parties 
essentielles, à celui de l’Octobothrium lanceolatum. Le 
pore génital, au contraire, diffère notablement et nous 
présente quelques dispositions qui l’éloignent de tous les 
genres connus. On voit d'abord à la base une couronne de 
crochets très-grêles, légèrement recourbés vers la pointe 
et dont le nombre s'élève à une trentaine. Vers le sommet 
et à l’orifice, on aperçoit une autre couronne de erochets, 
semblables pour la forme, mais beaucoup plus petits, et 
dont le nombre ne dépasse pas la douzaine. Ces crochets 
sont un peu plus forts. Enfin, sur le côté de la gaine mem- 
braneuse, qui correspond au pénis, on voit deux petites 
lames disposées avec symétrie, portant sur un des bords 
un nombre considérable de soies très-fines plus où moins 
entremélées qui donnent à cet organe l'aspect d’un peigne 
ou plutôt d’une carde. Ce n’est qu’à un grossissement de 
500 fois qu'on peut reconnaître ces organes, et on com- 
prend qu'il faille procéder avec beaucoup de ménagement 
pour mettre ces parties à nu. On ne saurait bien les ob- 
server sans les isoler complétement. Ce n'est qu'après 
avoir repris une seconde fois cet examen que nous avons 
pu nous en faire une idée nette. 

Nous finirons cette description en signalant un organe 
remarquable de nature glandulaire, qui s'ouvre à une cer- 
taine distance en arrière du pore génital et dont la nature 
nous paraît encore problématique. Nous ne savons s’il cor- 
respond à la terminaison de l'appareil urinaire. Dans di- 
verses régions du corps, nous avons observé les canaux 
grèles de l’appareil excréleur, mais sans pouvoir en recon- 
naître les rapports avec lorifice dont nous venons de 
parler. 


( 655 ) 

Quant aux aflinités du genre Axine avec les autres Tré- 
matodes, c'est évidemment du genre Octobothrium qu'il se 
rapproche le plus. C’est pour ainsi dire un Octobothrium 
avec un prolongement membraneux, résultant de la fusion 


des deux côtés et dont le bord se couvre de nombreuses 
boucles. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE. 
1-13. OcronoTaRIUM MERLANGI; 14-20, AXINE BELLONEFS. 


a. La bouche. 
b. Bulbe œsophagien. 
c. OEsophage. 
d. Tube digestif avec ses ramifications. 
ve. Germigène. 
f. Orifice génital. 

| g. Pinces avec leurs pédicules. 
h. Ventouses buccales. 
i. Germiducte. 
k. Testicule. 
l  Vitelloducte. 
m. Vitellosac, 

Fig. 1. Octobothrium merlangi, de grandeur naturelle. 

2, Le même grossi, vu du côté du ventre. 

5. La partie antérieure du corps avec le commencement du tube di- 
gestif, On voit un œuf dans l’oviducte. 

4. Une pince isolée. 

5. La partie antérieure du corps montrant la bouche, le bulbe œ50- 
phagien, les ventouses buceales et le commencement de l’æ50- 
phage. 

G. Couronne à crochets du pore génital, vue de face. 

7. La même, vue obliquement. 

8. Crochets isolés. 

9. Un crochet plus fortement grossi. 

19. Germigène avec le vitelloducte, l’oviducte et le testicule. 
11. Le même germigène montrant à côté les vésicules germinatives. 


( 654) 


Fig. 12. Un œufisolé. 

15. Le vitellogène tel qu’on le trouve le long du tube digestif, 

14. Aæine bellones de grandeur naturelle. 

15. Le même grossi montrant, en avant, la tête avec les deux ventouses 
buccales, l’œsophage et les tubes digestifs, le pore génital, et 
montrant en même temps comment le corps se termine posté- 
rieurement. Le bord de cette portion du corps est garni dans 
toute sa longueur de boucles semblables. 

16. La tête isolée montrant l’orifice de la bouche, les deux ventouses 
buccales et l’œsophage. 

17. Pore génital avec tous ses crochets dans leur situation respective. 

18. La couronne inférieure du pore génital, montrant le quart des 
crochets qui la constituent, vue à un plus fort grossissement. 

19. La couronne supérieure complète, vue au même grossissement que 
la figure précédente. 

20. Organe indéterminé avec orifice externe. Est-ce un pore du réser- 
voir urinaire ? 

21. Boucles isolées du prolongement ptéroïde. 


Note pour démontrer l'existence d'une almosphère autour 
de la lune; par M. Geniller. 


Les astronomes, du moins la très-grande majorité, sou- 
tiennent que Ja lune n’a pas d’atmosphère. Nous nous pro- 
posons d'examiner, dans cette note, les objections qu'on 
élève contre l'existence de cette atmosphère, et d'exposer 
des considérations par lesquelles nous croyons pouvoir 
détruire ces objections et établir directement l'existence 
d'une atmosphère lunaire. 

Ces considérations nous paraissent nouvelles et con- 
cluantes : c'est pour ce motif que nous prenons la liberté 
de solliciter pour elles la bienveillante attention de l’Aca- 
démie des sciences, et de les soumettre à son jugement. 


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Tone. NX/IT, 2 part. page 654. 


Pull. de L'Atad. 


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( 655 

La première objection, c'est qu'on n’observe pas de ré- 
fraction au moment qui précède l'occultation des étoiles ou 
des planètes par la lune, ni pendant les éclipses de soleil. 
Quelques astronomes prétendent avoir observé et même 
mesuré une petite réfraction; mais admettons qu’on n’en 
ait jamais observé, et voyons si ce fait suflirait pour faire 
rejeter l’existence d'une atmosphère lunaire. 

S'il existe une atmosphère lunaire, comme la masse de 
la lune est environ 82 fois moindre que celle de la terre, 
l'air doit être très-raréfié à la surface de notre satellite. 
Au moment où une étoile est occultée par la lune, cette 
étoile est encore irès-éloignée de la surface des parties 
basses de ce globe. En effet, la lune est couverte de hautes 
montagnes, et cependant on remarque que le limbe que 
présente son disque éclairé est parfaitement arrondi. Pour- 
quoi cette apparence? Pourquoi ce disque ne présente-t-il 
pas de profondes dentelures? C’est parce que les mon- 
tagnes sur la surface de la lune étant en très-grand nom- 
bre, la partie de cette surface que nous voyons de côté 
est couverte de montagnes dont l’ensemble des sommets 
forme pour nous une nouvelle surface sphérique plus 
élevée que le niveau des mers de la lune, si toutefois la 
lune à des mers. Si l’on conçoit un grand cercle de la 
lune perpendiculaire à la droite qui joint l'œil de l’obser- 
vateur au centre de l’astre, 1l doit exister sur la circonfé- 
rence de ce grand cercle un grand nombre de montagnes; 
cependant nous n’admettons pas que ces montagnes 
forment une chaîne continue; mais les gorges qu’elles 
forment sont masquées pour lobservateur terrestre par 
d’autres montagnes placées antérieurement ou postérieu- 
rement. Alors, dès qu’une étoile est sur le point d’être 
éclipsée par les sommets de ces montagnes, la réfraction 


{ 696 ) 

ne peut être produite que par l'air, s’il y en a autour dela 
lune, qui se trouve situé au-dessus des sommets des hautes 
montagnes lunaires. Or, si l'air, sur nos hautes montagnes 
terrestres, est déjà très-rare et réfracte à peine la lumière, 
à fortiori, la réfraction par l'atmosphère lunaire, dans les 
conditions que nous venons d'énoncer, doit-elle être à 
peine ou point appréciable. 

« On à souvent remarqué, dit John Herschel, dans les 
» occultations, une illusion optique très-étrange et dont 
» on ne se rend pas compte. L'étoile, avant de dispa- 
» raitre, semble dépasser le bord et s’avancer sur le disque, 
» quelquefois même assez loin. Je n’ai jamais observé 
» moi-même ce singulier effet, pour lequel on a, d’ailleurs, 
» des témoignages non équivoques. Je l'ai appelé une illu- 
» sion optique, mais il ne serait pas impossible que 
» l'étoile se laissât voir derrière de profondes fissures qui 
» auraient lieu dans le corps de la lune. » 

On a cherché à expliquer ce fait, en disant que ces ob- 
servalions résultaient d’une illusion optique due à ce que 
le disque brillant de la lune paraît plus étendu qu'il ne 
l’est en réalité. Cette explication doit être rejetée. Pour 
qu'on pût l’admettre, 1! faudrait que le phénomène se repro- 
duisit à chaque occultation d'étoile par la partie éclairée 
de la lune, puisque le disque nous paraît toujours agrandi 
de la même manière; or, le phénomène n’a été observé 
que très-rarement. Quant à l'hypothèse de fissures dans 
le corps de la lune, elle est inutile : d’après ce que nous 
avons dit de la disposition des montagnes sur la partie de 
la surface de la lune que nous voyons de côté, le phéno- 
mène peut s'expliquer très-aisément. 

IL peut se faire que, dans certaines circonstances, une 
étoile soit tellement située, au moment où elle atteint les 


( 697 } 

bords du disque de la lune, que le faisceau délié de lumière 
qu’elle nous envoie, pénètre jusqu'à nous à travers une 
série de gorges formée par les montagnes lunaires, série 
de gorges qui peut offrir un passage en ligne droite à un 
rayon de lumière sans que les gorges soient rigoureuse- 
ment dans la même direction. C’est ainsi que l'étoile pa- 
raît être entrée derrière le disque avant qu’on l’eût encore 
perdue de vue. 

De ce qu'on n’observait pas de réfraction, on en a con- 
clu que la lune n'avait pas d’atmosphère, et de là qu’elle 
ne pouvait avoir de l’eau. Les premiers astronomes qui 
ont examiné la lune avec des télescopes avaient considéré 
les taches de cet astre comme des mers, en se fondant 
sur ce que les mers devaient paraître moins brillantes 
que les continents, ceux-ci ayant un pouvoir réfléchissant 
de la lumière beaucoup plus grand que celui de l’eau. La 
plupart des astronomes modernes contestent l'existence 
de ces mers, en s'appuyant sur deux raisons : d'abord 
l'absence d’atmosphère permettrait à l’eau de se transfor- 
mer rapidement en vapeur, au moins jusqu'à ce qu'il y 
eût une assez grande quantité de vapeur pour que l'espace 
environnant la lune en fût saturé. Mais alors cette vapeur 
produirait une sorte d'atmosphère qui réfracterait la lu- 
mière, ce qu'on n'observe pas. La seconde raison, c’est 
qu'on remarque sur les taches considérées comme des 
mers des inégalités qui sont, disent les astronomes qui 
contestent l'existence de ces mers, inconciliables avec la 
surface des eaux nécessairement plane. 

Quant à la première objection, nous y avons déjà ré- 
pondu en expliquant comment, même avec une atmo- 
sphère lunaire analogue à l’atmosphère terrestre, mais 
_ d’une densité beaucoup moindre, les réfractions seraient 


( 638 ) 


insensibles pour nous. Quant à la seconde objection, il 
nous paraît très-facile d’y répondre. Nous admettons qu’on 
ait observé, en eflet, des inégalités à la surface de ce qu’on 
a appelé des mers; ces inégalités doivent-elles faire rejeter 
l'existence des mers? John Herschel, dans son Traité élé- 
mentaire d'astronomie, adopte cette conclusion; cependant 
il ajoute qu'on observe sur la lune des terrains qui ont 
décidément le caractère des terrains d’alluvion. FI faudrait 
donc admettre qu'il y avait autrefois sur la lune des mers 
qui seraient aujourd’hui disparues. Que serait donc deve- 
nue toute cette eau? Si l’on réfléchit aux variations de tem- 
pérature qui se produisent à la surface de la lune, il n’est 
pas difficile de concilier l’existence de ces inégalités avec 
l'existence réelle des mers. La durée de la nuit et du jour 
lunaire étant pour chacun d'environ 45 ‘2 fois 24 heures, 
l'atmosphère étant très-rare, 1] doit régner un froid très- 
intense sur la partie de la surface de la lune qui n’est point 
exposée aux rayons du soleil; par conséquent, les mers 
situées sur cette surface doivent être congelées jusqu’à 
une grande profondeur. Lorsque, par suite du mouvement 
de rotation de la lune, elles viennent subir l’action des 
rayons du soleil, cette action, s'exerçant à son tour d’une 
manière continue pendant 15 ‘/ fois 24 heures, doit fondre 
en partie cette glace, et vaporiser en même temps une 
grande quantité d’eau; cependant la chaleur latente qu’exi- 
gent celte liquéfaction et cette vaporisation étant énorme, 
la liquéfaction s’en trouve ralentie, et il doit en résulter 
que des glaces couvrent encore une grande partie de la 
surface des mers; la glace ayant un pouvoir réfléchissant 
beaucoup plus grand que celui de Peau liquide, les parties 
liquides doivent paraître, vues de la terre, comme des 
cavités sur la surface des mers, et les glaces comme des 


ft 7 --Te 


( 639 ) 


éminences. Voilà comment se concilie l'existence des mers 
avee les inégalités qu'on observe à leur surface. 

On fait encore contre l'existence d’une atmosphère et 
de mers lunaires l’objection suivante : La surface de la 
lune nous apparaît périodiquement toujours la même, 
sans altération, sans taches mobiles; par conséquent, il 
ne s’y forme pas de nuages, ce qui devrait avoir lieu si 
la lune avait de l’eau et une atmosphère. Cette objection 
peut aussi être écartée en tenant compte du climat de la 
lune. L'air y étant très-rare, parce que la pesanteur est 
beaucoup plus faible sur cet astre que sur la terre, la 
vapeur d’eau qui s’y forme ne se transforme pas à l’état 
vésiculaire, mais y existe à l’état de vapeur invisible au- 
dessus de la surface éclairée, comme cela a lieu pour une 
grande parte de la vapeur qui se trouve mélangée à notre 
atmosphère. Cette vapeur se précipite sur la partie de la 
surface lunaire non exposée aux rayons du soleil, et vient 
s’y condenser à l’état de rosée ou plutôt de gelée blanche. 
On peut done ainsi concevoir l'absence de nuages, malgré 
l'existence d’eau et d’air raréfé autour de la lune. 

Nous venons de réfuter les objections qu'on élève contre 
l’existence d'une atmosphère lunaire, 1l nous reste encore 
d’autres preuves à donner pour établir directement cette 
existence. ; 

On reconnaît généralement qu'il y a une multitude de 
montagnes volcaniques Sur la lune; or, les volcans qui 
ont produit ces montagnes, et qui ont été plus ou moins 
longtemps en activité (quelques-uns le sont peut-être en- 
core), ont dû dégager une grande quantité de gaz. Que 
sont devenus ces gaz? Ne doivent-ils pas contribuer à 
former autour de la lune une sorté d’atmosphère? 

Les astronomes sont aussi d'accord pour reconnaitre 


( 660 } 

une origine commune à toutes les planètes; presque tous 
adoptent la théorie de Laplace, sur leur formation, théorie 
qui s'applique à la formation de la lune. Donc les sub- 
stances de cet astre sont à peu près les mêmes que celles 
de notre globe; la lune a dû passer par divers états, d’abord 
entièrement fluide, puis condensée en un noyau liquide 
entouré d’une épaisse atmosphère, puis le noyau s'est en- 
touré d’une écorce solide s’épaississant de plus en plus. 
L’analogie nous porte à conclure que l'atmosphère lunaire, 
d'abord très-chargée, s’est peu à peu raréfiée et purifiée, en 
laissant déposer à la surface de la lune, avec les progrès 
du refroidissement, un grand nombre de substances, soit 
à l’état liquide , soit à l’état solide. 

Enfin, nous terminerons par le développement d’une 
proposition qui, si elle est fondée, comme nous le croyons, 
serait une preuve péremptoire en faveur de la thèse d’une 
atmosphère lunaire, et contribuerait à résoudre un grand 
nombre de questions qui sont l’objet des méditations des 
astronomes. 

La proposition dont nous parlons est celle-ei : L'air est 
universellement répandu dans l'espace. Plusieurs faits nous 
paraissent établir celte proposition. On observe une at- 
mosphère autour du soleil et autour de toutes les prinei- 
pales planètes ; est-il possible que l'atmosphère de chacun 
de ces globes soit limitée? L’élasticité de Pair paraît être 
infinie. L'air ne se liquéfie pas, soumis aux plus grands 
froids et aux plus fortes pressions qu’on ait pu obtenir 
artificiellement ; l'air doit donc être encore gazeux dans 
les régions où les partisans d’une limite placent cette li- 
mite, puisque la température des espaces interplanétaires 
paraît être seulement d'environ 60° au-dessous de 0°, et 
que l'air n’y est soumis pour ainsi dire à aucune pression. 


( 661 ) 

Comment Pair pourrait-il cesser de s'étendre? La pesan- 
teur s'y opposerait-elle? non, car la pesanteur, même à la 
surface de la terre, où elleest beaucoup plus puissante, ne 
s'oppose à l'extension ni de l’air raréfié dans un récipient’, 
n1 de la vapeur d’eau à la tension la plus faible, n1 à l’uni- 
forme répartition de l’acide carbonique dans toutes les 
couches de latmosphère; cependant l'acide carbonique, 
beaucoup plus lourd que Pair, dont la tension n’est guère 
qu'un dix millième de celle de Pair, qui se liquéfie sous 
une pression et un froid artificiels, qui se répand dans 
l'atmosphère, puisque l'air n'est qu'un mélange, comme 
il se répandrait dans le vide, devrait avoir une limite bien 
inférieure à celle de l'air, si ce dernier gaz en avait une; 
sa tension devrait décroitre plus rapidement que celle de 
l'air, comme cela a lieu pour la vapeur d’eau. Or, à quelque 
hauteur qu'on se soit élevé dans l'atmosphère, on y a tou- 
jours trouvé l'acide carbonique dans les mêmes propor- 
ons : donc ce gaz n'a pas de limite et il en est de même 
de l'air. | 

Si l'air n'est point limité autour de chaque globe, ül 
doit être répandu dans tout l’espace; dès lors chaque globe 
plougé dans ce fluide universel doit en condenser autour 
de lui une quantité proportionnelle à sa masse. 

Une dernière considération nous conduit à admettre 
que l'air est universellement répandu dans l’espace : c’est 
la constance de la composition de l'air terrestre, malgré 
les causes qui tendent à troubler la proportion des diffé- 
rents gaz qui forment ce mélange. Ainsi les volcans, les 
actions chimiques naturelles ou arüficielles, les phéno- 
mènes de respiration végétale et animale, tendent à mo- 
difier sans cesse cette composition, qui reste néanmoins à 
peu près inaltérable. Comment expliquer ce fait? Faut-il ad- 


( 662 ) 

mettre que les animaux dégagent précisément une quan- 
tité d'acide carbonique égale à celle que décomposent les 
végétaux? Que les réactions chimiques qui se produisent 
naturellement ou artificiellement tendent à se compenser 
l’une l’autre et à ramener constamment l'équilibre? Cette 
conclusion n’est guère admissible, sil existe un autre 
moyen d'expliquer le fait. Or, la proposition que l'air est 
universellement répandu dans l’espace suffit parfaitement 
à l’explication de la constance dans la composition de 
l’atmosphère. En ellet, en se plaçant à ce point de vue, on 
conçoit que cette composition puisse être momentanément 
troublée, soit par des dégagements de gaz volcaniques ou 
artificiels, soit par la respiration animale ou végétale ; 
mais l'équilibre doit constamment se rétablir à cause d’un 
échange continuel d'air entre celui des espaces célestes 
et celui de chaque globe et du nôtre en particulier. La force 
centrifuge diminuant l’action de la pesanteur vers l’équa- 
teur, à une certaine hauteur, l’action de la pesanteur sur 
l'air doit être détruite par la force centrifuge. À cette 
hauteur l'air doit être lancé dans l’espace, c’est-à-dire ac- 
quérir son dernier degré de raréfaction, celui qu'il a dans 
les espaces interplanétaires. Mais l'air des régions boréales, 
où la pesanteur n’est pas équilibrée par la force centri- 
fuge, doit se précipiter vers les régions équatoriales pour 
y combler le vide; alors de nouvelles quantités d’air ré- 
pandues dans l’espace sont continuellement attirées vers 
les pôles pour y remplacer celles qui se précipitent vers 
les régions équatoriales. Ainsi il s'opère un échange con- 
tinuel d’air entre celui qui enveloppe chaque globe céleste 
et celui qui est répandu dans l’espace; dès lors on conçoit 
pourquoi la proportion du mélange des gaz qui forment 
l'atmosphère terrestre reste à peu près invariable. 


( 665 ) 

On pourrait opposer à celte proposition de l’universalité 
de l'air, que s'il en était ainsi, les planètes devraient 
éprouver un ralentissement dans leur mouvement de ré- 
volution autour du soleil, à cause de la résistance de cet 
air. À cette objection nous répondons qu'il résulte des 
calculs de Newton sur ce sujet, qu’à 70 lieues de hauteur 
seulement au-dessus de la surface de la terre, l'air serait 
75 millions de millions de fois plus rare qu’à la surface de 
la terre; de sorte que dans ce milieu, Jupiter perdrait 
seulement la millionième partie de son mouvement dans 
un million d'années. 

Si les considérations que nous venons de développer 
sont de nature, comme nous le croyons, à établir l’exis- 
tence d’une atmosphère et de mers lunaires, 1l en résulte 
que la vie animale et végétale doit aussi exister sur la 
surface de notre satellite. Cependant, comme les condi- 
tions d’atmosphère, de température, de lumière, de pe- 
santeur, etc., diffèrent énormément de celles qui ont lieu 
sur notre globe, on ne saurait rien préjuger avec certi- 
tude sur le degré de développement que peut y avoir 
acquis la vie végétale et animale. 


Note sur la fécule, par M. Melsens, membre 
de l'Académie. 


M. Melsens fait une communication verbale à l’Aca- 
démie sur les propriétés des fécules. Il attire surtout l’at- 
tention sur ce fait, qu'il est possible d'enlever aux grains 
de fécule toute la matière amylacée colorable en bleu par 
l'ivde, sans leur faire éprouver la moindre déformation. 


( 664 ) 

Au microscope, on reconnait parfaitement la structure de 
la fécule, si on se contente d’en juger par les apparences : 
les sphéroïdes ou les ellipsoides paraissent entièrement 
intacts, sans déchirures, sans échancrures sur les bords, 
qui restent parfaitement nets; le hile s'aperçoit avec autant 
de facilité que sur la fécule normale; les traces des lignes 
dites d’accroissement, sont encore très-distinctes, parfois 
même elles semblent plus prononcées, quoique la trans- 
parence soit plus considérable que dans le grain de fécule 
contenant sa substance interne. Les grains de fécule ainsi 
vidés, mais intacts, quant à leur forme apparente sous 
le microscope, ont perdu la propriété de se colorer direc- 
tement en bleu par l’eau d'iode : celle-e1 leur communique 
une teinte variable virant au jaune ou au rose pâle violacé, 
couleur que parait affecter parfois la cellulose naissante, 
suivant la remarque de M. Melsens, et qu'on rencontre, 
mais exaltée, dans la fécule très-jeune des germes de la 
pomme de terre. Les grains auxquels M. Melsens à enlevé 
leur contenu, mis en contact d’abord avec l’eau d’iode et 
traités ensuite avec précaulion par l’acide sulfurique con- 
centré, peuvent conserver leur forme et se colorer encore 
en bleu, comme s'ils renfermaient des traces de fécule, ou 
comme si les téquments étaient composés de cellulose colo- 
rable en bleu sous l'influence de l'acide sulfurique; la 
coloration Jaunâtre ou rosée, et la coloration bleue pro- 
duite ensuite par l'action de l’acide sulfurique, peuvent, 
jusqu'à un certain point, s'expliquer, en admettant que les 
téguments ou mieux les squelettes ou les enveloppes du 
grain de fécule, sont de nature complexe et formés d’une 
matière azotée et d’une matière analogue à la cellulose, 
intimement juxtaposées et peut-être séparables. 

Cependant, si le grain de féeule vide conserve l'aspect 


( 665 ) 
de la fécule intacte, 11 n’agit presque plus sur la lumière 
polarisée, autant toutefois qu'il a été possible d'examiner 
ce phénomène à l’aide d'appareils Improvisés. 

Les grains vidés , mais conservant leur forme, s’obtien- 
nent en attaquant, avec précaution, la fécule de pomme 
de terre par les acides dilués agissant pendant longtemps 
à une température peu élevée, par les acides organiques , 
par la diastase et la pepsine ou des mélanges convenables 
de ces corps, etc. 

Prendre le grain de fécule à sa naissance, examiner son 
organisation Jusqu'au terme de son développement com- 
plet, puis chercher à faire l'inverse de ce que la nature à 
fait en l’organisant lentement, patiemment : imiter la 
nature en enlevant aux réactifs leur brutalité, retourner 
ainsi par des moyens chimiques jusqu'à une désorganisa- 
tion analogue à la résorption qui s'opère dans une pomme 
de terre qui sert de nourriture à des germes ou à des 
tubercules nouveaux , telle est la nature d’un travail que 
l’auteur soumettra au jugement de l’Académie dans une 
prochaine séance et dont il s'est contenté de donner au- 
Jjourd’hui un aperçu. 


Tone xx. — T° PART. 46 


( 666 ) 


CLASSE DES LETTRES. 


Séance du 1° décembre 1856. 


M. le baron ne GERLACHE, président de l’Académie. 
M. QuereLer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Grandga- 
gnage, de Ram, Roulez, Gachard, Borgnet, le baron de 
Saint-Genois, Devaux, Schayes, Carton, Haus, Leclercq, 
Polain, Baguet, Ch. Faider, Arendt, membres; Nolet de 
Brauwere Van Steeland , associé; Mathieu , Kervyn de Let- 
tenhove, Chalon, Th: Juste, correspondants. | 

MM. Sauveur, Alvin, Éd. Fétis et Jehotte assistent à la 
séance. 


CORRESPONDANCE. 


ee 


La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de 
faire par la mort de M. le baron de Hammer-Purgstall, 
l’un de ses associés à Vienne, décédé le 23 novembre 
dernier, à l’âge de 85 ans. 


— M, d'Omalius, vice-président du Sénat, et M. le 


( 667 ) 
marquis de Rodes, questeur de la même assemblée, 


remercient l’Académie pour l'envoi de ses diverses publi- 
cations. 


— M. Paul de Balogh propose à l'Académie de faire un 
échange de ses publications contre celles de l’Académie 
royale des sciences de Hongrie. Cet échange est accepté. 


— La classe reçoit différents ouvrages manuscrits qui 
lui sont adressés : 

4° Un mémoire sur Baudouin IX, comte de Flandre et 
de Hainaut et sur les chevaliers belges à la première croti- 
sade; par M. J.-J. De Smet, membre de l’Académie. 
(Commissaires : MM. le baron de Saint-Genois , Carton et 
de Ram.) 

2% Wibald, sa patrie, sa famille ; par M. le docteur de 
Noue. (Commissaires : MM. Polain et Borgnet.) 

3° Du problème philosophique posé en ces termes : 
Qu'est-ce que la nativité naturellement, rationnellement , 
philosophiquement parlant ? 

L'auteur de ce mémoire est invité à se faire connaitre 
avant l'examen de son travail. 


( 668 ) 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


a 


Recherches sur les projets de partage des Pays-Bas, en 1566 
et en 1571 (suite). Par M. Théodore Juste, correspon- 
dant de l’Académie. 


IT. 
L'amiral de Coligny et Guillaume le Tacilurne. 


La seconde question , plus neuve et plus difficile peut- 
être, mérite un examen non moins sérieux. 

Après la fatale issue de sa première expédition dans les 
Pays-Bas, Guillaume de Nassau , avec ses frères Louis et 
Henri, alla joindre en France l’armée protestante de l'a- 
miral de Coligny. Cette réunion s’effectua le 22 juin 1569. 
Le prince d'Orange prit part au combat de Roche Abeille 
et assista au siége de Poitiers; puis, dans les derniers 
jours du mois de septembre, il accepta uné tâche plus pé- 
rilleuse encore : il quitta le camp des calvinistes , déguisé 
en paysan, lui cinquième, avec son frère Henri, pour 
chercher de nouveaux secours en Allemagne. 

Louis de Nassau, dont l'extrême hardiesse et le carac- 
tère impétueux plaisaient aux Français, resta près de 
l'amiral de Coligny et devint son principal lieutenant (1). 
Les liens qui unissaient le chef des huguenots français au 


(1) L'amirat étant (ombé maïade à S'-Estienne-de-Forest, le comte Louis 
le suppléa. Voir les Hémoires de F, de la Noue, chap. XXIX, a° 1569, 


( 669 ) 

plus intrépide champion de la noblesse protestante des 
Pays-Bas, furent encore resserrés par la paix mémorable 
conclue à S'-Germain-en-Laye, le 8 août 1570. Indépen- 
damment des avantages généraux concédés aux protestants, 
tels que le libre exercice de la religion et le droit de par- 
venir à toutes les charges de l'État, des clauses particu- 
lières réintégrèrent dans leurs possessions, en France, les 
princes étrangers qui avaient secondé les huguenots. Le 
comte Louis devint alors régent de la principauté d'Orange, 
restituée au chef de sa famille, et cet emploi lui permit 
de prolonger son séjour dans le royaume. 

À la vérité, il s’'occupait plus activement du sort des 
Pays-Bas et des intérêts du parti protestant que de l’admi- 
nistration de la principauté d'Grange. Il se tenait à la Ro- 
chelle avec Coligny, La Noue, Teligny, Genlis et les autres 
lieutenants de l'amiral. Leur principal souci était de pro- 
fiter du revirement qui s'était manifesté dans la politique 
de Charles IX, pour conquérir et assurer la prépondérance 
du parti protestant. Coligny ne voyait point de moyen plus 
sûr qu'une guerre avec l'Espagne. Il espérait même en- 
trainer les catholiques contre Philippe IT, et rendre la 
guerre nationale, en lui assignant pour but un agrandis- 
sement de territoire au détriment des Pays-Bas. 

Louis de Nassau s’associa aux desseins de Coligny. Pla- 
çant les intérêts du protestantisme au-dessus de tout , et 
désespérant , depuis la fatale expédition de 1568, d’arra- 
cher les Pays-Bas au duc d’Albe sans intervention de la 
France, le frère du prince d'Orange adopta avec ardeur 
les vues de Coligny, et s’efforça de les faire prévaloir. Le 
premier indice de sa coopération est une entrevue secrète 
qu'il eut avec le maréchal de Montmorency à Fontaine- 
bleau, le 28 juillet 1571. Dans ses dépêches, don Francès 


(670 ) 


de Alava, ambassadeur d’Espagne en France, dépeignait 
Montmorency comme le principal protecteur des hugue- 
nots, bien qu’il allât à la messe avec les catholiques, et 
comme le plus notable ennemi que Philippe IT eût en ce 
royaume. Mais l'ambassadeur avait été certainement induit 
en erreur, lorsqu'il annonçait ensuite que le comte Louis 
était parti pour l'Allemagne (1). Cest près de Charles IX 
lui-même que Louis de Nassau va se rendre, et c’est avec 
ce prince et avec l'ambassadeur de la reine Élisabeth, qu'il 
s’efforcera de former une coalition contre Philippe IE. 

Les entrevues de Charles IX avec le comte Louis de 
Nassau eurent lieu au château de Lumigny, en Brie. Le 
comte y était arrivé sous un déguisement, avec La Noue, 
Charles de Teligny et Jean d'Hangest de Genlis. Le roi, qui 
se trouvait à Fontenay, à une lieue de Lumigny, vint se- 
crètement aussi dans ce dernier château avec Catherine de 
Médicis, sa mère, les maréchaux de Montmorency et Dam- 
ville, et une suite peu nombreuse (2). Que se passa-t-il dans 
ces conférences ? 

Louis de Nassau déclara à Charles [X que les opprimés 
des Pays-Bas prenaient leur recours vers lui, et le sup- 


(1) Cette dépêche est rapportée par M. Capefigue, d’après les archives de 
Simancas, déposées à Paris, Voir Æistoire de la réforme , de la Ligue et du 
règne de Henri IF, chap, XXXVL 

(2) Ces détails sont extraits de la brochure citée par M. Capeñigue et qui 
a pour titre : Des pourparlers sur la guerre de Flandres avec le comte 
Louis. (Paris, 1571.) Selon l'historien de Thou, c'était, au contraire, 
Charles IX qui résidait alors à Lumigny, où il prenait le divertissement de la 
chasse, et Louis de Nassau, venu clandestinement dans ce château, y aurait 
été en quelque sorte tenu caché. Mais ce détail importe peu : il suffit de con- 
stater que les entrevues de Charles IX et de Louis de Nassau eurent lieu à 
Lumigny. 


( 671 ) 

pliaient de les délivrer de la tyrannie espagnole. Il lui 
montra les avantages que la France retirerait de cette in- 
tervention : la Flandre et l’Artois, anciens fiefs de la cou- 
ronne , feraient retour à la maison de Valois. D'un autre 
côté, le Brabant, la Gueldre et le pays de Luxembourg re- 
tourneraient à l'Empire, dont ils relevaient autrefois. La 
Zélande et le reste des îles seraient cédées à la reine d’An- 
gleterre, si elle consentait à entrer aussi dans la ligue 
contre l'Espagne. Le jeune roi, qui avait déjà eu une pre- 
mière entrevue avec Coligny, parut goûter beaucoup les 
suggestions de Louis de Nassau. Il exprima toutefois le 
désir que, avant d'aller plus loin, on pressentit les dispo- 
sitions de la reine d'Angleterre. 

Le comte vint alors trouver Walsingham, ambassadeur 
de cette princesse en France (1), et, après lui avoir révélé 
toutes les particularités de son entretien avec Charles IX, 
il sollicita formellement le concours du gouvernement an- 
glais. En échange de subsides déterminés et de l'autorisa- 
tion qu’elle donnerait à un certain nombre de vaisseaux 
de servir sous main les insurgés des Pays-Bas, la reine 
Élisabeth aurait la perspective d’unir la Zélande à la cou- 
ronne d'Angleterre. « Par la possession de Ja Zélande, 
disait Louis de Nassau, la reine aura la clef des Pays- 
Bas... Elle sera mieux en état d’assembler les princes 
d'Allemagne, qui jouiront du Brabant et des autres pays 
autrefois feudataires de l’Empire, et, par conséquent, 
d'empêcher que la France ne devienne trop puissante (2). » 


a —— 


(1) Walsingham (Francis), né en 1556, dans le comté de Kent, devint, en 


4. 24 


1575, secrétaire d'État et conseiller privé. 
(2) Les dépêches de Walsingham relatives à sa seconde ambassade en France 


Le ee er 


(août 1570 — avril 1575), conservées manuserites dans la bibliothèque Har- 


(1612) 

Walsingham se laissa convaincre. Il avait conçu une 
estime profonde, même une sorte d’engouement, pour Louis 
de Nassau, et il partageait d’ailleurs son aversion contre 
l'Espagne. Il recommanda donc, avec beaucoup de cha- 
leur, la cause des Pays-Bas au gouvernement d'Elisabeth, 
et fit valoir aussi les avantages qui résulteraient pour 
l'Angleterre d’une coalition contre Philippe IT et du dé- 
membrement projeté. Toutefois, son attachement à la cause 
protestante et sa haine contre le souverain espagnol, ne 
l’aveuglèrent pas au point de méconnaître tout à fait les 
maximes de la politique traditionnelle de l'Angleterre. Il 
s’'exprimait en ces termes, dans la dépêche qu'il adressa 
au comte de Leicester (1), le 12 août 4571 : 

« ……. Vous lrouverez peut-être que le remède est pire que 
» le mal, car en voulant humilier l'Espagne, nous élève- 
» rons peut-être une autre puissance de laquelle nous n’au- 
» rons pas moins à craindre. Pour répondre à cela, je n’ai 
» qu'à vous dire, milord, en quelle situation sont les 
» choses. Les princes d'Allemagne qui veulent entrer dans 
» le dessein, prévoient sagement que si les Pays-Bas étaient 
» unis à la couronne de France, cette puissance serait trop 
» redoutable. Ainsi, leur dessein est de composer avec elle, 
» et de l’obliger à se contenter de la Flandre et de l’Ar- 
» {ois qui lui appartenaient autrefois. Mais pour le Bra- 
>» bant et les autres pays qui étaient autrefois de la dépen- 


léienne, furent recueillies par sir Dudley Digges, et publiées en 1655, in-fol., 
sous le titre de Complete ambassador. Ce recueil fut ensuité traduit en fran- 
çais, sous le titre de Hémoires et instructions pour les ambassadeurs, elc., 
par Louis Boulesteis de la Contie , et publié à Amsterdam, en 1700, en 1 vol. 
in-4°, Voir pp. 158-142. 

(1) Robert Dudley, comte de Leicester, né en 1551, grand écuyer, conseiller 
privé et favori de la reine Élisabeth. 


( 673 } 

« dance de l'Empire, leur dessein est de les mettre sur 
» l’ancien pied, et d'en donner le gouvernement à quelque 
» prince d'Allemagne, qui ne peut étre raisonnablement que 
» le prince d'Orange. On veut unir la Hollande et la Zé- 
» lande à la couronne d'Angleterre; ce qu'ils font pour 
» deux raisons. La première, pour rendre l'entreprise plus 
» aisée par notre secours; l’autre, pour pouvoir mieux 
» brider la France, en cas qu'elle veuille aller au delà de 
» sa portion... Si l’entreprise réussit de cette manière, 
» le remède en sera moins dangereux, et le succès en est 
» plus apparent. » Bref, il recommandait au gouverne- 
ment de la reine d'accueillir favorablement au moins une 
partie des demandes de Louis de Nassau, «afin, disait-il, 
» que le feu qui commence à s’allumer devienne un grand 
» feu, et que nous puissions profiter de sa chaleur (1)... » 

Telles sont les particularités que des documents authen- 
tiques permettent de révéler sur le projet de partage des 
Pays-Bas, proposé en 1571, par Louis de Nassau, à lin- 
stigation de l’amiral de Coligny (2). Ces documents per- 
mettent-ils, en outre, d'affirmer que Guillaume le Taci- 
turne adhérait aux vues de son frère? Autorisent-ils à dire 
que Guillaume se montrait disposé à satisfaire l'ambition 
de la France et de l'Angleterre, pour devenir gouverneur 
du Brabant? 

Nous ne le croyons pas. 


(1) Mémoires de Walsingham, pp. 142-144. 

(2) On remarquera que nous passons sous silence les plaintes amères el 
les menaces de l’ambassadeur d’Espagne, qui avait eu vent des conférences 
_secrêtes accordées à Louis de Nassau. Mais l’objet de ce travail n’est point 
de présenter un récit détaillé des faits : nous nous bornons à l’examen d’une 
question spéciale. 


( 674 ) 

On peut même douter, et avec raison, que le prince 
d'Orange ait eu des notions positives et complètes sur 
les négociations entamées par son frère avec la cour de 
France. En quittant l’armée de Coligny, dans l'automne 
de 1569, le prince s'était rendu à Dillenbourg, dans le 
comté de Nassau, et n'était plus sorti de ce territoire, On 
le voit occupé, jour et nuit, à échauffer le zèle de ses par- 
tisans, à nouer des intelligences avec les villes des Pays- 
Bas, à solliciter l'assistance des princes de l'Allemagne et 
des royaumes du Nord , à susciter partout des ennemis an 
duc d’Albe, et à préparer laborieusement les éléments 
d’une nouvelle armée, Les instructions, les lettres qu'il 
écrit de 4569 à 1571, sont assez nombreuses. Or, on n’en 
trouve aucune qui se rapporte au projet suggéré par Louis 
de Nassau. 

Philippe de Mornay, qui devait acquérir bientôt une si 
grande et si légitime influence dans les rangs des calvi- 
nistes, faisait alors son tour d'Europe (1). Les auteurs de 
sa Vie racontent que le jeune voyageur se lia à Cologne 
avec plusieurs gentilshommes des Pays-Bas, réfugiés en 
cette ville, et que, par leur entremise, il fut initié aux 
nouveaux projets tendant à renverser la domination espa- 
gnole. Lui-même écrivit deux remontrances : l’une avait 
pour objet d’exhorter les Belges à ne point recevoir de gar- 
nisons espagnoles ; l’autre signalait les périls d’une récon- 
ciliation avec les étrangers qui opprimaient les Pays-Bas. 
Philippe de Mornay envoya ces écrits au prince d'Orange, 
et celui-ci lui accorda dès lors toute sa confiance (2). 


(1) Il était né le 5 novembre 1549 à Buhi, dans le Vexin français. : 
(2) Philippe de Mornay « eut dès ce temps-là une si estroite communica- 
tion avec le prince d'Orange (bien qu'il ne le vit que huit ans depuis), qu’il 


CPE SE 


( 675 ) 

Encouragé par cet accueil, Mornay devint un des promo- 
teurs les plus actifs de la guerre contre l'Espagne. Les 
auteurs de sa Vie rapportent toutes les démarches que 
Mornay fit, de concert avec le chef des protestants français, 
pour entrainer Charles IX dans cette grande lutte natio- 
nale ; mais 1ls se taisent sur les vues intéressées qui ont 
été attribuées à Guillaume le Taciturne. 

Peut-être nous opposera-t-on l’assertion d’un autre his- 
torien, très-Justement accrédité, le célèbre De Thou. 
Celui-ci assure, en effet, que lorsque Louis de Nassau 
était encore à la Rochelle, c'était son frère, le prince 
d'Orange, qui lui envoyait lettres sur lettres et courriers 
sur courriers, pour qu'il sollicitât vivement l'intervention 
armée de la France contre l'Espagne (1). Mais cette asser- 
tion n'implique nullement la coopération, ni même l’adhé- 
sion du prince au projet de partage des Pays-Bas. D'un 
autre côté, De Thou ne produit aucune de ces dépêches 
qui auraient été adressées au comte Louis, et nous les 
avons vainement cherchées ailleurs. Les Archives de la 
maison d'Orange-Nassau, ce recueil en quelque sorte iné- 
puisable, ne contiennent, pour les années 1570 et 1571, 
aucune lettre du prince d'Orange au comte Louis, La pré- 
cieuse Correspondance de Guillaume le Taciturne, publiée 
par M. Gachard, présente la même lacune. Nous y remar- 
quons, toutefois, une lettre adressée par le prince d'Orange 
au roi de France, et datée de Dillenbourg, 40 mai 1571. 


ne se passoit rien si important en ses affaires, qu’il ne se fiast en luy...» 
Vie de Philippe de Mornay, seigneur Du Plessis-Marly, ete. (Leyde, 
1647 , in-4°), p. 16. — On sait que la J’ie de Mornay a été écrite par ses 
deux secrétaires, Meslai et Chalopin, et par David de Liques. 

(1) Æistoire universelle de Jacques Auguste De Thou. (La Haye, 1740, 
in-4°), t. IV, liv. L, p. 492. 


(676 ) 


Guillaume y remercie Charles IX d'avoir pris de bonne 
part l'offre qui lui a été faite de son service, et lui exprime 
particulièrement sa gratitude pour le bon vouloir que le roi 
lui à témoigné «quant au redressement des affaires de sa 
principauté d'Orange (1). » Cette lettre prouve seulement, 
ce nous semble, que Guillaume essayait de mettre à profit 
les conséquences si remarquables de la paix de Saint- 
Germain. Il recherche l'amitié de Charles IX : mais, quant 
à lui, il ne se livre point. | 

On objectera encore que, dans sa dépêche à Leicester, 
Walsingham parle de certains princes d'Allemagne qui 
étaient censés d'accord avec Louis de Nassau. Mais, dit-il 
que ce dernier avait l’assentiment de son frère ? Dit-il que 
Guillaume avait exprimé la volonté d'entrer dans la ligue 
pour obtenir le gouvernement du Brabant? Non. Quels 
étaient donc ces princes indiqués très-vaguement dans la 
dépêche de Walsingham ?.… 

À la suite de la paix de Saint-Germain, Charles IX 
s'était également rapproché des électeurs protestants, 
anciens alliés des Valois en Allemagne. Au mois de dé- 
cembre 1570 , une ambassade avait été envoyée en France 
par ces princes, pour féliciter Charles IX à l’occasion de 
son mariage avec [sabelle d'Autriche, fille de l’empereur 
Maximilien If, et pour l’engager à observer scrupuleuse- 
ment le dernier traité de paix. Puis, Charles IX lui-même 
avait envoyé Gaspard de Schomberg au delà du Rhin, avec 
la mission de visiter, de sa part, le duc Auguste de Saxe, 
l'électeur palatin , l'électeur de Brandebourg , le landgrave 
de Hesse et les dues de Brunswick et de Wurtemberg (2). 


(1) Correspondance de Guillaume le Taciturne, t. NE, p. 55. 
(2) Capeñigue, Æistoire de la Réforme , etc. Chap. XXXWVI. 


( 677) 
Était-ce parmi eux qu'il fallait chercher ces princes alle- 
mands que l’on supposait d'accord avec Louis de Nassau ? 
Quoi qu’il en soit, on remarquera que Guillaume d'Orange 
n'était point au nombre des personnages qui devaient être 
visités par l'ambassadeur français. 

Examinons, maintenant, si les négociations que nous 
avons rapportées, ont été connues des principaux histo- 
riens des troubles du XVI” siècle, et si ces annalistes 
peuvent nous aider à découvrir la conduite tenue par 
Guillaume le Taciturne. 

Strada est muet sur les importantes entrevues de Lumi- 
gny, et sur les pourparlers avec l'ambassadeur de la reine 
Élisabeth. Bentivoglio ne paraît pas mieux informé. Il se 
borne à dire que les chefs du parti huguenot désiraient 
surtout s'emparer de quelque place considérable des pro- 
vinces wallonnes. « Orange, de son côté, sollicitait avec 
ardeur les princes allemands... En même temps, il négo- 
clait et faisait agir ses correspondants auprès de la reine 
d'Angleterre. C'était sur la protection de cette princesse 
qu'il comptait principalement (1)... » Em. de Meteren 
n’ignorait point que l’alliance avec la cour de France avait 
élé négociée par l'entremise de Louis de Nassau; mais sa 
version est loin de concorder avec les notions si précises 
consignées dans les dépêches de Walsingham. On peut 
aussi inférer du texte de Van Meteren, qu'il admettait, 
jusqu’à un certain point, l'adhésion du prince d'Orange 
aux projets de l'amiral de Coligny et de Louis de Nassau. 
Ajoutons pourtant que les informations de Van Meteren 
relatives à cette circonstance ne sont pas assez sûres pour 


(1) ÆZistoire des guerres de Flandre, liv. V. 


( 678 ) 
mériter entière créance (1). Bor, le plus consciencieux des 
chroniqueurs protestants, est moins bref sur les négocia- 
tions de 1571. Il rapporte que le prince d'Orange, cher- 
chant en tous lieux des auxiliaires pour recommencer la 
lutte avec le duc d’Albe, s’efforça, après la paix de Saint- 
Germain, d'obtenir l’appui des seigneurs français de la 
religion. Louis de Nassau, alors à la Rochelle, se con- 
duisit si adroitement, qu'il gagna le bon vouloir de l’ami- 
ral de Coligny et de ses principaux partisans. Les choses 
allèrent même si loin, que l’on commença à négocier avec 
Charles IX. Bor s'étend sur ces pourparlers, mais son récit 
atteste également une connaissance très- incomplète des 
détails intéressants et certains qui se trouvent seulement 
dans les dépêches de Walsingham. L’annaliste hollandais 
nous révèle, toutefois, une particularité assez remarquable : 
Charles IX, dit-il, finit par écrire très-amicalement au 
prince d'Orange, afin que cet adversaire persévérant du 
duc d'Albe rassemblât en Allemagne autant de troupes 
qu'il pourrait, et fit tout ce qui lui serait possible pour 


(1) Van Meteren dit que Charles IX chargea Louis de Nassau « d’escrire 
» à son frère le prince d'Orange, qu’il n’eût pas à accepter la réconcilia- 
» tion avec le roy (d’Espagne), laquelle l'Empereur lui présentoit, com- 
» bien qu'il sembloit qu’elle fût bonne, avantageuse et seure. On traicta 
» aussi que le roy adjousteroit une partie des Païs-Bas aux frontières de 
» France, jusques au Rhin, et que le prince retiendroit Hollande, Zélande, 
» Frise et Utrecht. Qu’à ceste fin le prince leveroit des gens en Allema- 
» gne. Que le frère puysné du roy, le duc d'Alençon, iroit ès païs, et sous 
» luy l’amiral de Châtillon. Voilà tout ce qui est venu en lumière touchant 
» celte alliance...» Æüstoire des Païs-Bas, édition de 1618, IV: livre, 
fol. 79 ve. 

Nous inclinons à croire que Van Meteren aura confondu les pourparlers 
de 1571-1572 avec les négociations de 1575, dont nous nous proposons de 
faire l’objet d’une communication ultérieure. 


( 679 ) 

changer le sort des Pays-Bas en chassant les Espagnols (1). 

Malgré tant de versions contradictoires, M. Capefgue 
paraît supposer qu'il y avait parfaite identité entre les vues 
du prince d'Orange et les projets de Louis de Nassau. Il 
prétend que, quelque temps après les conférences de Lu- 
migny, Charles IX adopta et sanctionna les projets de 
l'amiral de Coligny. « Une convention secrète, dit-il, fut 
arrêtée avec le comte Louis sur les affaires de Flandre... 
On décidait la guerre dans les Pays-Bas; l'invasion devait 
avoir lieu au printemps suivant, et le comte Louis en donna 
avis au prince d'Orange (2)... » Cette assertion positive 
serait de nature peut-être à résoudre le problème, si elle 
était appuyée de preuves solides. Mais l'écrivain français 
n’en fournit aucune. Il affirme, sans citer aucun témoignage. 
Or, la détermination si prompte qu'il attribue à Charles IX 
est démentie par tous les contemporains. Loin de décider 


(1) Nederlanitsche oorloghen (édition de 1621), t. 1°, fol. 258 vo et 259. 

IL nous paraït inutile de citer les annalistes plus récents; ou ils gardent le 
silence sur les négociations de 1571, où ils répètent les assertions de leurs 
devanciers. Le passage suivant de Leclerc, en général bien informé, mérite 
toutefois une certaine attention, parce qu’il résume les opinions qui avaient 
cours autrefois : « … Le prince d'Orange se donnoit beaucoup de mouve- 
ment pour obtenir quelques secours d'hommes, ou d'argent, de diverses 
puissances de l’Europe; pour rentrer dans les diverses provinces des Païs- 
Bas, et soutenir les mécontens, qui l’attendoient avec impatience. Son frère 
Louis alla pour cela en France, où la noblesse réformée le reçut fort bien, 
lui donna quelque argent, et l’introduisit auprès de Charles IX, avec qui il 
eut plusieurs conférences secrètes, et qui lui dit qu’il avoit dessein de faire 
la guerre à l'Espagne et d’employer pour cela l'amiral de Coligny; et qui 
écrivit même au prince d'Orange de lever le plus de troupes qu’il pourroit et 
de délivrer les Païs-Bas du duc d’Albe, à quoi il ajouta des promesses de lui 
fournir un secours d'argent... » Leclerc, Æistoire des Provinces-Unies des 
Pays-Bas (Amsterdam, 1725, in-fol.), t. Ier, p. 24. 

(2) Æisioire de la Réforme, ctc., chap. XXXWVIL. 


( 680 | 

à la hâte la guerre dans les Pays-Bas, Charles IX unt 
celte grave résolution en suspens Jusqu'au moment où le 
massacre de la S'-Barthélemy vint assurer de nouveau 
la prédominance des catholiques et des partisans de l'al- 
liance espagnole. Comment donc Louis de Nassau au- 
rait-il pu avertir son frère que l'invasion aurait lieu au 
printemps ? 

Charles IX écrivit, à la vérité, au comte Louis; mais 
on peut douter que la missive royale, datée de S'-Léger, 
27 avril 1572, et saisie sur Genlis par les Espagnols, lors 
de la déroute essuyée par cet allié du comte de Nassau , on 
peut douter que la lettre royale soit Jamais parvenue à sa 
destination. Les termes en étaient, du reste, très-remar- 
quables. Charles IX disait qu'il était déterminé, autant 
que les occasions et les dispositions de ses affaires le per- 
metltraient, à employer les forces que Dieu avait mises en 
sa main à tirer les Pays-Bas de l'oppression dans laquelle 
ils gémissaient (1). 

Cette letire prouve indubitablement que l'influence des 
chefs huguenots sur l’esprit de Charles IX, augmentait 
chaque jour. Tout était mis en œuvre pour exciter la ja- 
lousie du roi contre l'Espagne, et pour éveiller son ambi- 
tion. Au chàteau de Blois, lorsque Coligny semblait déjà 
bien près de saisir le gouvernement, le comte Louis alla 
jusqu’à donner au roi l'assurance que « moitié des villes de 
Flandre » étaient à sa dévotion (2). Quoiqu'il eüt trouvé un 
rude contradicteur dans le maréchal de Tavannes, très- 
prononcé contre la guerre espagnole, le comte de Nassau, 
activement secondé par Coligny, entrevoyait un succès 


= — —- a 


(1) Correspondance de Philippe 11, t. UE, p. 269. 
(2) Mémoires de G. de Saulx-Tavannes. 


( 081 ) 

prochain. La Noue et d’autres gentilshommes huguenots 
faisaient des levées pour surprendre l’une ou l’autre ville 
des frontières wallonnes. Le mariage du prince de Navarre 
avec Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, était dé- 
cidé, un traité d'alliance défensive signé avec l'Angleterre, 
et Gaspard de Schomberg renvoyé en Allemagne pour 
conclure une ligue plus étroite encore, offensive et défen- 
sive, avec les princes protestants de l'Empire. Enlin, 
tandis que l'amiral de Coligny, avec la reine et le prince 
de Navarre, entrait triomphalement à Paris, Louis de 
Nassau, à l’aide des huguenots de France, s’emparait de 
Mons le 24 mai 1572, le lendemain du jour où la ville 
de Valenciennes était tombée au pouvoir du seigneur de 
Famars. Louis de Nassau avait pour coopérateurs Hangest 
de Genlis, La Noue, Guitri de Chaumont et d’autres 
sentilshommes, qui s'étaient distingués dans les guerres 
civiles. Mais Louis de Nassau, malgré les flatteries qu'il 
adressait à Charles IX, savait bien que la population des 
Pays-Bas, quelque violente que fût sa haine contre les 
Espagnols, n’était nullement disposée à se donner aux 
Valois. Aussi, un de ses premiers soins fut-1l de réunir les 
notables de Mons en la Maison de paix et de leur déclarer 
qu’il n’était pas venu pour s'emparer des domaines du sou- 
verain légitime; mais qu'il se proposait uniquement de ren- 
verser la tyrannie du duc d’Albe. Genlis ajouta : « Qu'il 
» estoit venu en ce pays pour accompaigner ledit comte 
» et donner service à Sadite Majesté (Philippe I), et 
» pour ne rien emprendre de ses pays pour le roi de 
» France (1). » 

L'occupation de Mons augmente l'ardente impatience 


REA 


(1) Archives de Mons. 
Tome xxni, — Îl"° pART. 47 


( 682 | 

des huguenots, qui veulent maintenant dominer à leur 
tour. Tous demandent formellement « guerre espagnole ou 
» civile. » Coligny se montre le plus animé, Ayant cherché 
le maréchal de Tavannes sur le quai du Louvre, il n’hé- 
site pas à lui dire, avec l'intention évidente de provo- 
quer une querelle : « Qui empesche Ja guerre d’Espagne 
» n’est bon François, et a une croix rouge dans le ventre. » 
Le vieux capitaine, exagérant sa surdité, feignit de ne pas 
entendre cette apostrophe injurieuse pour ne pas tomber 
sous les coups des gentilshommes qui escortaient son an- 
lagoniste (1). 

En même temps le chef des protestants français faisait 
de nouveaux efforts pour obtenir l'adhésion formelle de 
l'Angleterre au projet de partage des Pays-Bas. Dans une 
dépêche écrite du Louvre (à Paris), le 17 juin 1572, 
Henry Middelmore rendait compte à lord Burleigh (2) 
d’une conversation importante qu’il avait eue avec Coligny, 
le 10 du même mois, à l’issue d’un souper où l'amiral 
l'avait invité avec un autre gentilhomme anglais. Après 
les plus chaleureuses protestations de dévouement à la 
reine d'Angleterre, Coligny amena l'entretien sur l’état 
des Pays-Bas. — « Vous connaissez, dit-il en substance, 
la puissance du roi d'Espagne, et combien 1l vous est hos- 
üle; nous aussi, nous savons combien il nous aime peu. 
Quel danger pour les deux États s’il vient à triompher 


(1) Les mémoires de Tavannes rapportent que le maréchal feignit de ne 
pas entendre les propos injurieux de Coligny, afin de ne pas fournir aux 
quatre-vingts gentilshommes qui suivaient l'amiral un prétexte pour se jeter 
sur son ennemi et le tuer, comme ils en avaient le dessein. 

(2) Gecil(William), né en 1520 dans le Lincolnshire, créé baron de Bur- 
leigh en 1571, secrétaire d’État, membre du conseil privé. 


( 685 ) 
dans les Pays-Bas! Avec les ressources immenses de ces 
provinces et les trésors des Indes, il essayera, non sans 
succès peut-être, de nous imposer des lois. De l'avis des 
plus sages, son dessein est de se faire le monarque de la 
chrétienté ou lout au moins de la dominer. » — Coligny 
montra ensuite l’urgente nécessité pour la France et l’An- 
gleterre, de s'unir étroitement, afin de combattre et d’em- 
pêcher ces projets d’envahissement et de domination, Mais 
aux demandes si pressantes de Coligny, Middelmore op- 
posa une extrême réserve, et, malgré l'alliance récemment 
conclue, défendit avec une grande franchise l’ancienne et 
invariable politique de l'Angleterre. Il signala sans détour 
l’opinion dominante parmi ses compatriotes, depuis le com- 
mencement des guerres civiles et religieuses de France et 
des Pays-Bas.— « Nous désirons, dit-il, que chaque prince 
conserve ses domaines, aussi bien le roi d'Espagne que le 
roi de France ; et nous ne souhaitons point que l’un s’a- 
grandisse aux dépens de l’autre, car celui qui deviendrait 
le plus puissant, quel qu'il fût, serait un voisin plus dan- 
gereux pour nous autres, Anglais. L’annexion des Pays-Bas 
à la France est la chose du monde que nous pourrions 
le moins approuver : il en résulterait pour nous un danger 
si grand et si manifeste, que, loin de pouvoir nous asso- 
cier à un pareil dessein, nous devrions le combattre de 
toutes nos forces. » — Coligny convint que son interlo- 
cuteur avait raison de s'exprimer ainsi; 1] ajouta toutefois 
qu'il ne s'agissait pas pour la France de s'approprier en- 
tièrement les Pays-Bas, mais qu’elle voulait les partager 
avec l'Angleterre, si la reine Élisabeth consentait à s’as- 
socier à l’entreprise projetée. Il dit de plus que les Pays- 
Bas étaient assez vastes pour satisfaire l'ambition de l’un 
et de l’autre souverain. Il protesta aussi qu'il n'aurait 


( 084 ) 
jamais ouvert la bouche sur un pareil sujet, sil n'avait 
cru servir la grandeur et procurer la sûreté de la reine 
d'Angleterre. Il finit en déclarant que le seul danger con- 
sisterait dans des délais qui feraient perdre une occasion 
décisive (1). 

L'entretien de Coligny avec Henry Middelmore, tel qu'il 
est rapporté dans la remarquable dépêche de ce dernier, 
ne peut laisser aucun doute sur les projets du chef des 
huguenots de France, et sur son désir ardent de porter la 
guerre dans les Pays-Bas. Le partage est formellement 
proposé. Mais, dans cette conférence si digne d'attention, 
quelle part fait-on au prince d'Orange? Quel compte tient- 
on de sa prétendue adhésion ? Il n’est jé, même question 
de lui, 

Toujours irrésolu, quoiqu'il inclinàt plus fortement 
pour la guerre, Charles IX tint, le 26 juin, un grand con- 
sell, où les avis écrits de ses principaux capitaines lui 
lurent successivement communiqués. Encouragé par l’oc- 
cupation de Mons et par la révolte des villes hollandaises, 
Coligny proposa de rompre sans délai avec le roi catho- 
lique. « C'estoyt, disait-il, le moyen d’estaindre les guerres 
» civiles par la conqueste de Flandres. » Il rappela « qu'aux 
» derniers conseils, M. d'Anjou avoit dit que, lorsqu'il y 
» auroit de bonnes villes sur la frontière prises, l’on pour- 
» roit parler de se déclarer. » Or, Mons et une douzaine 
d’autres villes étaient au pouvoir des insurgés, et il comp- 
tait, par ses intelligences, sur une révolte universelle et 
prochaine. — Le duc d'Anjou, encore couvert des lauriers 


(1) Original letters, illustrative of english history, etc.; by Henry 
Ellis, Aeeper of the manuscripts in the British Museum (London, 1827), 
2%e series, vol. IL, pp. 5-11. 


( 685 ) 
de Jarnae et de Montcontour, prit alors la parole pour 
émettre, contre une rupture avec Philippe IT, un avis fondé 
sur la pénurie des finances et la misère du peuple. Cet 
avis, qui avait été dicté par le maréchal de Tavannes, se 
terminait ainsi : « Toutes ces pauvretés et nécessités me 
» font conclure que, sur le dire des gens désespérés et 
» chassés hors de leurs biens, qui n'ont rien ou bien peu 
» d'asseuré qu'ils promettent que paroles, lon ne doit 
» rompre les choses promises, de faire de son amy son 
» ennemy si grand que votre estat puisse courir fortune 
» à cause de tant de nécessités. » Le maréchal de Ta- 
vannes, opinant après le duc d'Anjou, développa, avec 
force et habileté, les objections déjà signalées dans le mé- 
moire du frère de Charles IX (1). 

Ce prince, jaloux de l'influence acquise par le duc d’An- 
jou, goûta médiocrement les raisons que son frère lui 
avait exposées de concert avec Tavannes. Coligny, voyant le 
penchant du roi pour la guerre, redoubla d'efforts pour le 
compromettre irrévocablement, et l’entrainer tout à fait de 
son côté. [I lui offrit dix mille hommes; en même temps, il 
autorisait Genlis, venu de Mons pour chercher du renfort, à 
lever de l'infanterie et de la cavalerie, destinées à défendre 
contre l’armée espagnole la récente conquête de Louis de 
Nassau. Coligny présenta aussi à Charles IX un mémoire 
plus étendu que les précédents, pour démontrer la justice 
et l'utilité de faire la guerre à l'Espagne. Ce nouveau 
mémoire était l’œuvre de Philippe de Mornay, qui venait 
de visiter l'Angleterre et la Flandre, où il avait recueilli 
des renseignements nombreux sur l’état des esprits et les 


(1) Voir les Hemoires de G. de Saulx-Tavannes (A° 1579). 


( 686 ) 


forces des Espagnols (1). Organe des huguenots, Mornay 
disait à Charles IX : «… Mais qu’est-il besoin ores de dis- 
» puter si la guerre se doit faire? Vous l'avez jà com- 
» mencée, sire, et quelque mine que (le roi d'Espagne) 
» face, autant vous en scait-il de gré, que si vous aviez 
» mis armées en Campagne sous VOS enseignes, el y eus- 
» siez esté en propre personne. Quand il voit que V. M. 
» a receu, favorisé, honoré et gratifié le comte Ludovic de 
» Nassau en sa court, et autres seigneurs et gentils- 
» hommes, qu'il tient pour rebelles; quand il sçait que 
» V.M. a communiqué avec le seigneur de Jenlis, revenu 
» de Mons, en espérance de retourner et mener des 
» forces, et choses encore qui passent plus outre; que 
» peut-il autre chose penser, sinon que V. M. voudroit 
» nuire, mais qu'elle fait couvertement ce qu'ouvertement 
» elle n’oseroit? L'Espagnol , sire, n’en pense pas moins. 
» Autant vous est-il ennemi pour lui avoir montré vostre 
» espée que pour l'en avoir battu... » Mornay disait en- 
core : «.… Vous acquerrez un pais, auquel n’avez province 
» qui se puisse comparer en grandeur, beauté, richesses, 
» peuples, villes, et commodités tant de mer que de terre, 
» et dont sans fouler personne vous pourrez chaseun an 
» tirer un million d’or... » Aveuglé comme Coligny, il 
prétendait aussi que les habitants des Pays-Bas accepte- 
ratent avec joie la domination de la France : « … Il faut, 
» sire, entreprendre sur le Bas pais où le peuple vous 
» appelle, où l’occasion vous invite, où la division vous 
» ouvre les portes des villes, et vous fait bresche raison- 
» nable pour donner l’assaut à tout le païs. Justement irez- 


a — 


(1) Vie de Philippe de Mornay, p. 17. On y lit que le mémoire fut 
remis à la fin de juillet 1572, 


de 
ie 


+ 


TPS RL APNES ARBRE Sr x az 


(687) 


» vous sur les justes prétentions qu'avez sur Flandre, 
» Artois et Hainaut  ausquelles la seule adversité a fait 
» renoncer à vos prédécesseurs. Et en viendrez facilement 
» à bout, aiant l'ennemi loin et distrait. et vos forces et de 
» vos alliés tout à l’entour. Pour ce faire, V. M. pourra 
» traiter accord avec le prince d'Orange, qui tant par une 
» bonne et forte armée qu'il a au pays, que par les cœurs du 
» peuple enclins à lui, comme Libérateur, vous y pourra 
» beaucoup servir. Et sans doute ne demandera pas mieux, 
» considéré qu'ores qu'il prospère à son gré dans le pais 
» jusques à le mettre en ses mains, il ne se peut mainte- 
» nir que par vostre alliance et faveur. Et après faire la 
» guerre comme ami du pais, et ennemi des ennemis du 
» pais, vengeur de la tyrannie, et resuituteur de la li- 
» berté. Car, pour bien conquérir faut commencer par la 
» conqueste des cœurs, et le reste vient après tout à son 
» aise (1)... » 

« V. M. pourra traiter accord avec le prince d'Orange! » 
Donc, ni Charles IX, ni les chefs huguenots, loin d’être 
assurés de l'adhésion de Guillaume de Nassau, ne sem- 
blaient pas même, jusqu'alors, s'être concertés avec lui. Le 
prince, avec des troupes levées en Allemagne, s'avançait 
au secours de Mons; il venait tenter pour la seconde fois de 
renverser par les armes la domination abhorrée du duc 
d'Albe. Mais avait-il pris la résolution de mettre sous la 
protection des Français les places qui se déclareraient 


(1) Discours au roi Charles IX pour entreprendre la guerre contre l’Es- 
pagnol ès Païs-Bas dans les Mémoires de messire Philippe de Mornay, sei- 
gneur du Plessis Marli, édition de 1624, 4 vol. in-4°, t. Ier, pp. 1-18. En 
marge du discours, on trouve l’annotation suivante : « Il fut escrit par M. du 
Plessis, lors âgé de 25 ans, en l’an 1572, et par lui mis és mains de M. lad- 
miral de Chastillon qui le présenta au roi. » 


( 688 ) 
pour lui? On peut concevoir, à ce sujet, des doutes très- 
fondés. Et, en effet, la bannière des Valois ne fut arborée 
dans aucune des villes qui se prononcèrent pour le prince 
d'Orange, ou qui furent oecupées de vive force par ses 
troupes. 


Malgré sa prédilection bien certaine pour les vues am- 
bitieuses de Coligny, Charles IX pouvait encore hésiter 
à heurter de front la politique contraire de la veuve de 
Henri II. On sait quel était le système de Catherine de 
Médicis : chercher dans l’affaiblissement graduel des partis 
la force et l'accroissement de l'autorité royale; empêcher 
aussi bien la prépondérance des catholiques que celle des 
protestants ; tenir, enfin, les deux partis en échec et s’effor- 
cer de les dominer. On comprend, dès lors, que la reine- 
mère ne dut pas favoriser des projets qui tendaient à forti- 
lier le parti protestant, et à lui procurer une prédominance 
incontestable et peut-être irrévocable. Nous ignorons si 
Charles IX fit à sa mère la pleine confidence des entre- 
tiens qu'il avait eus avec Louis de Nassau, avec Coligny et 
avec Walsingham. Mais nous pouvons assurer que lorsque, 
en l'absence de Charles IX, l'ambassadeur d'Élisabeth fut 
venu proposer, au lieu de la restitution de Calais, que Ca- 
iherine de Médicis refusait ouvertement, le droit pour 
l'Angleterre de s'emparer de Flessingue, et, comme la 
ineilleure de toutes les combinaisons, le partage des Pays- 
Bas, ces ouvertures furent très-froidement accueillies par 
la reine-mère (1). 


(1) C’est là ce qui résulte d’une dépêche de Charles IX, écrite le 11 juillet 
1572, à M. de La Mothe Fénélon, son ambassadeur près de la reine Éli- 
sabeth. Après l’avoir informé que, dans une conversation que Walsingham 
avait eue avec Ja reine-mère, celle-ci avait formellement refusé la restitution 


( 689 ) 


Pour gagner du temps, Charles TX voulut consulter sur 
le mémoire de Mornay celui de ses ministres qui était le 
plus renommé pour son expérience. C'était Jean de Mor- 
villiers, évêque d'Orléans (1). Il composa un autre mémoire, 
où 1l combattit par des raisons puissantes les tentatives du 
chef des huguenots. « ….. Ceux qui nous conseillent, di- 
» sait-il, d'entreprendre la guerre , soutiennent que toutes 
» les grandes villes des Pays-Bas, accablées d’un joug 
insupportable par le duc d’Albe, n'attendent qu'un mo- 
» ment favorable pour se révolter;.... qu’elles implorent 


Ÿ 


de Calais, le monarque ajoutait : « Sur cella, Walsingham respondit qu’il 
» voyoit bien que nous ne leur rebaillerons pas, mais qu’il y avoit bien 
» moyen de faire aisément quelque autre chose, au lieu dudit Calais, qui se- 
» roit bien à propos : c’est que la royne d’ Angleterre put avoir Flessingue 
» en ses maîns et protection et que, combien que l’on eut faict de deçà une 
» publication qu’avoit apporté quelque desfaveur aux gueux de Flandres et 
» à ceulx qui sont allés de ce royaume avec eulx, et que cella eut aussy 
» aulcunement faict retenir ceulx d'Angleterre, que néantmoings 2! falloit 
» regarder de faire quelque partage et prendre, chacun de son costé, 
» des Païs-Bas en sa protection. Sur quoy madicte dame et mère luy 
» respondit que c’estoit une affaire dont elle ne pouvoit luy parler, à cause 
» de mon absence; mais qu’elle désiroit le bien et contentement de ladicte 
» royne, sa maistresse, et qu'elle s’asseureroit que j'avois les mêmes sou- 
» haits. » Recueil des dépéches, rapports, etc., des ambassadeurs de 
France en Angleterre au XF Te siècle, in-8°, t. VIT, 1840, p. 500. 

Il nous importait de savoir si Charles IX avait également entretenu son 
ambassadeur en Espagne, du projet de partage des Pays-Bas. Nous nous 
sommes adressé au savant qui pouvait le mieux nous éclairer sur ce point, à 
l’'éminent éditeur de la Correspondance de Philippe IT : M. Gachard, qui 
a fait tout récemment encore des découvertes si précieuses dans les biblio- 
thèques de Paris, nous a répondu qu’il n’avait rien vu, absolument rien, du 
projet dont il s’agit ici dans les dépêches échangées entre Charles IX et son 
ambassadeur à Madrid. 

(1) Né à Blois, en 1507, garde des sceaux de France en 1568. Il obtint 
d’en être déchargé en 1570 ; mais il conserva sa place au conseil comme plus 
ancien conseiller d'État. 11 mourut à Tours en 1577. 


( 690 ) 


le secours du roi; qu’elles sont disposées à lui prêter 
serment de fidélité;.….. qu'il peut en un moment, et sans 
frais, se rendre maitre des Pays-Bas, qui étaient autre- 
fois membres du royaume, et qui en ont été injuste- 


ment retranchés, etc. Je ne nierai pas que les Kla- 


mands , à qui la tyrannie du due d’Albe est devenue 
insupportable, ne haïssent à mort les Espagnols, et 
qu'ils ne fassent tous leurs efforts pour secouer ce joug 
de dessus leurs têtes, et pour allumer la guerre entre les 
rois de France et d'Espagne... Mais j'ai bien de la peine 
à croire qu'ils soient disposés à prêter serment de fidé- 
lité au roi (Charles IX). Plusieurs bonnes raisons m’en 
font douter : leur haine naturelle pour les Français, 
l’inconstance de la nation, etc... En a-t-on déjà vu 
quelques-uns venir, au nom de leurs villes, avec des 
pouvoirs en forme, supplier le roi de vouloir bien les 
prendre sous sa protection, et les mettre au nombre de 
ses sujets ? S'il s'est trouvé des particuliers qui aient eu 
recours à nous, ts l'ont fait de leur propre mouvement, 
par nécessité ou par désespoir, et sans l’aveu de leurs 
concitoyens... » Il ajoutait : « …. Ce qu’on dit de lap- 
proche du prince d'Orange , de ses vassaux, de ses 
forces, de son armée, fait peu d'impression sur moi. 
Son frère et lui sont des personnes de grande naissance 
et d’un courage digne de leur sang : ils haïssent mor- 
tellement le duc d’Albe, qui les a proserits et dépouillés, 
et comme leurs affaires ne peuvent guère être en pire 
état qu'elles sont, ils mettront tout en œuvre pour 
rendre leur condition meilleure. Mais est-il prudent de 
s'associer avec des gens à qui le désespoir fait tout ha- 
sarder, qui sont aveuglés par la colère et par l’ardeur 
de la vengeance, et qui sont disposés à promeltre tout ce 


LR RER 5 2e East 


à et 


( 691 ) 

qu'on voudra , pourvu qu'ils puissent satisfaire leur pas- 
sion ? Toutes les personnes raisonnables ne le conseil- 
leront jamais... Si vous voulez savoir en quelle situa- 
tion sont les affaires des Nassau, apprenez-le, sire, de 
ceux même qui les exagèrent autant qu'ils peuvent; ils 
» avouent déjà que largent, qui est le nerf de la guerre, 
manque au prince d'Orange, puisqu'il vous demande 
cent mille florins à emprunter, sans quoi cette floris- 
sante armée qu'il a sous ses ordres va bientôt se dis- 
siper…. (1). » 

Ce discours de Morvilliers laisse planer, nous en conve- 
nons, quelques soupçons sur la conduite tenue par le 
prince d'Orange. On pourrait en inférer que Guillaume , 
d'accord avec le comte Louis, aurait pris, comme ce 
bouillant antagoniste de l'Espagne, des engagements té- 
méraires; mais, d'autre part, les preuves manquent de 
nouveau pour établir d’une manière certaine la complicité 
du prince. 

Les documents authentiques qui ont été mis au jour, 
démontrent que Guillaume le Taciturne, en prenant les 
armes pour la seconde fois, se proposait de rétablir les 
anciens priviléges du pays, d'assurer la liberté des con- 
sciences et de chasser les Espagnols, mais sans dépos- 
séder encore l'héritier de Charles-Quint de la souveraineté 
des Pays-Bas. Loin de vouloir fonder la domination de 
Charles IX ou celle de la reine Élisabeth, il décidait que 
les habitants des provinces, déjà émancipées, jureraient de 
rester fidèles au roi Philippe IT (2). Tel est le but des 


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(1) Voir le mémoire de Morvilliers dans de Thou, t. IV, pp. 555-565. 
(2) …. Dat zy den coninc onder myn Heere den prince van Orangien, 
grave van Nassouiwen , etc., trou ende holdt syn sullen, ende voorts Syne 


( 692 ) 

instraetions qu'il donna au comte de La Marek, nommé 
par Jui son lieutenant en Hollande et en Zélande. Marnix 
de Sainte-Aldegonde traduisait fidèlement aussi la pensée 
véritable de Guillaume de Nassau, lorsqu'il conjurait les 
États de Hollande, réunis à Dordrecht, de s'imposer des 
sacrifices tels qu'il ne fût pas nécessaire de recourir à 
l'assistance pécuniaire de Charles IX ou de la reine Élisa- 
beth; car, disait-il, les gages qu'il faudrait donner à ces 
potentats étrangers mettraient en péril Pindépendance 
des Pays-Bas (1). 

Les efforts des protestants français pour décider la 


Excellentie ghehoorsaem in alle ’t ghene hy henluyden ordineren ende 
bevelen sal dat tot vorderinghe van der cere Godts, dienste Zyns Majes- 
teyts, tot welvaren, verlossinghe ende vryheydt van den landen, etc. 
(Bor, tome [:", fol. 284 v’.) 

Css 1Fant zouden wy by vremden potentaten , als den coninck van 
Franckryck ofte Engelant, zulcx versoecken, soe zoude het lant in 
groot ende opentlick peryckel staen onder vremde heeren te comen, 
dewyle zy dat gelt nyet en zxouden willen tellen of zy moesten wel ver- 
seeckert zyn op enige steden, dat zy der nyet en zouden aen verliesen : 
waerdoer zy cenen voct in ‘t land zsouden crygen, ende namaels daer 
uyt nyet te brengen zyn, alsoe by menige exempelen zoude connen 
bewesen worden ….(Bakhuizen Vanden Brinck, £erste vergadering der 
Staten van Holland , 19 julii 1572, dans les Archives du royaume des 
Pays-Bas , 1": livraison.) 

Nous allons au-devant d’une objection qui pourrait nous être faite en 
rappelant que Marnix ne persévéra point, jusqu'au terme de la lutte, dans 
ces sentiments qui dénotaient une si haute prévoyance et un si noble atta- 
chement au sol natal. Après l'assassinat de Guillaume le Taciturne, en 1584, 
Marnix, désespérant de la fortune et de l’avenir des Provinces-Unies, émit 
l’idée de céder tous les Pays-Bas à la France. Peut-être un jour recherche- 
rons-nous et dirons-nous dans quelles circonstances cette proposition fatale 
sortit de l'esprit fatigué et de la plume défaillante d’un des plus illustres 
fondateurs de la République; mais nous n’appuierons point les éloges dont 
ce plan a été l'objet, dans l’éloquente Biographie de Marnix de S'-Aldesonde, 
par M. Edgard Quinet. 


—————— 
a 


( 695 ) 

guerre contre l'Espagne, vinrent échouer contre l'in- 
fluence, encore si puissante, du parti catholique et les 
intrigues qui paralysèrent la volonté de Charles IX. La dé- 
route essuyée par Genlis, le 19 juillet, fut comme le signal 
de la ruine de Coligny et des huguenots, Dans son exaspé- 
ration , l'amiral rejetait l'échec de son lieutenant sur ceux 
qui avaient empêché le roi de se déclarer, et il ajoutait 
qu'il ne pouvait plus retenir ses partisans, « qu’il falloit 
» une des guerres, espagnole ou civile. » Il essaya, pour 
se rendre entièrement maître de l'esprit de Charles IX, de 
le soustraire à l'influence de Catherine de Médicis, dont 
il se proposait de limiter le pouvoir en même temps qu'il 
lui enlèverait l'appui du duc d'Anjou, qui serait éloigné 
du royaume. Avertie de ces projets, Catherive mit tout 
en œuvre pour regagner son ascendant sur le roi. Elle se 
ligua de nouveau avec les catholiques, et ramena de leur 
côté le prince en qui les huguenots voyaient déjà un pro- 
tecteur et presque un chef (1). 

Le massacre de Coligny et de ses principaux adhérents, 


(1) Un écrivain catholique nous paraît avoir bien dépeint la rivalité de 
Catherine de Médicis et de Coligny dans cette crise suprême. 

«.…. Habile et fin politique, Coligny, ditAl, chercha à s'insinuer dans 
l'esprit du jeune roi Charles IX, et y réussit assez pour exciter les déliances 
jalouses de ia reine-mere. Préoccupé d’assurer le triomphe de son parti aussi 
bien que le sien propre, à l’aide de la faveur dont il commençait à jouir, 
l'amiral avait concu un plan dont l'exécution eût porté le coup le plus 
funeste à la cause catholique. Dans les entretiens intimes qu’il se ménageait 
avec Charles IX, il s’efforçait de lui persuader de déclarer la guerre à Phi- 
lippe 11, et offrait d’aller lui-même, à la tête de l’armée royale, porter sc- 
cours aux protestants des Pays-Bas. On comprend ce qui serait arrivé si un 
tel projet eût prévalu. Désormais asservi à l'influence de Coligny, le roi n’eüt 
pu rien refuser au vainqueur des cathoïiques espagnols, et le gouvernement 
tout entier eüût passé entre les mains du chef des protestants. Les catho- 


( 694 ) 

froidement conseillé par le maréchal de Tavannes, et sou- 
dainement approuvé par Charles IX dans un moment d’ef- 
fervescence, attesta l'influence reconquise par Catherine 
de Médicis (1). « C'est la vérité, disent les Mémoires de 
» Tavannes, que les Huguenots furent seuls cause de leurs 
» massacres, mettant le roy en nécessité de la guerre 
» d'Espagne ou de la leur. S. M., par le conseil du seigneur 
» de Tavannes, esleut la moins dommageable, et salutaire 
» tant pour Ja religion catholique que pour l’'Estat et rebel- 
» lions suseitées par les Huguenots. Et puis donc que l’on 
» accuse le seigneur de Tavannes de ce conseil, 1l faut 
» que tous ceux de la religion catholique l'en estiment et 
» le louent, en considérant que, s’il n’eust empesché par 
» son bon advis le mariage d'Angleterre avec M. d’An- 
» jou (2), celuy du roy de Navarre estant jà faict, et le roy 
» Charles estant porté à la guerre d'Espagne, qu'infaillible- 
» ment le royaume de France, et ensuite toute la chres- 
» tienté, hormis l'Italie et l'Espagne, estoit dans le parti 
» hérétique..….. » 


liques s’alarmérent donc, et avec de justes motifs; toutefois ils n'auraient pas 
eu assez de crédit pour déjouer les desseins de l'amiral, sé la reine-mère ne 
leur füt venue en aide. Cette princesse, dont l'indifférence religieuse flottait 
indécise, depuis douze ans, entre les deux partis, ne put souffrir qu’un de 
ses sujets tentàt de lui ravir l'influence qu’elle exerçait sur son fils, et se 
décida à tout faire pour l'empêcher. » (Histoire de la ligue sous les règnes 
de Henri 111 et de Henri IF, par Victor de Chalambert. Paris, 1854, 
t. [*', introduction, p. LXX.) 

(1) Le témoignage de Marguerite de Valois est également précieux sur ce 
point : « Le roy Charles …. prit soudain résolution de se joindre à la reyne 
» sa mère el se conformer à sa volonté, et garantir sa personne des huguenots 
» par les catholiques... » Mémoires de Marguerite de Valois, liv. 1%. 

(2) Le mariage projeté du duc d'Anjou (depuis Henri Ill) avec la reine 
Élisabeth. 


( 695 ) 

Les conséquences de l’exécrable massacre de la Saint- 
Barthélemy furent désastreuses pour le prince d'Orange. 
Il s'était dirigé vers Mons, qu'assiégeait le duc d’Albe. 
Comptant sur les troupes françaises que Coligny lui-même 
devait amener, il avait l'espoir fondé de cerner l’armée 
espagnole et d'obliger le lieutenant de Philippe IT à capi- 
tuler. Le massacre de Paris changea la face des choses, 
et Guillaume , consterné, écrivit à son frère, Jean de Nas- 
sau : « Quel coup de massue cela nous a esté, n’est be- 
» soing de vous discourir! Mon unique espoir estoil du 
» costé de la France (1). » 

Poussé à bout par les lenteurs mortelles des princes 
d'Allemagne et les tergiversations de la reine d’Angle- 
terre, Guillaume d'Orange répétera plus d’une fois ces 
paroles dans les vicissitudes de la lutte si longue et si 
inégale qu'il va intrépidement soutenir contre l'Espagne. 
Les extrémités où il se trouvera réduit, par la faute ou 
l’inertie de ses alliés naturels, l’obligeront à recourir sans 
cesse aux Valois. La Saint-Barthélemy même suspendit à 
peine ces relations. Tout en se faisant auprès de Philippe 
un titre de gloire du meurtre de Coligny et des autres 
chefs huguenots, Charles IX suivit avec intérêt les entre- 
prises du prince d'Orange; et Mondoucet, résident fran- 
çais près du duc d’Albe, reçut l’ordre « d'entretenir dex- 
trement son intelligence » avec le plus redoutable ennemi 
du monarque espagnol. Mais, dans ses plus grandes néces- 
sités, alors que l'appui des Valois est la dernière planche 
de salut au milieu de tant de périls, Guillaume ne cède 
pas encore à toutes les exigences des Français, En 1575, 


(1) Archives de la maison d’Orange-Nassau, 1. IL, pp. 505-510. 


( 696 ) 

il refuse de livrer la Hollande et la Zélande à Charles IX. 
En 1578, lorsque s'ouvrent les premières négociations 
avec le duc d'Alençon , les États généraux, sous l'influence 
de Guillaume, ne consentent point à stipuler « qu'ils pré- 
féreront le frère de Henri HIT à tous autres, en cas de 
changement de prince. » Si, après la déchéance de Phi- 
lippe IF, la souveraineté des Pays-Bas est, enfin, offerte au 
due d'Alençon, le traité de Bordeaux (25 janvier 1581) 
déclare toutefois que, en cas de décès de ce prince, « le 
roi de France n’entrera en aucune part ou portion de sa 
conquête. » 

Comment donc admettre sur de simples inductions, 
sur des hypothèses plus ou moins vraisemblables, que, 
dès 1571, le prince d'Orange, si prévoyant et si ferme, 
aurait adhéré précipitamment à un projet qui, pour sus- 
citer contre l'Espagne une ligue de PAngleterre et de la 
France, tendait à détruire l'antique et glorieuse nationa- 
lité des Pays-Bas? Il n’est pas démontré à nos veux que le 
prince d'Orange donna son assentiment au projet conçu 
par l'amiral de Coligny, adopté par Louis de Nassau, re- 
commandé avec réserve par Walsingham et formellement 
repoussé par d’autres politiques anglais (1). En exprimant 
celte opinion, résultat de nos recherches, nous pouvons 
l’appuyer de l’autorité de deux savants, qui ont labo- 
rieusement scruté les actes et le caractère de Guillaume 


(1) Nous avons fait remarquer ailleurs (ÆZist. de la Révolution des Pays- 
Bas sous Philippe IT, & IT, p. 575) que les communications de Walsingham 
ne furent pas accueillies avec un égal empressement par les deux ministres 
qui se partageaient la confiance d’Élisabeth. Lord Burleigh se défia des offres 
de la France. Le comte de Leicester, plus impétueux, aurait voulu favoriser, 
en partie, les desseins de Louis de Nassau. 


(697 ) 
le Taciturne. L'an est M. Groen Van Prinsterer, éditeur 
des célèbres Archives de la maison d'Orange-Nassau; autre 
est un écrivain américain, John Lothrop Motley, qui a 
publié récemment un important ouvrage sur l’histoire de 
la fondation de la république hollandaise (1). 

Faut-il aussi disculper le prince d'Orange d'avoir pu 
chercher un avantage personnel dans le projet de 1571? 
On lui réservait le gouvernement du Brabant! Mais cette 
perspective était-elle de nature à lui cacher les irremé- 
diables conséquences d’un partage ? Certes, on peut s’ex- 
primer diversenent sur les actions et le caractère de 
Guillaume le Taciturne; on peut ne pas l’admirer sans 
restriction, on peut être plus sévère encore. Mais qui 
refusera le génie politique à limmortel fondateur de Ja 
république des Provinces-Unies des Pays-Bas, Qui pourra 
contester que Guillaume le Taciturne se dévoua avec hé- 
roïsme à la cause qu'il avait courageusement embrassée ? 


(1) M. Groen Van Prinsterer s'exprime en ces termes : « .… Quant au prince 
» d'Orange, il n’est guère probable qu’il ait alors déjà participé à des desseins 
» dece genre. Le comte Louis allait plus vite que son frère, et l’on ne saurait 
» conclure des démarches de l’un à la manière de voir de l’autre. Le prince 
» savait que l'intervention des puissances étrangères est rarement désinté- 
» pressée... » Archives de la maison d’Orange-Nassau, t. Li p: 404 — 
John Lothrop Motley est encore plus explicite : 

ne It is probable that in the count’s impetuosity to carry his point, he 
allowed more plausibility to be given to certain projets fur subdiving the 
Netherlands tham his brother wouldever have sanctioned. The prince was 
a total stranger to these inchoate schemes. His work was to set his country 
free, and to destroy the tyranny which had grown colossal. That em- 
. ployment was sufficient for a lifetime, and there is no proof to be found 
that a paltry and personal self interest had even the lowest place among 
his motives…. Tue Rise or Tue purcu Reeuguic (Londres, 1856) vol. 11, 
D. 924, 


Tome xx, — [I parr. 48 


( 698 ) 
Pour les Pays-Bas, il souffrit l'exil, sacrifia sa fortune, 
donna la vie de trois de ses frères et son propre sang... 

En 1575, Guillaume, dans une lettre intime, disait à 
Jean de Nassau : « ….… Vous savez assez que mon inten- 
» tion n’a jamais esté et n’est encores de chercher, tant 
> peu que ce soit, mon parliculier ; ains J'ay seulement 
» aspiré et prétendu à la liberté du pays, tant au faict de 
» la conscience comme de la police que les estrangers ont 
» tâché d'opprimer.... » En 1581, le prince, se défendant 
contre l’édit de proscription, s'adresse aux États en ces 
termes : « …. Pourquoi est-ce que j'ai exposé tous mes 
» biens? Est-ce pour m'enrichir? Pourquoi ai-je perdu 
» mes propres frères que j'aimais plus que ma vie? Est-ce 
» pour en trouver d’aultres? Pourquoi ai-je laissé mon fils 
» si longtemps prisonnier, mon fils, dis-je, que Je dois 
» tant désirer si je suis père? Men pouvez-vous donner 
» un aultre? Ou me le pouvez-vous restituer? Pourquoi 
» ai-je mis ma vie si souvent en danger? Quel prix, quel 
» loyer puis-je attendre aultre de mes longs travaux qui 
» Sont parvenus pour vostre service Jusques à la vieillesse 
» et la ruine de tous mes biens, sinon de vous acquérir 
» et acheter, s'il en est besoing, au prix de mon sang, 
» UNE LIBERTÉ... » 

L’équitable postérité n’a point protesté, jusqu’à présent, 
contre cette partie si remarquable et si touchante de la 
célèbre Apologie du plus persévérant et du plus illustre des 
adversaires de Ja domination espagnole, au XVI" siècle. 


—.—-—Z—Z—-P—pÉoccmmmle ts 


( 699 ) 


Charlemagne quand est-il né? par M. Arendt, membre 
de l’Académie. 


« Le vote que la classe a émis , dans sa séance du mois 
d'octobre, à fait entrer dans une nouvelle phase le débat 
pendant entre notre honorable et savant confrère M. Polain 
et moi. La question de savoir si un nouveau concours sera 
ouvert sur le lieu de naissance de Charlemagne se trouve 
décidée par ce vote, et il ne reste plus entre nous d'autre 
controverse que celle provoquée par l'opinion que j'avais 
émise sur l’époque de la naissance du grand empereur 
franc. | 

Que la classe me permette de me féliciter de ce résultat 
et de m'en féliciter à un double titre, d’abord, parce que, 
dégagée de tout autre élément, cette controverse peut 
prendre désormais le caractère qui convient le mieux aux 
questions agilées parmi nous, celui d'une discussion pure- 
ment scientifique, et ensuite, parce que mes observations 
ont donné lieu à l'honorable M. Polain, de nous présenter 
un travail des plus remarquables par une érudition du 
meilleur aloi et par une sagacité peu commune. Je re- 
mercie mon savant ami d’avoir bien voulu consacrer de si 
sérieux efforts à l'examen des arguments sur lesquels je 
fondais mon opinion, et d’avoir fait preuve, en les combat- 
tant, d'une si parfaite courtoisie. Je ne saurais mieux 
reconnaître ses procédés qu'en m'appliquant à les imiter 
dans la réponse que je vais avoir l'honneur de lire. 

La classe se rappelle les considérations qui m’avaient 
conduit à fixer la naissance de Charlemagne à l'an 745. 
L'opinion commune adoptée par notre honorable confrère 


( 700 ) 

s'appuie sur un passage d'Einhard, dans la Vita Caroli 
magni, et invoque le témoignage d’autres sources contem- 
poraines, pour assigner à cette naissance la date de 742. 
J'oppose à ce passage un autre emprunté aux Annales du 
même auteur, qui me semble corriger le premier et que 
je trouve confirmé par l'inscription du tombeau de l’em- 
pereur et par les données concordantes de quelques an- 
nales contemporaines. Mon savant ami n'admet pas que 
le passage des Annales puisse être considéré comme recti- 
fiant celui de la Vita : il donne au terme dont se sert l’in- 
seription pour indiquer l’âge que Charlemagne avait en 
mourant, une signification autre que celle que j'avais cru 
devoir lui attribuer, et 1l s'applique à infirmer le témoi- 
gnage des annales qui contiennent, soit explicitement, 
soit implicitement, la date de 743, en leur opposant l’au- 
torité d’annales, d’après lui, plus nombreuses, qui renfer- 
ment le chiffre de 742. Je m'occuperai d’abord des annales 
qui, dans l’ordre chronologique des preuves, tiennent la 
première place. 

Je dois insister, à l'égard de ces annales, sur les obser- 
vations que j'avais présentées sur le caractère et la valeur 
historique de ce genre de sources, propre à l’époque car- 
lovingienne, observations que notre savant confrère n’a 
pas contredites. Ces documents, simples annotations mar- 
ginales faites par des mains inconnues sur des tables de 
chronologie ecclésiastique ou dans le texte de l'ouvrage 
de Beda, de Ratione temporum , n'ont et ne sauraient avoir 
d'autre valeur et d'autre importance que celle d’une tra- 
dition locale. L'on ne peut songer à les mettre sur la 
même ligne que des annales proprement dites, donnant le 
récit plus ou moins continu et développé des événements, 
el portant à leur tête le nom d’un auteur dont on puisse 


; 
D. 
VA 


( 701 } 
rechercher et discuter les sources. Il suffit d’un examen 
des plus sommaires, pour se convaincre de l'exactitude de 
ce que j'avance. Rien, en effet, de plus décousu, rien de 
moins propre à offrir les éléments d'une histoire approxi- 
mativement certaine que ces annales, qui ne mentionnent, 
la plupart du temps que des faits tout à fait spéciaux de 
l'histoire ecclésiastique de la localité, et qui, quand elles 
parlent des grands événements politiques de l'époque, 
n’en donnent pour ainsi dire que l’écho lointain et affai- 
bli. Ces réserves faites, et mon honorable ami est lui- 
même juge trop bon et trop éprouvé en matière de critique 
historique , pour ne pas les admettre, je passe à l'examen 
des observations qu’il présente sur celles de ces annales 
qui renferment le chiffre de 742. 

J'avais fait remarquer que, pour que les données de ces 
annales qui concernent l’époque de la naissance de Char- 
lemagne, puissent être prises en considération, il faudrait 
avant tout déterminer leur style, l'époque à laquelle leurs 
auteurs plaçaient le commencement de l’année. Mon sa- 
vant ami, reconnaissant la justesse de cette observation, 
y à fait droit. Recherchant d’abord le style des Annales 
Juvavenses minores , 1l y trouve à deux reprises l'expression 
de : Anno nativitatis Domini, et il en conclut que l’auteur 
de ces annotations suit le style de la nativité, dans lequel 
l’année commence au jour de Noël. Je ne sais si l’expres- 
sion de: Anno nalivitatis Domini, signifie rigoureusement 
ce que M. Polain y trouve; je vois que les expressions de : 
Anno nativitatis, a Christo nato, anno incarnationis Domi- 
nicae et d’autres semblables ont très-souvent été em- 
ployées pour désigner d’une manière tout à fait générale 
les années de l’ère chrétienne, et nullement pour indiquer 
que l’année a commencé à la nativité ou à l'incarnation. 


( 702 ) 


Je trouve à une époque fort reculée des traces de cet usage, 
qui certainement a prévalu dans les temps plus récents. 
Un calendrier de la fin du VITE" siècle, ainsi que d’autres 
documents fort anciens, prouvent qu’en Alsace on suivait 
le style de la nativité, ce qui n'empêche pas que des chartes, 
entre autres une de l’évêque Werner, du commencement 
du XI" siècle, conçue dans ce style, ne soient datées : 
Anno incarnationis Dominicae (1). Toutefois, je n'insiste 
pas sur ce point, je n'en entends tirer d'autre consé- 
quence que celle que le terme de : Anno nativitatis, n’est 
pas toujours une preuve absolument rigoureuse que, pour 
celui qui l’emploie, l'année ait eommencé au 25 dé- 
cembre. 

Ïl m'importe beaucoup plus de démontrer que, si les 
Annales Juvavenses minores suivent, dans quelques-unes de 
leurs dates, le style de la nativité, 1l en est d’autres de ces 
dates , conçues dans un autre style, qui est celui de Pin- 
carnation ou le style pascal. En effet, j'y his, à l’année 791 : 
Felix haeresis convincitur in Reganespurg. Il s'agit de 
l’évêque Félix d'Urgel, accusé d’adoptianisme, et dont la 
condamnation fut prononcée par une réunion d'évêques 
que Charles avait rassemblée à Ratisbonne. Nous pouvons 
établir d’une manière assez certaine l’époque de cette réu- 
nion. Einhard raconte dans les Annales, à l'an 792, que 
Félix fut conduit au palais du roi, qui avait passé l'hiver 
à Ratisbonne, et qu’à un concile d’évêques y réuni, 1l fut 
entendu et convaincu d'erreur. Il résulte des Annales 
Tiliani que Charles passa encore à Ratisbonne la fête de 
Pâques de lan 792 : le concile a donc dû avoir lieu avant 


(1) Voir l'Art de vérifier les dates ,t. 1, p. 1x, note. 


( 705 ) 

cette fête. L'auteur de l’annotation, dans les Annales Juva- 
venses minores, le place à l’année 791, ce qu’il ne pouvait 
faire qu’en se servant d’un style autre que celui de la nati- 
vité, soit du style de l'incarnation, soit du style pascal. 
S1 ces annales suivent, dans un endroit, le style de l’incar- 
nation ou le siyle pascal, comment mon honorable con- 
frère fera-t-1l pour me prouver que, dans un autre endroit, 
où elles ne mentionnent absolument que l’année de l’évé- 
nement sans autre indication quelconque, elles suivent le 
style de la nativité? Or, c’est ce qui a lieu pour la date de 
la naissance de Charlemagne, qui est marquée simplement 
à l’an 749, sans autre détermination, 

Si, comme c’est possible, la date du concile de Ratis- 
bonne est marquée dans le style pascal, rien ne m’em- 
pêche de supposer que celle de la naissance de Charle- 
magne le soit également, et alors 742 veut dire 745. Mon 
savant ami contestera peut-être que le concile de Ratis- 
bonne a eu lieu avant Pâques 742. Mais alors il doit recon- 
naître que l’auteur de l’annotation s'est trompé d’une 
année, et cela dans la date d’un événement qui se passait, 
en quelque sorte, sous ses yeux et à la porte de sori cou- 
vent. On sait que les Annales Juvavenses proviennent de 
Salzburg, et que Salzburg n’est pas bien éloigné de Ratis- 
bonne. Ne suis-je pas en droit, dans ce cas, de n'accep- 
ter que sous bénéfice d'inventaire la date que ces mêmes 
annales assignent à la naissance de Charlemagne, événe- 
ment dont on était, à Salzburg, infiniment moins en mesure 
de connaître l’époque précise que celle du concile de Ratis- 
bonne. Mais ce n’est pas tout, en examinant de près ces 
annales, je suis frappé de leur extrême inexactitude dans les 
dates les plus certaines et dans les calculs chronologiques 
les plus simples. C’est ainsi qu’elles mentionnent le grand 


( 704 ) 

concile de Francfort, un des plus célèbres pendant le règne 
de Charlemagne, à l’année 795, tandis qu'il a eu lieu en 
794. Et ici, le doute sur l’époque précise est impossible : 
car Einhard dit expressément que ce concile a été réuni 
au commencement de l'été, æstatis initio. C’est ainsi que le 
voyage du pape Léon en France, qui appartient à l'an 804, 
est rapporté, dans ces annales, à 805. Dans la même note 
où il place la naissance de Charlemagne à l’an 742, l’anna- 
liste se trompe de deux ans, en parlant de l’âge que celui-ci 
avait au moment où 1l devint empereur. Et c’est peu encore 
en présence d’autres erreurs qui se trouvent dans ces an- 
nales: sur les 25 annotations dont elles sont formées, il y 
en a 17, dans lesquelles le nombre des années qui séparent 
la date de l'événement rapporté de l’an 816, se trouve 
marqué. Eh bien, quoiqu'il ne s'agisse que d’un calcul de 
soustraction des plus simples, sur ces 17 chiffres, 44 sont 
inexacts, douze fois l'erreur est d’une année de trop, une 
fois d’une année et une autre fois de quatre années de trop 
peu. Où est, je le demande, au milieu de tant et si gros- 
sières erreurs, la garantie que la date attribuée à la nais- 
sance de l’empereur soit exacte? 

Après avoir fait remarquer que l’auteur des Annales 
Juvavenses à pris soin de noter, aux années 767 et 791, 
qu'il suit le style de Noël, notre honorable confrère con- 
ünue ainsi : « Un renseignement presque aussi positif se 
» trouve en tête des Annales Salisburgenses, où on lit 
» qu'elles ont été supputées d’après l’ère de lincarnation, 
» dénomination souvent confondue avec celle de la nati- 
» vité, mais qui ne peut, en tous cas, raisonnablement 
» s'appliquer qu’à ce dernier genre de notation, ou à celui 
» qui ouvrait l’année au 25 mars, jour de la conception. » 

Je ne sais si mon judicieux ami sera disposé à main- 


( 105 ) 

tenir ce qu'il a dit du style des Annales Salisburgenses, 
quand il aura bien voulu jeter un nouveau regard sur le 
premier volume des Monumenta de Pertz. Il pourra sy 
convaincre que la suscription de anno incarnationis, qui, 
d’après lui, marque le style des annales, n’est autre chose 
qu'un en-tête mis par l'éditeur au commencement de pres- 
que toutes les annales du volume, pour indiquer que leurs 
années sont des années de l'ère chrétienne. Dans les ma- 
nuscrits, cette suscription n'existe point et ne saurait 
exister. Elle se rapporte si peu au style, que M. Pertz l’a 
mise en tête des Annales Juvavenses minores, dont M. Po- 
lain vient d'affirmer qu'elles ont été supputées dans le style 
de la nativité. J'ai examiné fort attentivement les Annales 
Salisburgenses, et je considère comme très-dificile de dé- 
terminer le style que les auteurs de celles de leurs anno- 
{ations qui sont antérieures au X”° siècle, ont suivi. Pour 
le style des annotations du X”° siècle, les dates de la con- 
sécration des archevêques de Salzbourg pourront fournir 
des indications utiles. Il y a, du reste, dans les annotations 
antérieures des erreurs évidentes : l’annaliste se trompe 
d’une année dans les dates qu’il assigne à la mort de l’em- 
pereur Phoeas et à celle du pape saint Grégoire le Grand. 

Quant aux Annales Fuldenses, notre savant confrère sou- 
tient que la notation du nom de l'individu, sans aucune 
autre indication, peut signifier tantôt la date de sa nais- 
sance, tantôt celle de sa mort. Je persiste à croire qu’une 
pareille notation offre trop d'incertitude pour être invo- 
quée comme preuve rigoureuse. Du reste, mon honorable 
ami admettra sans peine, je pense, que quand même la 
simple mention du nom de Carolus rex Francorum à 
l’année 742, exprimerait la date de sa naissance, cette 
mention ne saurait, dans aucun cas, être considérée comme 


( 706 ) 


strictement contemporaine, à cause de la qualification de 
Rex Francorum qu'elle contient, ce que Charlemagne, à 
coup sûr, n'était pas en naissant. 

Restent les Annales S. Amandi breves. Vérification faite 
sur le manuscrit original de ces annales que possède Ja 
bibliothèque de l’université de Gand, notre savant con- 
frère a pu d’abord rectifier , et je l’en félicite, une erreur 
de M. Pertz qui, dans l'édition de ces annales, dans les 
Monumenta, a porté les mots : natus est après ceux de 
Carolus, comme ayant été ajoutés par lui, tandis que ces 
mots s’y trouvent réellement et très-lisiblement. I est 
ainsi hors de tout doute que ces annales assignent la naïis- 
sance de Charlemagne à l'an 742. Mais quel est leur style? 
Notre honorable confrère dit que c'est celui de la nativité 
et cite à appui que le couronnement de l’empereur y est 
porté à l'an 801. ÏT y à encore une autre date de ces an- 
nales, conçue évidemment dans le même style, c’est celle 
de la mort du pape Adrien, rapportée à l'an 796. Le pape 
Adrien a cessé de vivre le 25 décembre 795, jour qui, 
dans le style de la nativité, était réellement le premier 
jour de l’an 796. Mais ces mêmes annales renferment, 
quelques lignes plus loin , une autre date qui, à coup sûr, 
n'est pas conçue dans le style de la nativité. C’est celle 
de la mort de Charlemagne, arrivée, on le sait, le 28 jan- 
vier 814, et que l’annaliste de Gand rapporte à l’année 
815, notation qui marque ou le style de l’incarnation ou 
celui de Pâques. Voilà donc une preuve évidente et que 
mon judicieux ami ne récusera pas, que les mêmes an- 
nales suivent deux styles différents, et cela à des époques 
relativement peu éloignées l’une de l'autre. 

Arrivé à la fin de ses recherches sur le style des an- 
nales, voici comment notre honorable confrère en résume 


( 707 ) 

le résultat : « Voilà donc cinq monuments d’une haute 
» importance, qui tous sont d'accord sur la date à assi- 
» gner à la naissance de Charlemagne. En l'absence de 
» titre authentique, il serait difficile de contester la va- 
» leur d'un pareil témoignage, et nous doutons qu'il y ait 
» beaucoup d'événements du VIII"* siècle à l'appui des- 
» quels on puisse en produire de semblable. » Qu'il me 
permette de formuler à mon tour les conclusions que 
m'a suggérées l’examen attentif de ces mêmes annales. 
Sur ces cinq monuments, il y en a trois qui proviennent 
de la même source et n’expriment qu'une seule et même 
tradition locale, ce sont les Juvavenses minores , le Supple- 
mentum annalium Juvavensium majorum , et les Annales 
Salisburgenses, qui tous tirent leur origine de Salzburg. 
La date de 742 est incontestable dans les Juvavenses 
minores, remplies d’ailleurs d'erreurs ét d'inexactitudes 
des plus graves; elle est encore certaine dans le Supple- 
mentum Juvavensium majorum ; mais elle ne saurait être 
établie avec certitude dans les Salisburgenses, qui ne renfer- 
ment point, pour les dates antérieures au X"° siècle, d’indi- 
cation propre à fixer leur style. Dans les Fuldenses antiqui, 
la date de 742 repose sur une conjecture, et quant aux 
Annales S. Amandi breves, on constate dans leurs an- 
notations tantôt le style de la nativité, tantôt celui de 
l’incarnation ou le style pascal. Je considérerais comme 
très-fâcheux pour l'histoire du Vill"° siècle, si la vérité 
des événements qu’elle raconte ne se trouvait aflirmée que 
dans de pareils monuments. 

Je passe maintenant à la date de 745, que je préfère à 
celle de 742. Je l'ai trouvée d’abord dans les Annales 
S. Emerani Ratisponenses. Mon savant ami répond qu’elle 
y est donnée par erreur, sans s'expliquer autrement; il 


( 708 ) 
ajoute qu'on ne connaît pas au juste l’époque où ces an- 
nales ont été rédigées. Mais connaît-1il au juste l'époque 
de la rédaction des Salisburgenses, des S. Amandi breves, 
des Fuldenses antiqui, qu'il invoque à l'appui du chiffre 
de 742? Il dit encore qu'on ne saurait faire remonter au 
delà du IX"° siècle la mention du chiffre de 745, que 
donnent les Annales de S'-Éméran; mais où est la preuve 
rigoureuse qu'aucun des monuments où se trouve le chiffre 
de 742 soit antérieur à ce siècle et strictement con- 
temporain de la naissance de l’empereur ? J'en ai appelé, 
pour la date de 745, encore aux Annales quedlinburgenses. 
Mon honorable confrère me dit que, d’après l'opinion de 
M. Pertz, ces annales ont été composées vers l'an 1002; 
je le veux bien, mais, d’après le même M. Pertz, l’anna- 
liste a puisé dans des sources inconnues, évidemment 
plus anciennes; et, à moins de prétendre qu'il a inventé 
l'âge qu'avait Charlemagne en mourant, il doit lavoir 
trouvé dans ces sources plus anciennes. Ce chiffre de 745 
existait donc dans la tradition , et mon savant ami voudra 
bien se rappeler que c'est là tout ce que j'ai voulu dire, 
lorsque j'ai cité le témoignage de ces annales. En parlant 
des Annales de Quedlinbourg et de Ratisbonne, notre ho- 
norable confrère ajoute : « Ce témoignage isolé que la 
» tradition n’a pas même conservé, peut-il balancer les 
» autorités considérables que nous avons invoquées ? » 
Qu'il me permette de lui faire observer que ce témoignage 
n'est pas aussi isolé qu’il le croit. Je suis à même de lui 
fournir des preuves, desquelles il résulte que la tradition 
de 745 a réellement, incontestablement existé à côté de 
celle de 742, Ce sont d’abord, comme, du reste, il l’a re- 
connu lui-même dans une note, les Annales S. Emerani 
majores, qui mentionnent à l’an 844 la mort de Charles 


( 409 }) 

dans sa 71% année, ce qui reporte sa naissance à 745; 
c'est le moine de Fulde, Enhard, qui reproduit le texte 
des Annales d'Einhard, c’est l'antique et si remarquable 
recueil d'annotations originaires de l’abbaye de Corvie, la 
plupart du temps contemporaines, que M. Pertz à publié 
sous le titre d’'Annales Corbejenses, qui, à l’année 814, dit 
que l'empereur mourut âgé de 70 ans; c'est, enfin, le 
Chronicon Luxoviense, qui renferme ce même chiffre. J'a- 
Jouterai, à titre de renseignement, que la tradition ec- 
clésiastique a adopté la même date : il existe d'anciens 
martyrologes qui le prouvent (1). Mais j'ai hète d'arriver 
au point capital de la discussion, à la question de savoir 
lequel des deux chiffres donnés par Einhard sur l’âge 
qu'avait Charlemagne en mourant, doit être préféré. Mon 
savant ami est tout à fait d'accord avec moi que l’autorité 
d'Einhard doit être mise au-dessus de celle des annales; il 
importe donc avant tout de bien établir quel est le véri- 
table sentiment au sujet de l’âge de l’empereur, de ce 
principal et le mieux informé de tous les auteurs contem- 
porains qui ont écrit sur Charlemagne. 

La classe se rappelle que, m’appuyant de la date posté- 
rieure des Annales d'Einhard, j'avais considéré le chiffre 
donné dans cet ouvrage comme corrigeant le chiffre 
donné par le même Eimhard, dans la Vita Caroli magni, 
qui est antérieure aux Annales. Il en résultait, pour moi, la 


(1) Martyrologium Usuardi monachi; Ed. Sollier, p.74: Apud Aquis- 
granit, depositio Sancti Karoli regis Francorum et imperatoris Roma- 
norum, qui regno et imperio suo pacato ct dilatato, statu quoque sanctac 
ÆEcclesiac religioso ordinato ct fide studiosissime ampliata , anno Domini 
81%, AETATIS VERO SEPTUAGESIMO PRIMO, elc., éransivit ad Dominum. Voyez 
encore Acta Sanctorum Januarii, t. 1, p.874. 


( 710) 


conviction que la naissance de Charles a eu lieu en 745, 
et je me déclarais confirmé dans cette conviction par les 
termes que contient l'inscription du premier tombeau de 
l'empereur. 

Notre honorable confrère commence par faire remar- 
quer qu’on à contesté qu'Einhard soit l’auteur des Annales, 
et il croit qu'on ne puisse prétendre être arrivé là-dessus 
à une entière cerlitude; cependant il finit par se ranger 
à l’avis de Duchesne, de Mabillon et de Pertz, qui attri- 
buent les Annales à Einhard. Je crois qu'après le travail 
si éminent à tous égards, dont M. Pertz a fait précéder son 
édition des Annales dans les Monumenta , il estimpossible 
d'entretenir le moindre doute à ce sujet. Que répondre 
en effet à cet auteur du X”° siècle que Mabillon croit 
être le moine Odilon de S'-Médard, qui cite textuelle- 
ment un long passage des Annales, en désignant explici- 
tement Einhard comme leur auteur. Si toutes les questions 
que soulève la critique dans l’histoire littéraire et poli- 
tique de l’époque carlovingienne, étaient susceptibles d’une 
solution aussi nette et aussi positive que celle-ci, la science 
aurait grandement à s’en féliciter. 

En revendiquant pour Einhard ce monument si im- 
portant, M. Pertz a cherché, en même temps, à établir la 
manière dont les Annales ont été composées. M. Polain 
adopte à son tour l’opinion que lillustre éditeur des Mo- 
numenta émet à ce sujet, et voici comment il la résume : 
« Ïl résulte, dit-il (des recherches de M. Pertz), que les 
» dix ou douze dernières années des Annales ont été rédi- 
» gées après la vie de Charlemagne, sans doute, mais 
» que les précédenteset, par conséquent, l’année 814, où 
» il est fait mention de la mort de l’empereur, sont anté- 
» rieures à ce dernier ouvrage. En un mot, les Annales ne 


(OPEL } 

» doivent être considérées que comme de simples maté- 
»> riaux recueillis successivement par un auteur curieux 
» de garder le souvenir des événements dont il était le 

» témoin. » 

Je partage entièrement cette manière de voir sur les 

Annales : c'est, en effet, un recueil de notes rédigées en 
quelque sorte en présence des événements, et réunies pro- 
bablement à la fin de chaque année. Outre les preuves 
très-concluantes produites par M. Pertz, j'en trouve une 
confirmation, en quelque sorte littérale, dans l'écrit de ce 
moine Odilon qui vivait un sièele après Einhard, et qui, 
en parlant de ses annales, dit : Quae annotino cursu dicti- 
tabat. Mais est-ce là tout ce qu'une étude approfondie des 
annales peut fournir d'éclaircissements sur le mode de 
leur composition, et les circonstances de leur achève- 
ment”? Je ne le pense pas. M. Pertz et M. Polain n'ont pas 
remarqué que les Annales renferment des traces incontes- 
tables de ce que l’auteur, après avoir marqué les faits à 
mesure qu'ils se présentaient, a soumis son travail à une 
révision , circonstance fort naturelle, d’ailleurs, et dont 
l'absence étonnerait chez un écrivain tel qu'Einhard. Cette 
révision à dû être faite postérieurement à l'année 3829, à 
laquelle les annales s'arrêtent, comme à l’époque où Ein- 
hard cessa de prendre une part directe aux affaires publi- 
ques. À différentes reprises, après avoir raconté un événe- 
ment, l’auteur en ajoute d’autres qui se sont passés à la 
suite du premier, non pas la même année, mais à de 
longs intervalles, quelquefois plus de dix ans après, ce 
qu'évidemment il n’aurait pu faire, s'il se fût contenté, 
comme M. Pertz et M. Polain le croient, de marquer à 
chaque année les principaux faits et rien de plus. Quand 
on considère que ces additions font partie intégrante du 


CM? ) 
texte, qu’elles sont fondues avec lui dans un seul récit, 
il devient évident qu'Einhard a ainsi revu et complété 
son ouvrage , en lui donnant, postérieurement à 829, la 
forme sous laquelle nous le possédons. Je citerai deux 
passages qui me semblent mettre la révision hors de tout 
doute. 

Einhard, en parlant de l’expédition contre les Saxons, 
qui eut lieu en 795, raconte que Charlemagne reçut de 
Pannonie une ambassade que lui envoyait l’un des prinei- 
paux chefs des Huns, nommé Thudun (1), avec la promesse 
de se rendre auprès de lui et de se faire chrétien. A l’année 
suivante, 795, Einhard rapporte que Thudun tint sa pa- 
role et vint à Aix trouver le roi. {l fut baptisé avec tous 
ceux qui l'avaient accompagné, reçut des présents, et, 
après avoir prêté serment de fidélité, s'en retourna dans 
son pays. Sed, ajoute Einhard, în promissa fidelitate diu 
. manere noluit, nec multo post perfidiae suae poenas dedit. 
Comme nous trouvons ce même Thudun avec le prince des 
Avares et d'autres chefs des Slaves habitant aux environs du 
Danube, vers la fin de l’an 811, attendant l’arrivée de 
l’empereur à Aix-la-Chapelle, sans qu'Einhard fasse la 
moindre mention d'une disgrâce ou d’un châtiment, dont 
Thudun eût été l’objet, sa défection doit avoir eu lieu pos- 
térieurement à 811. Voilà donc un fait qui arrive au moins 
15 ans après 796, et qui se trouve déjà mentionné dans 
l’annotation consacrée par Einhard à cette année; et com- 


—————— 


(1) M. Pertz croit que le nom de Thudun n’est qu'un nom de dignité, un 
titre, mais voici ce que je lis dans les Annales Laureshamenses, XXVIII, 
(Pertz, Monumenta, t. I, p.56) : Tunc ad Aquis palatio de terra Ævaro- 
rum regulus quidam nomine Topanus, ad domnum regem veniens cum 
comilibus suis, quem domnus rex honorifice suscepit, etc. 


( 715) 

ment expliquer cette anticipation, si ce n'est par la révi- 
sion des annales à leur achèvement. J'en trouve une autre 
preuve plus frappante encore dans les faits suivants. A 
l'an 799, Einhard nous dit que, pendant que Charles pas- 
sait l’hiver à Aix-la-Chapelle, Wido, comte et préfet de 
la Marche de Bretagne, qui, dans la même année, avait 
parcouru toute cette province avec les comtes ses col- 
lègues, vint présenter au roi les armes des chefs bretons 
qui s'étaient rendus à lui. Sur chaque trophée était inscrit 
le nom du chef à qui les armes avaient appartenu. Et puis 
1] ajoute : « La Bretagne paraissait alors entièrement sou- 
» mise, et elle l’eül été, en effet, si l'inconstance de cette 
» perfide nation n’était bientôt venue, comme de coutume, 
» changer la face des affaires. » Or, ce n’est que 12 ans 
après, en 811, qu'eut lieu un nouveau soulèvement des 
Bretons; une seconde révolte éclata en 818, et c’est l’em- 
pereur Louis lui-même qui conduisit l'expédition destinée 
à la combattre; une troisième fois, les Bretons s’insur- 
gèrent en 824. Ce qu'Einhard dit, à l’année 799, de l’in- 
constance et de la perfidie des Bretons, ne peut donc avoir 
été ajouté aux annales que postérieurement à 824. 

Si l’on ne peut ainsi mier que les Annales, après avoir 
été conduites jusqu'en 829, aient été revisées par leur au- 
ieur, ne suis-Je pas autorisé à en conclure que le chiffre 
de l’âge de l’empereur, qu'Eimhard donne en 814, en 
parlant de sa mort, a été maintenu par lui à bon escient, 
et qu'il a entendu, en le maintenant, corriger celui qu’il 
avait attribué à cet âge dans la Vita. 

« Mais, dit notre honorable confrère, on oublie qu'Égi- 
» nard a vécu encore un quart de siècle après avoir 
» achevé la vie de son bienfaiteur. Si l'erreur qu'on nous 
» signale eût réellement existé, pourquoi ne l’a-t-il point 

Tome xxiu, — [ETS PART, 49 


(T4 ) 

» Corrigée dans le texte même de la Vifa? Or, on connaît 
» encore aujourd'hui plus de soixante copies manuscrites 
» de ce dernier ouvrage, et pas une seule ne présente de 
» variante sur ce point : toutes font mourir l'empereur 
» dans sa soixante et douzième année... Cette observation 
» nous paraît décisive et nous dispense d’insister davan- 
» lage là-dessus. » 

Que mon savant ami me permette de me servir de sa 
propre argumentation pour maintenir l'opinion que j'ai 
émise. En 814, Einhard dit que l’empereur mourut ayant 
environ 71 ans, Avant 820, il écrit, dans la Vita, que Char- 
lemagne est mort dans sa 72°° année. Après 829, il main- 
tient, dans les Annales , le premier chiffre qu'il y avait mis 
en 814. Einhard a vécu encore 15 ans après avoir achevé 
les Annales. Si l'erreur que contient, d’après M. Polain, le 
premier chiffre, eût existé réellement dans l’opinion d'Ein- 
hard, pourquoi ne l’a-t-1l point corrigée dans le texte des 
Annales? Or,on connaît aujourd’hui encore plus de douze 
copies manuserites des Annales, et pas une ne présente de 
variante sur ce point : toutes font mourir l'empereur dans 
sa soixante et onzième année. Cette observation me parait 
décisive et me dispense d’insister sur ce point. 

Il me reste à répondre aux observations que notre hono- 
rable confrère à présentées sur la signification du terme 
de septuagenarius, qui se trouve dans l'inscription placée 
sur le premier tombeau de l’empereur. Mon savant ami 
invoque l’ordonnance civile de 4667, et un article du code 
Napoléon, pour prouver que le mot de septuagénaire doit 
être pris dans un sens large, désignant une personne âgée 
de 70 ans et plus, et non pas dans le sens striet que je lui 
avais assigné. Quelque respectables que soient ces auto- 
rilés, je doute cependant qu’elles soient bien compétentes 


(715 ) 

pour déterminer le sens rigoureux d’un terme employé 
dans une inseription du IX"° siècle. Je m'en tiens à la 
définition que le classique Forcellini en donne et qui est 
celle-ci : Septuagenarius, annos natus septuaginta, et il 
cite à l'appui précisément ce même passage du Digeste 
que mon savant ami invoque pour prouver la justesse de 
son interprétation. Quant à la variante qui se trouve dans 
quatre manuserits de la Vita, et qui substitue au mot de 
septugenarius ceux de LXXIP aetatis anno, je me borne 
à faire remarquer que ces quatre manuscrits ne sauraient 
faire autorité contre les cinquante-six, qui donnent la 
leçon de septuagenarius, et cela d'autant moins, qu'aucun 
d’eux n'appartient à la famille des manuscrits qui, d’après 
M. Pertz, proviennent de l’autographe d'Einhard , et que la 
correction est évidemment faite dans le but de faire dispa- 
raître la différence qui existe entre le chiffre de linserip- 
tion et celui qu’on lit au chapitre XXX de la Vita. Mon 
savant ami voudra, en outre, se convaincre, que celle 
prétendue correction renferme une erreur chronologique 
assez forte : elle donne à l’année de la mort de l'empereur 
la date de la VE"° indiction, tandis que ce fut la VII" 1n- 
dietion, comme l'inscription le dit avec une parfaite Jus- 
Lesse. 

À la suite des considérations que je viens de développer, 
je pourrais peut-être me croire en droit de conclure au 
maintien pur et simple du chiffre de 745. Cependant, 
J'aime mieux offrir une transaction à mon honorable con- 
frère, je lui demande d'admettre qu’à côté de la tradition 
qui assigne à la naissance de Charlemagne la date de 742, 
il en existe une autre fort ancienne, appuyée d’autorités 
fort respectables et qui place cet événement à l’année 745, 
et qu'aussi longtemps que de nouveaux documents ne se- 


( 716 ) 

ront pas venus apporter de nouvelles lumières, il doit être 
loisible d'opter entre ces deux chiffres, qui présentent l’un 
autant de vraisemblance que l’autre. À mon tour, je recon- 
naîtrai volontiers qu’il résulte des faits invoqués par mon 
savant ami, à la fin de sa belle et remarquable étude, que, 
quand même Charlemagne serait né en 745, dans l’état 
actuel de la science, il est historiquement probable que 
c’est en Neustrie que le héros franc a vu le jour. 


— 


Encore Charlemagne; note par M. Polain, membre de 
l'Académie. 


Je ne me propose point de répliquer à mon confrère 
M. Arendt. La classe, en maintenant à son programme la 
question du lieu de naissance de Charlemagne, a indirec- 
tement renoncé à porter un jugement sur la valeur du 
système que j'ai développé devant elle; toute discussion 
ultérieure sur ce point est donc devenue inutile. Je de- 
mande seulement la permission d'expliquer, en peu de 
mots, la position que j'ai prise dans ce débat et de pré- 
ciser les résultats qu’il a produits. 

Chargé de l’examen des mémoires adressés à l’Acadé- 
mie, au sujet du concours extraordinaire dont elle a ac- 
cepté d'être juge, et n'ayant trouvé dans aucun d'eux la 
solution demandée, je voulus, à mon tour, étudier la ques- 
tion, et tenter d'y jeter quelque lumière. Je retirai de 
cette étude la conviction la plus absolue que Liége ne 
peut invoquer l'ombre d’une preuve sérieuse à l’appui des 
prétentions qu’on lui a attribuées de nos jours, et que la 
probabilité historique est tout entière en faveur de lopi- 


(A7) 


nion qui place en Neustrie le berceau du grand empereur. 

Bien qu'un tel résultat contrariät mes sentiments pa- 
triotiques, je n’hésitai point à le proclamer. Cela fait, 
j'avais un devoir à remplir envers ma ville natale, celui de 
provoquer, dans le sein de l’Académie, une discussion 
approfondie sur mes conclusions, et de les livrer à toutes 
les sévérités de la critique. Je demandai, en conséquence, 
qu'une commission de trois membres fût nommée pour 
juger mon système, et l'honorable M. Arendt, à qui j'en 
exprime ici toute ma gratitude, voulut bien accepter les 
fonctions de rapporteur. 

J'avais présenté une double solution du problème: dans 
la première partie de mon travail, j'établissais l’impossi- 
bilité historique des traditions belges et allemandes; je 
prouvais que la tradition liégeoise est d'invention moderne, 
et que tout ce qu'on a pu dire à ce sujet repose sur des 
textes tronqués ou faussement interprétés. 

Dans la seconde partie, je ne me bornais plus à une 
solution négative pour Liége; j'en proposais une affirma- 
live pour la France , et, m'appuyant de monuments appar- 
tenant exclusivement au VIII" siècle et aux premières 
années du IX", je démontrais que Charlemagne a dû 
naître sur les bords de l'Oise, entre Compiègne et Paris. 

Cette dernière a seule été l’objet d’une appréciation cri- 
tique de la part de mon savant ami M. Arendt, et après 
une discussion portant uniquement sur la date de la nais- 
sance du fils de Pepin le Bref, l'honorable rapporteur 
reconnaît aujourd'hui que, n'importe l’année où Charle- 
magne ait vu le jour, 742 ou 745, la probabilité histo- 
rique est acquise au Système qui place son berceau en 
Neustrie. C’est la thèse que j'ai soutenue. 

Quant aux arguments que j'ai développés à l'appui d’une 


(718) 


solution négative de la question, aucun de mes confrères 
n'a essayé de les ébranler. 

Il ne me reste plus qu’à attendre les objections des 
savants qui prendront part au prochain concours. Je sou- 
haite, sans l’espérer, que l’un d'eux, puisant à des sources 
demeurées inconnues jusqu’à ce jour, réussisse à doter 
mon pays d’une gloire que je me suis vu contraint de lui 
refuser : personne n’en sera plus heureux que moi, et j'ap- 
plaudirai des premiers à son triomphe. 


mr 


(719 ) 


CLASSE DES BEAUX-ARTS. 


nee 
ere] 


Séance du 4 décembre 1856. 


M. De Kevzer, directeur. 
M. Querecer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, 
Navez, Roelandt, Suys, Van Hasselt , J. Geefs, Érin Corr, 
Snel, Fraikin, Partoes, Baron, Ed. Fétis, De Busscher, 
Portaels, membres ; Demanet, Balat, correspondants. 


CORRESPONDANCE. 


M. le Ministre de l’intérieur transmet les livraisons 65 
à 75 de l'ouvrage de M. Lepsius, sur l'Egypte, offert à 
l’Académie par S. M. le roi de Prusse. — Femerciments. 


— Après la lecture de plusieurs lettres, M. Fétis père 
fait hommage à la classe d’un exemplaire d’une notice 
qu'il vient de publier sur Antoine Stradivari, l'uthier cé- 
lébre connu sous le nom de Stradivarius. L'auteur commu- 
nique à cette occasion différents détails intéressants pour 
lesquels la classe lui exprime ses remerciments. 


TET: F 


( 720 ) 


COMMISSIONS, 


La classe réélit les membres composant son ancienne 
commission des finances : MM. Ed. Fétis, Fraikin, G. 
Geefs; Snel, Van Hasselt. | 


— [La commission relative aux grands concours de 
Rome fait connaître qu’elle n’a pas encore terminé son 
rapport. 


— La classe entend ensuite le rapport de ses commis- 
saires sur une demande faite par M. le Ministre de l’inté- 
rieur, au sujet des paroles de la cantate mise périodique- 
ment au CONCOurs : 

« M. Daussoigne, dit M. le Ministre, propose qu'en 
conséquence de l'expérience faite depuis plusieurs années, 
le concours (pour le poëme) soit supprimé ; que le Gou- 
vernement, après avoir consulté un comité de musiciens, 
désigne lui-même le sujet à traiter , et charge un littéra- 
teur de le traiter. | 

« Le jury, ajoute M. le Ministre, ne s’est pas prononcé 
sur cette proposition, qu'il s’est borné à insérer dans son 
procès-verbal et à soumettre au Gouvernement. Il me se- 
rait agréable , M. le secrétaire perpétuel , que vous voulus- 
siez bien la communiquer à la classe des beaux-arts, et 
me faire connaître ensuite son avis le plus tôt possible. » 


— La classe des beaux-arts, par suite de la réception de 
cette lettre, avait nommé une commission qui, par l'or- 
gane de M. F. Fétis, lui a présenté le rapport suivant (Com- 
missaires : MM. F, Fétis, Baron, Van Hasselt) : 


CAT ) 


RAPPORTS. 


ns 


Sur le concours pour les poèmes de composition musicale. 
apport de PT, Fétis. 


« La classe des beaux-arts ayant, sur la question sou- 
levée par M. Daussoigne-Méhul , dans sa lettre du 7 octobre 
dernier, adopté lavis que le concours doit être maintenu 
pour les poëmes des cantates données comme sujets des 
concours de composition musicale, sous la réserve que 
des conditions de forme et détendue de ces poëmes se- 
raient imposées aux concurrents par un programme, la 
commission nommée pour présenter à la classe un rapport 
concernant ces formes et ces limites, après en avoir déli- 
béré, croit devoir indiquer les conditions suivantes, qui 
lui paraissent propres à atteindre le but que la classe se 
propose. 

La commission S’est placée, dans son travail, au point de 
vue des conditions les plus favorables à l’œuvre du musi- 
cien ; toutefois elle n’a pas prétendu rendre ces conditions 
si ricoureusement obligatoires qu’on ne püût s’en écarter 
quelquefois, à cause de la nature du sujet et de la poésie, 
Au jury appartiendra la mission de décider de l'opportu- 
nité et du mérite des exceptions : 
4° Les cantates, bien qu'ayant pour sujet ou un fait 
historique , ou une création idéale, susceptibles de mouve- 
ment et d'expression dramatiques , ne doivent pas être assi- 
milées au développement d'un drame en action , ni coupées 
par scènes et par actes. La cantate est simplement une 


(72 ) 


pièce de poésie ayant pour objet d'exprimer les sentiments 
d’un ou de plusieurs personnages, et l’auteur ne doit pas 
y supposer des entrées en scène et de sorties qui ne seraient 
pas intelligibles en l'absence de la représentation théâtrale. 

2° La division d’une cantate en trois parties ou périodes 
est la plus favorable au développement des moyens d’eflet 
de la musique, ainsi qu’à la variété du style. Dans la pre- 
mière doit se trouver l’exposition du sujet par un récitatif 
de huit, dix ou douze vers alexandrins au plus ou de vers 
de dix syllabes. 

Ce nombre de vers ne doit pas être beaucoup dépassé , 
parce qu'un récitatif trop long tombe dans la monotonie. 

5° Au récitatif doit succéder un couplet destiné à la 
forme d’un air appelé cavatine, c’est-à-dire, air d’un seul 
mouvement sans reprise, et conséquemment sans retour 
des premiers vers. Ce couplet ne doit pas avoir plus de 
huit vers de huit syllabes. 

La disposition des vers à rimes croisées est la plus favo- 
rable à la musique. Si le poëte préfère des vers plus courts, 
par exemple, de six ou de sept, il peut les disposer par 
irois vers à rime féminine suivis d’un quatrième à termi- 
naison masculine rimant avec le huitième. Cette forme 
offre à la musique des moyens de bonnes cadences rhyth- 
miques. Les vers de neuf à deux césures est aussi favo- 
rable à la mélodie. 

4 Après l'air, il faut un récitatif plus rapide que le 
premier ; on doit y préférer le vers de dix au vers alexan- 
drin : l'intérêt de la situation doit y progresser, et les 
sentiments du personnage unique, ou de plusieurs dialo- 
guant, doivent y prendre un caractère plus animé, plus 
énergique. Huit, dix ou douze vers au plus doivent fermer 
ce récitatif. 


( 723 ) 

> S1l n’y à qu'un personnage dans la cantate, Pair qui 
suit le deuxième récitatif peut être un rondeau à deux 
reprises : le poëte peut substituer à celte forme deux cou- 
plets de romance. S'il préfère le rondeau, les couplets qui 
séparent les retours ne doivent pas avoir plus de quatre 
vers chacun. Le vers de six est le meilleur pour ce genre 
de morceau. 

S'il y a deux personnages dans la cantate, le rondeau 
est remplacé par un duo, dont les ensembles reviennent 
aussi dans cette forme. 

6° Après l'air ou le duo, le sujet arrive à son dernier 
développement, et prend un caractère plus passionné dans 
un troisième récitatif et dans le morceau final. L’étendue 
du récitatif est à peu près celle des deux autres. I doit être 
suivi d’un air, d’un duo ou d’un trio, selon la nature du 
sujet. Ce morceau peut être d’un seul mouvement animé, 
ou être divisé en trois parties, à savoir : un mouvement 
vif suivi d'un cantabile, auquel succéderait un dernier 
allégro énergique. Si lon adopte la coupe des vers la plus 
convenable pour un morceau à trois mouvements, les cou- 
plets doivent être courts : car il est plus facile au musicien 
de former sa période en répétant les paroles, que de faire 
chanter beaucoup de vers. 

7° Les chœurs peuvent être introduits dans la cantate: 
mais 1l est nécessaire de ne pas les faire entendre trop tôt 
et de les faire taire ensuite; car les chœurs ont une puis- 
sance d'effet qui nuirait à la suite de l'ouvrage. D'autre 
part , si le musicien devait faire entendre les chœurs pen- 
dant toute la durée de la cantate, il n’éviterait pas la 
monotonie. Ce n’est donc que dans la seconde partie de 
l'ouvrage, et mieux encore dans la troisième, que les 
chœurs sont placés d’une manière avantageuse. 


( 124 ) 

Les vers destinés à être chantés par le chœur doivent 
être courts et en petit nombre, afin qu'ils aient beaucoup 
de force rhythmique. 

8 La coupe des vers doit fixer l'attention des concur- 
rents; car l’effet de la musique est en raison de la régula- 
rité du rhythme, et cette régularité n'est possible pour le 
musicien qu'autant qu'elle existe dans la poésie. Non-seule- 
ment les vers destinés à un air, à un morceau de musique 
quelconque, doivent être de même mesure, sauf un petit 
nombre d’exceptions pour des cadences inattendues, mais 
les repos, les syllabes accentuées, doivent tomber aux 
mêmes places; car le rhythme n’est autre chose que la 
symétrie dans le temps. » 


La classe a donné son adhésion à ce rapport, et il a été 
décidé qu'il en serait donné communication à M. le Mi- 
nistre de l’intérieur, 


nes 
pong 
GHA 


COMMUNICATIONS ET LECTURES. 


Artistes belges à l'étranger : PAuL Francnoys et AmBRoise 
Dugois; par M. Édouard Fétis, membre de l’Académie. 


Pauz FRrANCHOYS. 


Nous sommes obligé de commencer par donner un 
nom à l'artiste dont il va être parlé dans cette notice, ou 
du moins par lui restituer celui qui fui appartenait , et 
dont les biographes italiens l'ont dépouillé, pour lui en 
attribuer un de fautaisie. Nous avons déptoré plusieurs 


0125 ) 

fois, et celle-ci ne sera pas la dernière, le peu de respect 
que les écrivains ultramontains ont toujours témoigné 
pour les noms propres. Ces écrivains semblent avoir pensé 
qu'un homme ne pouvait pas s'illustrer sous le nom qu’il 
avait reçu de ses ancêtres, et qu'il fallait lui donner, en 
quelque sorte, le baptême du mérite et de la gloire. C’est 
à l’égard des artistes surtout qu'ils en ont usé ainsi. Com- 
bien de peintres, de statuaires, de graveurs, d'architectes 
célèbres, ne sont connus en Italie que sous des noms d’em- 
prunt, dont l’origine se perd dans le vague des traditions ! 
Aucune règle ne préside à ce changement d'état civil. 
Tantôt, c'est du lieu de sa naissance que l'artiste reçoit son 
nouveau nom , tantôt c’est de la profession qu’exerçait son 
père, tantôt enfin c'est du genre auquel il s’est appliqué, 
ou de la nature de son talent. C'est ainsi que Paolo Ca- 
liari devient Paolo Veronese ; Francesco Mazzuoli, il Par- 
migiano ; Jacopo Robusti, il Tintorelto; Gérard Honthorst, 
Gherardo delle Notti; Van Bloemen, Orizzonte: P. Van 
Laar, à Bamboccio. 

Le plus souvent, lorsqu'il s'agissait d'un artiste de notre 
pays, la chose se simplifiait pour les Italiens, et se com- 
pliquait pour nous : on lPappelait du nom de son pays, joint 
à son prénom. C'étaient Giovanni Fiammingo, Francesco 
Fiammingo, Cornelio Fiammingo. Quelquefois on abrégeait 
encore, et il ne restait que à Fiammingo. Zani ne compte 
pas moins de soixante-quatre maîtres différents, qui ont 
été désignés par certains auteurs italiens sous le seul nom 
d'il Fiammingo. Il n’est pas toujours facile de reconnaitre 
parmi ces nombreux Fiammingo celui que l’on cherche, 
car il en est plusieurs qui ont vécu dans le même temps et 
qui ont traité le même genre. 

JL arrivait aussi que les biographes italiens traduisaient 


( 726 ) 

les noms étrangers, et le cas est embarrassant, quand ils 
ont appliqué cette méthode à des artistes qui, partis 
jeunes de leur pays, n’y ont pas laissé de traces. Il en est 
ainsi du peintre dont il va être parlé, et qui est cité, d’après 
les auteurs italiens, sous le nom de Franceschi, dans plu- 
sieurs recueils biographiques. Ce peintre est né à Anvers; 
or, il est de toute évidence que Franceschi n’est point un 
nom flamand, et que la traduction l’a défiguré. Pour 
prouver que la restitution du nom de Franchoys, inscrit 
en tête de cette notice, n'est point arbitraire, nous allons 
dire sur quelles autorités nous nous sommes appuyé. 

Notre artiste est désigné par Ridolli, par Lanzi, dans 
son Histoire de la peinture italienne, et par Orlandi, dans 
l’Abecedario piltorico, sous les noms de Paolo Franceschi 
de’ Freschi. C'ést également ainsi, ou simplement Paolo 
Fiammingo, que l’appelent les auteurs des descriptions des 
richesses artistiques de Venise. Nous fûmes premièrement 
mis sur la-voie de son véritable nom par les inscriptions 
de gravures qu'ont faites d’après ses tableaux J. Matham 
et Aeg. Sadeler. Ces inscriptions portent : Paulus Fran- 
ciscus inv. L'artiste ainsi désigné devait donc s'appeler 
François ou Franchoys. Ces deux noms étaient assez com- 
muns dans nos provinces; ils ont été portés par plusieurs 
familles de peintres de Malines et d'Anvers. Il nous restait 
à choisir entre les deux. Ce choix nous fut dicté par Zani, 
le savant et consciencieux auteur de l’Enciclopedia meto- 
dica delle belle arti, qui s'est attaché particulièrement, 
dans son volumineux catalogue des artistes de toutes les 
écoles, à rétablir la véritable orthographe des noms altérés 
ou estropiés, et qui a recouru, pour opérer ses rectifica- 
tions, aux sources les plus authentiques. Suivant la règle 
qu'il à généralement suivie, il indique les différents noms 


(727) 


qui ont été donnés à tort au peintre flamand : Paul Fran- 
choys, dit-il, et non Franchois, ni Francheys, ni Fran- 
keys, ni Franchis, ni Francis, ni François, appelé Paolo 
Franceschi ou Francesco Paolo de’ Freschi et Paolo Fiam- 
mingo. À toutes ces faussés appellations, Zani aurait pu 
ajouter celle de Paulus Flandricus, qui est donnée au 
peintre anversois par l’auteur du somptueux ouvrage im- 
primé à Leyde, par les soins de Pierre Vander Aa, sous le 
titre de Splendor magnificentissimae urbis Venetiarum. 
Paul Franchoys est né à Anvers en 4540. On connaît 
cette date parce qu’on sait qu'il était âgé de cinquante-six 
ans, lorsqu'il mourut à Venise en 1596. Du reste, on n’a 
aucun renseignement sur sa famille n1 sur ses études. Les 
faits de sa carrière, antérieurs à son arrivée en Italie, sont 
absolument ignorés. On est fondé à supposer qu’il vint 
très-jeune à Venise. Ridolfi nous apprend qu’à son arrivée 
dans cette ville, Paul Franceschi (nous dirons désormais 
Paul Franchoys), entra dans l'atelier du Tintoret. « Ce 
serait, dit le biographe italien , une longue fatigue de re- 
chercher les noms de tous les peintres qui étudièrent les 
œuvres du fameux Tintoret, car 1l n’yfavait pas à Venise 
d'italiens ou d'étrangers qui ne copiassent ses tableaux, ou 
qui ne s'eflorçassent d'obtenir ses conseils. Le grand maître 
ne voulait pas cependant voir sa maison remplie d'élèves; 
il y admettait seulement ceux desquels il pouvait retirer 
quelque service. De ce nombre, furent Paulo Fiammingo 
et Martin De Vos, qu'il employa à peindre des paysages dans 
ses tableaux. » Lanzi s'exprime dans le même sens : « A 
l'exception de ses deux enfants, dit-il, Jacopo n’eut qu'un 
petit nombre de disciples, jugés par lui capables de le 
seconder. Tels furent Paulo Franceschi ou de Freschi, 
Flamand, et Martin De Vos d'Anvers, qui lui faisaient ses 


( 728 ) 
paysages. Le premier fut regardé comme un des meilieurs 
paysagistes de son temps, et devint même un assez bon 
peintre de figures. » 

Le Tintoret, peu désireux sans doute de communiquer 
les secrets de son art admirable, n’admettait, en effet, 
qu'un petit nombre d'élèves, et seulement, comme le disent 
les auteurs que nous venons de citer, à la condition qu'ils 
fussent en état de lui rendre service. En faisant ce calcul 
d’égoisme , il se rappelait que lui-même avait eu peu à se 
louer de son maître, le Titien , qui, par un mouvement de 
jalousie inexcusable chez un aussi grand artiste, l'avait 
renvoyé de son atelier, comme ne montrant pas de disposi- 
tions pour la peinture; mais ce souvenir n’aurait-il pas dû, 
au contraire, lui inspirer plus de bienveillance pour les 
jeunes artistes ? Quoi qu'il en soit, la faveur qu’il accorda 
à Paul Franchoys et à Martin De Vos de les recevoir au 
nombre de ses disciples, ne fut que plus honorable pour 
nos Flamands, puisqu'elle ne pouvait s’obtenir qu’au prix 
d'une coopération que bien peu étaient aptes à lui prêter. 

Si Jacopo Robusti adopta une manière expéditive pour 
exécuter les immenses travaux qui lui étaient commandés, 
s’il finit par improviser ses compositions, auxquelles on lui 
reprocha de ne plus apporter, dans les derniers temps, le 
soin qui les eût rendues plus parfaites, il n’avait pas oublié 
les études sévères de sa jeunesse, et, ces mêmes études, il 
les exigeait de ses élèves. Ceux-ci pouvaient lire sur Îles 
murs de son atelier l’inscription qu’il y avait tracée jadis : 
« Le dessin de Michel Ange et le coloris du Titien » et 
qu'il laissa subsister après que son génie se fut émancipé. 
Paul Franchoys, doué de linstinct qui fait les bons peintres, 
devait avancer rapidement sous un tel maître. Les travaux 
auxquels le Tintoret l'employait pour lui faire payer ses 


“ 


( 729 ) 

leçons, aidaient considérablement à ses progrès. Obligé 
d'harmoniser ses fonds de paysages avec les premiers plans 
des tableaux auxquels ils devaient s'adapter, il prit le coloris 
vénitien, pour lequel les Flamands ont toujours eu, d’ail- 
leurs, du penchant, à cause de l’analogie qu’il offre avec 
celui de leur école. C’est par les conseils du Tintoret, et 
surtout en le voyant opérer, que Franchoys apprit à traiter 
la figure, qu'il n'avait d’abord étudiée que d’une manière 
tout à fait accessoire. 

Boschini a dit ce qui suit de notre artiste, dans sa Descri- 
zione di tutte le publiche pitture della citta di Venezia : 
« Paulo Franceschi, bien qu’il apprit du Tintoret les prin- 
cipes de lart de peindre, ne put cependant pas s’appro- 
prier sa manière. Îl n’en fut pas moins habile (valoroso), 
particulièrement dans le paysage. Il étudia de lui-même 
les maîtres classiques alors vivants, et se forma une bonne 
manière, comme coloris et comme dessin. Enfin, il fut un 
bon peintre et travailla avec goût; mais il n’atteignit pas 
à la chaleur et à l'esprit de l'école italienne. » Quoique les 
éloges donnés par Boschini à Paul Franchoys ne soient 
pas sans restrictions, ils confirment les jugements portés: 
sur notre Flamand par les auteurs que nous avons déjà 
cités. Que Paolo Fiammingo, comme disent les Italiens, 
n'ait pas pu s'approprier la manière de Jacopo Robusti, 
qu'il ne soit pas devenu un autre Tintoret, c’est ce qu'il 
est inutile de dire. On peut être un fort bon peintre, sans 
élever jusque-là ses prétentions. 

Paul Franchoys jugea, enfin, qu'il était de force à se 
passer d’un guide, ce guide füt-il le Tintoret. Il prit congé 
de son maître et se fit connaître par des œuvres de son 
invention, Ridolf nous dit qu'il travaillait dans Ja manière 
vénitienne, et il n’est pas d'accord en cela avec Boschini, 

Tome xxu1, — Il" parr. 90 


( 750 ) 

qui prétend, comme on vient de le voir, que le Fiammingo 
n’atteignit pas à la chaleur de l’école italienne. Ses paysages 
étaient très-estimés des amateurs; mais il eut l'ambition 
de se distinguer dans un genre plus élevé, et il y réussit. 
Il peignit pour l’église des Frari, deux tableaux ayant pour 
sujets , l’un le Christ descendu de la croix et reposant sur 
les genoux de la Vierge, l’autre la prédication de saint Jean- 
Baptiste. Dans ce dernier, le paysage est admirable. Sui- 
vant Ridolfi, on y voit des arbres qui semblent véritable- 
ment agités par le vent. Le site pittoresque où l'artiste à 
placé l’action, est traversé par un fleuve que sillonnent de 
nombreuses barques, amenant un peuple avide d'entendre 
la parole du saint. L'auteur de l'ouvrage intitulé : Della 
piliura Veneziana, attribue à Palma jeune le tableau du 
Christ déposé de la croix, indiqué comme étant de Paul 
Franchoys par Boschini, par Ridolfi et par tous les au- 
teurs qui ont écrit sur l’histoire des beaux-arts à Venise; 
mais 1l est évidemment dans l'erreur, car ce tableau a été 
gravé par J. Matham, dont l’estampe porte en toutes lettres 
le nom de notre artiste. On remarque encore dans l’église 
des Frari de belles peintures de l'élève du Tintoret, repré- 
sentant d’un côté Adam et Eve, de l’autre Caïn et Abel 
accomplissant le sacrifice. Certes, il fallait être plus qu'un 
peintre de paysage pour traiter de tels sujets, et surtout 
pour les traiter de manière à ce qu’un critique compétent 
attribuât à Palma la page où l’un d’eux était magistrale- 
ment développé. 

Il est un témoignage plus concluant encore du mérite 
de Paul Franchoys : c’est qu'il fut chargé de peindre, dans 
la salle du grand conseil du palais ducal, où sont tant 
de chefs- d'œuvre du Tintoret, de Titien, de Paul Vero- 
nêse, de Palma, du Bassan, un tableau représentant le pape 


( 781 ) 

Alexandre IIF, donnant sa bénédiction au doge Zinni, par- 
tant pour aller combattre l’empereur Frédéric. Après avoir 
décrit cette composition, Ridolfi ajoute qu’on y remarque 
des figures d’un beau faire, et par lesquelles on peut juger 
des progrès que l'artiste avait faits dans l'atelier du Tin- 
toret. Cette œuvre capitale de Paul Franchoÿs a été gravée. 

La présence seule du tableau du peintre d'Anvers dans 
le palais ducal témoigne de l'estime qu’on faisait de son mé- 
rite à Venise, puisqu'il était admis à placer ses œuvres au- 
près de celles des plus grands maîtres; mais ce n’est pas 
la seule conclusion qu'il y ait à tirer de ce fait important. 
Nous y voyons une nouvelle preuve de la confraternité qui 
régnait jadis parmi les artistes, et qui n'existe plus, on est 
bien obligé de le reconnaître. Nous avons déjà fait cette 
remarque en parlant, dans des notices précédentes, de lac- 
eueil que reçurent plusieurs de nos peintres à l'étranger; 
et si nous revenons sur ce chapitre, c'est que la circon- 
stance qui nous y ramène est encore plus significative que 
toutes celles auxquelles nous avons pu faire allusion. Que 
dirait-on, chez nous, si le gouvernement chargeait un ar- 
tiste étranger de l'exécution d’une œuvre destinée à con- 
saerer le souvenir d’un glorieux épisode de nos annales, et 
dont la place serait marquée dans le palais de la Nation ? 
Cest cependant une mission semblable que reçut Paolo 
Fiammingo des magistrats de Venise, et nul ne songea à 
critiquer ces derniers de la lui avoir donnée. S'il y a plus 
de patriotisme dans les sentiments qu’on professe aujour- 
d’hur, à coup sür il y avait plus de générosité dans ceux 
qui guidaient nos pères. 

La réputation de Paul Franchoys s'était étendue. Il reçut 
de l’empereur Rodolphe la commande de deux tableaux 
qui furent exposés au palais ducal, à ce que nous apprend 


( 732 ) 

Ridolfi, et qui reçurent de grands éloges, principalement 
pour la beauté et pour la vérité des draperies de satin et 
de velours. On sait si les artistes vénitiens excellaient à 
rendre les étoffes. Il faut donc que l’habileté du peintre 
anversois se soit signalée d’une façon peu ordinaire, pour 
lui avoir valu des louanges unanimes. Des deux tableaux 
qu'ils avaient faits pour l'empereur, l’un avait pour sujet 
la Fortune debout sur une sphère, et distribuant ses fa- 
veurs à ceux qui l’entouraient; l’autre était une assemblée 
des Vertus, personnifiées dans une suite de figures allégo- 
rIques. 

Ridolfi donne la description de plusieurs tableaux peints 
par Paul Franchoys pour de riches particuliers de Venise. 
Le jurisconsulte Pierre Gradenico avait de lui cinq com- 
positions. La première représente, dit le biographe italien, 
un sacrifice à Flore. La déesse apparaît dans le ciel pendant 
que les prêtres brûlent des parfums sur l’autel. Un satyre 
porte sur ses épaules un chevreau pour le sacrifice, un 
autre présente un vase de fleurs, et des centaures viennent 
chargés de gibier. Dans le second, on voit les Beaux-Arts 
représentés par des femmes qui se livrent à diverses occu- 
pations. L'une mesure le globe de la terre, une autre est 
occupée à peindre, une troisième fait de la sculpture, une 
quatrième relève, à l’aide d’un instrument, les dimensions 
d'un édifice. La déesse Junon se promène, vers le fond, 
dans un beau jardin. Le troisième tableau avait pour sujet 
un concert mythologique. Voici l'ordonnance de la compo- 
sition : Apollon joue de la lyre au bord d’un lac, Mercure 
l'accompagne sur la flûte, et des sirènes mélent leurs voix 
aux sons des instruments. Ce sont encore des divinités 
paiennes qui participent à l’action du quatrième tableau. 
D'un côté, sont les hôtes de l'Olympe: Jupiter, Neptune, 


( 7135 ) 

Vulcain, Vénus; de l’autre, de simples mortels, hommes 
et femmes, au milieu d’une fête. L'amour décoche ses flèches 
aussi bien à droite qu'à gauche, ce qui tend à prouver que 
les dieux eux-mêmes ne sont pas à l'abri des traits du per- 
fide enfant. Le cinquième tableau est une bacchanale où 
des faunes, des satyres et des nymphes bocagères s’occu- 
pent des apprêts d’un festin. 

« Paolo, dit Ridolfi, fut par-dessus tout un excellent 
peintre de paysage; il rendait la nature d’une gracieuse 
manière, que n’égala aucun autre maître flamand. Un de 
ses tableaux les plus célèbres dans ce genre est celui dit 
des Centaures, peint pour l’Aliense, où sont représentés 
plusieurs de ces demi-chevaux chassant. Il excita l'envie 
des autres professeurs et passa dans beaucoup de mains. » 

L’Aliense (Antonio Vassilacchi) pour lequel Paul Fran- 
choys avait fait ce beau paysage des Centaures , fut con- 
disciple de notre artiste dans l'atelier de Tintoret, où il 
entra en quittant celui de Paul Véronèse. En lui donnant 
un de ses meilleurs ouvrages, Franchoys l’avait traité en 
ami, en artiste. Les bons tableaux ne se donnent plus, 
même à un ami, dans le temps où nous vivons : ils se ven- 
dent, On sait trop le prix des choses pour en faire si bon 
marché. | 

Ridolfi cite d’autres productions du Fiammingo, connues 
et estimées des amateurs de Venise. C’est d’abord un déli- 
cieux paysage, pour nous servir de ses expressions, que pos- 
sède le patricien Francesco Bergoncio, puis une série de 
compositions allégoriques des saisons, où l'artiste a dé- 
ployé une remarquable fécondité d'imagination. 

Aux tableaux de Paul Franchoys cités par Ridolfi, il 
faut ajouter plusieurs compositions religieuses que la gra- 
vure nous a fait connaître. Telles sont : 


(734) 


1° Une sainte Madeleine pénitente dans le désert, avec 
une ville en perspective, accessoire d’une vérité de couleur 
locale très-contestable, 2° La naissance du Sauveur, où l’on 
voit la Vierge et saint Joseph prosternés devant le nouveau- 
né. 5° Une sainte famille entourée par des anges. Le pre- 
mier de ces tableaux est gravé par Gaspar ab Avibus ou 
Patavinus, nommé encore Gasparo Padavano, élève de 
Georges Ghisi. Les deux autres sont dus au burin de Gys- 
bert Van Veen, frère d'Octave Van Veen (Otto Venius), 
qui voyagea en [italie avec ce dernier, et grava dans la mai- 
son de Corneille Cort. 

Outre les tableaux d'église et celui du palais ducal, on 
voit encore de Paul Franchoys, à Venise, dans la galerie 
de l’Académie, un paysage avec l'Enfant prodigue gardant 
les pourceaux. | 

Florent Le Comte s'exprime ainsi en parlant de notre 
artiste : &« Quant à Paul Franceschi, il a inventé quel- 
ques pièces de paysages , où 11 y a des sujets un peu li- 
bres. Gilles Sadeler en a gravé cinq pièces en large, dont, 
entre autres, un Bain de Diane. » Nous ne voyons rien, 
dans l’œuvre de Paul Franchoys, qui justifie le reproche 
que semble lui adresser l’auteur d’avoir traité des sujets 
trop libres. Il a peint des figures nues comme dans le 
Bain de Diane, gravé par Sadeler; mais cela fut-il jamais 
considéré comme de la licence ? 

Nous ne connaissons pas de portraits de Paul Fran- 
choys; cependant il paraît hors de doute qu'il en fit d’es- 
iimés. On lit dans l’ouvrage intitulé : Della pittura vene- 
ziana, que nous avons cité plus haut : « Paolo Franceschi, 
disciple de Tintoret, et qui étudia les œuvres des plus 
grands maîtres, fut excellent pour le paysage. Il fit aussi 
très-bien les figures et le portrait. » Les indications fournies 


(755 ) 


par Zani sont formelles à cet égard. Paul Franchoys est dé- 
signé, dans l’Enciclopedia metodica delle belle arti, comme 
« paysagiste, peintre d'histoire, tant sacrée que profane, et 
peintre de portraits. » La qualification jointe à son nom 
est celle de bravissimo ; superlatif accordé par l’auteur aux 
artistes de grand mérite. 

Paul Franchoys peignait aussi les animaux, et se mon- 
trait dans ce genre aussi habile que dans le paysage. 
« Paolo, ainsi parle Ridolfi, à fait plusieurs Triomphes des 
éléments, où il a placé un grand nombre d'animaux divers, 
des oiseaux , des poissons , etc. On lui doit encore des Sai- 
sons, dans l’invention desquelles il se montra un artiste de 
grande valeur. » 

« Enfin, ajoute le biographe italien, après avoir tra- 
vaillé longtemps à la satisfaction de la ville, Paolo mourut 
en 1596 , âgé de cinquante-six ans, et par le grand talent 
dont il fit preuve, durant son long séjour à Venise, il ho- 
nora sa nation. » 

C’est un devoir pour la nation que ses enfants honorent 
à l'étranger, de payer à leur mémoire un tribut de recon- 
naissance. En donnant à Paul Franchoys une place dans 
les annales de Part flamand , nous acquitterons donc tar- 
divement une dette ancienne. 


AMBROISE DUBOIS. 


Encore un de nos artistes dont toutes les œuvres sont 
restées à l'étranger, et que les biographes flamands n’ont 
pas même cité pour mémoire. La carrière d’Ambroise Du- 
bois présente cette particularité singubière, unique peut- 


( 736 ) 

être, que bien qu’elle ait été très-laborieuse, bien que 
l'artiste se soit signalé par une production facile et active, 
il n'existe de ses tableaux dans aucune collection publique, 
dans aucun cabinet d’amateur. Inexplicable au premier 
abord, ce fait paraîtra naturel, quand on saura à quels 
grands travaux il s’est appliqué. Ces travaux, dont nous 
donnerons le détail, l’ont absorbé complétement pendant 
une longue suite d'années, et ne lui ont pas laissé le temps 
de peindre pour les particuliers ces petites toiles qui se 
font à moins de frais, exigent moins de talent et moins 
d'efforts, et cependant popularisent davantage, en passant 
par beaucoup de mains, le nom d’un artiste. 

Ambroise Dubois est né à Anvers, en 1545, ainsi que 
nous l’apprennent des écrivains français qui ont été à 
même d’avoir des informations certaines en ce qui le con- 
cerne, Il avait vingt-cinq ans lorsqu'il arriva à Paris. À 
cet âge, le talent d’un artiste est formé, ou du moins il a 
pris une direction déterminée, dans le sens de laquelle il 
ne fait plus que se développer par la suite. Ambroise Du- 
bois n’est donc pas seulement Flamand d’origine, il l’est 
aussi comme peintre, et son long séjour en France n’effaça 
point en lui le caractère de l’école nationale. 

Il y a lieu de croire que la fortune ne sourit pas à Am- 
broise Dubois dès son arrivée en France; car si les dates 
indiquées par les auteurs que nous allons citer sont exactes, 
et elles paraissent l'être, il se serait fixé à Paris en 1568, 
et ce ne fut qu'après l'entrée d'Henri IV à Paris, c’est-à- 
dire après 4595, qu'il lui fut donné de pouvoir prouver 
son mérite dans de grands ouvrages, Félibien eut une dis- 
traction manifeste lorsqu'il s’exprima ainsi en parlant de 
notre artiste : « Ce fut dans cette même année (1615) que 
mourut Ambroise Dubois; il était natif d'Anvers, Il n'avait 


(T7 ) 

que vingt-cinq ans lorsqu'il arriva à Paris: mais il était 
fort avancé dans la peinture. Il se fit bientôt connoistre, 
et ayant eu un ordre du roi Henri IV de travailler à Fon- 
tainebleau, il commença la galerie de la Reine. » Si Féli- 
bien avait pris soin de comparer les dates, il n’aurait pas 
représenté Ambroise Dubois recevant d'Henri IV une com- 
mande, plus de vingt ans avant l’avénement de ce prince 
au trône, et plus de vingt-cinq avant que la reddition de 
Paris ne l’eût mis en possession de son royaume. L’erreur 
ne porte pas sur l'époque de la naissance de l'artiste, car 
on sait qu'il était âgé de soixante et douze ans lorsqu'il 
mourut, en 1615. La vérité est done qu'Ambroise Dubois 
habita Paris environ vingt-cinq ans avant d’être chargé de 
travaux officiels. Le peintre de la cour, sous Charles IX et 
sous Henri LIT, était Jean Cousin, artiste de grande va- 
leur et fondateur de l’école française. Notre Flamand n'avait 
aucune chance de disputer à ce maître une faveur solide- 
ment établie. Il mit donc son pinceau au service des par- 
ticuliers, et peignit, sans doute, des portraits, car il traitait 
ce genre avec une grande supériorité, et ce qui confirme 
notre supposition, c'est qu'on ne connaît de lui aucun ta- 
bleau religieux ou historique, fait antérieurement à son 
entrée au service du vainqueur d'Evry. 

Henri IV aimait tout particulièrement le château de 
Fontainebleau; il en fit sa résidence favorite dès que l'état 
des affaires de la France lui permit de goûter des loi- 
sirs paisibles, et ne dépensa pas moins de deux millions 
et demi, somme considérable alors, pour l’embellir. Sou- 
vent il data ses dépêches du délicieux château de Fontai- 
nebleau, bien changé depuis le temps où saint Louis 
inscrivait sur les siennes : de nos déserts de Fontainebleau. 
L’exécution de toutes les peintures qui devaient orner les 


( 758 ) 
constructions élevées par ordre du roi, ainsi que celles 
restées jusqu'alors sans décoration, fut confiée à Ambroise 
Dubois, et l’on verra, par la description des travaux qu'il 
accomplit dans l’espace de vingt années, si cette tâche 
était importante. 

Ambroise Dubois s'établit à Fontainebleau, et il y passa 
les vingt dernières années de sa vie, ayant pour atelier un 
des plus beaux châteaux de France. Il débuta par une 
œuvre complexe, par une œuvre qu'on peut sans exagéra- 
tion qualifier d’immense. Ce fut l’ensemble des pein- 
tures de la galerie appelée Galerie de la Reine ou de Diane, 
qu'Henri IV fit construire, et qui ne fut terminée qu'après 
son mariage avec Marie de Médicis dont le chiffre s’unit 
au sien dans les ornements, ensemble formé de vingt-trois 
tableaux de seize pieds de large sur sept pieds de haut, et 
de plusieurs peintures de moindre dimension enchässées 
dans les compartiments des boiseries. Dans les dix ta- 
bleaux du milieu, Ambroise Dubois représenta les vic- 
toires d'Henri IV. On remarquait dans cette série de com- 
positions historiques : les batailles de Coutras, d’Arques, 
d'Ivry, de Fontaine-Française, d'Honfleur; la reddition 
de Mantes et celle de Vernon-sur-Seine, dont les habi- 
tants, à genoux, présentaient au vainqueur les clefs de 
leur ville, en lui jurant obéissance. Les dix-sept autres 
orands tableaux offraient une série de compositions my- 
thologiques, tirées de l’histoire de Diane et de celle d’Apol- 
lon. Ces tableaux étaient séparés par des figures de dieux 
et demi-dieux de l’Olympe, peintes en camaieu. Aux deux 
extrémités de la galerie, étaient deux hautes cheminées 
surmontées, l’une du portrait d'Henri IV en dieu Mars, se 
reposant sur un trophée d'armes, l’autre du portrait de 
Marie de Médicis représentée sous la forme de Diane, dont 


(759 ) 


elle avait les attributs, mais revêtue de ses habits royaux. 
Malgré la présence de ce dernier portrait, la tradition veut 
que les sujets mythologiques, qu'avait représentés Am- 
broise Dubois dans la galerie de Diane , aient été conçus 
de manière à rappeler, au moyen d'allégories plus ingé- 
uieuses que morales, les amours du roi et de la belle 
Gabrielle, Le temps n’a pas épargné ces œuvres capitales de 
notre artiste. Îl est vrai que, par une imprévoyance inex- 
plicable, elles furent exécutées au moyen de procédés qui 
devaient nécessairement en précipiter la ruine. C’étaient 
de simples peintures murales à l'huile, et l’on sait com- 
bien ces peintures sont périssables. Elles étaient très-al- 
térées déjà au commencement du X VIIF®”* siècle; car l’abbé 
Guilbert, après avoir dit, dans sa Description historique de 
Fontainebleau, publiée en 1751, qu'il faudrait un volume 
pour décrire les compositions réunies par Ambroise Du- 
bois dans la galerie de Diane, ajoute qu’il serait besoin 
d’une main habile pour les soustraire à la destruction. 
Napoléon songea à faire restaurer ce chef-d'œuvre de 
l’art, suivant l'expression dont se sert un écrivain mo- 
derne, en parlant de la galerie de Diane; mais on jugea 
que les peintures avaient trop souffert pour pouvoir élé 
réparées. L'empereur voulut du moins que la pensée pre- 
mière de l’artiste flamand fût conservée, à cela près qu’au 
lieu des victoires d'Henri IV, c’étaient les siennes qui 
devaient fournir les sujets des nouveaux tableaux. On 
ne dit pas ce que devenaient les sujets mythologiques. Il 
est probable qu’ils disparaissaient complétement, sans être 
remplacés par des motifs analogues ; car Napoléon n'avait 
pas de belle Gabrielle à mettre en scène. Quoi qu'il en 
soit, la chute de l'empire arriva pendant que les premiers 
peintres d'alors exécutaient une série de compositions 


(740 ) 


représentant les victoires et conquêtes de la grande armée. 

L'idée d'une restauration de la galerie de Diane fut 
reprise par Louis XVIIT, dès les premières années de son 
règne et mise à exécution. La voüte, où Ambroise Dubois 
avait déployé une grande richesse d'imagination, et qui 
était incontestablement une des plus vastes entreprises 
pitoresques dont il y eût eu des exemples en France, fut 
repeinte en entier par MM. Abel de Pujol, et Blondel. 
Autant pour justifier le nom de la galerie, nom consacré 
depuis plus de deux siècles , que par égard peut-être pour 
la mémoire de l'artiste qui avait conçu le plan de la déco- 
ration, les deux peintres que nous venons de citer tirèrent 
également leurs motifs de l’histoire fabuleuse de Diane, et 
empruntèrent même à Ambroise Dubois les principaux 
épisodes dont il avait formé son programme. 

Dans une salle attenante à la galerie de Diane, Ambroise 
Dubois peignit, dans une suite de huit tableaux, l’histoire 
de Tancrède et de Clorinde, dont les sujets lui avaient été 
inspirés par la lecture du poëme de Torquato. De ces huit 
tableaux , il n’en reste plus que deux, qui représentent : 
4° Les Croisés devant Jérusalem ; 2 Clorinde proposant à 
l'empereur Aladin de mettre le feu à une tour remplie de 
chrétiens armés. Les autres n'existent plus. Ce même ca- 
binet de Clorinde, le plus gracieux des grands apparte- 
ments, selon l'abbé Guilbert, était orné de paysages peints 
par Paul Brill, à son passage à travers la France, pour se 
rendre en [talie, ainsi que nous l’avons dit dans sa bio- 
graphie. La décoration entière de l’une des salles les plus 
élégantes du palais de Fontainebleau, à l’ornementation 
duquel ont travaillé tant de maîtres fameux, était donc de 
deux peintres flamands. Le cabinet de Clorinde a été dé- 
truit sous Louis XVT, pour faire place à des constructions 


( TAL ) 
destinées à servir de logement aux femmes de chambre 
de la reine. Ce n’était pas assez de l’action du temps; il a 
fallu que la main des hommes s’appesantit sur des œuvres 
remarquables, et qui certes méritaient d’être traitées avec 
plus d’égards. 

Ambroise Dubois donna encore un témoignage éclatant 
de la hauteur de ses conceptions et de l’habileté de son 
pinceau, dans la salle connue sous le nom de Grand cabinet 
du roi, où 1l exécuta une série de quinze tableaux, dont 
les sujets étaient tirés du roman grec des Amours de Théa- 
gènes et Chariclée. De ces quinze tableaux, six étaient 
enchàssés dans le plafond; les neuf autres occupaient les 
côtés de la salle. Il en reste onze; les quatre autres ont 
été supprimés, sous le règne de Louis XV, pour pratiquer 
des ouvertures de porte. Les tableaux conservés ont été dis- 
persés dans différentes salles, ce qui leur ôte une grande 
partie de l'intérêt qu'ils offraient, lorsqu'on pouvait voir se 
développer la suite des quinze compositions où l'artiste 
avait en quelque sorte résumé la fable d'Héliodore. Ajoutons 
que si, dans les peintures qui nous sont restées, on peut 
juger du mérite de leur auteur en ce qui concerne l'art 
de concevoir un sujet et d'en combiner les éléments, si 
l’on y peut apprécier la science du dessinateur, elles ne 
donnent plus une idée de son talent comme coloriste, 
attendu qu’elles ont été restaurées, et l’on sait ce que ce 
mot veut dire. Du reste, les tableaux de notre artiste n’ont 
pas eu seuls ce destin. Les chefs-d’œuvre du Primatice et 
du Rosso ont également été, non-seulement retouchés, 
mais repeints en entier. 

Revenons aux amours de Théagènes et Chariclée, pour 
donner l'indication sommaire des épisodes qu'Ambroise 
Dubois avait tirés du roman grec. 


( 742 ) 

1° Arrivée de Théagènes à Delphes, pour assister aux 
jeux Pythiens. Chariclée, prêtresse de Diane, s’avance sur 
un Char traîné par des bœufs blancs, et sa beauté frappe 
les assistants d’admiration ; 

2 Un sacrifice où l’on voit Théagènes recevant .des 
mains de Chariclée le flambeau qui doit servir à allumer 
le bûcher: 

3° Chariclée s’efforçant d'obtenir de la jeune prêtresse 
l’aveu du motif secret de son état de langueur; 

4° Apollon et Diane apparaissant au grand prêtre d’Esis, 
et lui ordonnant de conduire en Égypte Théagènes et Cha- 
riclée ; 

5° Le grand prêtre ayant découvert que Chariclée est 
la fille de la reine d'Éthiopie, l’engage à se conformer aux 
ordres d'Apollon et de Diane; 

6° Fuite de Théagènes et de Chariclée, accompagnés 
d'amis fidèles ; 

7° Capture du vaisseau qui porte les deux amants, par 
des pirates dont le chef s’éprend des charmes de la jeune 
prêtresse; 

8° Lutte entre le chef des pirates et son lieutenant, pour 
la possession de Chariclée. Vainqueur dans le combat, le 
lieutenant est à son tour immolé par Théagènes; 

8° Repos des deux amants après les événements repré- 
sentés dans la composition précédente. Des pirates, des- 
cendus des montagnes, croient voir dans Chariclée Diane 
elle-même, et s'arrêtent pleins de respect; | 

10° Des corsaires d’une île voisine abordent au ritasé 
où Théagènes et Chariclée se croyaient désormais en sûreté 
et les font prisonniers; 

11° Théagènes exprime à Chariclée la crainte qu'il 
éprouve des conséquences de leur captivité pour la vertu 
de la jeune prêtresse; 


(745 ) 


12° Combat des corsaires contre des ennemis qui vien- 
nent les attaquer. Leur chef enferme Chariclée dans une ca- 
verne, pour qu'elle ne s'échappe pas pendant qu’il marche 
au combat; 

13° Théagènes découvre le lieu de la reclusion de Cha- 
riclée et la délivre; 

14 Le grand prêtre d'Isis apprend aux deux amants 
que le roi d'Éthiopie a reconnu Charielée pour sa fille; 

15° Mariage de Théagènes et de Chariclée, digne ré- 
compense, dit un naïf auteur, d'un amour qui a toujours 
élé soutenu par la vertu. 

Au bas de ce quinzième tableau, Ambroise Dubois pei- 
gnit trois portraits par l’ordre du roi. Le premier était 
celui de Sully, le second celui du fameux financier Zamet. 
Quant au troisième personnage, celui qui intéresse le plus, 
c’est Ambroise Dubois lui-même, qui s’est représenté vêtu 
d’une longue robe rouge. Par quelle fantaisie Henri IV 
avait-1l voulu réunir sur une même toile l’auteur des OEco- 
nomies royales, et le parvenu qui prenait cyniquement le 
titre de seigneur de dix-sept cent mille écus, chiffre de sa 
fortune, immense pour le temps ? Il serait difficile de le 
dire; mais on peut supposer qu'il y eut quelque malicieuse 
pensée cachée sous l'intention en apparence bienveillante 
du prince. Sully n’aimait guère Sébastien Zamet , qui pré- 
tait souvent de l'argent au roi, et se faisait largement payer 
ces petits services. Henri IV aura trouvé plaisant de forcer 
son ministre à faire bonne mine, en peinture du moins, 
au prêteur intéressé. Pour Ambroise Dubois, on ne peut 
voir dans la présence de son portrait mis, par la volonté 
royale , au bas de la dernière page d’une œuvre considé- 
rable, qu'un témoignage d’estime pour le talent dont il 
avait fait preuve. 


(744) 


Les quatre tableaux des Amours de Théagènes et Cha- 
riclée, malheureusement détruits pour faire place, comme 
nous l’avons dit, à des ouvertures de portes, sont le pre- 
mier, le huitième, le dixième et le quinzième. La perte de 
ce dernier est surtout regrettable, en ce qu'il nous a privés 
du seul portrait connu d’Ambroise Dubois. 

Ainsi que le cabinet de Clorinde, le grand cabinet du 
roi renfermait d'excellents paysages de Paul Brill, alter- 
nant avec les tableaux d’Ambroise Dubois. I y avait autour 
des peintures que nous venons de décrire, de riches enca- 
drements où se répétaient les chiffres d'Henri IV et de 
Marie de Médicis, coupés par des S percés de flèches. S'il 
faut en croire l'abbé Guilbert, ces S percés de flèches ou 
de traits, étaient le chiffre parlant de Gabrielle d’Estrées 
ou Des-Traits. On retrouvait le même emblème sur le 
portrait de la belle duchesse gravée par Thomas de Leu. 
Enfin, tout le monde connaît la chanson : Charmante 
Gabrielle, percée de mille traits, invoquée par l’auteur de la 
Description historique de Fontainebleau, comme une preuve 
à l'appui de la justesse de sa conjecture. Admirez la subii- 
lité des esprits d'alors. Admirez surtout la moralité de la 
combinaison qui unissait aux chiffres de Marie de Médicis 
et de son royal époux, celui de la maîtresse de ce dernier. 
On trouvait ces choses toutes naturelles, et le bon abbé 
Guilbert n’en témoigne pas même de surprise. Chaque 
temps a ses mœurs, certaines gens diraient ses préjugés. 
On y mettrait plus de façons aujourd’hui. 

Avant de passer à la description des œuvres détachées 
d'Ambroise Dubois, dont nous trouverons encore un bon 
nombre dans le château de Fontainebleau, faisons remar- 
quer que les trois séries de compositions qui ornaient la 
galerie de Diane, le cabinet de Clorinde et le grand cabinet 


( 745 ) 

du rot, attestaient chez celui qui les avait conçues et exécu- 
tées, une culture de l'esprit peu commune chez les artistes, 
dans tous les temps et peut-être surtout en celui où nous 
vivons. L'heureux enchaïînement des sujets allégoriques 
de la galerie de Diane , prouve que le peintre d'Henri IV 
avait de la mythologie une connaissance plus que super- 
ficielle. Nous ne prétendons pas que, pour avoir traité 
quinze épisodes des Amours de Théagènes et Chariclée, Am- 
broise Dubois ait dû être savant helléniste. Assurément, 
il n'aura pas lu ce roman dans le texte même d'Héliodore, 
mais dans la traduction que jacques Amyot dédia à Fran- 
çois L°, qui lui valut l’abbaye de Bellozanne, et fut le pre- 
mier pas dans sa carrière si féconde en honneurs et en 
richesses. Ambroise Dubois n’en a pas moins le mérite 
d'avoir puisé ses inspirations à une source qui n'était 
pas vulgaire. Il en fut de même lorsqu'il emprunta au 
poëme du Tasse les sujets de l’histoire de Tanerède et de 
Clorinde. 

N’était-ce pas aussi un temps heureux pour les artistes, 
que celui où on leur donnait de ces tâches dans l'accom- 
plissement desquelles pouvaient se signaler leur imagina- 
tion, leur savoir et leur goût? Combien le peintre qui 
avait à développer, dans une suite de tableaux destinés à 
remplir toute une galerie, quelque grande épopée reli- 
gieuse, historique, mythologique ou romanesque, ne de- 
vait-il pas sentir son génie stimulé, combien les efforts 
qu'il était obligé de faire pour se mettre à la hauteur d’une 
telle mission , ne devaient-ils pas élargir la sphère de son 
intelligence et de son instruction! Plaignons les artistes 
de notre époque de ce que des occasions semblables ne 
leur sont plus offertes. 

À l’une des extrémités de la galerie d'Ulysse dans laquelle 

Tome xx, — [[7° par. 51 


( 746 ) 

le Primatriccio et Nicolo Abbate avaient exécuté d’admi- 
rables travaux, dont le burin du graveur flamand Th. Van 
Thulden nous a transmis Îles reproductions, Ambroise 
Dubois peignit la Reddition d'Amiens. L'action est prise 
au moment où les habitants de la ville viennent implorer 
leur pardon du roi Henri, qui est à cheval au premier 
plan. 

Sur la cheminée de la salle où étaient retracées les 
Travaux d'Hercule, notre artiste plaça, pour complaire au 
roi, un beau portrait de Gabrielle d’Estrées en Diane chas- 
seresse. Cest toujours sous la figure de ce personnage 
emblématique qu'apparaît la maîtresse d'Henri IV, malgré 
son peu de titres à représenter la chaste déesse. 

La chapelle haute, dite Chapelle du roi, œuvre élégante 
et hardie de Sébastien Serlio, fut ornée par Ambroise 
Dubois de deux grandes compositions religieuses, savoir : 
une Résurrection et une Descente du Saint-Esprit sur les 
apôtres, que l'artiste termina et fit placer en 1608. 

Citons encore, parmi les tableaux dont le pinceau facile 
d’Ambroise Dubois enrichit le palais de Fontainebleau : 

Dans le Pavillon des Dauphins : le portrait de Marie 
de Médicis et celui d'Henri IV à cheval à la tête de ses 
troupes. 

Dans l'appartement du rez-de-chaussée, originairement 
destiné aux princes de la famille royale : 4° Adam recevant 
d'Éve le fruit défendu; 2 Adam et Éve chassés du paradis 
terrestre; 5° Adam occupé à bécher la terre, pendant 
qu'Eve file à ses côtés, ayant près d’elle ses enfants Abel 
et Caïn. 

Outre ce grand nombre de prodxctions originales, Am- 
broise Dubois exécuta plusieurs copies de tableaux de 
maitres italiens, parmi lesquels : la Madeleine du Titien, 


( 747 ) 
qui faisait partie de la galerie de Versailles, et le célèbre 
portrait de Mona Lisa, connue sous le nom de la Joconde, 
par Léonard de Vinci. 

Ambroise Dubois ne peignit pas de sa main tous les 
tableaux dont on vient de voir la longue énumération. De 
même que tous les maîtres qui ont entrepris d'importantes 
et laborieuses tâches, semblables à celle qu'il eut la mis- 
sion de remplir, il fit exécuter une partie de ses composi- 
Uons par plusieurs élèves, parmi lesquels Jean Dubois, son 
fils, et Paul Dubois, son neveu. Félibien cite également, 
comme ayant travaillé d'après Ambroise Dubois, un certain 
Ninet, Flamand, et Mogras, de Fontainebleau. Ces deux 
artistes ne sont connus que par la mention qu’en fait l’au- 
teur des Entretiens. Le Ninet dont parle Félibien, en le 
désignant comme Flamand, ne serait-il pas Jean Nicolas 
Ninet, peintre né à Troyes, en Champagne, qui fit, au 
commencement du XVII" siècle, plusieurs tableaux pour 
Notre-Dame de Paris et pour la bibliothèque du couvent 
des Jacobins ? 

La partie biographique occupe une bien petite place 
dans cette notice. Nous avons déjà dit que ni les auteurs 
flamands , ni les écrivains français n’ont fait mention des 
incidents de la vie d’Ambroise Dubois antérieurs à son 
arrivée à Paris; nous avons fait remarquer que les pre- 
miers temps de.sa carrière dans cette capitale sont restés 
pour nous fort obscurs, et que cette obscurité commence 
seulement à se dissiper à dater du jour où il devient le 
peintre du roi Henri IV. On sait où il est et ce qu'il fait 
depuis ce moment; mais sa biographie en devient-elle plus 
accidentée? Ses vingt dernières années, à parür du jour où 
se révèle son existence d'artiste, il les passa à Fontaine- 
bleau , uniquement occupé de ses études, de ses travaux. 


( 748 ) 

S'il faut en croire Kélibien, 1l terminait un tableau des- 
tiné à la chapelle du château, quand la mort vint le 
surprendre. Ce fut en 1645; il était âgé de soixante et douze 
ans. On voit son tombeau dans l’église d'Avon, près de 
Fontainebleau, à quelques pas de celui de linfortuné 
Monaldeschi, assassiné, comme on sait, dans une des 
salles du palais même, par ordre de la reine Christine. 
Dans la prévision, peut-être, que sa dépouitle mortelle 
serait déposée dans cette paroisse, 1l lui avait fait don de 
deux tableaux d’autel. 

Après avoir vu combien d'œuvres importantes a pro- 
duites Ambroise Dubois, on s’étonnera avec nous que le 
nom d’un tel artiste n’ait pas été mentionné dans les biogra- 
phies, et que les quelques lignes que lui consacre Kélibien, 
soient, avec les descriptions données par P. Dan, auteur 
des Merveilles de Fontainebleau, et par l'abbé Guilbert, l’uni- 
que trace de son existence laissée dans les annales de la 
peinture. 

On a vu figurer parmi les noms des disciples de notre 
artiste, celui de son fils, qui le seconda dans l’exécu- 
tion de ses peintures des galeries de Fontainebleau. Jean 
Dubois ne fut pas seulement le collaborateur de son père; 
il travailla pour son propre compte, et fit des tableaux 
qui furent jugés dignes d’avoir accès dans le palais que 
tous les souverains qui ont régné sur la France depuis 
François I, se sont fait gloire d'enrichir d'œuvres d'art. 
En voici la liste, d’après P. Dan et l’abbé Guilbert, avec 
l'indication des places qu'ils occupaient : 

Salle des gardes de la reine : un tableau représentant 
Anne d'Autriche assise et tenant un caducée à la main; 
Louis XIV enfant, et Monsieur, frère du roi, jouent près 
d'elle. 


(64749 

Cabinet des gardes du roi : Une Renommée. 

Chapelle haute : une Nativité et un Crucifiement. 

Chapelle dite de la S®-Trinité; une descente de croix et 

une sainte Madeleine aux pieds du Sauveur. 

Ainsi que son père, Jean Dubois avait aussi fait pour les 
appartements de Fontainebleau des copies d’une Vierge de 
Raphaël et d’un enfant Jésus de Léonard de Vinci. 

L'abbé Guilbert s'exprime ainsi dans une note de la 
Description historique de Fontainebleau : « Jean Dubois, 
fils d'Ambroise, se rendit parfait imitateur de la probité et 
du pinceau de son père, ce qui lui mérita la place et la 
pension de peintre du roi et de la conciergerie des écuries 
de la reine, dont le fils est aujourd’hui (1732) en posses- 
Sion, » 

Le talent de la peinture se transmit, en eflet, pendant 
plusieurs générations dans la famille des Dubois. Nous 
trouvons dans les Archives de l'art français, publiées par 
M. de Chennevières, plusieurs pièces qui témoignent de 
la considération dont avait joui Ambroise Dubois, car 
c'est évidemment le père qu’on veut honorer dans sa posté- 
rité. La première de ces pièces est un brevet de peintre et 
de garde des tableaux de Fontainebleau , accordé en 1655, 
par le roi Louis XIIF à Jean Dubois, en survivance de 
Claude Doué, son oncle du côté maternel. Après des éloges 
donnés au titulaire de la place pour la manière dont il 
s'est acquitté de ses fonctions, il est dit dans le brevet, 
contresigné par M. de Loménie, que le roi, informé de la 
capacité que Jean Dubois, l’un de ses peintres, s’est acquise 
dans son art, le nomme en survivance à la charge de Claude 
Doué. Cet acte nous apprend en outre que Jean Dubois 
jouissait déjà d’une pension de douze cents livres, comme 
étant employé à Fontainebleau, en survivance de la veuve 


(750 ) 


de Jean Ambroise Dubois, pour veiller à l’entretennement 
des peintures de ce dernier. 

Après la mort d'Ambroise Dubois, c'était donc sa veuve 
qui avait été commise au soin de veiller à la conserva- 
tion des œuvres du défunt. Il n’est guère d'exemple de 
fonctions semblables conférées à des femmes. Le brevet 
autorise Jean Dubois, toujours à titre de survivance, à 
cumuler les deux traitements de douze cents livres cha- 
cun. Ces nombreuses faveurs, accordées à des membres 
d'une même famille, prouvent, nous le répétons, en quelle 
grande estime était tenue la mémoire de son chef, Le bre- 
vet offre encore cela d’intéressant, qu'il nous fait connaître 
de quelle nature étaient les fonctions du garde des pein- 
tures de Fontainebleau et d'apprécier l'influence qu’elles 
pouvaient exercer sur la conservation de ces mêmes pein- 
tures. Elles consistaient à raccommoder et rétablir les ta- 
bleaux à l'huile, sur toile et sur bois, lorsqu'ils étaient 
gâtés, à nettoyer les fresques et à entretenir les bordures 
en bon état. N'est-1l pas vraisemblable que les titulaires 
de la place, pour faire preuve de zèle et pour se montrer 
utiles, ont parfois restauré des peintures sans une absolue 
nécessité, et n'est-ce point à leur action, autant et plus 
peut-être qu’à celle du temps, qu'il faut attribuer la perte 
d'un grand nombre des tableaux du château de Fontaine- 
bleau ? 

Les Archives de l'art français renferment deux autres 
pièces très-curieuses relatives à la famille de notre artiste. 
Celle qui porte la date du 14 juillet 1651, est un brevet 
conféré à Jean Dubois et à Louis son frère. Ce second fils 
d’Ambroise Dubois, peintre et élève de son père, n’est cité 
ni par Félibien, ni par Florent Lecomte. Le roi mineur 
(Louis XIV), sur l'avis de la reine régente, les confirme en 


(731) 


la charge qui à pour objet l'entretien des peintures faites 
par Ambroise Dubois, leur père, au château de Fontaine- 
bleau. Nous y voyons de plus que la veuve de ce dernier 
avait épousé en secondes noces Fréminet, peintre français, 
qui avait travaillé en Italie, car il est dit que Louis Dubois 
jouira d'une pension de deux mille livres qui avait été ac- 
cordée au défunt sieur Fréminet fils, son frère de mére, à 
la charge de prendre soin des peintures de Fréminet fils 
en même temps que de celles d’Ambroise Dubois. 

Un troisième brevet, en date du 21 février 1674, nomme 
à la place de Jean Dubois, son fils, ayant également 
le prénom de Jean, lequel à fait preuve de capacité dans 
l’art de la peinture. Ce n’est plus seulement aux fonctions 
de garde des tableaux de son aieul que celui-ci est désigné. 
Sa juridiction s'étend sur toutes les peintures des château 
et dépendances de Fontainebleau. Le nouveau titulaire est 
chargé, non-seulement de nettoyer et de restaurer toutes 
les peintures tant à l'huile qu’à fresque, mais encore de 
fournir le bois, le charbon et les fagots pour faire, dans 
les appartements du château, le feu nécessaire à la con- 
servation des tableaux. 

Jean Dubois, le fils, est le dernier membre de cette 
famille dont il soit fait mention dans les annales de l'art. 
Il est vraisemblable qu'avec lui s’éteignit cette dynastie 
d'artistes, originaire d'Anvers, et qui à joui en France 
d’un crédit prolongé durant plus d’un siècle et demi. 


(752) 


CLASSE DES SCIENCES. 


Séance d'u 45 décembre 1850. 


M. A. Dumonr, directeur. 
M. Ad. Querecer, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius, Sauveur, Timmermans, 
Wesmael, Martens, Plateau, Cantraine, Kickx, Stas, De 
Koninck, Van Beneden, De Vaux, de Selys Longchamps, 
le vicomte Du Bus, Nyst, Gluge, Nerenburger, Schaar , 
Liagre, Duprez, Brasseur, membres; Schwann, Spring, 
associés. 


CORRESPONDANCE. 


222 


S. M. le Roi fait connaitre au secrétaire perpétuel, par 
l'organe de M. Jules Van Praet, ministre du palais, qu'il 
lui sera impossible de se rendre à l'invitation pour la 
séance publique du lendemain. « Sa Majesté est très-sen- 
sible aux témoignages de dévouement et d'affection qu'elle 
reçoit de l’Académie en toutes circonstances, ajoute M.Van 
Praet; elle vous prie d'assurer vos savants collègues de 
sa toute sympathie pour des travaux qui deviennent de jour 
en jour plus importants, plus utiles et plus remarquables.» 

Monseigneur le Duc de Brabant et Monseigneur le Comte 
de Flandre expriment également leurs regrets de ne pou- 
voir se rendre à cette solennité. 


— M, le Ministre de l'intérieur transmet les procès- 


A7 5 


{ 499 ) 
verbaux des séances des conseils provinciaux (session de 
1856), ainsi que les six premières livraisons du tome IV 
des Annales de la Commission royale de pomologie. — Ke- 
merciments. 


— La Société dunkerquoise, pour l'encouragement des 
sciences, des lettres et des arts, annonce l'envoi d’un nou- 
veau volume de ses publications. 


— M. Alf. De Borre fait parvenir les résultats de ses 
observations sur le règne animal, faites dans les environs 
de Liége, pendant l’année 1856. 


CONCOURS DE 1856. 


La classe avait proposé, pour le concours de cetie 
année, quatre questions, dont une, la seconde, est restée 
sans réponse. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Donner un aperçu historique et critique des méthodes qui 
ont élé employées pour déterminer la figure de la terre, de- 
puis les expéditions françaises en Laponie et au Pérou. 


Rapport de M. le capilaine Liagre, 


« Vous avez reçu en réponse à la question qui précède, 
un seul mémoire, sur lequel vous avez chargé M. Quetelet, 
M. le général Nerenburger et moi, de vous adresser un rap- 
port : ce mémoire a pour épigraphe les mots de Puissant : 

C’est par la théorie et l'expérience que les géomètres et les astro- 


nomes, depuis Newton, se sont guidés dans la recherche de la 
véritable figure du globe. 


Le sujet était vaste, et, pour être convenablement traité, 


( 74 ) 

il exigeait, de Ja part de l’auteur, des connaissances éten- 
dues et variées, La géodésie, en effet, cette science de créa- 
tion toute moderne, se rattache aux branches les plus 
diverses des mathématiques pures et appliquées : elle met 
à contribution l’analyse, l'astronomie théorique et pra- 
tique, la mécanique, la physique. Aussi les savants les 
plus distingués de tous les pays ont-ils tenu à honneur de 
contribuer, par leurs travaux, aux progrès de la géodésie : 
témoins, pour la France seulement, Clairaut, Laconda- 
mine, et leurs illustres collègues dans les expéditions en 
Laponie et au Pérou; les Cassini, Lacaille, Delambre, 
Borda, Laplace, Arago, Biot, Legendre, Puissant, et 
vingt autres que l’on pourrait citer. 

En mettant au concours la question qui nous occupe, 
l’Académie se rappelait le brillant résultat qu’elle a obtenu 
lorsqu'elle a demandé, 1l y a près de vingt ans, un aperçu 
historique sur l’origine et le développement des méthodes 
en géométrie. Sans élever ses espérances jusqu’à attendre 
un mémoire aussi remarquable que celui qu’elle a eu le 
bonheur de couronner alors, elle a cru que le nouveau 
programme présentait, par sa nature, assez d'intérêt et 
d'actualité pour attirer des concurrents sérieux, et provo- 
quer un travail qui fût digne de son suffrage. Si cet espoir 
ne s’est pas réalisé d’une manière complète, nous croyons, 
cependant, qu'il n’a pas non plus été complétement déçu. 

Disons-le immédiatement , le mémoire que la classe est 
appelée à juger nous paraît ne répondre qu'imparfaite- 
ment à la question proposée : la partie de discussion et 
de critique laisse beaucoup à désirer, surtout en ce qui 
concerne les méthodes géodésiques proprement dites. La 
partie qui se rapporte aux méthodes théoriques est beau- 
coup mieux traitée ; elle est écrite, en général , avec clarté 
et sagesse, et présente un aperçu assez complet de la dé- 


( 755 ) 
termination de la figure de la terre par les observations 
du pendule et par la théorie mathématique. Les lacunes 
que l'on regrette de remarquer dans le corps de l'ouvrage 
proviennent, en grande partie, de ce que l’auteur n’a 
puisé qu'à une seule source, celle des écrivains français. 
Or, malgré le mérite éminent des savants de cette nation, 
malgré les services incontéstables qu'ils ont, les premiers, 
rendus à la géodésie, il faut reconnaître que cette science, 
entre les mains de Gauss, Bessel, Baevyer, Struve, Eve- 
rest, etc., a pris une face nouvelle, et qu’il n’est pas per- 
mis de passer sous silence les remarquables méthodes 
d'observation et de calcul introduites par eux dans les 
triangulations qu’ils ont dirigées. 

Du reste, nous ne nous dissimulons pas que la tâche de 
l’auteur était rude : si, à l'instant où il a eu connaissance 
de la question proposée, il n'avait pas déjà en sa posses- 
sion un certain nombre de documents sur la matière, le 
temps à dû lui manquer pour recueillir et coordonner 
d'une manière convenable tous ceux dont il avait besoin. 
Cette considération motivera la proposition que nous au- 
rons l’honneur de soumettre à la classe, en terminant ce 
rapport. | 

L'auteur divise son mémoire en quatre chapitres, dans 
lesquels il traite de la détermination de la figure de la terre : 

4° Par les opérations géodésiques; 

2 Par les observations du pendule; 

5° Par la théorie mathématique ; 

4 Par certaines inégalités lunaires. 

Cet ordre est convenable; seulement la détermination 
de l’aplatissement terrestre, au moyen des deux inégalités 
lunaires qui en dépendent, ne fournissait pas, nous sem- 
ble-t-1l, une matière suffisante pour constituer un cha- 
pitre à part; elle aurait pu être rangée dans le troisième. 


( 796 ) 

Le premier chapitre était le plus important, mais il 
est malheureusement Île moins complet. L'auteur ne con- 
sacre que vingt lignes aux mémorables expéditions fran- 
çaises en Laponie et au Pérou: il n'indique ni la longueur 
ni l'emplacement des bases mesurées; ni l'amplitude des 
arcs observés; ni la nature des instruments qui ont été 
employés à ces déterminations; ni les méthodes de calcul 
qui ont été suivies; ni la précision des résultats qui ont été 
obtenus. Il ne dit rien des observations astronomiques 
faites par les savants français, à cette époque où l’aberra- 
tion n'était pas encore reçue partout comme un phéno- 
mène avéré, et où la découverte de la nutation n’était pas 
encore publiée. 

Ce dernier genre d'omission, qui est des plus regretta- 
bles, se reproduit dans tout le reste du mémoire : il pro- 
vient de ce que l’auteur, comme il le dit lui-même, à 
considéré les observations astronomiques comme n'étant 
pas du ressort de la géodésie. Cette manière d'envisager 
la question est tout à fait erronée : les observations célestes 


sont indispensables à la détermination de la figure de la 


terre ; et les méthodes d'astronomie géodésique ont même 
ua caractère tout spécial, très-curieux, et digne d’une men- 
tion particulière. [ suffit de citer comme exemples le moyen 
employé par Delambre pour obtenir la latitude par les ob- 
servations circumméridiennes, et l’ingénieux procédé ima- 
giné par Bessel pour déterminer le même élément par les 
passages des étoiles dans le premier vertical (1). 

De tous les grands travaux géodésiques qui ont été exé- 


(1) Voyez, pour la méthode de Delambre, Base du système métrique , 
t. I, p.195; et, pour celle de Bessel, 4str. Nackhr., t. ILF, p.14; Gradmes- 
sung in Ostpreussen, p. 255, et un mémoire du lieutenant Raper, inséré 
dans le Xe vol, des Meinoirs of the astron, Soc., 1837. 


CSA ) 
cutés depuis la fin du siècle dernier, l’auteur ne cite que 
la méridienne de Dunkerque, et son prolongement vers 
l'Espagne et vers l'Angleterre. Une exposition complète du 
sujet exigeait qu'il mentionnât les principales triangula- 
tions qui ont été faites dans les quatre parties du monde, 
et notamment celles qui aujourd'hui couvrent l’Europe 
d’un réseau presque continu. Îl avait à discuter et à com- 
parer les méthodes diverses d'observation et de calcul qui 
ont été appliquées dans ces travaux; à apprécier la valeur 
des résultats ; à exposer les conséquences qu’on en déduit, 
soit pour la figure générale du sphéroïde terrestre, soit 
relativement aux irrégularités qu'il présente; enfin, à si- 
gnaler celles de ces triangulations qu'il serait utile de per- 
fectionner, et celles qu'il serait préférable d'étendre, en 
comblant les lacunes qui les séparent des triangulations 
voisines. 

Une opération géodésique, en eflet, outre son utilité 
immédiate pour la deseription géographique d’une contrée, 
peut avoir un double but : soit de déterminer l'ellipsoide 
de révolution (1) qui, sur toute l'étendue de l'arc mesuré, 
coincide avec la surface terrestre, abstraction faite des irré- 
gularités que celle-ci offre dans l'intervalle; soit de faire 
connaître ces irrégularités elles-mêmes, en assignant la 
véritable courbure de la surface du sol en un point dé- 
terminé. Dans le premier cas, le but sera d'autant plus 
sûrement atteint, que l'arc mesuré sera plus considérable: 
car on diminue ainsi l'influence relative des erreurs d’ob- 
servation, ou des irrégularités locales qui peuvent exister 
aux deux extrémités de l'arc. Cest à ce point de vue sur- 


(1) I serait plus exact de déterminer l'ellipsoïde osculateur à trois axes 
inégaux ; mais l’auteur ne mentionne nulle part les recherches des géometres 
sur ce sujet. 


( 758 ) 

tout que la jonction des triangulations existantes est un 
objet très-important. Dans le second cas, au contraire, la 
triangulation doit posséder la moindre étendue possible ; 
mais la précision à exiger des observations astronomiques 
augmente alors en proportion. On sait, d’ailleurs, que, 
pour donner une connaissance complète de la courbure 
d’une surface en un point déterminé, l'observation doit 
fournir les valeurs de trois inconnues, qui sont: la cour- 
bure maxinrum , la courbure minimum, et l’azimut du plan 
qui contient l’une d'elles (ou bien trois autres inconnues 
ayant avec les premières des relations connues) (4). Si 
donc on veut déterminer la courbure de la terre autour 
d’un certain point, il faut choisir deux arcs passant par ce 
point, et faire des observations astronomiques complètes 
aux extrémités de chacun d'eux. La méthode la plus avan- 
tageuse consisterait à disposer les deux arcs de telle sorte 
que leurs quatre extrémités fussent à peu près également 
distantes du point en question, et leurs diréctions à peu 
près rectangulaires entre elles. Lorsque les procédés d'ob- 
servation de l'astronomie géodésique auront acquis une 
simplicité et une précision suffisantes, on pourra, en per- 
fectionnant ainsi les triangulations déjà faites, obtenir 
des lumières dont on manque totalement aujourd’hui sur 
l'étendue des ondulations nombreuses dont est ridée la 
surface du globe. 

Nous appellerons particulièrement l'attention de l’au- 
teur sur les triangulations suivantes, qui pouvaient donner 
lieu à quelques-unes des remarques que nous venons de 
présenter : 

1° En France, les trois chaines parallèles à la méri- 


(1) Voyez à ce sujet un mémoire tres-intéressant de Bessel, inséré dans 
les Æstron. Vachr., n° 529-551. 


( 799 ) 
dienne , et passant par Bayeux, Sedan et Strasbourg ; le pa- 
rallèle de Paris et son prolongement jusqu’en Hongrie; le 
parallèle moyen, prolongé jusqu’à Fiume ; les parallèles de 
Bourges et d'Amiens; enfin, ceux de Rodez et des Pyrénées; 

2 En Piémont et en Savoie, les opérations géodésiques 
et astronomiques, faites de 1821 à 1825, par une com- 
mission composée d'officiers de l’état-major général et d’as- 
tronomes piémontais et autrichiens ; 

5° Dans la Prusse orientale et sur le littoral de la 
Baltique, les belles opérations de Bessel et de Baeyer ; 

4 En Allemagne, la chaîne que le général Von Muii- 
ling à commencée aux triangles de Tranchot, et quil a 
conduite à travers la Hesse, la Thuringe et le Brande- 
bourg, jusqu’à la Silésié; Le vaste canevas autrichien exécuté 
sous la direction du général Falon; 

5° En Hanovre et dans le Danemark, les degrés me- 
surés par Gauss et Schumacher ; 

6° En Russie, les vastes travaux géodésiques entrepris 
en 1816 et terminés en 1852: dirigés par Von Tenner, par 
Struve et par Prazmovski, 1ls s'étendent depuis la mer Noire 
jusqu'aux frontières de la Laponie. Ils ont été continués 
par les Suédois et les Norwégiens, et comprennent un arc 
du méridien de 25° 20, depuis Ismaïl jusqu’à Fuglenaes ; 

7° En Angleterre, le réseau qui, commencé en 1784, 
couvre aujourd'hui les trois royaumes, et comprend, dans 
le sens du méridien, un arc de 40° environ, depuis Dun- 
nose, dans l’île de Wight, jusqu’à Saxavord, à l'extrémité 
nord des iles Shetland; 

8° Dans l'Inde, la gigantesque triangulation commencée 
en 1802, sous la direction du colonel Lambton, et con- 
tinuée sous celle du colonel Everest. Elle embrasse main- 
tenant , indépendamment de son étendue én longitude, un 
arc de méridien de 21° 21”, depuis le cap Comorin jusqu'à 


( 760 ) 
Kiliana. Si on la prolongeait à travers la Russie d'Asie 
jusqu’à la Nouvelle-Zemble, elle embrasserait près de 70° 
en latitude ; 

9 Le nouveau degré du cap de Bonne-Espérance, par 
Mac-Lear ; 

10° Enfin, la méridienne et sa perpendiculaire, dans 
l'État de Massachussets, par Borden et Paine. 

Dans ce premier chapitre dont nous rendons compte, 
l’auteur expose d'une manière très-satisfaisante les mé- 
thodes qui ont été appliquées au caleul des côtés des trian- 
gles sphériques très-peu courbes; mais c'est la seule théorie 
géodésique qu'il ait convenablement esquissée. Ainsi, par 
exemple, il passe complétement sous silence les beaux 
travaux de Gauss et de Bessel, sur la théorie de la compen- 
sation des erreurs, et sur l'application de la méthode des 
moindres carrés aux observations géodésiques, travaux qui 
ont fait subir à la science une véritable transformation. 

On sait que l’école française considère chaque triangle 
d'un réseau géodésique comme formant un tout isolé et 
indépendant. Si donc on a observé, dans l’ensemble du 
réseau, plus d’angles (ou mieux, plus de directions) qu'il 
n'en faut pour calculer chacun des triangles, les données 
surabondantes permettent seulement de juger du plus ou 
moins de précision des observations, mais elles ne sont 
d'aucun emploi pour augmenter l'exactitude du résultat. 

Bessel est le premier qui, non-seulement ait tiré parti de 
toutes les observations angulaires d’une triangulation, 
mais encore qui les ait combinées d'avance, de telle sorte, 
qu’elles offrissent les liaisons les plus nombreuses et les 
plus avantageuses entre les différents triangles. Sa mé- 
thode pour calculer un réseau géodésique consiste : 

1° À modifier les observations immédiates, ou à les 
compenser entre elles, de manicre qu’elles correspondent 


WAOL ) 
à un système mathématiquement possible, n'étant nulle 
part en contradiction avec lui-même, et ne fournissant, 
par conséquent, qu'une seule valeur pour chacun de ses 
côtés et de ses angles ; 

2° À déterminer ces modifications de manière qu'elles 
aient en leur faveur la plus grande probabilité possible, 
c'est-à-dire par la condition que la somme de leurs carrés 
doit être un minimum. 

Nous engageons l'auteur du mémoire à examiner la 
solution de Bessel, qui à été publiée, en 1827, dans les 
Astronomische Nachrichten , où le professeur Rosenberger 
en a fait une application. Le Manuel de géodésie supérieure 
(Lehrbuch der hôheren Geodäsie) de Fischer; les ouvrages 
de Bessel et de Baeyer intitulés : Gradmessung in Ost- 
preussen, et Die Küstenvermessung, renferment sur le 
même sujet de très-utiles développements. 

La question relative aux avantages et aux inconvénients 
des grandes et des petites bases avait assez d'importance 
pour être soulevée et examinée. Il en était de même du 
principe de la répétition des angles, comparé à celui de 
leur réitération. Ces deux sujets intéressants , sur lesquels 
les hommes compétents sont encore divisés aujourd’hui, 
réclamaient une discussion dont les éléments se trouvent 
dans les ouvrages que je viens de citer, ainsi que dans une 
excellente notice sur les opérations géodésiques , insérée, 
par M. le colonel Pevytier, à la fin du troisième volume de 
la Nouvelle description géométrique de la France (A). 


————— EEE —— —"…—— —…—.… — 


(1) Voyez aussi Die Xleine Speyerer Basis, par Schwerd; 1822. 

Le Bulletin de Férussac, 1. IV, où se trouvent consignées les opinions 
de Troughton, Struve, Littrow , sur les instruments répétiteurs. 

Le n°256 des 4stron. Nachr., où Bessel traite le méme sujet. 


one xx111. —— [EU paRT, 52 


( 762 ) 

La nuit est-elle aussi favorable que le jour pour les 
observations géodésiques? — Quelle est l'influence de la 
hauteur du soleil sur la visibilité des signaux et sur Îa 
précision du pointé? — Quelles sont les conditions aux- 
quelles doit satisfaire une bonne station, et quelle est la 
forme la plus avantageuse à donner aux signaux ? — 
Quelles sont les propriétés de l’héliotrope et de la télégra- 
phie héliotropique? — Tous ces points sont omis ou à 
peine effleurés (1). 

Quelques passages du mémoire nous ont porté à penser 
que l’auteur a peu observé, et quil ne connaît guère la 
construction et le mécanisme des instruments : telle est 
probablement la raison pour laquelle il à passé si légère- 
ment sur la partie matérielle des méthodes géodésiques. 
Parmi les perfectionnements apportés par Borda aux règles 
destinées à la mesure des bases, il aurait dû faire ressortir 
l'utilité du thermomètre métallique, et celle des lan- 
guettes à vernier qui dispensent de procéder comme l’au- 
teur suppose qu’on le fait, c’est-à-dire de mettre les règles 
en contact immédiat. La comparaison de ces languettes au 
prisme en verre, employé par Schumacher et par Bessel, 
au levier coudé préféré par Struve, aux deux microscopes 
adaptés aux règles de Colby, méritait également son atten- 
tion; 1l en est de même des diverses espèces de règles 
bi-métalliques, notamment de celles que Colby a munies 
d'un appareil de compensation, et qui ont été perfection- 
nées par les Américains. Nous ne citons que pour mémoire 
l’appareil trés-commode de Porro, composé d’une seule 
règle en bois et de microscopes de repère : sa valeur n’a 


foyez au sujet des slations et des signaux, l'ischer, Op. cét., 2m bartie; 
1) Voy jet des stat t des sig , Fischer, Op. cét., 2% partie; 
Bessel, Gradmessung, p. 64; Baeyer, Dic Küstenvermessung, pp. 52 et 66, 


( 765 ) 
pas encore, à notre connaissance du moins, reçu la sanc- 
lion d’une expérience suffisante. 

Entre les petits instruments goniométriques, très-com- 
modes à transporter et à installer, mais dont la lecture est 
peu précise, et les instruments de près d’un mètre de 
diamètre, sur lesquels les observateurs anglais lisent direc- 
tement la seconde, mais dont le transport et l'installation 
sont pénibles et lents, il existe probablement un terme 
moyen donnant, dans les circonstances ordinaires où se 
trouve l'observateur en campagne, le maximum d'effet 
utile. C'était une question à traiter, de même que la valeur 
relative du cercle répétiteur, du théodolite (répétiteur ou 
non) et de l'instrument universel à lunette brisée (gebro- 
chen Fernrohr). Est-il préférable d'adapter à ces instru- 
ments des verniers ou bien des microscopes? C'est encore 
un point sur lequel les praticiens ne sont pas d'accord, et 
qui reste à juger. 

Dans une note de son mémoire, l’auteur dit quelques 
mots du nivellement géodésique, complément de toute 
triangulation. Il aurait trouvé sur ce sujet, ainsi que sur 
la valeur du coefficient de réfraction terrestre, des détails 
neufs et précieux dans la notice du colonel Peytier, que 
nous avons déjà eu occasion de citer (4). 

Eafin, les dimensions et la figure du sphéroide ter- 
restre, telles que l’auteur les adopte d'après Puissant, ne 
sont pas tout à fait d'accord avec celles qui résultent 
des savantes discussions de Schmidt, Waïlbeck et Bessel. 
D'après les déterminations de ce dernier, que l’on peut 
regarder comme les plus rigoureuses que la science pos- 


(1) Voyez aussi Gradmessung, p.197,et Die Küstenvermessung, pp. 491 
et suiv. — Ce dernier ouvrage renferme la théorie de la compensation des 
erreurs d’un nivellement géodésique, par la méthode des moindres carrés, 


( 764 ) 
sède aujourd’hui, le rapport du rayon polaire au rayon 
équatorial es ce qui conduit, en nombres ronds, 
à un aplatissement de = (t). Ce chiffre est basé sur la 
combinaison des longueurs du degré terrestre fournies 
par les dix meilleures triangulations connues. 

La pariie critique de notre tâche est terminée : l’auteur, 
profitant avec intelligence des ouvrages de Laplace, Biot, 
Puissant, Francœur, etc., se trouve sur un terrain plus 
sür et mieux connu, lorsqu'il parle des travaux théoriques 
des géomètres, pour déterminer la figure de la terre par 
l'analyse mathématique, par les inégalités Junaires et par 
les observations du pendule. Nous nous bornerons à lui 

* signaler, pour compléter ce qu'il dit sur ce dernier point, 
un mémoire inséré dans le Bulletin scientifique de l’Aca- 
démie de Saint-Pétersbourg , 1841, dans lequel Borenius à 
discuté un grand nombre d'observations du pendule dans 
le cas le plus général, c’est-à-dire dans l'hypothèse qui 
considère la terre comme un ellipsoide à trois axes iné- 
gaux. 

Remarquons à ce sujet qu'il ne faut pas accorder une 
confiance trop absolue aux observations du pendule, pour 
la détermination de la figure de la terre. Ce procédé sup- 
pose qu'il existe un rapport mathématique entre la forme 
du globe et les variations de la pesanteur à sa surface : 
mais on sent que ce rapport, qui existerait en effet si la 
terre, d’abord liquide, s'était solidifiée régulièrement, peut 
avoir été altéré (et l’a été certainement) par les phéno- 
mèênes souter”ains qui ont troublé, en divers endroits, 
l’ordre de densité des couches. Dès lors le pendule, sui- 
vant la remarque de Poisson (2), peut annoncer une ano- 


TT q 


(1) Voyez Mädler, Populüre Astronomie , 2v° édil., 1846, p. 22. 
(2) Traile de mécanique, livre 2, Ç 254. 


( 765 ) 
d 


malie dans la nature du sous-sol, aussi bien qu'une irré- 
gularité dans la longueur du rayon terrestre : il devient à 
la fois un instrument de géologie et de géodésie. 

En résumé, le mémoire que la classe a reçu en réponse à 
la question qu'elle avait mise au concours, ne me paraît pas 
assez complet pour être couronné. La partie géodésique, 
qui était le point essentiel , a été traitée d’une manière trop 
imparfaite, et laisse trop à désirer. Je reconnais toute- 
fois, ainsi que Je l’ai dit au commencement de ce rapport, 
que le temps a dû manquer à l’auteur, s'il n’était pas 
suffisamment préparé, par des travaux antérieurs , à abor- 
der un sujet aussi étendu. Comme il est possible que d’au- 
tres concurrents n'aient pu, pour cette raison, présenter 
leur travail en temps opportun; comme, d’ailleurs, la 
manière dont celui-ei a traité certaines parties du sujet 
permet d'espérer que de nouvelles études le mettront à 
inême de compléter son œuvre, et de présenter un mémoire 
qui satisfasse aux intentions de la classe, j'ai l'honneur 
de vous proposer, Messieurs, de laisser figurer la question 
au programme du concours de 4857. » 


—— 


Bapposrt de PF, Nersnüurger. 


« Notre confrère est toujours si complet dans ses appré- 
elations , que, lorsque j'ai le bonheur de l'avoir pour chef 
de file, il m'est impossible de tronver un seul mot à dire 
après lui. Cette heureuse circonstance se reproduisant 
aujourd'hui, je ne puis que me rallier en tous points à 
son remarquable rapport. C'est assez dire que j'adopte ses 
conclusions, » 


( 766 ) 


Rapport de PI. À. Quetelet, 


« Je m'en réfère très-volontiers au jugement qui a été 
porté sur cetravail par notre honorable confrère, M. Liagre. 
L'auteur du mémoire, quoique faisant preuve de connais- 
sances, a eu tort de considérer les observations astronomi- 
ques comme n'étant pas du ressort de la géodésie. 

Parmi les omissions nombreuses qu'on peut citer dans 
son travail, j'ai remarqué surtout avec regret celle de la 
partie la plus importante, je veux parler de la télégraphie 
électrique comme moyen de jonction entre les divers points 
de la terre. L'auteur en dit quelques mots (à la page 51); il 
se borne à avancer que « un grand progrès sera réalisé, pour 
la géodésie, par l’applieation de la télégraphie électrique à 
la fixation de la différence des longitudes des stations. » 

Cette lacune me paraît inexcusable ; en admettant même 
que l’auteur eût évité les autres omissions signalées dans 
son travail, je ne saurais comment la justifier. Son mé- 
moire, en effet, se borne à reprendre la science telle 
qu’elle était il y a trente ans, telle qu’on peut la retrouver, 
et d’une manière plus complète, dans les traités de géo- 
désie des différents pays. J'étais du nombre des membres 
qui ont désiré que la question fût placée au programme, 
mais c'était surtout au moment où il s'agissait d'arrêter les 
idées sur un moyen nouveau que venait d'employer la géo- 
désie, qu'il importait de s'entendre sur le genre nouveau 
d'observation géodésique, qui fixe au plus haut point l’atten- 
Lion des savants et fait entreprendre des travaux importants 
bien propres à caractériser notre époque. 

Les premiers essais pour perfectionner cette science par 
l'emploi des courants électriques, semblent dus aux Améri- 
cains. Des tentatives furent faites ensuite en Angleterre, 
par M. Airy, entre Greenwich et les observatoires de Cam- 


( 767 ) 

bridge et d'Édimbourg. Les vues du savant anglais se 
tournèrent plus tard vers le continent. « L'intérêt avec 
lequel M. Arago et d’autres membres de l’Académie des 
sciences de France avaient, en 4851, demandé la détermi- 
nation de leur différence de longitude, dit M. Airy (1), et la 
priorité dans l'achèvement du télégraphe sous-marin jus- 
qu'à la côte de France, m’avaient porté à considérer la dé- 
termination de notre différence de longitude avec Paris, 
comme devant former la première application à notre 
jonction avec les fils de la compagnie sous-marine. Pen- 
dant l'été et l’automne de 4855, des négociations furent 
entamées à ce sujet avec le Bureau des longitudes. Elles 
furent interrompues par la maladie de M. Arago et par 
d'autres causes. Je me considérai alors comme libre de 
commencer par la longitude de Bruxelles; et ayant com- 
muniqué mon projet à M. Quetelet, je le trouvai très-dési- 
reux d'exécuter l'entreprise. » La détermination fut en effet 
exécutée à travers l'Océan, et le résultat final, au juge- 
ment de M. Airy, est incontestablement le meilleur qui 
puisse être donné dans les circonstances actuelles. Vers 
la même époque, des opérations analogues s'exécutaient 
en Allemagne, surtout par les soins de M. Encke, le 
savant directeur de lobservatoire de Berlin. M. Lever- 
rier faisait, d'une autre part, le travail que la mort de 
M. Arago avait empêché de continuer ; il mettait le princi- 
pal observatoire de France en rapport immédiat avec celui 
de Greenwich. 

Je n’essayerai pas d’énumérer tous les travaux sembla- 
bles qui ont été entrepris, dans la vue de déterminer les 


(1) On the différence of longitude between the observatories of Brussels 
and Greenwich, ete., by Airy, esq. Royal astronomical Society, vol. XXIV, 
page 3. 


( 768 ) 

longitudes par les nouveaux procédés. Au milieu de tous 
ces grands travaux, nous pouvons peut-être citer celui qui 
doit unir tout le nord de l'Europe, en passant par l'Angle- 
terre, la Belgique, la Prusse et la Russie. Le travail entre 
Londres et Bruxelles est terminé ; celui entre Bruxelles et 
Berlin se fera au retour de la bonne saison , d’après la pro- 
messe de M. Encke; ce savant complète la ligne, probable- 
ment achevée aujourd'hui, qui Joint Berlin à Kœænigsbere. 
Il ne restera qu'à déterminer la ligne jusqu'à Saint-Péters- 
bourg, ce qui ne tardera pas à s’exécuter, si j'ai bien com- 
pris M. Otto Struve, pendant son séjour à Bruxelles, ainsi 
que M. Leverrier, dans un des derniers comptes rendus 
de l'institut de France. 

Ce qui précède suffira, je pense, pour faire comprendre 
l'importance que les astronomes ont attachée aux télégra- 
phes électriques dès leur apparition. Bientôt nous ver- 
rons les différents pays de l’Europe, liés entre eux, donner 
leur longitude avec la dernière précision. Il appartenait 
dès lors aux savants de faire connaître, le plus promp- 
tement possible, les moyens qui venaient d’être employés, 
d'indiquer les inconvénients auxquels ces moyens pou- 
vaient donner lieu, et d'examiner si l’on pouvait détermi- 
ner avec exactitude les éléments de correction. 

On avait remarqué déjà que le courant, en traversant 
les mers, changeait sensiblement de vitesse; mais quelle 
était la loi de ce changement, quelles pouvaient être les 
autres causes qui tendaient à altérer sa marche? C'était 
surtout vers le but d'arriver à la connaissance de ces 
causes, si précieuses pour l'astronomie, qu'on tourna 
d’abord ses regards. 

On peut être étonné après cela qu’un mémoire envoyé en 
réponse à la question sur les méthodes pour déterminer 
la figure de la terre, n’ait qu'une seule phrase pour parler 


( 769 ) 


de ce nouveau moyen et que l’auteur n’ait pas cherché en 
quoi il consiste. Une pareille lacune est trop regrettable, 
pour qu'une Académie puisse lui adjuger sa première 
récompense : ce serait en quelque sorte se juger soi-même 
comme inhabile à reconnaître le mouvement qui vient de 
sopérer. Je suis donc d'avis que l’auteur dun mémoire 
envoyé au concours ne s'est pas mis à la hauteur des con- 
naissances nécessaires pour juger la question, et que dans 
cet état de choses, l’Académie déclare qu'elle n’a pas de 
grande récompense à lui décerner. » 


Conformément à l’avis de ses commissaires, l’Académie 
a regretté de ne pouvoir décerner son prix à l’auteur du 
mémoire présenté au Concours. 


TROISIÈME QUESTION. 


On tend aujourd'hui à substituer l'enregistrement des 
observations de météorologie et de physique du globe par des 
moyens mécaniques, à leur constatation directe par des 
observateurs; on demande d'examiner la valeur compa- 
rative des deux moyens, en ayant égard à leur mérite 
scientifique, ainsi qu'aux soins et aux dépenses qu'ils acca- 
sionnent. 


Rapport de M. F. Duprez (|) 


« Dans mon opinion, le mémoire ne renferme point 
une solution complète de la question proposée. En met- 
tant cette question au CONCOUTS , l’Académie était con- 
vaincue de l'utilité et de la valeur scientifique des appa- 


(1) Le mémoire envoyé au concours avait pour épigraphe : Za détermi- 
nation des lois météorologiques dépend avant tout de l’observation. 


(770 ) 


reils enregistreurs; mais elle savait aussi que des difficultés 
inhérentes à leur construction et à leur emploi pouvaient 
entacher d'erreur les observations faites par leur moyen, 
et c'était principalement dans le but de connaître le degré 
de précision que ces appareils atteignent dans l’état actuel 
de la science, qu'elle avait demandé de comparer l’enre- 
gistrement des observations de météorologie et de physi- 
que du globe à la constatation de ces mêmes observations 
par les procédés ordinaires. Or, je regrette de le dire, on 
ue trouve point dans le mémoire des données suffisantes 
pour permettre d’asseoir un jugement sur ce degré de pré- 
cision. Dans l'examen qu'il fait des divers appareils enre- 
gistreurs aujourd'hui employés, l’auteur émet des considé- 
rations, la plupart fondées il est vrai, relativement aux 
avantages et aux erreurs qu'ils présentent; mais, à l’excep- 
tion d’un seul cas, il se borne à ces considérations sans 
les appuyer par des résultats numériques. Îl suit la même 
marche dans son appréciation des dépenses que nécessitent 
les appareils dont il s’agit comparativement à celles qu’exi- 
gent les autres instruments météorologiques. 

Le mémoire qui, du reste, ne manque pas de mérite, 
est accompagné de la description d’un baromètre enregis- 
treur imaginé par l’auteur, et dans la construction duquel 
intervient l'électricité conjointement avec les moyens mé- 
caniques. Cet instrument est assez compliqué; d’ailleurs, 
il n’est qu’en projet, et, par conséquent, on peut à cet 
égard, pour ce qui concerne la question du programme, 
faire à l’auteur le même reproche que ci-dessus. 

Les motifs que je viens d’alléguer m'ont paru assez con- 
cluants pour ne point donner mon assentiment au mé- 
moire. » 


(77) 


Rapport de M. Slas. 


« J'approuve en entier l'appréciation que notre confrère 
M. Duprez a faite du mémoire qui est soumis à notre 
examen; comme lui, je trouve qu'il v a une lacune très- 
regrettable : c'est l'absence d'observations comparées. Cette 
comparaison aurait mis en évidence les défauts ou les qua- 
lités des différentes méthodes d'enregistrement mécanique. 
J'ajouterai que l’auteur du mémoire n’a pas, à mon sens, 
suffisamment insisté sur les imperfections des barographes 
et des thermographes dans lesquels interviennent des 
rouages mécaniques, et par conséquent des frotiements. 
Dans ma mauière de voir, les observations faites à laide 
des instruments de ce genre ne méritent aucune confiance. 

Du reste, le mémoire est écrit avec méthode et beaucoup 
de clarté. Si la lacune signalée plus haut n'existait pas, il 
n'y aurait pas de raison de ne pas couronner le travail. 
Mais l’absence des observations comparées justifie-t-elle 
la conclusion si rigoureuse de notre confrère Duprez? je 
ne le pense pas. Je suis d’avis qu’en toute justice, l’Acadé- 
mie doit une mention honorable à ce mémoire, et j'ai lhon- 
neur de proposer à la classe de la lui voter. Convaineu 
que je suis que ce mémoire, convenablement complété, ré- 
soudrait la question posée par l’Académie, je proposerais 
de laisser la question au concours, si Je ne persistais pas 
dans la manière de voir que J'ai exprimée l’année dernière, 
concernant son inopportunité. La science proprement dite 
n'aura pas fait un pas lorsque cetie question sera résolue. 
Je maintiens que l'enregistrement des observations est uni- 
quement une affaire de ménage des observatoires. » 


(772) 


Bapport de M. A. Quetelet. 


« La question mise au concours par l’Académie avait 
principalement pour objet d'examiner d’abord, s'il était 
possible de remplacer l'observation directe des instruments 
par des moyens mécaniques, ensuite si l'observateur pou- 
vait régler son temps d'une manière plus précise et plus 
conforme à ses intérêts scientifiques, en recueillant, quand 
il le voulait, des observations qu'il aurait dû enregistrer 
lui-même à des heures déterminées du jour et de la nuit. 
En d’autres termes, on avait à examiner scientifiquement 
ce qui se passe aujourd'hui : pendant plusieurs années, 
les observateurs, principalement ceux qui s'occupent des 
travaux météorologiques demandés par la Société royale de 
Londres, veillaient et recueillaient leurs observations à des 
heures déterminées, la nuit comme le jour; ils ont vu en- 
suite que ces observations pouvaient se relever mécani- 
quement ; et les moyens pour y parvenir ont été employés 
en Allemagne, comme en Angleterre el comme dans tous 
les pays où l’on attache quelque importance à l’observation 
continue. A-t-on eu tort d'employer cette méthode? c’est ce 
que l’auteur du mémoire envoyé au concours ne s’est pas 
occupé de déterminer. Il a malheureusement perdu de vue 
la question générale, la question vraiment scientifique, et 
il s'est occupé d'examiner la marche que l'on suit dans 
quelques observatoires. 

L'auteur a done substitué à la question proposée, cette 
autre à laquelle il s'est attaché à répondre : Par quels 
moyens enregistre-t-on aujourd'hui d'une manière con- 
tinue les différents phénomènes de la météorologie et de 
la physique du globe? Considéré sous ce point de vue, le 


075 ) 

mémoire du concours laisse encore beaucoup de lacunes ; 
mais les indications qui y sont données méritent une 
attention particulière : on voit très-bien que l’auteur est 
un homme d'expérience, qu’il a fait usage des instruments 
qu'il décrit; 1l indique même un instrument nouveau, un 
électro-barographe, qui, dit-il, peut fonctionner en con- 
currence avec les instruments qu’il décrit. On conçoit qu'à 
nos yeux, la difficulté n’est point là ; elle présente une tout 
autre importance. 

Peut-on obtenir par de simples instruments les indica- 
lions atmosphériques qui, d’abord, ne se recueillaient que 
par des observateurs? La question aujourd'hui ne laisse 
plus aucun doute, même pour des indications qui ne se 
font pas encore au moyen d'instruments, mais où les instru- 
ments deviendront possibles; par exemple, pour l’état du 
ciel plus ou moins nuageux. J'ajouterai même que l'obser- 
vation se fera d’une manière plus complète, plus uniforme, 
plus régulière; mais je n’entends pas dire par là que des 
observateurs ne devront point venir en aide aux indica- 
lions des instruments : on ne pourra guère prendre ces 
indications que comme des valeurs relatives dans les- 
quelles il faudra fixer quelques points de repère pour con- 
verlir l'observation relative en observation absolue, C'est 
la marche que nous suivons à Bruxelles ; c’est probable- 
ment la marche qui est suivie partout où l’on se sert des 
instruments enregistreurs. 

Ce moyen facile a permis de recueillir aujourd'hui des 
observations horaires presque partout où la science se cul- 
tive avec quelque avantage, tandis que précédemment on 
ne connaissait d'observations horaires que pour six ou 
huit points du globe; et encore, ces observations étaient- 
elles fort incomplétes. 


( 774 ) 

Je n’insisterai pas sur ces remarques, qui rentrent, du 
reste, dans celles que mon honorable collègue, M. Duprez, 
a bien voulu vous soumettre (1); je serais d'avis cependant 
que l’Académie témoignâi sa reconnaissance à l’auteur du 
mémoire qui lui a été présenté, mémoire remarquable 
sous plusieurs rapports et qu’elle lui décernât une médaille 
d'argent. » 


MM. les commissaires Duprez, Stas et Quetelet se sont 
accordés sur le point principal, celui de ne point accorder 
la médaille d'or à l’auteur; ils ont pensé cependant que ce 
travail portant pour épigraphe : La détermination des lois 
météorologiques dépend avant tout de l'observation , est fait 
avecsoin, bien qu'il laisse beaucoup à désirer. La classe, sur 
leur proposition, à voté une mention honorable à l’auteur. 


a 


QUATRIÈME QUESTION. 


Étudier, au moyen de nouvelles expériences, l'influence 
que le grand nerf sympathique exerce sur les phénoménes de 
la nutrition. | 


L'Académie a reçu un seul mémoire en réponse à celte 
question; il porte pour épigraphe : Un pas après l'autre. 


Bapport de M. Æ'h. Sclivann. 


« L'origine de tous les tissus de cellules et l’analogie 
parfaite que présente le développement de ces cellules 
chez les animaux et les végétaux, dans les tissus qui con- 


(1) Je ne connaissais pas le rapport de M. Stas, avant la lecture faite en 
séance. 


( 715 ) 
tiennent des vaisseaux et des nerfs et dans ceux qui n’en 
contiennent pas, prouvent à l’évidence que les vaisseaux 
et les nerfs ne sont pas la cause première de l’accroisse- 
ment et de la nutrition. 

De l’autre côté, il y a des faits incontestables qui mou- 
trent que le système nerveux peut produire des modifica- 
lions profondes dans les actes de la nutrition ei de la 
sécrétion, et ces modifications sont attribuées de préférence 
au nerf grand sympathique. Constater par de nouveaux 
faits cette influence végétative du système ganglionnaire, 
prouver par quels élémenis morphologiques il exerce cette 
influence, montrer la manière dont il agit dans cette fonc- 
tion, si c'est comme nerf vasomoieur ou par une action 
métabolique directe, comparer cette influence du nerf 
sympathique avec celle que peuvent avoir les nerfs céré- 
 bro-spinaux, tels étaient les problèmes que l’Académie 
avait en vue, en metlant au concours la question de la 
fonction végétative du nerf grand sympathique. 

L'Académie n’a pas exigé la solution de ces questions, 
mais elle a demandé seulement la découverte d'un nou- 
veau fait qui puisse être considéré comme un pas vers la 
solution. | 

L'Académie peut se féliciter d'avoir posé cetle question, 
parce qu'elle a reçu un mémoire qui annonce un fait nou- 
veau, capable d'avancer la solution d’une manière nota- 
ble. Le mémoire est en latin et porte l’épigraphe : Un 
pas apres l'autre. 

Ce fait nouveau est celui-ci : la section de la portion 
cervicale du nerf grand sympathique a pour effet, que le 
sang qui revient de la partie correspondante de la tête 
coagule beaucoup plus vite que le sang du côté non opéré. 

Ce fait est évidemment d’une haute conséquence et doit 


(2740 ‘| 
assurer au concurrent les suffrages de l’Académie, pourvu 
toutefois qu'il soit établi avec une certitude suffisante par 
les expériences que l’auteur a faites. 

Suivons l’auteur dans ses recherches. Après une intro- 
duction historique, 1l prend pour point de départ la dé- 
couverte de M. CI. Bernard, d’après laquelle la section du 
nerf sympathique sur le cou produit entre autres effets 
une augmentation notable de la chaleur dans la moitié 
correspondante de la tête. L'auteur du mémoire a répété 
ces expériences sur trois chevaux avec le même résultat 
que M. Bernard et ses successeurs. Mais 1l attaque la con- 
clusion qu'on en a tirées, que le nerf sympathique sert à la 
calorification physiologique. Il conteste aussi l'exactitude 
des termes dont se servent, d’après l’auteur, MM. Bernard, 
Brown-Sequard, Budge, Waller et autres, en disant que, 
après la section des nerfs ganglionnaires de la tête, la 
fonction vitale de la calorification est augmentée, parce 
que, dit-il, on devrait conclure de là que le nerf sympa- 
thique à la fonction physiologique de la mort, vu que la 
suppression de cette fonction augmente la vie. 

Nous n’examinerons pas ici si les auteurs désignés sont 
obligés d'admettre cette interprétation de leurs paroles. 

Si on explique les faits constatés jusqu'ici par la fonc- 
tion vasomotrice du sympathique, les organes, après la 
section du nerf, deviennent plus chauds, parce que les vais- 
seaux paralysés deviennent plus larges; à cause de cela, 
une plus grande quantité de sang y circule, et par la, la 
température de l’organe s'approche davantage de celle du 
sang. Si le nerf sympathique non coupé rétrécit les vais- 
seaux, et que, par cette raison, les organes intéressés se 
refroidissent en contact avec l'air froid au-dessous de la 
température du sang, on ne peut pas dire pour cela que 


(71 } 
le nerf ait la fonction de refroidir, la fonction de la mort. 

Dans cette théorie, l’organe devient plus chaud, quoi- 
qu'il ne développe peut-être pas lui-même plus de chaleur 
par son mouvement de composition et de décomposition 
qu'avant la section du nerf. Si, au contraire, on ne croit pas 
pouvoir expliquer tous les faits par cette théorie, et qu’on 
suppose un dégagement plus fort de calorique dans l’organe 
même dont les nerfs sont coupés, et qu’on admette, avec 
M. C. Bernard, que la chaleur animale vient « de la plus 
ou moins grande activité des métamorphoses chimiques » 
que le sang éprouve dans les tissus vivants sous des in- 
fluences spéciales du système nerveux, on ne se prononce 
pas sur la cause pourquoi il ÿ a des métamorphoses chi- 
miques plus actives après la section des nerfs. Des méta- 
morphoses chimiques ont lieu à l’état normal, d’après cette 
théorie , sous l'influence des nerfs et produisent une cer- 
taine quantité de chaleur. Si les nerfs sont coupés, la cha- 
leur devient plus grande, donc il y à des métamorphoses 
chimiques plus intenses. On ne dit pas que ces dernières 
métamorphoses chimiques soient de même nature que celles 
qui avaient lieu avant la section du nerf. Donc, on ne dit 
pas non plus que le nerf sympathique diminue les méla- 
morphoses chimiques de la vie, et qu'il ait la fonction de 
la mort. 

Quoi qu'il en soit, l’auteur établit, pour expliquer les 
observations, une différence essentielle entre la chaleur 
physiologique et pathologique, c'est-à-dire il avance une 
hypothèse sur la différence entre les métamorphoses chimi- 
ques qui se passent après la section du nerf sympathique 
et celles qui ont lieu pendant l'intégrité du nerf. En ceci il 
fait donc un pas de plus que ses devanciers. Il considère 
les premières comme des métamorphoses régressives pres- 

Toue xx. — IT parT. D 


( 718 ) 
que cadavériques, comme une érémacausie, les tissus et le 
sang n'étant plus protégés par l'influence des nerfs mous 
contre la désorganisation érémacausique et contre la do- 
minance des lois chimiques. 

L'auteur expose une comparaison entre la chaleur phy- 
siologique et pathologique, et pour mettre son hypothèse 
à l'épreuve, il a fait cinq expériences pour examiner l'état 
du sang qui revient des organes dont le nerf sympa- 


thique est coupé. Son attention était dirigée sur le temps 


que le sang emploie pour sa coagulation après une saignée 
sur le côté opéré et sur le côté sain. 

Les expériences furent faites ainsi sur des chevaux et 
des veaux. 

Les nerfs sympathique et pneumogastrique, qui, chez 
ces animaux, sont réunis sur le cou, furent coupés d’un 
côté au milieu de leur portion cervicale. Cinq jusqu'à 
11 minutes après cette opération des saignées furent faites 
sur les veines jugulaires du côté opéré et du côté sain, et le 
sang reçu dans deux vases de mêmes dimensions. Voici les 
résultats obtenus : 

Dans la première expérience faite sur un cheval, le sang 
du côté opéré se coagulait à peu près dans la moitié du 
temps qu'exigeait le sang du côté sain. 

La deuxième et la troisième expérience furent faites 
sur des veaux. La coagulation eut lieu sur le côté opéré 
respectivement dans le tiers et dans le cinquième du 
temps nécessaire pour la coagulation du sang de l’autre 
côté. 

Dans la quatrième expérience, faitesur un veau, le sang, 
avant la coagulation, fut porté à une distance de 500 pas. Il 
n y eut pas de différence entre les deux sangs pour le temps 
de leur coagulation. 


MAIS DR RES LS Le ES 


(49 ) | 

La cinquième expérience fut faite sur un cheval, La 
coagulation du sang du côté opéré et du côté sain eut lieu 
en même temps. 

L'auteur prouve ensuite, par lesexpériences de M. J.Polli, 
qui sont d'accord avec celles de M. Nasse, qu’une coagula- 
lion précoce du sang indique une diminution de la vita- 
lité du sang, et il conclut que la section du nerf grand 
sympathique produit une métamorphose régressive dans le 
Sang , qui parcourt l’organe et que cette métamorphose est 
la cause de la chaleur augmentée. 

Il est incontestable que la théorie de l’auteur servirait 
beaucoup à éclaicir le rôle que joue le nerf grand sympa- 
thique dans la nutrition; mais on ne peut en apprécier la 
valeur réelle que lorsqu'on est bien certain de l’exactitude 
du fait sur lequel la théorie repose. Est-il certain, d’après 
les expériences ci-dessus, que le sang des organes dont le 
nerf sympathique est coupé se coagule plus vite que le 
sang sain ? 

J'avoue que je ne partage pas la certitude de l’auteur. 
Si entre cinq expériences faites il y en a trois qui don- 
nent un résultat positif et deux qui sont contraires, on 
ne peut pas en tirer une conclusion certaine, à moins qu'on 
ne démontre la cause qui a produit cette différence des 
résultats. Dans la quatrième expérience, le transport du 
sang à pu déranger jusqu’à un certain point le phénomène 
de la coagulation; mais quand même on veut admettre ceci 
comme une explication suflisante, rien n’explique le ré- 
sultat négatif de la cinquième expérience. 

Pour prouver un fait de cette importance, il faut un 
plus grand nombre d'expériences et des résultats plus con- 
formes, surtout quand il s’agit d’un phénomène comme la 
coagulation du sang, sur laquelle, d’après les recherches 


( 480 ) 
de Nasse, un grand nombre de circonstances en apparence 
très-petites ont une influence considérable. 

L'auteur à lui-même senti l'insuffisance du nombre de 
ces expériences, et il s'excuse par la nécessité d'employer 
de grands animaux qu'on ne peut pas toujours se procurer. 
Mais l’Académie ne peut pas non plus couronner un tra- 
vail pour une découverte qui, peut-être, sera réfuté un an 
après par des expériences contraires. 

Pour vérifier les résultats de l’auteur, J'ai fait deux ex- 
périences sur de grands lapins et une sur un chien. Les 
expériences furent faites ainsi : sur les lapins, la portion 
cervicale du nerf sympathique du côté gauche, y compris 
le ganglion cervical supérieur furent enlevés; sur le chien, 
les nerfs pneumogastrique et sympathique réunis du côté 
gauche furent coupés au milieu du cou; ensuite deux liga- 
tures, l’une à distance de l’autre, furent placées au-des- 
sous de chacune des veines jugulaires droite et gauche. 
Puis la ligature inférieure fut serrée sur le côté opéré; la 
saignée fut faite immédiatement au-dessus, puis la liga- 
ture supérieure fut liée pour arrêter l’hémorragie. Im- 
médiatement après, le même procédé fut répété de l’autre 
côté. J'ai uré ainsi sur chaque côté une demi-once de sang. 

Je n'ai remarqué aucune différence dans le temps né- 
cessaire pour la coagulation du sang des deux côtés. 

Ces résultats négatifs ne prouvent pas que l’auteur se soil 
trompé dans ses expériences, parce qu'il a raison de dire 
que ces expériences doivent être faites sur de grands ani- 
maux dont on peut tirer une grande quantité de sang. On 
diminue par là la chance d'erreur provenant des circon- 
stances extérieures, qui ont une grande influence dans la 
coagulation du sang. Chez les grands animaux aussi, on 
ne peut pas faire l’objection que la perte de sang par la 


( “781 ) 
saignée, du côté opéré, augmente la coagulabilité dans 
le sang qui reste dans le corps et qu’on obtient par la 
seconde saignée. Toutefois, ces résultats négatifs suffisent 
pour faire désirer que l’auteur appuie sa découverte sur un 
plus grand nombre d'expériences. 

Il ya, en outre, des faits constatés par d’autres auteurs, 
qui au moins ne parlent pas pour la théorie de l’auteur. 
Telle est l'observation de M. Brown-Sequard, que l'irritabi- 
lité des muscles se conserve plus longtemps après la mort, 
et que la roideur cadavérique arrive plus tard sur le côté 
opéré que sur le côté non opéré, elc. 

S'il y a déjà métamorphose régressive cadavérique dans 
le sang pendant la vie, peut-il entretenir la vie dans les 
muscles plus longtemps que le sang normal ? 

Telle est encore l'observation de M. CI. Bernard, qui a 
placé un lapin opéré dans une étuve chauffée à la tempé- 
rature du corps. Le côté sain se chauffait davantage dans 
ces circonstances, tandis que le côté soustrait à lin- 
fluence du nerf sympathique n’augmentait pas en chaleur. 
Peut-on supposer que, dans ces circonstances anormales, 
la métamorphose régressive du sang (J'évite avec inten- 
tion le terme d'érémacausie) sur le côté opéré soit dimi- 
nuée ? 

Ces phénomènes se comprennent bien, si on admet la 
paralysie des vaisseaux sanguins (contestée, il est vrai, par 
M. CI. Bernard). L'irritabilité des muscles dure plus long- 
temps, parce qu'une plus grande quantité de sang reste 
dans les tissus, à cause de l'élargissement des vaisseaux. 
Dans une atmosphère qui à la température du sang, la 
moitié saine de la tête augmente en température, parce 
que la cause pour laguelle elle n'avait pas la chaleur du 
sang, le refroidissement par l'atmosphère vient à cesser. 


( 782 ) 

La moitié opérée de la tête qui, à la suite de la section du 
nerf, est parcourue par une quantité de sang si grande, 
que, malgré la perte continuelle par l'atmosphère, elle 
s'approche à la température du sang, n’a pas de raison 
d'augmenter sa température notablement au delà de ce 
terme. Dans le raisonnement que je viens de faire, je fais 
même abstraction de ce que la paralysie des vaisseaux 
change, en outre, les conditions de la nutrition, et peut 
même augmenter peut-être par celte seconde raison la 
calorification locale. 

Toutefois, aucun raisonnement ne peut tenir contre un 
fait bien observé ; mais il est nécessaire qu'il soit appuyé 
sur un nombre suffisant d'expériences. 

Nous prions donc l’auteur de vouloir bien continuer ses 
expériences pour remplir cette lacune, et de nous en com- 
muniquer les résultats. Pour lui donner le temps néces- 
saire, j'ai l'honneur de proposer à l’Académie d’ajournéer 
la décision, et de maintenir la question au concours pour 
l’année 1857. » 


Rapport de M. Spring. 


« D'accord avec mon savant collègue sur les conclu- 
sions, je féliciterai l’auteur d’avoir pris pour point de dé- 
part l'expérience de Claude Bernard relative à la portion 
céphalique du grand sympathique. 

Plusieurs générations de physiologistes passeront, sans 
doute, avant que l'influence du système nerveux sur les 
phénomènes de la nutrition soit bien définie. Mais au 
point où l’on en est actuellement, il me semble que la 


( 785 ) 


méthode exige impérieusement de ne pas trop multiplier 
les points d'attaque, mais de concentrer les efforts sur 
quelques faits culminants, dans le but d'arriver, par l’ex- 
périmentation et par le raisonnement, à leur interpréta- 
tion juste et féconde. 

Si l’on détruit la portion céphalique du nerf grand sym- 
pathique, on produit les lésions suivantes : 

1° Le rétrécissement et la déformation de la pupille; 

2° Le resserrement et la déformation de l'ouverture 
palpébrale ; 

5° La rétraction du globe oculaire, rétraction qui fait 
saillir la troisième paupière lorsqu'elle existe, et la porte 
à venir se placer au-devant de l'œil; 

4° Le rétrécissement plus ou moins marqué de la na- 
rine et de la bouche du côté correspondant , et 

5° Selon Claude Bernard : Une modification toute spe- 
ciale de la circulation coïncidant avec une augmentation de 
caloricité et méme de sensibilité dans les parties (1). 

Si l’on galvanise le bout supérieur du grand sympa- 
thique divisé, tous les phénomènes qu’on avait vus se pro- 
duire par la destruction de l'influence du nerf changent de 
face et sont opposés : la pupille s’élargit, l’ouverture pal- 
pébrale s'agrandit, l’œil fait saillie au dehors de l'orbite; 
d’active qu’elle était, la circulation devient faible; la con- 
jonctive, les narines, les oreilles, qui étaient rougies, 
pâlissent. Si l’on cesse le galvanisme, tous les phénomènes 
primitifs réapparaissent peu à peu. 

Tel est le fait auquel s'exerce depuis cinq ans la saga- 
cité des physiologistes, et qui, tout en éblouissant encore 


(1) Compte rendu de la Société de Biologie, octobre et novembre 1852, 


( 784 ) 

la science traditionnelle comme par un éclat étrange et 
presque hostile, semble devoir devenir le point de dé- 
part d'une nouvelle doctrine relative au rôle que joue le 
système nerveux en général, et le système ganglionnaire 
en particulier, dans les phénomènes de la nutrition, de la 
sécrétion, de la circulation capillaire, de la calorification, 
de la congestion et de l’inflammation. 

Deux théories s'étaient produites jusqu’à présent. L’au- 
leur concurrent y ajoute une troisième. 

La première théorie est propre à Claude Bernard. Selon 
le célèbre professeur du collége de France, la conges- 
tion qui succède à la suppression de l'influence du grand 
sympathique ne serait nullement due à une paralysie des 
parois vasculaires ; elle serait de nature active comme 
celle qui se fait aux environs d’une plaie ou autour d’un 
corps étranger introduit dans les tissus vivants; et le 
second phénomène principal, l'élévation de la tempéra- 
ture, ne dépendrait point de la congestion. Pour l'ex- 
pliquer, Claude Bernard à recours à une hypothèse dont 
le moindre défaut est, selon nous, de se faire difficile- 
ment comprendre. fl suppose qu'en général il existe un 
rapport d’antagonisme entre les nerfs cérébro-spinaux, 
d'une part, et le nerf grand sympathique de l’autre; et si 
nous avons bien saisi son idée, la nutrition ne reste nor- 
male qu’aussi longtemps qu’il y a un juste équilibre dans 
l’influence des deux espèces de nerfs. Ainsi, la section du 
grand sympathique a pour conséquence une augmenta- 
tion de la chaleur, par la raison que la section des nerfs 
cérébro-spinaux est suivie d’un abaissement de la tempé- 
rature. On pourrait donc soutenir, en effet, que, dans les 
idées de Claude Bernard, le grand sympathique, entre 
autres usages, possède celui d'empêcher une trop forte 


( 785 ) 
calorificalion des tissus, ou, si l’on veut, « une trop grande 
activité des métamorphoses chimiques. » M. Schwann à 
déjà fait remarquer que de là jusqu’à attribuer au grand 
sympathique la fonction de la mort, comme l’insinue l’au- 
teur du mémoire, il y a encore une grande distance. 

L'opinion de Claude Bernard n’a été adoptée, jusqu’à 
présent, à ce que nous sachions, par aucun physiolo- 
giste. Presque tous professent, au contraire, une seconde 
théorie, désignée communément sous le nom de théorie 
des nerfs vaso-moteurs. 

On part du fait que l’action des nerfs sur les vaisseaux 
sanguins est semblable à celle que ces mêmes organes 
exercent sur les muscles, c'est-à-dire qu'ils opèrent un 
rapprochement des molécules composant la paroi vascu- 
laire, lequel rapprochement a pour double effet : 4° le 
rétrécissement du canal; 2 la condensation des parois. Le 
_ rétrécissement du canal a pour conséquence la diminution 
de la quantité de sang qui y circule; et la condensation 
des parois doit nécessairement modifier les conditions de 
la diffusion du liquide sanguin, et par conséquent celles 
de la transsudation nourricière et sécrétoire, comme aussi 
les conditions de la résorplion. 

On aflirme ensuite que ces modifications suffisent pour 
rendre compte de tout ce qui a été constaté Jusqu'à ce 
jour relativement à l'influence du système nerveux sur les 
actes de nutrilion et de sécrétion, el qu'on peut éviter 
ainsi, dans la définition de cette influence, de faire inter- 
venir des actions plus ou moins obscures et nécessaire- 
ment hypothétiques; eh un mot, d’après la théorie dite 
des nerfs vaso-moteurs, le système nerveux n'intervient 
pas directement dans les phénomènes plastiques : son in- 
fluence s'exerce exclusivement sur la contractilité des vais- 


Cr86 ) 
seaux chargés de fournir les matériaux de la nutrition. 

L'application de cette théorie générale à l’interpréta- 
tion de l'expérience de Claude Bernard a été faite, en 
premier lieu, par Brown-Sequard et par Waller. Ces phy- 
siologistes, ainsi que tous ceux qui se sont rencontrés pos- 
térieurement sur ce terrain, notamment Budge et Schiff, 
ne reconnaissent que des phénomènes de paralysie dans 
toutes les lésions produites par la division de la portion 
cervicale du grand sympathique. 

Pour ce qui regarde spécialement la calorification , elle 
serait due uniquement à l’hyperémie neuro-paralytique. La 
paralysie des nerfs vaso-moteurs aurait pour effet la dila- 
tation des vaisseaux sanguins. Une plus grande quantité 
de sang circulant, par conséquent, dans la tête, et les glo- 
bules du sang étant, sinon l’unique, du moins la princi- 
pale source de la chaleur animale, rien d'étonnant que 
celle-ci s'élève de quelques degrés dans les parties dont 
les vaisseaux sont paralysés. On pourrait même admettre, 
selon Brown-Sequard, que, dans ces mêmes parties para- 
lysées, l’acte de la nutrition s'accomplit avec une énergie 
supérieure, et que les tissus fussent stimulés davantage 
par l'excès du sang qui leur arrive, ce qui constituerait 
deux sources de chaleur de plus. 

L'auteur du mémoire fait la guerre à la théorie de Claude 
Bernard, qu'il n’a évidemment pas entièrement comprise, 
et, à notre grand étonnement, il rend solidaires de cette 
théorie et Brown-Sequard et Budge et Waller, dont il 
semble ignorer l’opinion véritable. Mon honorable col- 
iègue, M. Schwann, a répondu avec sa lucidité ordinaire 
aux chjections présentées dans le mémoire. L'auteur, s'il 
veut reprendre son travail, décidera s'il existe encore 
des motifs suffisants pour proposer une troisième théorie. 


(787 ) 


Celle qu'il donne actuellement ne saurait, en ançun cas, 
nous satisfaire. C’est une abstraction scolastique, bonne, 
peut-être, à faire mieux saisir certaines différences dans 
l’origine de la chaleur animale, mais impropre, selon 
nous, à expliquer aucun fait d'observation. Elle a, en 
outre, le tort de s'appuyer sur une véritable pétition de 
principes, et d'attribuer à des phénomènes pathologiques 
complexes une valeur démonstrative que nous devons leur 
refuser dans le cas dont il s’agit, puisque le problème 
consiste précisément à faire connaître la cause dans sa 
simplicité et à la dégager de ses accessoires. 

Désirant que l’auteur revoie et complète son travail 
pour le concours de l’année prochaine, je ne voudrais pas, 
par une exposition détaillée de sa théorie, enchainer son 
opinion; mais je soumettrai cette seule question à son 
examen ultérieur, si, dans l’état actuel de la physiologie, 
il est réellement permis d'enseigner qu'à l'état de santé, 
la chaleur du corps est exclusivement entretenue par les 
aliments dits respiratoires, et si toute décomposition des 
tissus, foute métamorphose régressive ou érémacausique, 
comme s'exprime l’auteur, constitue par elle-même un 
acte morbide ? | 

Le véritable intérêt du mémoire soumis au jugement de 
l’Académie se rattache aux expériences par lesquelles l’au- 
teur prétend avoir agrandi le domaine des faits relatifs à 
la section du nerf grand sympathique. S'il parvient à 
prouver, mieux qu'il ne l’a fait jusqu'à présent, que le 
sang qui revient des parties soustraites à l'action du nerf 
est plus coagulable que celui du côté non opéré, il aura 
réellement fait faire à la science un pas aprés l'autre, 
selon sa devise, et nous serons heureux de lui adjuger le 
prix. 


( 188 ) 

Et s'il veut faire plus, — le talent réel et l'érudition 
solide dont il a fait preuve dans le travail actuel doivent 
l'y engager, — il étendra ses recherches sur une question 
qui est étroitement liée à celle dont il traite, et qui in- 
téresse au plus haut degré la pathologie et la médecine 
clinique : la question de savoir quel rôle la fibrine joue 
dans l’état de nutrition altérée que les médecins appellent 
inflammation. 

L'auteur sait que l'augmentation de la fibrine est un 
des caractères les plus certains de toute véritable inflam- 
mation, au point que, dans la pneumonie, par exemple, 
son chiffre s'élève du triple et même du quadruple dans le 
sang, indépendamment des quantités énormes qui sont 
déposées par exsudation dans le parenchyme et dans les 
vésicules pulmonaires. 

Il n'ignore pas, non plus, que le chiffre de la fibrine 
descend, et que le sang perd de sa coagulabilité dans tous 
les états appelés adynamiques, c’est-à-dire chaque fois que 
l’activité des nerfs vasculaires ou l'influence du grand 
sympathique fait défaut. Une des objections les plus sé- 
rieuses qui ont élé faites à la théorie neuro-paralytique 
de l’inflammation, telle qu'elle a été conçue principale- 
ment par Henle, consiste précisément en ce que personne 
n’a encore observé une augmentation de fibrine, ni dans 
le sang ni dans le parenchyme des organes, à la suite de 
la destruction des nerfs vaso-moteurs. 

A-t-on done mal observé jusqu'à présent , et peut-on par 
la voie expérimentale, surtout à l’aide de ce nouveau signe 
fourni par la fibrine, déterminer exactement les rapports 
de similitude ou de dissemblance qui existent entre lhy- 
poslase neuro-paralytique, d’une part, et les états phla- 
gistique et adynamique de l'autre? 


( 789 ) 
Telle est la question que nous osons recommander à 


l’auteur, sans toutefois, nous le répétons, lui en faire une 
obligation. » 


Æapport de NE. &luge. 


« La physiologie, par la complexité des phénomènes 
qu'elle doit examiner, a demandé un temps plus long pour 
se constituer que d'autres sciences, comme, par exemple. 
la géologie à peine née vers la fin du dernier siècle. En 
outre, la différence des phénomènes que présentent les 
corps organisés avait fait assigner à ces derniers des forces 
spéciales vitales, dénominations vagues qui ont longtemps 
empêché l'application de la méthode d'observation propre 
aux sciences naturelles à la physiologie. On doit à Magendie 
l'introduction de l’expérimentation méthodique dans la 
physiologie; plus tard de brillants chimistes ont appliqué 
la chimie à l'analyse des phénomènes du corps vivant; 
mais il en est résulté une erreur grave (1) à côté des faits 
importants : de vouloir identifier la chimie organique et la 
physiologie. Après la découverte de M. Schwann sur le rôle 
que joue la cellule dans le développement des tissus, il 
fallait nécessairement recommencer à étudier l'influence 
que l’organisation en général exerce sur les phénomè- 
nes chimiques et physiques du corps, étude dont les ré- 
sultats sont souvent différents de ceux constatés dans le 


(1) Je rappellerai qu'un célébre chimiste avait assigné un rôle important 
dans la nutrition à la gélatine, comme substance azotée, opinion suffisam- 
ment réfutée par les expériences de Magendie. 


(490 ) 
laboratoire. C’est sur cet ordre de recherches, inaugurées 
si heureusement en France, par M. Claude Bernard, que 
l’Académie a voulu attirer l'attention des observateurs, en 
leur proposant « d'étudier, au moyen de nouvelles expé- 
riences, l'influence que le nerf grand sympathique exerce 
sur les phénomènes de la nutrition. » 

Un seul mémoire, rédigé en latin, vous est parvenu, et 
Je regrette que l'organisation de notre enseignement supé- 
rieur, presque exclusivement formée en vue des examens, 
ne nous ait pas permis d'espérer un travail fait par un des 
nombreux docteurs sortis de nos universités. Mes savants 
collègues vous ont déjà suflisamment fait connaître le tra- 
vail qui est soumis à votre jugement. Ce qui distingue ce 
mémoire plein d’érudition et de vues ingénieuses, c’est l’an- 
nonce d’une découverte importante qui servirait de base 
aux vues théoriques de l’auteur. D’après lui, la section des 
nerfs sympathique et pneumogastrique au cou, détermine 
la coagulation plus rapide du sang revenant de la tête, et 
en conséquence, soustrait à l’action du nerf sympathique. 
L'auteur lui-même a fait cinq expériences sur de grands 
animaux (deux chevaux et trois veaux); mais il n’a réussi 
que trois fois. : 

Pour se permettre un jugement sur une telle découverte 
dont notre savant collègue M. Spring a fait ressortir, avec 
sa sagacité ordinaire, l'influence possible sur la patholo- 
gie, il fallait répéter les expériences de l’auteur, ce que 
M. Schwann a fait. Ses résultats sont négatifs; mais comme 
ces expériences ont été faites sur de petits animaux, notre 
honorable collègue n’en conclut rien contre l’auteur, seu- 
lement il demande avec raison des preuves plus complètes, 
plus décisives. J'ai donc pensé que je remplirais le mieux 
mon devoir comme troisième rapporteur, en répétant les 


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expériences de l’auteur dans des conditions identiques. 
Mon ami M. Thiernesse, professeur d'anatomie à l’École 
vétérinaire, à bien voulu les entreprendre avec moi. 
M. Didot, directeur de l’école, a eu l’obligeance de mettre 
à notre disposition les animaux nécessaires. Toutes les 
observations ont été faites au lieu même des opérations. 
Voici le résultat de nos expériences. 


1" expérience sur un cheval, faite le 1° décembre 1856. 


Les nerfs sympathique et pneumogastrique sont cou- 
pés au milieu du cou, au côté gauche, à 10 h. 47 m. Tem- 
pérature de l'oreille avant l’opération + 53°,25; après 
l'opération + 54°. Transpiration de la tête du côté opéré, 
que couvre une sueur abondante. 

Deux ligatures sont ensuite placées sous la jugulaire 
gauche; linférieure est serrée, une piqure y est pratiquée à 
10 h. 25 m., le sang est recueilli dans un verre de + 16°C., 
la ligature supérieure est ensuite serrée pour prévenir 
l'hémorragie. 

A 10 h. 31 m., une saignée est faite à la veine jugultaire 
droite, et le sang recueilli dans un verre d’égale dimension 
et d'égale température. 

Voici maintenant l’état du sang : 


Côté opéré gauche : 10 h.25 m., le 
sang s’épaissit rapidement, de ma- 
nière que déjà le doigt n’y pénètre 
qu'avec difficulté, 2 m. aprés l’opé- 
ration. 

À 10 b. 45. m., le caillot est formé 
et a pris la forme du vase. 


Côté sain droit : le sang commence 
seulement à s’épaissir à 10 h. 55 m., 
4 m. après l'opération. 


A 10 b. 45 m., le doigt pénètre 
encore avec facilité dans le sang in- 
complétement coagulé, qui ne forme 
pas encore une masse cohérente. 


(0102 


À 11 h. 26 m., le caillot est cou- A 11 h. 26 m., le caillot est cou- 
vert d’une couche de sérum de 15 vert d’une couche de sérum d’une 
millim. de hauteur. hauteur de 5 millim. seulement. 


Üne différence énorme dans la quantité du sérum ex- 
pulsée peut encore être constatée le lendemain. 

Évidemment, dans ce cas, la coagulation était plus lente 
dans le sang extrait du côté non opéré. 


Ile expérience sur un cheval. 


Le nerf sympathique (1) seul est coupé du côté gauche, 
au milieu du cou : à 40 h. 49 m., le sang est extrait de la 
veine jugulaire du côté gauche, avec les mêmes précau- 
tions que dans l’expérience précédente et qui sont éga- 
lement prises dans les suivantes : à 10 h. 56 m., le sang 
du côté droit est extrait, à 10 b. 56 m.; les deux espèces 
sont recueillies dans des verres d’égale dimension et d’égale 
température. 


État du sang. 


Sang du côté gauche opéré : com- Sang du côté sain droit : commence 
imence à s’épaissir à 10 h.59m.; 5m. à s'épaissir à 10 h. 59 m.; 5 m. aprés 
apres l'opération, et offre peu après l'opération, plus résistant que le sang; 
moins de résistance que le sang du du côté gauche. 
côté droit. 


À 11 h. 2. m., on vide les deux verres : 


Le sang coagulé incomplétement Le sang coagulé représente exac- 
ne forme pas une masse uniforme et tement le moule du vase. 
cohérente. 


(1) Quoi qu'on en dise, le nerf sympathique adhérent au pneumogastrique, 
peut scuvent en être séparé chez le cheval, plus difficilement chez le chien. 


CMOS) 

Dans cette expérience, la coagulation a commencé en 
même temps pour les deux espèces de sang, mais la coa- 
gulaton du sang du côté non opéré à marché ensuite plus 
rapidement. 

Les quatre expériences suivantes ont été faites sur les 
chevaux debout; dans les expériences précédentes, ils 
élalent couchés. 


IIPre expérience sur un cheval, le 8 décembre. 


section des nerfs sympathique et pneumogastrique, au 
cou du côté gauche, à 9 h. 48 m. 
Elévation de la température sensible à la main, (rans- 
piralion abondante du méme côté de la tête seulement. 
Saignée du même côté, à 9 h. 59 m. (1): 


19 h. 1 m., sang liquide. 
10 h. 6 m. idem. 


10 h. 14 m. idem. 
10 h. 18 m idem. 
10 h. 24 m. idem. 
10 h. 51 m. idern. 
10 h. 45 m., la coagulation commence par la formation d’une 


mince pellicule de fibrine, sous laquelle le sang est 
encore fluide. 

10 h. 47 m., caillot se forme lentement. 

11 h. 6 m.,la boule du thermomètre pénètre encore avec facilité. 


41 h. 14 m., le caillot forme une masse cohérente en- 
core molle (2), sans trace de sérum. 


(1) Un demi-litre de sang environ fut retiré chaque fois dans toutes les 
expériences faites sur un cheval et par chaque saignée. 

Le sang laissait précipiter presque toujours les globules au fond du vase, 
de inanière qu’une couche de fibrine liquide pius où moins épaisse (couenne) 
surnage, comme cela est connu du sang du cheval. 

(2) Les vases présentaient une température de 16° €. 

Tome xx, — II" par. 4 


(794 ) 
Saignée du côté droit, à 9 h. 52 m.: 
10 h. 1 m., sang liquide. 
10%h226 me idem. 
10 h. 10 m. commencement de coagulation, le sang ne s'attache 
plus au doigt qui touche sa surface. 
10 h. 45 m., le caillot forme déjà une masse cohérente de la forme 
du vase, n’en sort pas quand le vase est renversé ; 
commence à expulser du sérum. 


Le sang du côté opéré s'est donc coagulé plus rapide- 
ment du côté sain, 18 m. après la saignée, que du côté 
opéré, 44 m. après la saignée. 


IVe expérience sur un cheval. 


Section des nerfs pneumogastrique et sympathique au 
cou, du côté gauche, à 10 h. 

Élévation de la température, transpiration du même 
côlé de la tête. 


Saignée du côté gauche, à 10 h. 11 m.: 

10 h. 17 m., sang liquide. 

10 h. 20 m. idem. 

10 h. 27 m., la coagulation commence dans toute la masse du sang. 
Saignée du côté droit, à 10 h. 4 m.: 

10 h. 17 m., sang liquide. 

10 h. 20 m. idem. 


10 h. 27 m., la coagulation commence dans toute la masse du sang. 


La coagulation se montrait donc plus rapidement du 
côté opéré, 7 m. 


Ve expérience sur un cheval. 


Section des nerfs sympathique et pneumogastrique au 
cou, du côté gauche, à 10 h. 9 m. 


C95 ) 
Élévation de la température, transpiration à la tête du 
même côté seulement. 


Saignée à 10 h. 19 m. 


10 h. 29 m., sang liquide. 

10 h. 52 m. idem. 

10 b. 55'/, m. idem. 

10 h. 57 m., commencement de coagulation. 
10 h. 55 m., caillot peu cohérent, mou. 


Saignée du côté droit, à 10 h. 14 m. 


L'ouverture de la veine était plus petite que du côté op- 
posé. Le caïillot et la couenne ne sont pas nettement sépa- 
rés; à 10 h. 46 m., le caillot est complétement formé et 
expulse déjà du sérum; il ne sort pas du vase renversé (1) ; 
la coagulation était donc plus lente du côté opéré que du 
côté opposé. 


Vire expérience sur un cheval. 


Section des deux nerfs au cou, du côté gauche, à 10 h. 
23 m. 

Élévation de la température et transpiration de la tête 
du même côté. 


Saignée à 10 h. 27 m. 


10 h. 27 m., sang liquide. 
10 h. 52 m. idem. 
10 h. 45 m. idem. 
10 h. 47 m. idem. 


10 h. 58 m., la coagulation commence. 

11 h. 9 m., la boule du thermomètre ne pénetre plus; pas de 
sérum. 

11 h. 40 m., le caillot commence à expulser du sérum. 


(1) On avait oublié de noter le temps du commencement de [a coagula- 
tion, mais je me rappelle parfaitement bien que la coagulation avait com- 
mencé plus vite dans ce sang. 


(396 ) 
Saignée au côté droit, à 10 h. 27 m,(en même temps que du coté 
gauche). 

10 h. 52 m., sang liquide. 

10 h. 52 m. idem. 

10 h. 42 m., la coagulation commence fortement. 

10 h. 45 m., la coagulation avance rapidement. 

10 h. 47 m,, le caillot a pris la forme du vase. 

11 h. 9 m., le caillot expulse du sérum. 


Dans cette expérience, le sang du côté opéré se coagule 
plus lentement; il y a un retard de 16 m. 


VAI" expérience sur un chien. (Température de l'oreille, 
32° C.). 


Section du nerf sympathique qu’on sépare du paeumo- : 
gastrique, au côté droit, à 41 h. 20 m., température de 
l'oreille après l'opération, 55° C. 


Saignée de deux onces de sang environ : 

11 h. 95 m. 

11 h. 251}, m., commencement de coagulation. 
Saignée au côté gauche : 


11 h. 28. m. 
11 h. 28}, m., commencement de la coagulation. 


Les deux espèces de sang se coagulent donc en même 
temps. 


VILPre expérience sur une chèvre. 
Section des nerfs sympathique et pueumogastrique du 
cou, du côté droit, à 44 h. 58 m. 


Saignée à : 
11 h. 45 m. 
11 h. 47, m., la coagulation commence et s'achève rapidement. 


LÀ L --2 
QA0E 
Saisnée du cou du côté gauche : 
à 11 h. 47 m. 


A 11 h. 49 m., la coagulation commence et s'achève rapidement : 


Donc aucune différence dans la coagulation des deux es- 
pêces de sang. Dans les expériences VIT et VIIT, la trans- 
piration était absente; je n’y avais pas porté mon attention 
dans la seconde expérience. 

Si nous résumons les résultats de ces huit expériences, 
nous trouvons que le sang s’est coagulé en même temps 
du côté opéré et du côté sain, trois fois (1 cheval, 1 chien 
et 1 chèvre); le sang s'est coagulé plus rapidement du côté 
opéré, deux fois (chez 2 chevaux); le sang s’est coagulé 
plus rapidement du côté sain, trois fois (chevaux). 

En conséquence, je ne puis pas admettre, jusqu'à pré- 
sent, la théorie sur l'influence du nerf sympathique sur la 
coagulation du sang, et, conformément aux conclusions 
de mes savants confrères, je propose à l’Académie de re- 
mettre la même question au concours pour l’année pro- 
chaine (4). » 


L'Académie, après avoir entendu ses commissaires, 
décide que la question sera reproduite au programme du 
prochain concours. 


(1) Si la transpiration du côté opéré est un cas constant chez le cheval, 
ce serait un phénomène important à ajouter à ceux déjà observés après la 


section du sympathique. Nous nous proposons d’éludier de nouveau ce fait. 


( 798 ) 


CONCOURS EXTRAORDINAIRE 
OUVERT PAR M. LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS. 


Indiquer un système complet de moyens rationnels et 
pratiques de porter l'exploitation des houillères à mille me- 
tres au moins de profondeur, sans aggraver sensiblement 
les conditions économiques dans lesquelles on opére aujour- 
d'hui en belgique. 


Le concours extraordinaire ouvert par M. le Ministre 
des travaux publics n’a point été jugé. Les différentes pièces 
envoyées à l’Académie n’ont pu être examinées intégrale- 
ment que par M. de Vaux, l’un des juges. La décision sur le. 
concours ne pourra être prise qu'à l’époque où les pièces 
auront été examinées par les trois commissaires désignés 
par l’Académie. 


— On procède ensuite aux élections : M. F.-C. Houzeau 
est nommé membre, sauf l'approbation royale; M. Gloe- 
sener est nommé correspondant, et M. Argelander, direc- 
teur de l'observatoire de Boon, associé de l'Académie. 


— La classe procède également à la nomination de 
quatorze savants, dont les noms seront proposés à M. le 
Ministre de l’intérieur, pour qu'il en choisisse sept qui, 
aux termes du règlement, formeront le jury du concours 
guinquennal des sciences naturelles. 


( 799 ) 


Séance publique du 16 décembre 1856. 


M. Dumoxr, directeur. 
M. GLuce, vice-directeur. 
M. AD. QUETELET, secrétaire perpétuel. 


Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Tim- 
mermans, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx, Stas, 
De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le vicomte B. Du 
Bus, Nyst, Nerenburger , Schaar , Liagre, Duprez, Bras- 
seur, membres; Schwann, associé ; E. Quetelet, Jules d'Ude- 
kem, correspondants. 


Assistent à la séance : 

Classe des lettres. — MM. le baron de Gerlache, prési- 
dent ; le chevalier Marchal, J. Ronlez, Schayes, M.-N.-J. 
Leclereq, Ch. Faider, Arendt, membres ; Nolet de Brau- 
were Van Steeland, associé; Chalon, correspondant. 


Classe des beaux-arts. — MM. Alvin, vice-directeur : 
Braemt, Navez, Snel, Partoes, Baron, Ed. Fétis, Edm. 
De Busscher, membres. 


La séance est ouverte à une heure. 


M. d'Omalius d'Halloy donne lecture de la notice sui- 
vante, sur la classification des races humaines. 

J'ai communiqué à diverses époques à l’Académie (1), 
el Jai consigné dans quelques publications particuliè- 


(1) Bulletin de l’Académie, 1839, t. VI, p. 279; id. 1844, t. XI, p. 97; 
id. 1845, €, XIT, p. 250; id. 1848, t. XV, p. 549, 


( 800 ) 


res (4}, mes vues sur la classification des races humaines, 
sur leur distribution et sur le nombre des habitants du 
globe terrestre. Si quelques-unes de ces vues sont mainte- 
nant assez généralement admises pour qu'il soit inutile d’y 
revenir, 1l en est d’autres, au contraire, qui, sans avoir eu 
l'honneur d’être attaquées directement, ont, en quelque 
manière, besoin d’être rappelées, parce que des opinions 
que jai cherché à ébranler, ont été souvent reproduites 
comme n'étant point contestées. D’un autre côté, les nou- 
velles explorations auxquelles on se livre avec tant de zèle, 
ont ajouté beaucoup de faits nouveaux à nos connais- 
sances , tandis que la marche naturelle du genre humain 
a aussi apporté des changements dans la population de Ia 
terre. Je pense donc que, dans cet état de choses, on ne 
trouvera pas mauvais que je revienne sur quelques-unes 
de ces questions. 

Je crois inutile de justifier ma division du genre hu- 
main en cinq races, quoique je convienne que ces races 
sont loin de représenter des coupes de même valeur, puis- 
qu'il n’y a réellement que trois types bien prononcés ; 
mais, lorsque la difficulté de faire rentrer toutes les modi- 
fications humaines dans ces trois types, avait porté des 
hommes comme Blumenbach et Cuvier à intercaler deux 
autres divisions au milieu de ces grands types, 1l n’y a pas 
lieu de s’exeuser d’avoir suivi la même marche. Je dois 
seulement faire remarquer que les progrès que la science 
a faits dans ces derniers temps, me semblent justifier quel- 
ques changements que je m'étais permis d'opérer dans Îa 


(1) Des races humaines, vol in-8", imprimé en 1845, chez P. Bertrand, à 
Paris, et en 1850, dans l'Encyclopédie populaire de A. Jamar, à Bruxelles 


( SOI ) 

délimitation que ces célèbres naturalistes avaient attribuée 
à deux de leurs races. Ces changements consistent dans 
l'extension que j'ai donnée à la race brune, qui ne compre- 
nait que les Malais, et à laquelle j'ai cru devoir réunir les 
Hindous et les Éthiopiens, que l’on rangeait dans la race 
blanche, malgré leur teint coloré. Ces derniers rappro- 
chements avaient été inspirés par la prédominance que 
l'on accorde aux caractères osléologiques sur ceux tirés 
de la couleur, et peut-être plus encore par l'importance 
qu'avaient données aux considérations linguistiques, les 
belles découvertes faites sur les rapports des langues eu- 
ropéennes avec le sanscrit. D’un autre côté, comme J'ai été 
conduit, ainsi que plusieurs ethnographes, à considérer les 
Malais, les Hindous et les Éthiopiens comme le résultat du 
mélange de la race noire avec deux autres races, je m'étais 
dit que, puisque l’on établissait une division particulière 
pour le produit du mélange de la race noire avec la race 
jaune, il convenait de comprendre dans cette division le 
produit du mélange de cette même race noire avec la race 
blanche, plutôt que de le laisser avec cette dernière, dont 
il diffère sous tant de rapports. 

Or, depuis que j'ai été conduit à faire ce rapproche- 
ment, le développement de nos connaissances sur lHin- 
doustan, à non-seulement mis hors de doute l’origine 
hybride des Hindous actuels, mais aussi l'existence de deux 
autres faits qui, s'ils avaient été connus plus tôt, auraient 
probablement empêché de réunir les Hindous avec la race 
blanche : le premier, c’est que la langue sanscrite à été 
importée dans l’Hindoustan par un peuple blanc, venu du 
Nord-Ouest ; le second, c’est qu’une partie de la population 
de l’'Hindoustan, celle qui formela grande famille malabare, 
dravedra on telinga, à, jusqu’à un certain point, échappé 


(802 ) 


à l'influence linguistique des Ariens, en même temps 
qu'elle à conservé la couleur noire de son teint. On avait 
bien remarqué depuis longtemps cette coloration plus 
forte chez les Malabars que chez les Hindous proprement 
dits; mais on lattribuait à ce qu'ils habitaient un climat 
plus chaud, explication qui tombe d'elle-même, depuis que 
l'on à reconnu que des peuplades refoulées dans les mon- 
tagnes du nord de l'Hindoustan, par la conquête arienne, 
ont conservé un teint plus noir et un langage différent de 
celui des Hindous. 

Il n’est done plus possible maintenant de ranger les 
Malabars dans la race blanche, et, d’un autre côté, il ya 
beaucoup trop de rapports entre ces peuples et les Hindous 
proprement dits, pour qu'on les sépare. En effet, les uns 
et les autres proviennent également d’une même popula- 
tion noire, qui à été modifiée par la conquête d'un peuple 
blanc; seulement, la partie qui habitait le midi et celle 
qui s’est réfugiée dans les montagnes, ont été beaucoup 
moins modifiées que les habitants des plaines du nord, 
lesquels paraissent s'être soumis aux Ariens avec [a même 
docilité qu'on les a vus depuis se soumettre aux Afghans, 
et ensuite aux Anglais. 

Il est bon de remarquer aussi que les caractères ostéo- 
logiques ne méritent pas la prédominance que leur attri- 
buent les zoologistes, et qu'ils ont beaucoup moins de 
persistance que ceux tirés de la couleur. En effet, les 
hybrides qui se produisent sous nos yeux, prouvent qu'il 
suffit d’une très-petite proportion de sang noir pour qu'un 
mulâtre présente un teint très-foncé, et que, au contraire, 
il suffit d’une très-petite quantité de sang blanc pour que 
l’on ne retrouve plus dans le mulâtre aucune trace du 
front fuyant, du museau saillant et des jambes arquées,. 


( 803 ) 
qui caractérisent les nègres proprement dits. Il paraît 
même que les déformations artificielles que quelques peu- 
plades impriment à la tête de leurs enfants, finissent par 
devenir héréditaires, et ce qu'il y a de certain, c’est que 
les classifications des races humaines, fondées exclusive- 
ment sur la forme du crâne, donnent des rapprochements 
beaucoup moins naturels que ceux qui résultent d’une 
classification fondée sur la couleur. 

On peut aussi rappeler, en passant à un autre ordre de 
faits, que les cultivateurs anglais sont parvenus à modifier 
considérablement le système osseux de leurs animaux do- 
mestiques, et un savant zoologiste (4) faisait remarquer 
dernièrement, à la suite d’un grand travail sur le castor, 
que les crânes des animaux de cette espèce présentent de 
grandes variations, d'où il concluait que les naturalistes 
doivent être sur leurs gardes, quand ils établissent des 
caractères spécifiques sur la configuration des erûnes. 

Il y à encore un autre point où la délimitation que j'ai 
donnée aux races, n’est point d'accord avec celle adoptée 
par la plupart des ethnographes actuels, lesquels réunis- 
sent les Turcs et les Finnois avec la race jaune, tandis que 
j'ai suivi la marche de Cuvier, qui les place dans la race 
blanche. Je reconnais, toutefois, qu'il y a des considéra- 
tions à faire valoir en faveur de l’un et de l’autre de ces 
classements; mais, comme je ne vois pas qu'il y ait des 
motifs suffisants pour abandonner l'opinion de Cuvier, je 
crois devoir appeler l'attention sur cette question. 

Le principal motif qui me paraît déterminer les parti- 


(1) M. Brandt, Rapport sur les travaux de l’Académie de S'-Peters- 
bourg, en 1855. 


( 804 ) 


sans de l'opinion contraire, c'est que la langue turque et la 
langue finnoise n’ont aucun rapport avec celles des autres 
peuples blancs, tandis qu’elles en auraient avec celles d'une 
partie des peuples de la race jaune. Mais, sans vouloir 
reproduire, en ce moment, ce que j'ai déjà dit de la pré- 
dominance que l'on doit accorder aux caractères naturels 
sur les caractères sociaux, je ferai remarquer, tout en me 
maintenant dans le domaine des considérations linguis- 
tiques, que les deux assertions que je viens de rappeler 
ne me paraissent pas suffisantes pour exclure les Tures et 
les Finnois de la race blanche. 

En effet, pour ce qui concerne la différence de la langue 
Lurque et de la langue finnoise avec les langues des autres 
peuples blancs, je ne vois pas pourquoi l’on ne voudrait 
point admettre chez les peuples blancs un troisième sys- 
ème de langues, lorsque l’on en admet deux qui sont aussi 
différents l’un de l’autre que la langue turque et la langue 
finnoise le sont de celles dites indo-germaniques et sémi- 
tiques. 

Quant aux rapprochements de la langue turque et de la 
la langue finnoise avec les langues hyperboréennes et mon- 
goles , je dirai de mon côté que ce rapprochement est con- 
testé par des personnes versées dans la connaissance de ces 
langues, mais que, en admettant qu'il ait réellement lieu, 
on peut l'expliquer sans être conduit à en conclure l’identuté 
de race, car on sait que le contact d'hommes plus avancés 
en civilisation avec des peuplades sauvages, peut exercer de 
grandes modifications sur. le langage de ces dernières. 

De sorte que l’on conçoit que les nombreuses popula- 
tions finnoises qui ont habité le nord de l'Europe et de 
l'Asie, et qui même y ont formé des États puissants, peu- 
vent avoir modifié le langage des tribus nomades de race 


( 80 ) 

jaune, sans toulefois y avoir introduit une quantité de 
sang blanc suffisante pour modifier les caractères naturels 
de ces peuplades. I y à d’ailleurs un autre ordre de con- 
sidérations qui vient à l'appui de cette manière de voir 
c’est que la plus grande partie de la population de race 
jaune parle des langues monosyllabiques, de sorte que si 
l'on n'attribue pas l'existence des langues polysyilabiques 
chez certains peuples jaunes , à l'influence des peuples 
blancs, il faut admettre que les peuples de race jaune ont 
parlé originairement deux systèmes de langues aussi radi- 
calement différents que les langues monosyllabiques et 
polysyllabiques , ce qui paraît encore plus contraire aux 
idées reçues, que la supposition qu'il y avait dans la race 
blanche un troisième rameau polysyllabique qui a modifié 
le langage d’une partie des peuplades jaunes qui se sont 
répandues dans les steppes de l'Asie centrale et dans les 
toundras glacés des terres polaires, sans toutelois avoir 
changé leurs caractères naturels. On pourrait encore 
ajouter que si les Mongols et les Hyperboréens ont effecti- 
vement parlé originairement des langues monosyllabiques, 
on conçoit d'autant plus aisément commentils avaient mo- 
difié leur langage, par suite de leurs relations avec les Turcs 
et les Finnois; car, indépendamment de l’ascendant que 
prend en général la langue du peuple le plus civilisé, 
l’excessive difficulté des langues monosyllabiques a dû être 
une raison de plus pour que les peuplades mongoles et 
kyperboréennes, mélées avec les populations turques et 
finnoises, aient beaucoup emprunté au langage de ces 
dernières. 

On s’est aussi appuyé sur les caractères naturels des 
#innois pour les ranger dans la race jaune, et je conviens 
que ces peuples ont le teint plus jaunätre, la figure plus 


( 806 ) 

carrée el moins agréable que les Européens et les Ara- 
méens. Je reconnais même qu’il existe quelques peuplades 
orientales parlant le finnois, qui présentent plus ou moins 
les caractères de la race jaune; mais cette dernière cir- 
constance, qui n’est que la reproduction de ce qui a 
presque toujours lieu au point de contact des races, est 
insignifiante pour le classement général des Finnois, et 
elle annonce seulement qu'il faut examiner sil n'y a pas 
quelques-unes des peuplades réputées finnoises qui se 
sont tellement modifiées, qu'elles doivent être maintenant 
rangées avec les peuples jaunes. Quant à ce qui concerne 
la grande masse des populations finnoises, elle se dis- 
lingue d’une manière tranchée des peuples de la race jaune, 
par ses cheveux blonds ou roussâtres et ses yeux grisâtres, 
tandis que non-seulement tous les peuples de race jaune 
ont les cheveux et les yeux noirs, mais qu'il suffit d’une 
très-petite quantité de sang jaune pour que les hybrides 
prennent aussi ces caractères, lesquels, d’ailleurs, sont 
tout à fait Indépendants du climat actuel ; car, tandis que 
les Samoièdes et les Lapons ont les cheveux et les yeux 
noirs, les Finnois qui vivent dans les mêmes contrées, 
c'est-à-dire les Quaines et les Ostiakes, ont les cheveux et 
les veux d’une teinte très-claire. Il est à remarquer aussi 
que les Finnois se distinguent également de leurs voisins 
de race jaune par leurs habitudes sédentaires, leur aptitude 
pour l’agriculture et leur tendance à se fondre dans les 
Européens; enfin, on pourrait ajouter qu'il paraît exister 
des rapports de filiation et de langage entre les Finnois 
et quelques populations du Caucase, que l’on à toujours 
rangées dans la race blanche. 

Si nous passons maintenant aux Turcs, nous rappelle- 
rons, cn premicr lieu, que, indépendamment du rappro- 


| 


( 807 ) 

chement général plus ou moins contestable des langues 
que nous avons déjà indiqué , les personnes qui rangent ces 
peuples dans la race jaune, invoquent aussi la circonstance 
que la langue turque est parlée par quelques peuplades 
qui ont bien décidément les caractères de la race Jaune. 
Or, cette circonstance peut s'expliquer sans admettre 
l'identité des Turcs et des peuples jaunes. C'est ainsi que 
quelques-unes de ces peuplades, notamment les Kalmouks 
de V’Altaï, sont probablement de véritables Mongols, dont 
la langue à été totalement changée par leurs relations avec 
les Turcs. D’autres, au contraire, doivent être des Turcs, 
dont les caractères naturels se sont plus ou moins modi- 
fiés par leur mélange avec les peuples de race jaune; soit 
d’une manière complète, comme les Yakoutes, qui parais- 
sent être une peuplade d’origine turque qui aura été re- 
foulée au milieu des Hyperboréens, et qui a perdu ses 
caractères naturels en se mêlant avec ces derniers, tout 
en conservant sa langue et son aptitude industrielle; soit 
d’une manière moins prononcée, comme on le remarque 
chez les Kirghiz et d’autres peuplades orientales en contact 
avec les Kalmouks, mais demeurées en rapport avec la 
masse principale des populations turques. 

Je sais que l’on objecte contre cette manière de voir que 
ces peuplades, au lieu d’être des blanes modifiés par le 
contact des jaunes, sont des jaunes modifiés par le contact 
des blancs; mais je réponds à cette objection , d’abord que 
la grande majorité des populations turques, notamment 
les Osmanlis, présentant les caractères de la race blanche, 
il est bien plus probable que c’est la petite partie qui à 
changé plutôt que la masse principale; et, en second lieu, 
que l’on est conduit aux mêmes conséquences par Îles ren- 
seignements historiques. 


( 808 ) 

En efïet, les historiens chinois parleut d'un peuple à che- 
veux roux et à yeux verdâtres, c’est-à-dire, qui manquait 
d'un des caractères les plus distinctfs de la race jaune, 
et qui a été refoulé dans les contrées où l'histoire euro- 
péenne a trouvé les ancêtres des Turcs d'aujourd'hui. A 
la vérité, on a objecté contre l'identité des Turcs et du 
peuple désigné par les historiens chinois, que les Turcs 
d'aujourd'hui ont en général les veux et les cheveux noirs ; 
mais , ainsi que je l'ai déjà indiqué, lorsque les hommes 
à cheveux blonds ou roux se mêlent avec des femmes à 
cheveux et à yeux noirs, leurs descendants prennent iou- 
jours ces derniers caractères. Or, un semblable mélange 
est suflisamment expliqué pour les Turcs, par leur exten- 
sion au milieu des peuples à cheveux et à yeux noirs, et 
par le goût qu'on leur connaît pour les femmes étran- 
gères, notamment pour les Kalmoukes et les Géorgiennes. 
Îl est à remarquer, au surplus, que les Tures n’ont pas 
les yeux et les cheveux aussi exclusivement noirs qu’on le 
suppose ordinairement , car M. de Tchihatchef, si connu 
par ses nombreux voyages en Asie, et les magnifiques re- 
lations qu'il en a publiées, rapporte avoir souvent ren- 
contré des individus roux parmi les Turcomans nomades 
de l'Asie Mineure, l’une des populations turques que l’on 
peut considérer comme étant la moins modifiée. Ce fait 
est, dans ma manière de voir, un effet d’atavisme, c’est- 
àa-dire une preuve que les Turcs d'aujourd'hui comptent 
des peuples du type roussètre parmi leurs ancêtres. M. de 
Tchihatchef ajoute que cette couleur est vue de mauvais 
œil parmi les Turcs, et que le nom de Sary, c’est-à-dire 
roux, est employé chez eux comme un terme de mépris, 
de sorte que le plus ordinairement les hommes qui ont la 
barbe rousse la teignent en noir; ce qui explique aussi 


6095 
l'opinion généralement admise sur la couleur noire des 
cheveux des Turcs. 

Il est à remarquer qu'il y a beaucoup de rapports entre 
les Tures et les Finnois, à tel point qu'il existe des peu- 
plades que les auteurs rangent tantôt parmi les Finnois, 
tantôt parmi les Turcs. 

D’après toutes ces considérations, je crois que l’on ne 
peut écarter les Turcs occidentaux de la race blanche, et 
que, jusqu’à présent, il n’est pas assez démontré que tous 
les Turcs orientaux aient les caractères mongoliques 
pour que Je les sépare de leurs frères occidentaux. Je per- 
siste, en Conséquence, à croire que c’est avec raison que 
Cuvier a formé des Turcs et des Finnois un rameau de la 
race blanche, auquel il a imposé le nom de seythique, 
comme si le génie de ce grand naturaliste avait pres- 
senti que les savantes recherches de Schafarik viendraient 
bientôt nous faire connaitre ce qu'étaient les Scythes no- 
mades des anciens, et Perreur dans laquelle étaient tom- 
bés les auteurs qui avaient voulu y voir les ancêtres de 
nos peuples européens. 

Cette dernière observation me conduit à rappeler que 
J'ai élevé des doutes sur l’origine asiatique de ces peuples, 
c’est-à-dire des Teutons, des Celtes, des Latins, des Grecs 
et des Slaves, en cherchant à établir : qu'aucun texte for- 
mel des auteurs anciens ne faisait mention de cette ori- 
gine ; qu'il était plus naturel de supposer le point de départ 
d’une race, dans les lieux où cetie race se trouve à peu 
près pure, plutôt que dans ceux où elle n'existe que for- 
tement altérée ; qu’il était loin d’être démontré qu'il y a en 
Asie des populations appartenantau type blond proprement 
dit, et qu'enfin l’état actuel des populations asiatiques 
s'explique mieux par lhypothèse que les choses se sont 

TOME xxu1, — FE" PART. DO 


( S10 ) 

passées anciennement comme elles se passent de nos jours 
que par l'hypothèse contraire, c’est-à-dire que, au lieu de 
faire venir des Asiatiques pour soumettre les anciens ha- 
bitants de l’Europe, c’étaient des Européens qui avaient 
porté en Asie les langues que l’on à improprement appe- 
lées indo-germaniques. Je ne répéterai point les considé- 
rations que j'ai fait valoir à l’appui de cette opinion (1), 
et je me bornerai à dire que depuis lors elle n’a, de ma 
connaissance, été ébranlée par aucun fait nouveau, par 
aucune objection nouvelle; je puis même invoquer un 
témoignage important sorti du sein de cette Académie; 
car l’un de nos savants confrères de la classe des lettres 
a démontré dernièrement (2) que c’est à tort que lon 
avait cru trouver, dans les auteurs de l'antiquité, la preuve 
que ces auteurs attribuaient une origine asiatique à l’un 
des peuples de l’ancienne Germanie. 

Passant maintenant à ce qui concerne le chiffre de la 
population, je rappellerai que j'avais pris pour point de 
départ de mes premières évaluations, celles d’Adrien 
Balbi, qui donnait au globe terrestre en 1826 une popula- 
tion de 757 millions d’âmes, ce qui me paraissait appro- 
cher davantage de la vérité que les évaluations plus élevées 
de la plupart des autres auteurs. Depuis lors, les recense- 
inents ont constaté des augmentations successives très- 
importantes chez les peuples du rameau européen. D'un 
autre côté, les renseignements plus complets que l’on à 
recueillis sur les possessions britanniques et néerlandaises 
d'Asie, annoncent des populations beaucoup supérieures à 


(1) Bulletin de l’Académie, 1848, 1. XV, p. 549. 
(2) M. Schayes : Observations sur les Cimbres ; Buz. vs L'Acan., 1855, 
t. XXII, 2% partie, p. 455. 


© 


( StF ) 
celles que Balbi leur assignait; la réduction que ce savant 
statisticien faisait éprouver aux recensements officiels de 
l'empire chinois, est assez généralement considerée comme 
exagérée; et enfin les intrépides voyageurs qui, dans ces 
derniers temps, ont pénétré dans l’intérieur de l'Afrique, 
y ont trouvé une population plus dense que celle qui cor- 
respondrait aux évaluations de Balbi. D'après ces considé- 
rations, Je crois que l’on peut évaluer la population ac- 
tuelle de la terre à un milliard, nombre rond, qui s’écarte 
peu des sommes données par les recensements et les éva- 
luations les plus probables, et qui a l'avantage d'indiquer 
le vague sur lequel reposent ces évaluations pour les peu- 
ples qui ne sont pas soumis au pouvoir des Européens (1). 


(1) Cette population se répartit entre les diverses races et leurs subdivi- 
sions, de la maniere indiquée dans les tableaux suivants : 


(81 ) 


TABLEAUX 


DIVISION DU GENRE HUMAIN EN RACES, RAMEAUX, FAMILLES ET PEUPLES, 
AVEC L'INDICATION APPROXIMATIVE DE LA POPULATION. 


J. — Division en races ct en rameaux. 


——— 


Rameau européen. . . . .. 289,586,000 | 
Race DLANCHE . . . . —  araméen...... 50,590,000 » 570,725,000 
—  scythique . . . .. 30,747,000 | 
—  hyperboréen. . .. 160,000 
ÉTAURES : 2e — '\imongol. 250 + +  1,000,000 } 545,460,000 
=) Lésinique. 2 MON 538,800,000 
—  hindou. . . . . . . 171,100,000 
= IBHUNEUS eee = ethiopien. . : - .. 8,500,000 } 205,000,000 
| — . malais. . . . . . . 25,600,000 
—  méridional. . . .. 9,200,000 } 
— ROUGE . . . . . } 9,600,000 
CES Septentrionale #50 00,000 
{ — occidental. . . .. 56,000,000 } 
NOIRE PRE à 57,000,000 
AMEN oriental 1 .  41,000,000 f 


Hxsnines, {els que métis, mulâtres, zambos, ele. . . . . . . . .  12,217,000 


Toran. . . . . . « « 1,000,000,000 


815) 


IT. — Subdivision du Rameau européen en familles 
et en peuples. 


= 


Allemands. . . .. 


| Germains . . Néerlandais . . . . { U 54, 000,000 
2 Suédoisi. 4, :). 3,634,000 
FAMILLE TEU- | Scandinaves. Norvégiens . . . .. 1 65, ,000 \ 98,920,000 


_ 
| 


Danoise no nu hs 
ÿ 58,014,000 | 


Ée 
Gallois. . . . .... 650,000 | 
KYMEYS: + +} Ras Bretons. . . .”. 1,000,000 


— CELTIQUE. 
Irlandais. . . . .. « 9,600,000 


| 11,750,000 
Higlanders . . . . . 500,000 | 


GAS 0 


Es 
os | 
| 


en 


HER Espagnols. . . .. PAU | 
— LATINE « SPENISRE € Portugais. . . .. | 0 ) 96,020,000 
Hahiens 2007 ps 0 0 + 26,160,000 | 
NRIQUES NS EP PURE RE ne 7,095,000 | 
PRESCS, © 0 M du 2,990,000 } 
ACL Co | Albanais . .............. 1,480,000 | 10000 
( Russes pr. dits . . 
| Russes . . . 4 Rousniakes . . . . $ 49,874,000 | 
l Cosaques . . . . . | 
BUICATOS SE RNCS EE EEE 3,387,000 
SORDES ENS ee ee uen ou Lee 5,500,000 
SlOvences. 0 EN RR 0 re ie 1,306,000 
NVEndes 000 nee REU LE 142,000 
ee UE Bohêmes . . . .. . 3,144,000 ) 78,426,000 
« Moraves tte 1,000,090 
Tehékhes . . | 'anakes. : : : . . 280,000 
Slovakes 1-0 2,400,000 
BOlOnAS SU ARENA + + 9,504,000 


NT . ÿ Lithuaniens pr. dits. 1,217,060 
Reese Let EP ON 872000 


HOTAL  0289/586,000 


II. — Subdivision 


(SA) 


du Rameau araméen en familles 
et en peuples. 


FamiLze Basque. . . Basques . AT UT TURN > SUR 775,000 
| Amazirghs . . . . 4,700,000 , 
| Berbers . . | Kabyles. . . . .. 1,500,000 
LME LYBIENNE : Touaricks 5 OR CON 300,000 8,150,000 
: Égyptiens. f Goptes . . . ... 150,000 
VAFERANS ATEN 1,500,000 
HETES, ee arte) antl ee Me te 14,650,000 
ï JUS Se CE 4,074,000 
—  SÉMITIQUE . : 19,330,000 
SYriens. Le ne lE (eo 500,000 | . 
Maltais. one Se Ne See 106,000 
l'Tadjihs 2 " 8,773,000 | 
| { Afghans pr. dits .  3,500,000 
Afghans . . { Béloutchis . 1,500,000 
Patans Ut 5,000,000 
Kurdes ee reR RE | La 
— PERSIQUE Kurdes . . | 1,500,000 22,155,000 
\ LIEOUTES UT ET TRE 
Afineniens, ; larme 1,228,000 
OSSELES Te he Die nee ue 32,000 
| Géorgiens. . . .. 
. Géorgiens . { Mingréliens. . . . 600,000 ! 
| Lazes. . . . 
TOTAL, +206 LAID . 50,390,000 


( S15 ) 


IV. — Subdivision du Fameau scythique en familles 
et en peuples. 


a —— 


(Tcherkesses + . . wire 800,000 

FAMILLE CIRCASSIENNE + . . , . Tchetschens . . . , , . . 200,000; 1,500,000 
Beschesss. systeme 500,000 

—  MAGYARE. . . . « + - : HER ET ONE IOe OR ee BD 0 5,000,000 
Gsmanher 5. 20" 9,500,000 
RUECOMANS 0. ES 1,500,000 
Tarekamehs . . . . . .. 1,000,000 

UROBE = Je à ee à NOSAS ES Fes. 2 E - - e 1,470,000 }20,000,600 
Khan ch "7 1,000,006 
Qusheckst 4e. . un 
te CPE SONO 50,000, 


[sagas a: 1,000 | 
. Sagais.s: » | o 

Fionos de /Kachintz, ete.f 20000 | 136,000! 
D rer: { Vogoe> = + 11148000 | 
| Ostiakes. . . . 103,000 | | 
‘ Bachkirs . . . 392,000, 
Teptiaires. . . 104,000 | 
Que | Metscheriakes. 80,000 
] Finnois de |Tchouvaches . 430,000 


\ 


7 FANOËSE.| Ja Russie / Tchérémisses . 165,000 1,965,000 ) 4,247,000 
orientale. |Morduans. . . 480,000 4 
| Permiakes . . 52,000 
| Sirianes. . . . 71,000 
Votiakes . . . 191,000 
MAT ONEMRE 2,000 ; 
Finnois de la | Esthes . ... 654,000 €, ,,& 500 
Baltique . \ Kyriales. . . ) er 
| Mmes io . 1,490 ,000 } 
 Quaines,. . . .) 
HORS ee 2 30,747.000 


( 816) 


V. — Subdivision de la Face jaune en rameaux, 
familles et peuples. 


| Fam. laponne, + 4 & S'en». 9,900 
RE N Ssamoyede. Ne ESEMEe NN 15,000 
WWE enisseienne) : HSDPA 38,000 | 
SO ET MARNE Te oc aol 3,000 
ARS { Koriakes . . . 8,000 
1 OSEO NN EE 2,000 
Han. HYPFRO- Kamtchadale USER Det 5,000 160.000 
RÉEN. « / q 
Namollos . . . 2,000 
Tchougatches . 3,000 
Ne Kuskovintzes . 7,000 
— eskimale . Aléoutes, etc. . 3,000 
| Eskimaux. . . 20,000 | 
Groenlandais . 5,000 } 
| — kourilienne.  Aïnos . . .. . 40,000 } 
| — iakoute . . .  Iakoutes. . . . 90,000 
Kalmouks . . . 170,009 
— moncor . { -—- mongole. . . { Mongols. . . .  2,560,000 
{ Bouriates . .. ‘120,000 / 700,000 
2 Toungous . . . 60,000 
EN Mandehoux . . 4,000,000 | 
HS CHAN OISC EEE 2 MAIN 282,000,000 
Lie) Fcoréenne 0e eee 6,000,000 
2 japonnaise 4e Ne nee 25,000,000 
EP anamiUquec I AMPREN ER 12,000,000 | 0 = 
HS ANIQUE CN ER RAP PSRAT 4300,000 /.55%?500,000 
| = péSUANE lc ENTER 500,000 
= birmane 0e AR URSS 2,500,000 
es HBEtANE PAS) AIN ANSEE 6,000,000 ! 
TorAr:t: mu . . . « 345,460,000 


Fe 


( 847 


Le 


VI. — Subdivision de la Race brune en rameaux , 


Raw. mivpou. . 


— ÉTHIOPIFN. 


i 


1 
À 


| 


familles et peuples. 


Guzerates. . . 
Mahrattes . 
 Bengalis. 
Ouryas . . . 
? Tsiganes. . 


hindoue . . 


{ Hindis, . .. | 
Fam. | 


ITélingas..…. . . | 
Carnates ue 
js etc. | 

? Singalais . 
? Gonds, etc. 
? Bhiels, etc. . «| 
? Paharias, ete, 
o JAUNE etc. 


Barabras . . . 
Tibbous. , .. 


— malabare , . : 


— abyssinienne, { Abyssiniens . . | 
Gallas... .. 


Etesetcs.... ! 


: 


Malais. ... .| 
Bañtass 0 
Javanais. . .. 
Macassars . . . 
BUBIS er \ 
Turajas . . .. 
Dayaks . ... 
Bissayos. 
Tagales . .. 
\fbicélete, 07 


Fellans . 
Ovas. . . 
| Etc., etc. 


— fellanne , . 


— malaise . 


: Néozélandais . 
HOngAaS EE 
Bougainvilliens. 
Cookiens 
Taïtiens. . . . | 
\ Pomotouens. ./ 
Marquesans . . | 
Sandwickois | 


— polynésienne. ( 


: Coroliniens . . 
. Mulgraviens. 


TForaz. 


ER. — 


111,100,000 | 


} 171,100,000 


| 


| 60,000,000 | 


4,500,000 \ 
8,500,000 


%,000,000 


24,600,000 


| 


\ 25,600,000 


| 


1,000,000 } 


emma 


205,000 ,000 


( 818) 


VIL. — Subdivision de la Race rouge en rameaux . 
et en familles. 


| Famille 


RAMEAU MÉRIDIONAL, . . . (| — 


== SEPTENTRIONAL , \ _ 


— 


asteque : lu 0e 4,433,000 | 
IAA. - 300,000 | 
quichuenne . . . . 2,620,000 
antisienne. . . . . 100,000 
araucanienne . . . 340,000 } 9,200,000 
pampéenne . . .. 250,000 
chiquitéenue 20,000 
moxéenne . . . . . 30,000 
guaranienne . . . . 4,105,000 
floridienne. . . . . ‘70,000 
ITOQUOISe LE 5,000 | 
JeunAape 17 40,000 
athapascane . . . 40,000 
SIOME- Te IE 35,000 \ 400,000 
DATHEOUMONS, Mo 0 à 80,000 
koliouge. : .0:160; 50,000 
wakische . .. 20,000 
californienne 66,000 

FTorace PRE 9,600,000 


(819 ) 


VIII. — Subdivision de la Race noire en rameaux , 
familles et peuples. 


{ Famille cafre. . 


sé eee 
— nègre. 
[ Fidjiens. . ............ | 
Néocalédoniens . .. . . . . . .. | 
À HOT Le Néohébridienst . . MUST .. 
Salomoniens. 1.1. 44045000 
DADOUS REP CR nee 
Rameau 
nr | Andamenes des Andaman. . . .. 1,000,000 
—  delIndochine . . . .. 
—  andame- —.., deLucon.,. . .. . .. 
ETS — de la Nouvelle-Guinée 
— de la Nouvelle-Hollande. 
— de Van Diemen. . . .. | 
Torac. . . . … . . . : ! 574000 000 


IX. — Tableau de la distribution des races dans les cinq parties 


Teutons. 
Celtes (1) . . 
Eatms. . =: 
Grecs 


sn » » = » 


Sémites . . 
Perses. . . 
Circassiens . 


Finnois . . . . 
Hyperboreens. 
Mongols. . . . 


Éthiopiens . . 
bee 
Rouges . 

Noirs 
Hybrides . . . 


+ » » )» 


Toraux . . 


EUROPE. 


76.100.000 
8.000.000 
86,551,000 
3.465,000 
75.407,000 
775,000 
pi 
3,518,000 
155,000 
» 
3.000,806 
2,760,000 
3,912,000 
14,000 
120,000 
y 
195,000 
: 
» 
: 


» 


266,000.000 


AMÉRIQUE. 


22,000,006 
5,450,000 
8,840,000 

» 


1,000 


9,600,000 
7,000,000 
11,753,000 


OCÉANIE, 
500,000 
300,000 

3.000 


1,000,000 
» 


950,000 


a —_—_EZÀ—…—…"—…—— — — 


de la terre. 
ASIE AFRIQUE. 
40,000 280,000 
» » 
55,006 571.000 
1,005,000 » 
3,018,000 » 
p » 
» 8,130,000 
8,260,000  7,736,000 
21,980,000 » 
1,500,000 » 
» » 
17,240,000 » 
333,000 » 
108,000 » 
6,880,000 » 
538,200,000 » 
170,600,000 78.000 
» 8,300.000 
24,600,000 » 
>» » 
50,000 49,000,000 
129,000 383.000 
594,000,000 74,500,000 


62,700,000 


(4) La popalstion celtique indiquée ici comme habitant l’Amérique et l'Océanie appartient à cette 
immense émigration européenne qui a eu lieu dans ces derniers temps, mais il est à remarquer que 
celte population tend à se fondre dans les Teutons au milieu desquels elle se trouve. 


— M. Stas donne ensuite lecture d'une notice biogra- 
phique de sa composition sur feu M. De Hemptinne, mem- 
bre de l'Académie. 


Cette notice sera imprimée dans l'Annuaire de PAcadé- 
mie pour 1857. 


— M, le secrétaire perpétuel a fait connaitre en dernier 
lieu les résultats du dernier coneours et les élections faites 
par la classe des sciences. (Voyez, page 798.) 


OUVRAGES PRÉSENTÉS. 


Antoine Stradivarius. Recherches sur les intruments à urchet; 
par F. Fétis. Paris, 1856; in-8°. 

Procès-verbaux des séances des conseils provinciaux des neuf 
provinces du royaume de Belgique ; 1856; 9 broch. in-8°. 

Programme d'un cours de physique; par E. Bède. Liége, 1856; 
1 vol. in-12. 

Bibliographie d'un ouvrage du docteur Descuret, intitulé : Les 
inerveilles du corps humain; par C. Broeckx. Anvers, 1856; 
4 broch. in-8°. 

Histoire géographique et politique de la province de Luxem- 
bourg, depuis les origines jusqu'à nos jours; par J.-B. Laforet. 
Namur, 1856 ; 1 broch. in-&°. 

De l'organisation des bibliothèques publiques en Belgique; par 
E. Van Bruyssel. Bruxelles, 4856 ; 1 broch. in-&°. 

Quelques mots sur l'exposition artistique de Verviers, organisée 
en octobre 1856, au profit des pauvres honteux ; par la Société 
royale de philanthropie. Liége, 1856 ; 1 broch. m-8°. 

Revue de lu numismatique belge. H"° série, tome VI, 4% livr. 
Bruxelles, 1856; 1 broch. in-8°. 

Annales de la Société archéologique de Namur. Tome I, 
ge ]iv. Namur, 1856; 4 broch, in-8°. 


(82) 

Revue universelle des arts. °° année, n° 5 à 9. Bruxelles, 
1856; 5 broch. in-8°. 

Journal de pharmacie: publié par la Société de pharmacie 
d'Anvers. 12° année, juillet à décembre. Anvers, 4856; 6 broch. 
in-8°. 

Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie. 14° 
année, novembre et décembre. Bruxelles, 1856; 2 broch. in-&8°. 

Archives belges de médecine militaire. Tome XVIIF*, 1 à 5° 
cahiers. Bruxelles, 1856: 35 broch. in-$°. 

L'illustration horticole; rédigée par Ch. Lemaire et publiée 
par Amb. Verschaffelt. 11% vol., 8 à 12° Jiv. Gand, 1856; à 
broch. in-8°. 

Moniteur de l'enseignement; publié par F. Hennebert. TomeIW, 
n° 18 à 95. Tournai, 4856; 6 broch. in-&. 

L'abeille, revue pédagogique pour l'enseignement primaire; 
publiée par Th. Braun. II année, 6 à 10° liv. Bruxelles, 1856; 
5 broch. in-8°. 

Journal historique et littéraire. Tome XXII, Hiv. 4 à 8. Liége, 
1856; 5 broch. in-8°. 

Quaire lettres autographiées’ sur les mathématiques; par 
M. Lintz. Trèves, 1856; 4 !}2 feuilles in-42. 

Archives du Muséum d'histoire naturelle; publiées par MM. les 
professeurs-administrateurs de cet Établissement. Tome IX, liv. 1 
et 2. Paris, 1856; in-4°. 

Recueil des travaux lus à la Société médicale allemande de 
Paris; publié par MM. Meding et Martin. F° année. Paris, 1856; 
1 broch. in-8°. 

Revue et magasin de zoologie pure et appliquée; par M. F.-C. 
Guérin-Méneville. I®° série, tome VIII, n°% 7 à 12. Paris, 1856 : 
6 broch. in-8°. 

Revue de l'instruction publique. XVT®° année, n° 27 à 39. Paris, 
1856; 43 doubles feuilles in-S8°. 

L'Investigateur, journal de L'Institut historique. XXIF"* année, 
259€ à 2620 iv, Paris, 1856; 5 broch. in-8°. 


( 825 ) 

Analyse du mémoire présenté, au nom de M. Gloesener, à l'Aca- 
démie des sciences, le 27 octobre 1856; par M. Despretz, membre 
de l’Institut, vice-président de l'Académie des sciences. Paris, 
1856; 1 broch. in-8°. 

Recherches expérimentales sur la végétation; par M. Georges 
Ville. Paris, 1856; 1 broch. in-8°. 

Les dunes du nord de la France, leur passée et leur avenir ; 
par L. De Baecker. Dunkerque, 1856; 1 broch. in-8°. 

. Procédés des coloristes anciens, retrouvés par Oscar De Haes. 
Wazemmes, 14856 ; 1 broch, in-8°. 

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1856, 
n° 3. Amiens, 4856; 1 broch. in-8°. 

Revue agricole, industrielle et littéraire de l'arrondissement de 
Valenciennes. VI®® année, n° 12; VIII" année, n°° 1 à 5. Valen- 
ciennes, 1856; 5 broch. in-&. 

Zeuschrift, für Allgemeine Erdkunde; herausgegeben von d'. 
K. Neumann. Neue Folge. 1*** Band, 15-24 Heft. Berlin, 
1856; 4 broch. in-8°. 

Verhandlungen des naturhistorischen Vereins der jreussischen 
Rheinlande und Wesiphalens. XIU** Jarhgang, 2-5 Heft. Bonn, 
1856; 2 broch. in-4°. 

Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Minwirkung der 
vier Facultäten. XLIX Jahrg. 7-10 Heft. Heidelberg, 1856; 4 
broch. in-8°. 

Neues Jahrbuch für Pharmacie und verwandte Fächer. Band V, 
Heft 6; Band VI, Heft 1-3. Spire, 1856; 4 broch. in-8°. 

Verhandlungen der physicalisch-medicinischen Gesellschaft in 
Würizbourg. VE Band, 1-2 Heft. Würizbourg, 1855; 2 broch. 
in-8°. 

Memoir on the cholera at Oxford, in the year 1854, with con- 
siderations suggested by the epidemic; by H. Wentworth Acland. 
Londres, 1856; 1 vol. in-4°. 

Royal society of Edinburgh.— Transactions, vol. XXI, part. 5. 
_ Edimbourg, 1855-1856; in-4°. — Proceedings , vol. UL, n° 46, 
Edimbourg, 1853-1856; in-8°. 


| ( S24 ) 

Memorie dell J. R. Istitulo lombardo de scienze, leltere ed 
art. Volume Vt®. Milan, 4856; 1 vol. in-4°. 

Giornale dell J. R. Istituto lombardo di scienze, lettere ed arti 
e bibliotheca italiana. Nuova serie, fase. 53 à 46. Milan, 1854- 
1856; 7 cahiers in-4°. ; 

Sulla successione normale dei diversi membri del terreno tria- 
sico nella Lombardia: memoria di Giulhio Curioni. Milan, 1855; 
4 broch. in-4°. 

Memorie del nuovo osservatorio del Collegio romano. Anno 
1852-1855. Rome, 1856; 1 vol. in-4°. 

Sulla ragione e sullo intelletto; lettera del Mirandolese D. Bacci, 
al chiarissimo suo concittadino D' Flaminio Lolli. Venise, 1854 ; 
{ broch. in-8°. 

Sulla natura et sull officio dello ideale relativamente alle leitere 
e alle belle arti; pensieri di D. Bacci della Mirandola. Venise, 
1856; 1 broch. in-8°. 


FIN DU TOME XXII. 


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BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 


TABLES ALPHABÉTIQUES 


DU TOME XXIII. 


TABLE DES AUTEURS. 


(Les chiffres romains indiquent chaque partie du tome; les chiffres arabes 
indiquent la pagination.) 


A. 


Academie impcriale de Rouen. — Envoi de son programme de concours, 
I, 261. | 

Académie royale des beaux-arts d'Anvers. — Annonce de son grand 
concours de sculpture, 1, 555. 

Académie royale des sciences d’ Amsterdam. — Envoi de son programme 
de concours, II, 165. 

Académie royale des sciences de Hongrie. — Échange de publications 
IT, 618. 

Aùry. — Envoi de l’étalon des mesures anglaises, I, 474. 

Alvin. — Élu directeur pour 1857, 1, 60; rapport verbal sur un prix quin- 
quennal pour la gravure en taille-douce, 1, 60; rapport sur la question 
relative à la copie des tableaux placés dans les musées de l’État, I, 209; 
hommage d’un ouvrage, Il, 253 ; commissaire pour le projet de construc- 
tion d’un palais des beaux-arts, Il, 595; observations sur l’école belge de 
peinture à Rome, 11, 578; commissaire pour ces observations, Il, 578. 


Tome xx, — F"° part. 56 


826 TABLE DES AUTEURS. 


Anonyme. — Demande relative au concours de la classe des lettres de 1857, 
1, 160, 529 ; demande relative au concours de la classe des beaux-arts de 
1857, I, 780. 

Anonyme. — Mémoire intitulé : qu'est-ce que la nativité naturellement, 
rationnellement, philosophiquement parlant? II, 667. 

Arendt. — Commissaire pour un mémoire de M. le général Renard, I, 160; 
rapport sur ce mémoire, I, 81; membre du jury pour le prix quinquennal 
des sciences morales et politiques , I, 260; commissaire pour une notice de 
M. Vander Haeghen, IT, 76; rapport sur cette notice, II, 512; rapport sur 
le rapport de M. Polain, sur le concours relatif au lieu de naissance de 
Charlemagne, II, 166; Charlemagne quand est-il né? II, 699. 

Argelander. — Élu associé, II, 798. 

Association britannique pour l’avancement des sciences. — Annonce de 
sa prochaine réunion, [, 542, 475. 


B, 


Babbage. — Hommage d’un ouvrage, [, 759. 

Baguet. — De la nécessité de fortifier, par l’enseignement, l'amour de la 
science, 1, 262 ; commissaire pour un travail de M. de Robiano, I, 550. 
Baron. — Lecture d’une introduction à l’art poétique d’'Horace, I, 468; 
commissaire pour une proposition de M. Daussoigne, concernant le con- 

cours pour les poëmes de composition musicale, IT, 394, 578. 

Baumhauer (J.). — Recherches de vérités astronomiques, Il, 405. 

Bellynck. — Observations botaniques, I, 343. 

Bergeys (Henry). — Plan accompagné de la description d'un stadiometre 
électrique, 1, 476. 

Biot (Gustave). — Arrêté lui accordant une pension comme lauréat, IE, 146; 
proclamé lauréat du grand concours de gravure, II, 291. 

Biver (P.-E.). — Mémoire sur une nouvelle méthode de conduire et de cal- 
culer les triangulations géodésiques, I, 5, 99; rapports de MM. Liagre et 
Nerenburger sur ce mémoire, 1, 88, 92. 

Blanpain (L.). — Étoiles filantes périodiques du mois d'août, II, 500. 

Bogaerts (P.-4). — Proclamé lauréat du grand concours de sculpture, 
II, 291. 

Bommer. — Note sur le Gagea spathacea, 1, 476, 776; rapport de 
M. Kickx sur cette note, I, 756. 

Porgnet(4d.). — Commissaire pour un mémoire de M. le général Renard, 
1, 160; commissaire pour un mémoire de concours, 1, 164; rapport sur 
ce mémoire, 1, 575; rapport sur un mémoire de MM. de Saint-Genois et 


TABLE DES AUTEURS. 027 


Yssel de Scheppere, 1, 164; membre du jury pour le prix quinquennal 
d'histoire, [, 260; hommage d’un ouvrage, L, 759; commissaire pour un 
ouvrage de M. De Noue, IT, 667. 

Bormans. — Hommage d’un ouvrage, IE, 76. 

Bourdon. — Observations botaniques, 1, 475; 11, 402. 

Braemt. — Hommage d’une médaille, I, 655. 

Brasseur (J.-B.). — Remerciments au sujet de sa nomination de membre, 
1, 2; approbation royale de sa nomination, 1, 86; commissaire pour une 
note de M. Meyer, I, 5; rapport sur cette note, I, 97; commissaire pour 
une note de M. Meyer, I, 87; commissaire pour une note de M, Meyer, 
1, 254; rapport sur cette note, 1, 549; commissaire pour une note de 
M. Meyer, 1, 545; rapport sur cette note, 1, 764; commissaire pour un 
mémoire de M. Meyer, 1, 476; commissaire pour un mémoire de concours, 
11,297; commissaire pour une notice, de M. Dagoreau, II, 405. 


C. 


Caisse centrale des artistes. — Lecture du compte-rendu de la situation 
en 1855, I, 59; nomination d’un secrétaire, 1, 535; lisie de nouveaux 
membres, [, 454. 

Campotosto. — Proclamé lauréat du grand concours de gravure, Il, 291. 

Carbonelle (Ignace). — Démonstration du postulatum d’Euclide, IT, 619. 

Carton (le chanoïne). — Membre du jury pour le prix quinquennal des 
sciences morales et politiques, 1, 260; commissaire pour un mémoire de 
M. De Smet, IT, 667. 

Chalon. — Hommage d'ouvrages, 1, 160, 759; IT, 76, 510; note sur la sei- 
gneurie d'Agimont, à propos d’une monnaie, II, 195. 

Cogels ( 4lex.). — Annonce d’une somme destinée à la caisse des artistes, 
I, 59. 

Colla. — Renseignements sur les phénomènes observés en Italie, au com- 
mencement de 1856, I, 255; extrait d’une lettre sur le même sujet, IT, 506. 

Congrès des délèéqués des sociétés savantes des départements de France. 
— Annonce de sa prochaine session, I, 252. 

Corr (Érin). — Communique un dessin, 1, 721; commissaire pour une 
question relative aux lauréats des grands concours, II, 578. 


D. 


Dagoreau (F.). — Essais analytiques. Les lignes du troisième ordre, I, 405. 
Daussoigne-Méhul. — Proposition concernant le concours pour les poëmes 
de composition musicale, IE, 894. 


S28 TABLE DES AUTEURS. 


David (le chanoine). — Commissaire pour un mémoire de concours, !, 162. 

David d’ Angers. — Annonce de sa mort, I, 59, 201. 

De Borre (Alf). — Observations botaniques et zoologiques, 1, 2,545, 475; 
II, 409, 755. 

De Busscher. — Hommage d'un ouvrage, Il, 146. 

De Caligny (le marquis). — Hommage d’une note sur un appareil hy- 
draulique, I, 87. 

Defacqgs (E.). — Élu correspondant, I, 550; remerciments au sujet de son 
élection, 1, 758. 

De Gerlache (le baron). — Nommé président pour 1856, I, 18; remerci- 
ments au directeur sortant, I, 20 ; commissaire pour deux mémoires de con- 
cours, 1, 162, 164; de la commune en Flandre; Jacques d’Artevelde, E, 
180 ; réponse aux observations de MM. Kervyn de Lettenhove et de Saint- 
Genois sur Jacques d’Artevelde , I, 307; membre de la commission de pré- 
sentation pour les places vacantes, I, 531; discours prononcé à la séance 
publique de la classe des lettres, I, 635. 

De Hammer-Purgstall (le baron). — Annonce de son déces, II, 666. 

De Hoon. — Observations météorologiques, II, 2, 402. 

De Keyser.— Discours prononcé dans la séance publique de la classe des 
beaux-arts, Il, 286; commissaire pour une question relative aux lauréats 
des grands concours, II, 578. 

De Koninck. — Notice sur la distribution de quelques fossiles carboniferes, 
IT, 509; extrait d’une lettre de M. J. Hall, d’Albany, Il, 511. 

De la Fontaine. — Annonce des déces de MM. Muller et Wyttenbach, 1, 19. 

Delaire. — Mémoire sur la longueur du mètre, II, 295. 

De Longpérier (4dr.). — Élu associé, I, 550; remerciments au sujet de son 
élection, II, 74; hommage d’un ouvrage, II, 510. 

Delsaux. — Extension de quelques théorèmes d’attraction, 11,295. 
Demol. — Autorisé à intervertir l’ordre de ses voyages, 1, 58 ; envoi de son 
premier rapport trimestriel, 1, 718; second rapport trimestriel, IT, 252. 
De Montalembert (le comte). — Remerciments pour son élection d’associé, 

1,528; 

Demoor. — Deux mots sur le genre Michelaria Dumort., I, 254, 557 ; rap- 
ports de MM. Spring et Kickx sur cette notice, I, 844, 346. 

De Noue (le docteur). — Wibald, sa patrie, sa famille, IE, 667. 

D’Omalius d’Halloy. — Notice sur la classification des races humaines, 
IT, 799. 

De Ram (le chanoine). — Dépose l'annuaire de l’université de Louvain, 
pour 1856, 1, 19; élu directeur de la classe des lettres pour 1857 , 1, 20; 
commissaire pour un mémoire de concours, 1, 162; rapport sur ce mé- 


TABLE DES AUTEURS. 3929 


moire, [, 553; membre du jury pour le prix quinquennal d'histoire, I, 
260; hommage d'ouvrages, 1, 261; membre de la commission de pré- 
sentation pour les places vacantes, I, 551; commissaire pour un mémoire 
de M. Moke, I, 582; commissaire pour une notice de M. Galesloot, IT, 
75; commissaire pour un mémoire de M. De Smet, Il, 667. 

De Rewmont (Alf). — Élu associé, [, 530; remercîments au sujet de son 
élection, IT, 74. 

De Robiano (le comte A1.). — Introduction à l’analyse rationnelle des lan- 
gues classiques, I, 530; observations sur une pluie de vers, I, 750; rap- 
port de M. Van Beneden sur cette pluie de vers, II, 5. 

De Saint-Genois (le baron J.). — Commissaire pour un mémoire de con- 
cours, [, 162; rapport sur ce mémoire, I, 560; rapports de MM. Borgnet, 
Schayes et Gachard sur un mémoire fait en collaboration avec M. Yssel de 
Scheppere , I,164; membre du jury pour le prix quinquennal d'histoire, 
1, 260 ; un mot à M. le baron de Gerlache, à propos de la lecture de son 
esquisse de Jacques d’Artevelde, I, 269; commissaire pour un mémoire de 
M. Moke, I, 582; rapport sur ce mémoire, II, 76; rapport sur une note 
de M. Rottier, intitulée : De l’avenir de la littérature nationale, IT, 327; 
commissaire pour un mémoire de M. De Smet, II, 667. 

De Selys-Longchamps (Edm.). — Observations des phénomènes périodi- 
ques, [, 252,545, 475; IT, 402 ; renseignements sur un globe de feu, I, 
255; additions à la récapitulation des hybrides observés dans la famille des 
anatidées , IT, 6. 

De Smet (le chanoïne). — Lecture d’une notice sur l'abbé Joseph Ghes- 
quiere , 1, 262; recherches sur l’origine de la ville de Gand, 1'° étude, I, 
583; — 2 étude, IT, 124; rapport sur une note de M. Rottier, intitulée : 
De l'avenir de la littérature nationale, 11,527 ; note sur une ancienne bom- 
barde conservée à la citadelle d'Édimbourg, II, 554; mémoire sur Bau- 
douin IX , comte de Flandre et de Hainaul, et sur les chevaliers belges à la 
première croisade, IT, 667. 

De Taye. — Membre de la caisse centrale des artistes, I, 454. 

D’Udekem (J.). — Remerciments au sujet de son élection, I, 2; recherches 
sur le développement des infusoires, IT, 5; rapports de MM. Schwann et 
Gluge sur ce mémoire, Il, 159, 162. 

De Vaux (4d.). — Commissaire pour une notice de M. Goetmackers, I, 87; 
rapport sur cette notice, 1, 255 ; commissaire pour un mémoire de M. Goet- 
mackers, [, 545; rapport sur ce mémoire, I, 477; commissaire pour un 
stadiomètre électrique de M. Bergeys, 1, 476; gisement et formation de 
l'oligiste, de la limonite et de la pyrite, II, 69; commissaire pour un tra- 
vail de M. Gérard, 11, 294; rapport sur ce travail, IT, 636; commissaire 


830 TABLE DES AUTEURS. 


pour un mémoire de concours, IT, 297 ; ajournement du rapport sur ce 
mémoire, Il, 798. 

Devaux (Paul). — Commissaire pour un mémoire de concours, 1, 165; 
rapport sur ce mémoire, [, 575; membre du jury pour le prix quin- 
quennal des sciences morales et politiques, I, 260. 

De Vigne (P.). — Membre de la caisse centrale des artistes, I, 434. 

Dewalque. — Observations météorologiques, botaniques et zoologiques , I, 
342, 475. 

De Witte (le baron JT.) — Hommage d'ouvrages, E, 529; II, 510. 

Dieterici. — Élu associé, 1, 550; remercîments au sujet de son élection, F, 
158; hommage d'un ouvrage, 1,759. 

Dontkelaar. — Observations des phénomènes périodiques, L, 252. 

Ducpetiaux. — Annonce de l'ouverture d’un congrès international de bien- 
faisance, IT, 158. 

Dufour (Ch.).— Sur la scintillation des étoiles, I, 566; rapport de M. A. Que- 
telet sur cette lettre, [, 347. 

Dumont (André). — Remerciments au directeur sortant, I, 4. 

Duprez. — Observations électriques et météorologiques ; I, 2, 475 ; commis- 
saire pour un mémoire de M. Perrey, [, 760; commissaire pour un mé- 
moire de M. Valérius, [, 750; lecture du rapport de M. Plateau sur ce 
mémoire , Il, 619; commissaire pour un mémoire de concours, II, 296; 
rapport sur ce mémoire, II, 769; étoiles filantes périodiques du mois d’août, 
I}, 501; commissaire pour un mémoire de M. Mahmoud, IT, 402; commis- 
saire pour un mémoire de M. Perrey, If, 619. 


F. 


Faider (Ch.). — Membre du jury pour le prix quinquennal des sciences 
morales et politiques, I, 260; rapport fait au nom du jury pour le prix 
quinquennal des sciences morales et politiques, 1, 666. 

Fenicia. — Envoi d’une pièce de vers, I, 261. 

Fétis (Ed.). — Notice sur Abraham Genoels, I, 61; notice sur Balthazar 
Gerbier, 1,211 ; nommé secrétaire de la caisse des artistes, 1, 553; notice 
sur Juste Sustermans, I, 455 ; membre de la commission pour la rédaction 
d’une histoire de l’art en Belgique, I, 780; observations concernant la 
prochaine séance publique, [, 781 ; notice sur François Du Quesnoi, I, 
781; notice sur Jean Miel, IT, 254; notices sur Jacques Fouquières et Jean 
Roos , II, 580; notices sur Paul Franchoys et Ambroise Dubois, Il, 724; 
réélu membre de la commission spéciale des finances , II, 720. 

Fétis (F.). — Sur les progrès de la facture des orgues en Belgique, dans les 


TABLE DES AUTEURS. 851 


dernières années, 1, 254 ; sur les perfectionnements apportés à la facture 
des instruments à archet, 1,534; proposition concernant l’histoire de 
l’art en Belgique, I, 719; commissaire pour une proposition de M. Daus- 
soigne concernant le concours pour les poëmes de composition musicale, IT, 
594, 598; rapport sur cette proposition, II, 721 ; commissaire pour une 
question relative aux lauréats des grands concours, II, 394, 578 ; ovation 
faite par la classe à l’occasion du 50° anniversaire de son mariage, I], 
594; hommage d’un ouvrage, II, 719. 

Fraikin: — Réélu membre de la commission spéciale des finances , II, 720. 


G. 


Gachard. — Commissaire pour un mémoire de concours, 1, 165; rapport 
sur ce mémoire, [, 569; rapport sur un mémoire de MM. de Saint-Genois 
et Yssel de Scheppere, 1, 164; membre du jury pour le prix quinquennal 
d'histoire, 1, 260; membre de la commission de présentation pour les 
places vacantes, 1, 551 ; commissaire pour la construction d’un-palais des 
beaux-arts, 11, 527; assassinat de Guillaume le Taciturne, par Balthazar 
Gérard , Il, 516. 

Galesloot. — Débris de peintures antiques sur ciment, trouvés à Laeken; 
reste d’un établissement romain à Melsbroeck, près de Vilvorde, 11,75, 
181; rapport de M. Schayes sur cette notice, IT, 180. 

Geefs (G.). — Réélu membre de la commission spéciale des finances, IT, 720. 

Geefs (J.). — Commissaire pour une question relative aux lauréats des 
grands concours, Il, 578. 

Genillier. — Sur l'existence d’une atmosphère autour de la lune, IT, 295, 
654; rapport de M. Liagre sur cette note, IT, 626. 

Gérard. — Description d’un cadran électrique, II, 294; rapport de M. Ad. 
Devaux sur cette description, Il, 656. 

Ghaye (Michel). — Observations des phénomènes périodiques, 1,252 ; 475 ; 
11, 402; note sur la phosphorescence de la neige, observée le 5 décembre 
1855 ; I, 256. 

Gheldolf. — Membre du jury pour le prix quinquennal d’histoire, I , 260. 

Gilbert (Ph.). — Remarque sur le terme qui complète la série de Taylor, I, 87. 

Gloesener. — Élu correspondant, II, 798. 

Gluge. — Élu directeur de la classe des sciences pour 1857, 1,5; commis- 
saire pour un mémoire de M. d’Udekem, 11, 3; rapport sur ce mémoire, 
IL, 162; commissaire pour un mémoire de concours, II, 297; rapport sur 
ce mémoire, II, 789, 

Goetmaekers. — Notice sur le construction et l’exécution des horloges élec- 


S32 TABLE DES AUTEURS. 


triques, À, 87 ; rapport de M. Ad. De Vaux sur cette notice, F, 255 ; mémoire 
concernant les conducteurs du temps pour l'horlogerie électrique, F, 543 ; 
rapport de M. Ad. De Vaux sur ce mémoire, I, 477. 

Gouvernement du Hanovre. — Envoi de deux médailles, I, 750. 

Grassi. — Hommage d’un ouvrage, IT, 295. 


H. 


Hall (James). — Extrait d'une lettre adressée à M. De Koninek, I, 511. 

Hansteen. — Remerciments pour son élection d’associé , I, 252. 

Haus. — Membre du jury pour le prix quinquennal des sciences morales et 
politiques, I, 260. 

Heis (le docteur E.). — Lettre adressée à M. A. Quetelet, relative aux étoiles 
filantes périodiques du mois d'août, II, 502. 

Héris. — Somme ajoutée à la médaille remportée au dernier concours, Ï, 
58, 201. 

Hermans.— Communique des renseignements historiques , I, 19. 

Houzeau. — Notes sur les limites que, dans l’état actuel de nos connais- 
sances, On peut assigner à la rotation d’Uranus, J, 551; élu membre, 
IT, 798. 


x. 


Institut géographique de Gotha. — Échange de publications, 1, 475. 
Institut libre de Wagner à Philadelphie. — Échange de publications, 
IT, 294. 


J. 


James (AI. le major Henry). — Renseignements sur des cartes photogra- 
phiques, 1,2, 155. 

Juste (Théodore). — Hommage d’un ouvrage, I, 19; élu correspondant, Ï, 
530 ; remerciments au sujet de son élection, I, 758; recherches sur les pro- 
jets de partage des Pays-Bas, en 1566 et en 1571 ; — 1°e partie, IF, 550 ; — 
2e partie, II, 668. 


K. 
Kervyn de Lettenhove. — Amédée de Savoie le comte Rouge, I, 46; membre 
du jury pour le prix quinquennal d'histoire, 1, 260; hommage d’ou- 


vrages, [, 260 ; du jugement que l’histoire doit porter sur Jacques d’Arte- 
velde, 1, 277; commissaire pour un mémoire de M. Moke, 1, 382; rapport 


TABLE DES AUTEURS. 832 


sur ce mémoire, I], 80; quelques mots pour faire suite à ma notice 
sur Jacques d’Artevelde , I, 401; notice sur M. Augustin Thierry, 1, 775. 

Aickzx. — Commissaire pour une notice de M. Demoor, I, 254; rapport sur 
cette notice, I, 546; commissaire pour une note de M. Bommer, I, 476; 
rapport sur cette note, I, 756; essai sur les variétés indigènes du Fucus 
vesiculosus , 1, 477 ; commissaire pour un mémoire de M. Georges Ville, 
II, 294. 

Audig. — Observations météorologiques, 1, 345; IL, 158. 


L. 


Laboureur. — Élu associé, L, 59; remerciments au sujet de son élection, I, 
332. 

Lamarle.— Rapport sur une notice de M. L. Ordinaire de la Calange, 1, 15; 
commissaire pour une notice de M. Gilbert, I, 87; commissaire pour un 
mémoire de M. Delaire, II, 293; commissaire pour un mémoire de con- 
cours, II, 297 ; démonstration d’un postulatum d’Euclide, IT, 408; note 
additionnelle à cette démonstration, IT, 637 ; commissaire pour une notice 
de M. Carbonelle, II, 619; rapports de MM. Schaar et Timmermans sur 
son mémoire intitulé : Notions fondamentales sur plusieurs points élémen- 
taires de géométrie, etc., II, 619. 

Lamont. — Observations magnétiques, IT, 405. 

Leclercq (C.). — Formules pour trouver l’ère chrétienne, IT, 294. 

Leclercq (D.). — Observations météorologiques, 1, 543. 

Leclercq (M.-N.-J.). — Membre du jury pour le prix quinquennal des 
sciences morales et politiques, I, 260; membre de la commission de pré- 
sentation pour les places vacantes, I, 531, 

Leclercqg (Fictor). — Hommage d’un ouvrage, IT, 166. 

Leemans. — Envoi d’un ouvrage, IT, 165. 

Lejeune-Dirichlet. — Remerciments pour son élection d’associé, F, 86. 

Lelewel (J.). — Hommage de ses tables géographiques d’Albateny, [, 160. 

Lepsius. — Hommage des liv. 65 à 75 de son ouvrage sur l'Égypte, I, 719. 

Liagre. — Commissaire pour un mémoire de M. Biver, 1, 5; rapport sur ce 
mémoire, I, 88; renseignements sur un globe de feu, 1, 255; commis- 
saire pour un mémoire de M. Meyer, I, 476; commissaire pour une notice 
de M. Leclercq, II, 294; commissaire pour une note de M. Genillier, IT, 
295 ; rapport sur cette note, IT, 626; commissaire pour un mémoire de 
concours, II, 296; rapport sur ce mémoire, Il, 755; membre de la com- 
mission pour l'examen des travaux de M. Meyer, IT, 298; commissaire 
pour une notice de M. Baumbhauer, IT, 405, 


854 TABLE DES AUTEURS. 


Lorrain. — Hommage d’un ouvrage manuscrit ; F, 19. 


M. 


Mac Leod: — Observations botaniques, I, 86. 

Mahmoud-E ffendi. — Mémoire sur l’état actuel des lignes isocliniques et 
isodynamiques dans la Grande-Bretagne, la Hollande, la Belgique et la 
France, II, 402; rapport de M. A. Quetelet sur ce mémoire, II, 620. 

Manilius (J.). — Dépôt d’un billet cacheté, IT, 295. 

Marchal (le chevalier J.). — Observations sur le nom francais du monastère 
d’Espagne qui fut la retraite de l’empereur Charles-Quint, II, 204. 

Martens. — Commissaire pour une note de M. Pinel, I, 87; rapport sur 
cette note, I ,255 ; commissaire pour une note de M. Bommer, I, 476; com- 
missaire pour un mémoire de M. Georges Ville, I1, 294; rapport sur ce 
mémoire, II, 404. 

Mathieu (4d.). — Hommage d’un ouvrage, 1, 19; une élégie de Properce, 
I, 495; traduction en vers de l’épitre d’'Horace à Mécène , 1, 709. 

Maury (J.). — Carte des tempêtes et des pluies, 1, 542; lettre relative aux 
observations météorologiques, II, 294, 

Maus. — Rapport sur un mémoire de M. Plateau, intitulé : Recherches 
expérimentales sur les figures d'équilibre d’une masse liquide sans pesan- 
teur. 5e série, 1, 4; commissaire pour un stadiometre électrique de 
M. Bergeys, [, 476. à 

Belsens. — Dépôt d’un billet eacheté, I, 345; note sur quelques dispositions 

‘à donner à la marmite de Papin, et sur un avertisseur électrique, M, 511; 
communication verbale sur les propriétés des fécules, IE, 663. 

Meyer. — Note sur le théorème inverse de Bernouilli, E, 3; 148; rapport 
de M. Brasseur sur cette note, I, 97; note sur le théorème inverse de Ber- 
nouilli, étendu au cas de plus de deux événements, 1, 87; rapport de 
M. Brasseur sur cette note, I, 249; mémoire sur une démonstration nou- 
velle du théorème de Bernouilli, I, 254; rapport de M. Brasseur sur cette 
note, 1, 549; note sur une nouvelle démonstration du théorème de Ber- 
nouilli, etc., 1, 545; rapport de M. Brasseur sur cette note, I, 754; mé- 
moire sur une exposition nouvelle de la théorie des probabilités à poste- 
riori, I, 476. 

Ministre de l’intérieur. — Autorisation accordée à M. Demol d’intervertir 
l'ordre de ses voyages, I, 58; somme ajoutée à la médaille décernée à 
M. Héris, I, 58; sur une nouvelle édition du Reinaert de Vos, 1, 159; 
envoi d'ouvrages, E, 252, 527, 402, 509; 11, 474, 618, 752; arrêtés royaux 
nommant les membres des jurys pour les prix quinquennaux des sciences 


TABLE DES AUTEURS. 835 


morales et politiques, et d'histoire, 1, 261; envoi d'ouvrages destinés à 
concourir pour ces prix, 1, 261 ; lettre concernant les phénomènes pério- 
diques, 1, 542; lettres relatives à une ordonnance de payement; à des 
travaux de réparation; à la nomination d'un membre de jury pour le prix 
quinquennal d'histoire, 1, 582 ; letire concernant les expositions de tableaux 
dans les villes rhénanes, I, 455; lettre concernant la contrefaçon des œuvres 
d'art, I, 455; annonce d’un concours de poésie pour le 21 juillet 1856, 
1, 527; demande les publications de l’Académie pour l’université de 
S'-Louis, 1, 520; lettre relative aux dons faits par le baron de Stassart, 
I, 655; envoi des rapports trimestriels de M. Demol, I, 718; II, 259; 
envoi de deux médailles, I, 750; char de S'<-Gertrude de Nivelles, I, 779; 
lettre concernant les procès-verbaux des jurys pour les prix quinquen- 
maux, II, 2; restauration des chefs-d’œuvre de Rubens, I], 252; inscrip- 
tions des monuments publics, II, 252; lettres relatives : 1° au projet de 
construction d’un palais des beaux-arts, 2° inscription de la halle et du 
beffroi de Bruges; 3° proposition concernant les poëmes des concours de 
composition musicale, II, 280; envoi d’une note de M. Delaire, de Paris, 
et de cartes géologiques, If, 295 ; envoi d’un rapport concernant une dé- 
couverte archéologique, II, 526; lettre concernant le prix quinquennal 
des sciences naturelles, IT, 618; lettre concernant le concours de compo- 
sition musicale, II, 720. 

Ministre des affaires étrangères. — Envoi d'ouvrages, II, 158, 402. 

Ministre de la justice. — Envoi d'ouvrages, 1,529; II, 509. 

Moke. — Note sur la progression régulière du produit de limpôt en France, 
I, 21; note sur l'accroissement de la population en France pendant le 
XViipve siècle, I, 164; mémoire sur la population et la richesse de la 
France au XIVre siècle, 1, 382; rapports de MM. le baron de Saint-Genois 
et Kervyn de Lettenhove, sur ce mémoire, Il, 76, 80. 

Montigny. — Observations météorologiques, [, 343 ; additions à son tra- 
vail sur la scintillation des étoiles, 1, 344; rapport de M. Plateau sur ces 
additions , 1, 751; renseignements sur un bolide, IT, 505. 

Moreau. — Observations botaniques, II, 618. 

Muller. — Annonce de son décès, I, 19. 

Murchison (sir Roderick). — Remerciments pour son élection d’associé, I, 2. 


N. 


Navez. — Commissaire pour une question relative aux lauréats des grands 
concours, II, 578. 
Nerenburger. — Commissaire pour un mémoire de M. Biver, E, 3; rapport 


re = 


8356 TABLE DES AUTEURS. 


sur ce mémoire, [, 92 ; sur un procédé de gravure décrit par M. le major 
Henry James, I, 155; renseignements sur un globe de feu, I, 255; com- 
missaire pour une notice de M. Leclereq, If, 294; commissaire pour une 
note de M. Genillier, IT, 295; commissaire pour un mémoire de concours, 
IT, 296; rapport sur ce mémoire, IT,765; commissaire pour une notice 
de M. Baumhauer, Il, 405; sur les triangulations qui ont été faites, en 
Belgique, antérieurement à 1830, II, 450. 
Nyst. — Hommage d’un ouvrage, I, 544. 


O. 


Ordinaire de la Calange( Louis). — Rapports de MM. Schaar, Lamarle et 
Timmermans, sur sa notice traitant des moulins à vent à ailes réductibles, 
A 


LE 


Paulin Paris. — Élu associé, I, 530; remerciments au sujet de son élection, 
I, 758. 

Pegado (G.).— Observations météorologiques, 1, 86, 252, 542, 476; II, 
295, 402. 

Perrey (Alexis). — Mémoire sur les tremblements de terre en 1855, avec 
des suppléments pour les années antérieures, I, 750; II, 25; rapport de 
M. Ad. Quetelet sur ce mémoire, II, 4; mémoire sur les tremblements de 
terre en 1855, IT, 618. 

Pertz. — Remerciments pour l'envoi des dernières publications académi- 
ques, 1, 19. 

Pinel (C.). — Nouvelle classification de la famille des orchidées, I, 87; rap- 
ports de MM. Spring et Martens sur cette note, I, 255. 

Plateau. — Rapport de MM. Maus et Ad. Quetelet, sur la 5° série de ses 
Recherches expérimentales sur les figures d'équilibre d’une masse liquide 
sans pesanteur, 1, 4; commissaire pour un mémoire de M. Valérius, I, 750; 
lecture de son rapport sur ce mémoire, IT, 619; rapport sur un travail de 
M. Montigny, intitulé : Additions au mémoire sur la scintillation, 1, 751; 
sur les théories récentes de la constitution des veines liquides lancées par 
des orifices circulaires, I, 737. 

Polaïn. — Commissaire pour un mémoire de concours, I, 164; rapport sur 
ce mémoire, 1, 594; Quand est né Charlemagne, IT, 550; encore Charle- 
magne, II, 716; commissaire pour un ouvrage de M. De Noue, II, 667. 

Portaels. — Observations sur l’école belge de peinture, à Rome, IF, 578; 
commissaire pour ces observations, II, 579. 


TABLE DES AUTEURS. 821 


Q. 


Questeurs du Sénat et de la Chambre des Représentants (MM. les). — 
Envoi de cartes d’entrée pour les tribunes réservées du Sénat et de la 
Chambre des Représentants, II, 618; remerciments pour l'envoi des pu- 
blications de l’Académie, I, 19, 382; II, 666. 

Quetelet ( Adolphe). — Observations météorologiques et des phénomenes 
périodiques des plantes, I, 2, 545; II, 402; hommage d'ouvrages, I, 5, 
529; II, 510; dépose l’annuaire de l’Académie pour 1856, I, 3; lecture 
de la situation de la caisse centrale des artistes en 1855, I, 59; commis- 
saire pour un mémoire de concours de la classe des lettres, I, 163; rapport 
sur ce mémoire, Ï, 561; renseignements sur un globe de feu, 1, 255; 
membre du jury pour le prix quinquennal des sciences morales et poli- 
tiques, 1, 260; membre de la commission de présentation pour les places 
vacantes dans la classe des lettres, I, 851 ; rapport sur une lettre de M. Du- 
four, 1, 547; dépose entre les mains du trésorier une somme provenant 
de la succession de feu M. le baron de Stassart, 1, 476 ; annonce la récep- 
tion des différents legs de feu M. le baron de Stassart, 1, 529; dépose le 
tome XXVIII des mémoires couronnés, 1, 530; commissaire pour un 
mémoire de M. A. Perrey, I, 750; rapport sur ce mémoire, II, 4; com- 
munication sur l'électricité de l'air, 11,25; commissaire pour un mémoire 
de concours de la classe des sciences, en réponse à la première question, 
11, 296; rapport sur ce mémoire, IL, 766; idem, en réponse à la troisième 
question, IT, 296 ; rapport sur ce mémoire, Ie 779; étoiles filantes pério- 
diques du mois d’août, IT, 299; commissaire pour le projet de construc- 
tion d’un palais des beaux-arts, II, 327; commissaire pour un mémoire 
de M. Mahmoud, II, 402; rapport sur ce mémoire, Il, 620; commissaire 
pour un mémoire de M. Perrey, II, 619. 

Quetelet (Ernest). — Remerciments au sujet de son élection, 1,2; note sur 
l'inclinaison et la déclinaison de l'aiguille aimantée, I, 350; étoiles filantes 
périodiques du mois d'août, 1, 298; des observatoires du nord de lAlle- 
magne et de la Hollande, IT, 480; sur le magnétisme de la terre dans le 
nord de l'Allemagne et de la Hollande, IT, 495. 


KR, 


Rafn (Charles). — Envoi d'ouvrages, I, 18. 
Ravaisson. — Élu associé, 1, 59; remerciments au sujet de son élection, 
FRAUT: 


838 TABLE DES AUTEURS, 


Renard (le général). — Lettres sur l'identité de race des Gaulois et des Ger- 
mains, 1, 160; 1°° lettre, IT, 98 ; 2e lettre, II, 221 ; 3": lettre, II, 360; 
rapports de MM. Arendt et Schayes sur ces lettres, II, 81, 87; membre 
du jury pour le prix quinquennal d'histoire, [, 260 ; rapport fait au nom 
du jury pour le prix quinquennal d'histoire, 1, 676. 

Revue d'histoire naturelle à Dublin. — Échange de publications , 11, 476. 

Rico Sinobas (Manuel). — Observations météorologiques, 1, 543. 

Rigouts-Verbert. — Observations botaniques, 1, 475. 

Roelandt. — Observation concernant la commission des inscriptions histo- 
toriques , I, 720 ; observation relative à l'inscription de l'église de S'-Bavon 
à Gand, Il, 595; commissaire pour une question relative aux lauréats des 
grands concours, II, 578. 

Rogier (Ch.). — Annonce de l'ouverture d’un congrès international de bien- 
faisance, IT, 158. 

Rottier. — Rapports de MM. de Saint-Genois et De Smet sur sa note intitulée : 
De l’avenir de la littérature nationale, II, 527. 

Roulez. — Membre de la commission de présentation pour les places va- 
cantes, 1, 851; commissaire pour un travail de M. de Robiano, 1, 530; 
Examen de la question : Les deux Germanies faisaient-elles partie de la 
province de la Gaule belgique, 1,765; inscription pour la médaille décer- 
née à M. Nève, II, 75; commissaire pour une découverte archéologique, 
Il, 526; rapport sur cette découverte, IT, 515. 


S. 


Say (Æorace). — Remerciments pour sa nomination d’associé, FE, 260. 

Schaar. — Rapport sur un mémoire de M. Liagre, 1, 14; rapport sur 
une notice de M. Ordinaire de la Calange, 1, 15; commissaire pour une 
note de M. Meyer, I, 543; commissaire pour un mémoire de M. Meyer, 
[, 476; demande à pouvoir ajourner ses conclusions sur les travaux de 
M. Meyer, Il, 4; commissaire pour une notice de M. Willich, Il, 294; 
rapport sur cette notice, Il, 619 ; commissaire pour un travail de M. Del- 
saux, Il, 295; demande à être dispensé comme juge, dans le rapport des 
travaux de M. Meyer, Il, 298 ; commissaire pour un mémoire de M. Car- 
bonelle, 11, 619; rapport sur un mémoire de M. Lamarle, Il, 619. 

Schadde. — Membre de la caisse centrale des artistes, I, 454. 

Schayes. — Commissaire pour un mémoire de M. le général Renard, 1, 160; 
rapport sur ce mémoire , Il, 87; commissaire pour un mémoire de con- 
cours en réponse à la 2° question, L, 162; rapport sur ce mémoire, 
1, 551 ; commissaire pour un mémoire de concours en réponse à la 5" ques- 


TABLE DES AUTEURS, 839 


tion, 1, 162; rapport sur ce mémoire, L, 559; rapport sur un mémoire 
de MM. Yssel de Scheppere et de Saint-Genois, 1, 164; membre du jury 
pour le prix quinquennal d'histoire, 1, 582; examen critique du système 
de M. Amédée Thierry sur les origines belges et gauloises, [, 412; com- 
missaire pour un travail de M. de Robiano, I, 550; commissaire pour 
une notice de M. Galesloot, Il, 75; rapport sur cette notice, Il, 180. 

Schram. — Observations botaniques, F, 2; II, 618. 

Schwann. — Commissaire pour un mémoire de M. Valérius, 1, 750 ; IL, 619; 
commissaire pour un mémoire de M. d'Udekem, IL, 5; rapport sur ce 
mémoire, Il, 159; commissaire pour un mémoire de concours, Il, 297; 
rapport sur ce mémoire, 11, 774. 

Sierpieri (Alexandre). — Étoiles filantes périodiques du mois d’août, 
IT, 505. 

Simonis. — Commissaire pour une question relative aux lauréats des grands 
concours, Il, 578. 

Siret (d.). — Sur les moyens de répandre le goût des gravures nationales, 
I, 456; dépôt de la 1'° partie des tables développées des 42 premiers vo- 
lumes des Bulletins de l’Académie, II, 284; dépôt de la seconde partie de 
cette table, Il, 593; remerciments pour cette table, IT, 405, 509, 577; de 
l’art nouveau, IT, 605. 

Snel. — Réélu membre de la commission spéciale des finances, IT, 720. 

Société de l’histoire et des beaux-arts de la Flandre maritime de France, 
à Berques. — Échange de publications, IL, 2. 

Société des antiquaires de la Morinie. — Envoi de son programme de 
concours, I, 529. 

Sociélé des naturalistes et des médecins de Moscou. -— Annonce de sa réu- 
nion annuelle, Il, 158. 

Société dramatique flamande de Wyngaerd., — Demande à l’Académie 

concernant son programme de concours, 1, 528. 

Société dunkerquoise pour l’encouragement des sciences, des lettres et des 

arts. — Envoi de son programme de concours, [, 261; I, 165. 


Société finnoise des sciences, à Helsingfors, — Échange de publications, 
I, 4756. 
Société pour le secours des noyés, d’ Amsterdam. — Hommage d’un ou- 


vrage, Î, 282. 

Spring. — Commissaire pour une note de M. Pinel, I, 87; rapport sur cette 
note, L, 255; commissaire pour une notice de M. Demoor, I, 254; rapport 
sur cette notice, I, 544; commissaire pour un mémoire de concours, IF, 
297 ; rapport sur ce mémoire, II, 782. | 

Stas. — Commissaire pour le projet de construction d’un palais des beaux- 


S40 TABLE DES AUTEURS. 


arts, LH, 294; commissaire pour un mémoire de concours, Il, 296; rap- 
port sur ce mémoire, Il, 771; lecture d’une notice biographique sur De 
Hemptinne, 11, 820. 

Suys. — Commissaire pour une question relative aux lauréats des grands 
concours, Il, 578. 


H RE 
T'honissen. — Hommage d’un ouvrage, E, 19. 
Timmermans. —- Rapport sur une notice de M. L. Ordinaire de la Calange, 
1, 15; commissaire pour une notice de M. Gilbert, 1, 87; commissaire pour 
une notice de M. Dagoreau, Il, 405; rapport sur un mémoire de M. La- 


marle, I, 619. 
Trappeniers. — Hommage d’un plan, I, 146. 


U. 


Université de Gratz. — Envoi d'ouvrages , F, 474. 
Université de Pesth. — Envoi d'ouvrages, I, 474. 
Université impériale de Kasan. — Envoi d'ouvrages, If, 618. 


V. 


2 


V’alérius (le professeur). — Mémoire sur l’accommodation de Pœil à la vision, 
à différentes distances, 1, 750; lecture du rapport de M. Plateau sur ce 
mémoire , 11,619. 

Van Arenberg. — Communique une note sur le chlorure de brome, 1, 5; 
relire celte note, I, 476. 

Van Beneden. — Sur le développement des cysticerques, I, 258; rapport 
sur des vers recueillis à la suite d’une pluie, IT, 5; note sur un Trématode 
nouveau du Maigre d'Europe, Il, 502; note sur l’Octobothrium du Merlan 
ei l’Axine de l’Orphie, II, 645. 

Vander Haeghen. — Cent proverbes tamouls, traduits et expliqués, Il, 76; 
rapport de M. Arendt sur cette notice, II, 512. 

Vanderheyden-d-Hauxeur (Ed.). — Observations botaniques et zoologi- 
ques, I, 2. 

Vanderlinden. — Proclamé lauréat du grand concours de sculpture, IF, 
DORE 

Van Duyse. — Sur une nouvelle édition du Reënaert de Vos, 1, 159; no- 
tice sur la défense soutenue au château de Gand par madame de Montdra- 

gon (Guillemette de Chastellet), 1, 175. 


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TABLE DES AUTEURS. S41 


Van Hasselt. — Commissaire pour une proposition de M. Daussoigne con- 
cernant le concours pour les poëmes de composition musicale, 11, 594, 
578; réélu membre de la commission spéciale des finances, II, 720. 

Van Lérius. — Membre de la caisse centrale des artistes, I, 454. 

Van Praet (Jules). — Lettre au nom du Roi, concernant la séance publique 
de la classe des sciences, II, 752. 

Ville (Georges). — Mémoire sur le rôle des nitrates dans l’économie des 
plantes, Il, 294; rapport de M. Martens sur ce mémoire, I], 404. 

Vincent (J.-B. et fils). — Observations ornithologiques, I, 2. 


W. 
auters (Alph.). — Hommage d’un ouvrage, I, 453. 
Willich (Charles). — Notice sur la vie moyenne, Il, 294; rapport de 
M. Schaar sur cette notice, II, 619. 
Wins (Camille). — Hommage d'ouvrages, I, 382, 529. 
Wyttenbach. — Annonce de son décès, I, 19. 


Y. 


Yssel de Scheppere. — Rapports de MM. Borgnet, Schayes et Gachard sur 
un mémoire fait en collaboration avec M. de Saint-Genois, 1, 164. 


Z. 


Zantedeschi. — Observations botaniques, I, 252. 
Zeising. — Hommage d’un ouvrage, II, 295. 


Tome xx. — Il" par. 57 


TABLE DES MATIÈRES. 


A. 


Anatomie comparée. — Sur le développement des cysticerques, par M. Van 
Beneden, 1, 258; rapports de MM. Schwann et Gluge sur un mémoire de 
M. d’Udekem , concernant des recherches sur le développement des infu- 
soires, IT, 159, 162; rapport sur des vers recueillis à la suite d’une pluie, 
par M. Var Beneden, II, 5. 

Archéologie. — Débris de peintures antiques sur ciment, trouvés à Laeken; 
restes d’un établissement romain à Melsbroeck, près de Vilvorde, par 
M. Galesloot, 11, 181; rapport de M. Schayes sur cette notice, II, 180; 
rapport de M. Roulez sur une découverte d’antiquités à Saint-Gilles-Waes, 
11, 515. 

Arrêtés royaux. — Membres du jury pour les prix quinquennaux d'histoire 
et des sciences morales et politiques, I, 260. 

Astronomie. — Lettre sur la scintillation des étoiles par M. Ch. Dufour, 
1, 566; rapport de M. A. Quetelet sur cette lettre, 1, 547; note sur les 
limites que, dans l’état actuel de nos connaissances, on peut assigner à la 
rotation d'Uranus, par M. Houzeau , 1, 551; rapport sur un travail de 
M. Montigny , intitulé : additions au mémoire sur la scintillation ; par 
M. Plateau, I, 751; note sur l'existence d’une atmosphère autour dela lune, 
par M. Genillier, Il, 654; rapport de M. Liagre sur cette note, II, 626. 


B. 


Bibliographie. — (Voyez Ouvrages présentés.) 

Biographie. — Notice sur Abraham Genoels, par M. Éd. Fétis, 1, 61; notice 
sur Balthazar Gerbier, par le même, I, 211 ; notice sur Juste Sustermans, 
par le même, I, 455; notice sur M. Augustin Thierry, par M. Kervyn de 
Lettenhove, 1, 775; notice sur François Du Quesnoi, par M. Éd. Fétis, 
1, 781; notice sur Jean Miel, par le même, IL, 154; notices sur Jacques 
Fouquières et Jean Roos, par le même, IL, 580; notices sur Paul Fran- 
choys et Ambroise Dubois, II, 724. 


TABLE DES MATIÈRES. 8435 


Botanique. — Deux mots sur le genre Michelaria Dmrt, par M. Demoor, 
1, 557; rapports de MM. Spring et Kickx sur cette notice, 1, 344, 546; 
essai sur les variétés indigènes du Fucus vesiculosus, par J. Kickx, 
1, 477 ; note sur le Gagea spathacea , plante nouvelle pour la flore belge, 
par M. Bommer, 1, 756; rapport de M. Kickx sur cette note, 1, 736; rap- 
port de M. Martens sur un mémoire de M. G. Ville, intitulé : Quel est le rôle 
des nitrates dans l’économie des plantes, Il, 404. 


C. 


Caisse centrale des artistes. — Lecture du compte-rendu de la situation 
en 1855, par M. A. Quetelet, I, 59; nomination d’un secrétaire , 1, 533; 
liste de nouveaux membres, 1, 454. | 

Chimie. — Note sur quelques dispositions à donner à la marmite de Papin et 
sur un avertisseur électrique, par M. Melsens, II, 511; rapport de M. Mar- 
tens sur un mémoire de M, G. Vilie, intitulé : Quel est le rôle des nitrates 
dans l’économie des plantes , 11, 404; communication verbale sur les pro- 
priétés des/fécules, par M. Melsens, II, 663. 

Commissions.— Réunion de la commission des finances de la classe dessciences, 
I, 87; réunion de la commission des finances de la classe des lettres, I, 161 ; 
réunion de la commission des finances de la classe des beaux-arts, I, 202; 
réélection de cette commission pour 1857, II, 720 ; commission de pré- 
sentation aux places vacantes dans la classe des lettres, E, 331; commis- 
sion des inscriptions historiques, I, 720; II, 255, 284 ; commission pour 
la rédaction d’une histoire de l’art en Belgique, I, 719, 780; II, 147; 
commission pour l'examen d’un projet de construction d’un palais des 
beaux-arts, II, 294, 327, 595; commission pour l’examen des observations 
de MM. Portaels et Alvin concernant l’école belge de peinture à Rome, 
11, 578; commission pour l'examen des travaux de M. Meyer, II, 298. 

Concours de la classe des beaux-arts. — Programme de concours pour 
1857, 11, 281 ; concours de 1858, IT, 282 ; concours extraordinaire pour 
la gravure en taille-douce, II, 285. 

Concours de la classe des lettres. — Résultats du concours de 1856 et no- 
mination des commissaires, 1, 161; rapports des commissaires sur la 
2me question, [, 551; rapports des commissaires sur la 5"° question, 
1, 535, 559, 560; rapports des commissaires sur le prix de Stassart, 
1,561, 569, 573; programme de 1857, 1, 759.— (Voyez Concours relatif 
au lieu de naissance de Charlemagne.) 

Concours de la classe des sciences. — Programme de concours de 1856, 
1, 15; concours extraordinaire, 1, 17, 86; résultats du concours de 1856 
et nomination des commissaires, 11, 296; résultats du concours extraor- 


844 TABLE DES MATIÈRES. 


dinaire el nomination des commissaires, 11, 297; rapports des commis- 
saires sur la 1'° question, 11, 755, 765; rapports des commissaires sur | 
la 5e question, II, 769, 771, 772; rapports des commissaires sur Ja | 
4me question, If, 774, 782, 789; ajournement des rapports des commis- 
saires sur le concours extraordinaire, II, 798. 

Concours du Gouvernement. — Concours extraordinaire de poésie, 1, 762; 
lettre du Ministre de l’intérieur concernant les poëmes des concours de 
composition musicale , II, 280, 720; proclamation des lauréats des grands 
concours de sculpture et de gravure, If, 291; proposition de M. Daus- 
soigne, concernant le concours pour les poëmes de composition musicale, 
II, 594; rapport de M. F. Fétis sur cette proposition, I, 721 ; observa- 
tions de MM. Alvin et Portaels, concernant l’école belge de peinture à 
Rome, IT, 578. 

Concours relatif au lieu de naissance de Charlemagne. — Résultats du 
concours et nomination des commissaires , [, 163; rapports de MM. Bor- 
gnet et Polain sur le concours, 1, 575, 594; annonce de la fondation d’un 
nouveau prix sur l’histoire des Carlovingiens, Il, 75; programme de ce nou- 
veau prix, Il, 75, 179; rapport de M. Arendt sur le rapport de M. Polain, 
I1, 166, programme de concours, IE, 510. 


D. 


Dons. — Annuaire de l'Observatoire royal, par A. Quetelet, 1, 5; publica- 
tions de la Société royale des antiquaires du Nord, par M. Rafn, 1, 19; 
Annuaire de l’université de Louvain, par M. de Ram, 1, 19; ouvrage ma- 
auscrit par M. Lorrain, I, 19; ouvrages par MM. Mathieu, Thonissen et 
Juste, 1, 19; note sur un appareil hydraulique, par M. le marquis de 
Caligny, 1, 87; tables géographiques d’Albateny , par M. Lelewel, 1, 160; 
pièce de vers, par M. Fenicia, 1, 261; ouvrages par MM. de Ram et 
Kervyn, 1, 261; médaille par M. Braemt, I, 553; carte des tempêtes et 
des pluies, par M. Maury, I, 542; ouvrages par M. Wins, I, 582, 529; 
ouvrage par la société d'Amsterdam, pour le secours des noyés, I, 282; 
ouvrage par M. Wauters, I, 455; ouvrages par les universités de Gratz 
et de Pesth, I, 474; ouvrage par le Ministre de la justice, I, 529 ; 11,509; 
ouvrages par MM. Quetelet et de Witte, I, 529; II, 510; deux médailles 
par le gouvernement du Hanovre, I, 750; ouvrages par MM. Borgnet, 
Babbage et Dieterici, I, 759; ouvrage par M. Bormans, II, 76; ouvrage 
par M. Chalon, 1, 160; 759; II, 76, 510; plan par M. Trappeniers, 11, 146; 
ouvrages par M. De Busscher, IT, 146; ouvrage par M. Leemans, II, 165; 
ouvrage par M. Victor Le Clerc, IT, 166; ouvrage par M. Alvin, Il, 255; 


TABLE DES MATIÈRES. 845 


ouvrages par MM. Grassi et Zeising, II, 295; ouvrage par le Ministre de 
l'intérieur , II, 509; ouvrage par M. De Longpérier, Il, 510; ouvrages par 
l'université de Kasan, 11, 618; ouvrage par M. Lepsius, I1, 719; ouvrage 
par M. Fr. Fétis, 719. 


E. 


Élections. — Élection du directeur de la classe des sciences pour 1857, I, 
3 ; élections du directeur de la classe des lettres pour 1857, I , 20; élection 
du directeur de la classe des beaux-arts pour 1857, I, 59 ; nomination du 
président pour 1856, I, 18; élection de deux associés dans la classe des 
beaux-arts, 1, 59; élection de deux correspondants et de quatre associés 
dans la classe des lettres, I, 550 ; élection d’un membre, d'un correspon- 
dant et d’un associé dans la classe des sciences, II, 798; réélection des 
membres de la commission spéciale de finances de la classe des beaux- 
arts, Il, 720; élection des candidats du jury pour le prix quinquennal des 
sciences naturelles, IT, 793. 

Épigraphie. — Inscription de la médaille destinée à M. H. Nève, Il, 75. 

Esthétique. — (Voyez Histoire de l’art.) 

Ethnographie. — Notice sur la classification des races humaines, par 
M. d'Omalius, Il, 799. 


G.. 


Géodésie. — Mémoire sur une nouvelle méthode de conduire et de calculer 
les triangulations géodésiques, par M. Biver, I, 99; rapports de MM. Liagre 
et Nerenburger sur ce mémoire, 1, 88, 92; sur les triangulations qui ont 
été faites, en Belgique, antérieurement à 1850, par M. Nerenburger, 
IT , 450. 

Géologie. — Gisement et formation de l'oligiste, de la limonite et de la 
pyrite, par M. Ad. De Vaux, IL, 69; notice sur la distribution de quel- 
ques fossiles carbonifères , II. 309 ; extrait d’une lettre adressée à M. De 
Koninck, par M. J. Hall, d’Albany, Il, 511. 

Gravure. — Sur les moyens de répandre le goùt des gravures nationales, 
par M. Ad. Siret, 1, 456. 


H. 


Histoire. — Note sur la progression régulière du produit de l'impôt en 
France, par M. Moke, 1,21; Amédée de Savoie, le comte Rouge, par 
M. Kervyn de Lettenhove, 1, 46; note sur l'accroissement de la population 


846 TABLE DES MATIÈRES. 


en France pendant le XVIII: siècle, par M. Moke, I, 164 ; notice sur la 
défense soutenue au château de Gand, par M®° de Montdragon (Guillemette 
de Chastellet), par M. Van Duyse, 1, 175; de la commune en Flandre, 
Jacques d’ Artevelde, par M. le baron de Gerlache, I, 180 ; un mot à M. le 
baron de Gerlache, à propos de la lecture de son esquisse de Jacques d’Ar- 
tevelde, par M. le baron de Saint-Genois, 1, 269; du jugement que l'his- 
toire doit porter sur Jacques d’Artevelde, par M. Kervyn de Lettenhove, 
1,277 ; — réponse de M. le baron de Gerlache aux observations de MM. Ker- 
vyn de Lettenhove et de Saint-Genois, sur Jacques d’Artevelde, 1, 507; 
recherches sur l'origine de la ville de Gand, par M. De Smet, 1° étude, 
1,585; 2° étude, 11, 124; quelques mots pour faire suite à ma notice sur 
Jacques d’Artevelde, par M. Kervyn de Lettenhove, 1, 401; examen cri- 
tique du système de M. Amédée Thierry, sur les origines belges et gau- 
loises, par M. Schayes, I, 412 ; fragment historique suivant les relations 
des papes et des princes chrétiens, particulièrement au XVI: siecle, vers 
l'époque de la réforme; discours par M. le baron de Gerlache, 1, 655; 
examen de la question : les deux Germanies faisaient-elle partie de la 
Gaule belgique, par M. Roulez, I, 765; rapports de MM. le baron de Saint- 
Genois et Kervyn de Lettenhove sur un mémoire de M. Moke, intitulé : 
La France au XIV: siècie. II, 76, 80; lettres sur l'identité de race des 
Gaulois et des Germains, par M. le général Renard, 1° lettre, II, 98; 
2e lettre, Il, 221 ; 5° lettre, IT, 560; rapports de MM. Arendt et Schayes 
sur ces lettres, II, 81, 87; rapport de M. Arendi sur les rapports du con- 
cours relatif au lieu de naissance de Charlemagne, 11, 166; note sur la 
seigneurie d’Agimont, à propos d’une monnaie, par M. Chalon, 11, 195; 
observations sur le nom français du monastère d'Espagne qui fut la re- 
traite de l’empereur Charles-Quint, par le clievalier Marchal, II, 204; 
quand est né Charlemagne, notice par M. Polain, IT, 550; note sur une 
ancienne bembarde conservée à la citadelle d'Édimbourg, par M. De Smet, 
II, 554; assassinat de Guillaume le Taciturne, par Balthasar Gérard, 
par M. Gachard, IT, 516; recherches sur les projets de partage des Pays- 
Bas, en 1566 et en 1571, par M. Th. Juste (1° partie}, II, 550 ; (2° partie), 
II, 668; Charlemagne quand est-il né? par M. Arendt, II, 699; Encore 
Charlemagne, par M. Polain, II, 716. 

Histoire de l’art. — Proposition de M. Fr. Fétis concernant la rédaction 
d’une histoire de l’art, I. 719; discours de M. De Keyser, lu dans la séance 
publique de la classe des beaux-arts, II, 286 ; observations de MM. Portaels 
et Alvin, concernant l’école belge de peinture à Rome, II, 578; sur le 
moyen de répandre le goût des gravures nationales, par M. Ad. Siret. 1, 
456; de l’art nouveau, par le même, IT, 605. 


TABLE DES MATIÈRES. 847 

L. 
Littérature. — Rapport de MM. le baron de Saint-Genoiïis et De Smet sur 
une note de M. Rotuer, intitulée : De l'avenir de Ja littérature nationale, 


II, 527; rapport de M. Arendt sur une notice de M. Vander Haeghen, inti- 
tulée : Cent proverbes tamouls, traduits et expliqués, IT, 512. 


M. 


Mathématiques pures et mathématiques appliquées. — Rapport de 
M. Maus sur un mémoire de M. Plateau, intitulé : Recherches expérimen- 
tales sur les figures d'équilibre d’une masse liquide sans pesanteur : 3e sé- 
rie, 1, 4; mémoire sur une nouvelle méthode de conduire et de calculer 
les triangulations géodésiques, par M. Biver, I, 88 ; rapports de MM. Liagre 
et Nerenburger sur ce mémoire , 1, 88,92; note sur le théorème inverse 
de Bernouilli, par M. Meyer, I, 148; rapport de M. Brasseur sur cette 
note, [, 97; rapport de M. Brasseur sur une note de M. Meyer, contenant 
une démonstration nouvelle du théorème de Bernoulli, I, 349; rapport de 
M. Brasseur sur un mémoire d’analyse de M. Meyer, 1, 754 ; démonstra- 
üon d’un postulatum d’Euclide, par M. Lamarle, Il, 408; note addition- 
nelle à cette démonstration, II, 637. 

Météorologie et physique du globe. — Renseignements sur les phénomènes 
observés en Italie au commencement de 1856, par M. Colla, I, 253; 
renseignements sur un globe de feu, par MM. A. Quetelet, Nerenburger, 
Liagre et de Selys-Longchamps, 1, 255; note sur la phosphorescence de la 
neige, observée le 5 décembre 1855, par M. Ghaye, I, 256; note sur 
l’inclinaison et la déclinaison de l'aiguille aimantée, par M. Ernest Quete- 
let, 1, 350 ; note sur les tremblements de terre ressentis en 1855, avec les 
suppléments pour les années antérieures, par M. Perrey, Il, 25; rapport 
de M. A. Quetelet, sur cette note, Il, 4; communication de M. A. Quetelet, 
sur lélectricité de l’air, Il, 23; étoiles filantes périodiques du mois d'août, 
par MM. A. et E. Quetelet, Blanpain et Duprez, I[, 298; lettre du docteur 
E. Heiïs, relative aux étoiles filantes, Il, 502; renseignements sur un 
bolide, IL, 305; lettre de M. Serpieri relative aux étoiles filantes, Il, 305; 
extrait d’une lettre de M. Colla concernant les phénomènes arrivés à 
Parme, au commencement de 1856, 11, 506; observations magnétiques, 
par MM. Lamont, Mahmoud et Ernest Quetelet, IT, 405; des observatoires 
du nord de l’Allemagne et de la Hollande, par M. Ern. Quetelet, IT, 480; 
sur le magnétisme de la terre dans le nord de l’Allemagne et dans la Hol- 
lande, par le même, If, 495; rapport de M. Ad. Quetelet sur un mémoire 


SAS TABLE DES MATIÈRES. 


de M. Malimoud, concernant l’état actuel des lignes isocliniques et isody- 
namiques dans la Grande-Bretagne, la Hollande, etc., Il, 620. 


Métrologie. — Lettre de M. Airy, relative aux étalons des mesures anglaises, 
1, 474. 
Musique. — Sur les progres de la facture des orgues en Belgique, dans les 


dernieres années, par M. F. Fétis, I, 254 ; sur les perfectionnements ap- 
portés à la facture des instruments à archet, par le même, I, 334; pre- 
mier rapport trimestriel de M. Demol, I, 710; second rapport trimestriel 
de M. Demol, If, 252; rapport de M. Fr. Fétis sur le concours pour les 
poëmes de composition musicale, I, 721. 


Ne 


Nécrologie. — Annonce du décès de MM. Muller et Wyttenbach, I, 19; an- 
nonce du décès de M. David d'Angers, 1, 59, 201; annonce du décès de 
M. le baron de Hammer-Purgstall, II, 666. 

Numismatique. — Note sur la seigneurie d'Agimont, à propos d’une mon- 
naie, par M. Chalon, II, 193. 


G. 


Ornithologie. — Additions à la récapitulation des hybrides observés dans la 
famille des anatidées, par M. de Selys-Longchamps, II, 6. f 

Ouvrages présentés. — I, 79,245, 337, 469, 721, 816; IT, 151, 274, 595, 
611, 821. 


P. 


Peinture. — Rapport de M. Alvin sur la question relative à la copie des ta- 
bleaux dans les musées de l’État, I, 202; observations de MM. Portaels et 
Alvin sur l’école belge de peinture, à Rome, IT, 578. 

Phénomènes périodiques. — Réception des observations faites, I, 2, 86; 
259, 343, 475; IL, 2, 158, 402, 618, 753; décision prise pour faciliter 
l'étude des phénomènes périodiques, I, 252; lettre de M. Maury concer- 
nant leur extension, II, 294. 

Philologie. — De la nécessité de fortifier, par l’enseignement, l'amour de la 
science, par M. Baguet, I, 262, rapport de M. Arendt sur une notice de 
M. Vander Haeghen, intitulée : Cent proverbes tamouls traduits et expli- 
qués, IT, 512. 

Photographie. — Renseignements donnés par M. le major Henry James sur 
des procédés pour la reproducfion des cartes, 1, 2; sur un procédé de 


TABLE DES MATIÈRES. 549 


gravure décrit par M. le major Henry James, par M. Nerenburger , 1, 155. 

Physique. — Rapport de M. Maus sur un mémoire de M. Plateau, intitulé : 
Recherches expérimentales sur les figures d’équilibre d’une masse liquide 
sans pesanteur : 5° série, ], 4 ; rapport de M. Plateau sur un travail de 
M. Montigny, intitulé : additions au mémoire sur la scintillation, 1, 731; 
sur les théories récentes de la constitution des veines liquides lancées par 
des orifices circulaires, par M. Plateau, I, 757 ; rapport de M. Ad. De Vaux 
sur une horloge électrique de M. Goetmaeckers, 1, 255; note sur quelques 
dispositions à donner à la marmite de Papin et sur un avertisseur élec- 
trique, par M. Melsens, IT, 511; rapport de M. Ad. De Vaux sur les hor- 
loges électriques de M. Gérard, II, 656. 

Poésie. — Une élégie de Properce, par M. Ad. Mathieu, 1, 495; concours 
pour l’anniversaire du 21 juillet 1856, I, 527; traduction en vers de l’épitre 
d'Horace à Méceène, par M. Ad. Mathieu. I, 709. 

Prix quinquennauzx. — Rapport verbal de M. Alvin sur le projet d’instituer 
un prix quinquennal pour la gravure en taille-douce, 1, 60; rapport de 
M. Ch. Faider, fait au nom du jury, pour le prix quinquennal des sciences 
morales et politiques, I, 656; rapport de M. le général Renard, fait au 
nom du jury pour le prix quinquennal d'histoire , I, 676 ; lettre du Ministre 
de l’intérieur concernant le dépôt des proces-verbaux des jurys pour les 
prix quinquennaux, Il, 2; prix quinquennal pour ja gravure en taille- 
douce, IT, 285; lettre du Ministre de l’intérieur concernant le prix quin- 
quennal des sciences naturelles, 11, 618. 


S. 
Statistique. — Note sur le progression régulière du produit de l’impôt en 
France, par M. Moke, I, 21; note sur l'accroissement de la population en 
France pendant le XVIII: siècle, par le même, 1, 164. 


Z. 


Zoologie. — Sur le développement des cysticerques, par M. Van Beneden, 
1, 258 ; rapports de MM. Schwann et Gluge sur un mémoire de M. d'Ude- 
kem, concernant des recherches sur le développement des infusoires, 1], 
159, 162; rapport sur des vers recueillis à la suite d’une pluie, par M. Van 
Beneden, IT, 3; note sur un Trématode nouveau du Maigre d'Europe, par 
le même, 11, 502; note sur l’'Octobothrium du Merlan et sur lAxine de 
l’'Orphie, par le même, 11, 643; additions à la récapitulation des bybrides 
chservés dans la famille des Anatidées, par M. de Selÿs-Longchamps, IT, 6. 


RE — 


ON PART. 5S 


ERRATA. 


Tome XXII, {re part., p. 255, ligne 9, au lieu de : M. Colla, directeur des 


travaux statistiques du duché de Lucques, lisez : 
M. Colla, directeur de l'Observatoire météorologique 
de Parme. 

p- 268, ligne 2, au lieu de se fusse, lisez se fait. 

p. 551, ligne 13, au lieu de La déclinaison, lisez L'in- 
clinaison. 

p. 428 (une élégie de Properce), vers 6, lisez ces bords. 
ibidem, notes, ligne 5, lisez Un des Titans. 

p. 454, ligne 18, au lieu de A1. Valerius, lisez Van 
Lérius. 

p. 709, M. le baron J. de St-Genois a éte porté par 
erreur comme signataire du rapport du jury pour le 
prix quinquennal d’histoire. 


- ame part., p. 375, ligne 22, au lieu de Douai, lisez Cambrai. 


p. 401, ligne 2 , au lieu de : séance du 6 novembre 4856, 
lisez : séance du 8 novembre 1856. 

p. 408, lignes 2et5, au lieu de : M. Lamine, membre 
de l’Académie , lisez : M. Lamarce, associé de l’Aca- 
démie. 

p. 569, ligne 2, au lieu de : séance du 5 octobre 1856, 
lisez : séance du 5 novembre 1856. 


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